Plan d'une tragédie intitulée Térentia - Denis Diderot - E-Book

Plan d'une tragédie intitulée Térentia E-Book

Denis Diderot

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Beschreibung

"Térentia" est le plan d'une tragédie classique en cinq actes mettant en scène des personnages antiques comme Cicéron ou Catilina.

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EAN : 9782335001754

©Ligaran 2015

Acte premier
Scène première

TULLIE, FULVIE.

(Le peuple romain est assemblé. Il s’agit de savoir qui sera consul, de Cicéron ou de Catilina.

La nuit précédente on avait tenté d’assassiner Cicéron dans sa maison.

C’est à la suite de cet attentat, c’est au milieu du trouble des comices que Tullie, fille de Cicéron, et Fulvie, amie et confidente de Térentia, s’entretiennent.)

Tullie peint l’effroi de la nuit dernière. Un avis secret, dont l’auteur est ignoré, avait sauvé la vie à son père. Les assassins avaient été saisis ; on les conduisait dans les prisons, lorsque d’autres hommes armés, amis ou ennemis, on l’ignore, ont assassiné les assassins, et coupé la trame du complot.

À une nuit terrible succède un jour plus terrible encore.

Peinture des comices.

Si pour se délivrer d’un concurrent, Catilina a osé projeter un assassinat, que n’osera-t-il point, si son ressentiment et sa rage s’accroissent encore par la honte d’un refus ? Que deviendrons-nous sous cet élève de Sylla… Dieux, sauvez Rome et mon père !

FULVIE

Les dieux veillent sur le Capitole, et ils viennent de montrer qu’ils veillaient sur votre père. Nommé consul, sa dignité et sa puissance feront sa sûreté.

TULLIE.

Mais si Catilina a la pluralité des suffrages ?

FULVIE

Son orgueil sera satisfait, et il abandonnera le projet de renverser un État soumis à son autorité.

TULLIE

Les scélérats sont cruels, et Catilina ne se croira point maître tranquille de Rome tant qu’il y restera un poignard et un bras généreux. Je n’entrevois dans un avenir funeste que le choix des malheurs, ou des discordes civiles, ou de la tyrannie.

FULVIE

Cet homme a de grandes qualités.

TULLIE

Ses vices sont plus grands encore.

(Peinture de la dissolution des mœurs amenée par Catilina : divorce de Cicéron et de Térentia, amené par les intrigues de Catilina. Il faut que Tullie convienne que Cicéron s’est trop pressé dans le jugement qu’il a porté de la conduite de Térentia.)

Scène II

CATON, TULLIE.

TULLIE

Parlez, Caton, sous quelles lois vivons-nous ?

CATON

Nous avons Cicéron pour consul.

TULLIE

Dieux de Rome, vous l’emportez !

CATON

(Récit de l’élection. Tumulte, cris, armes tirées ; image d’un combat. Cependant Cicéron s’avance, le bruit cesse. Il expose au peuple l’attentat de la nuit dernière ; il produit l’écrit qui le prévient du péril qu’il a couru. Les regards indignés se tournent sur Catilina, et Cicéron est élu.)

TULLIE

Et l’on ignore le généreux citoyen ?…

CATON

Dites le lâche qui s’abaisse au rôle clandestin de délateur. Il ne faut rien attendre d’Antoine, collègue de Cicéron ; c’est un esprit flottant qui ne sera jamais que du parti le plus fort. Et César… Puisse César aimer toujours sa patrie !

TULLIE

Comment Catilina soutient-il sa disgrâce ?

CATON

Froidement en apparence, en homme accoutumé à maîtriser ses mouvements.

Scène III

TULLIE, CATON, CICÉRON, accompagné de CÉSAR, de CATILINA, de CÉTHÉGUS et autres Sénateurs, et LE PEUPLE, qui crie : « Vive Cicéron ! Vive le consul ! »

TULLIE, se précipitant entre les bras de son père.

Mon père, recevez mon hommage et mes vœux.

CICÉRON

Romains, j’avilirais votre choix, si je m’en avouais indigne.

(Il peint l’état orageux de la République.) Les circonstances me demandaient. La pointe de leurs poignards dirigée sur ma poitrine vous désignait assez l’homme dont mes ennemis et ceux de la République redoutaient la vigilance. Je justifierai votre attente, je justifierai leur crainte ; je les en préviens, mon œil éclairera tous leurs pas. S’il en est ici quelques-uns qui m’entendent, je les exhorte à renoncer à des projets qui les conduiraient à une perte infaillible. Peuple, dormez, Cicéron veillera pour vous.

LE PEUPLE

Vive Cicéron ! Vive le consul ! Que les dieux veillent sur lui !

CATILINA

Consul, tu dis que dans les ténèbres de la nuit dernière on a attenté à ta vie ; tu le dis, je veux le croire. Tu as osé tourner sur moi le soupçon de ce forfait. Au lieu des assassins que tu as saisis et qui ne sont plus, tu produis un écrit d’une main inconnue. Ou tu trouveras l’auteur de cet écrit, ou tu seras un calomniateur. Tu es consul, mais, ta dignité ne t’affranchit pas des lois. Sénateurs, où en sommes-nous, si l’on dispose ainsi de notre honneur !

CICÉRON

Je ne t’accuse point, je ne t’ai point accusé ; c’est toi-même qui te montres dans ce moment. Innocent ou coupable, tu es également indiscret ; innocent, tu ne dois que du mépris à un faux accusateur ; coupable, tu dois garder le silence. Si ce peuple te juge capable d’un crime, demande raison à ce peuple de l’injure qu’il te fait. Il se justifiera sans doute. Pour moi, je ne demande pas mieux que de te satisfaire en découvrant l’auteur d’un avis auquel je dois la vie, et Rome, peut-être son salut. Romains, la couronne civique à celui qui m’a transmis le billet que voilà ; qu’il se nomme sans crainte. Mon consulat s’ouvre sous les plus heureux auspices : je viens d’apprendre que Pompée a soumis le Pont et l’Arménie. Il ramène ses guerriers.

CATILINA, à part.

Entends-tu, Céthégus ?

CICÉRON

Nous devons des actions de grâces aux dieux et des fêtes au peuple. César, je vous charge de ce soin.

LE PEUPLE

Vive Cicéron ! Vive le consul !

Scène IV

CATILINA, CÉTHÉGUS

CATILINA

(Il exhale sa fureur contre le peuple, contre Cicéron auquel il se compare. Un rhéteur ! un homme d’hier !)

CÉTHÉGUS.

Ce peuple est peut-être plus sage que tu ne penses. En t’élevant au consulat, il te réunissait aux grands, et son vengeur disparaissait. Mais dis-moi par quelle étrange politique tu forces un traître à se montrer.

CATILINA

C’est qu’il m’importe de le connaître, et que je le crains moins à découvert que caché.

CÉTHÉGUS

Dis-moi, qui as-tu vu ? À qui as-tu parlé ? Qui nous trahit ? À peine le projet est-il formé qu’il est su.

CATILINA

Je ne soupçonne que Térentia ; elle hait son époux, mais elle est Romaine.

CÉTHÉGUS

Et ce soupçon, comment l’éclairciras-tu ?

CATILINA

Comment ? en lui proposant de m’épouser. Si elle accepte, c’est un autre qui m’a trahi ; si elle refuse, c’est elle.

CÉTHÉGUS

Et sur son refus, quel parti prendras-tu ?

CATILINA

De la tromper et de la faire servir mes projets, en la faisant parler à mon gré.

CÉTHÉGUS

Et si elle accepte ; Térentia n’étant plus coupable, où trouveras-tu le traître ?

CATILINA

Je ne le chercherai pas ; je suis en sûreté. Chaque conjuré ne sait encore de mes desseins que ce qu’il en doit savoir pour son rôle. Écoute, cet attentat de la nuit dernière pouvait échouer, mes assassins pouvaient être saisis, comme il est arrivé. Eh bien, j’avais pourvu à leur silence.

CÉTHÉGUS

Et c’est toi qui les as fait assassiner ?

CATILINA

Moi. Je connais le consul ; c’est un homme timide, il compromettrait sa tête en demandant la mienne. Que dirait-il ? que je hais les grands ? on ne l’ignore pas. Que je hais leur tyrannie ? j’en fais gloire. Hâtons-nous seulement ; tout est prêt. Manlius a soulevé l’Étrurie, je puis compter sur vingt mille hommes. Ajoute à ces braves soldats la foule de ces débiteurs qui ne demanderont pas mieux que de s’acquitter avec un poignard.

CÉTHÉGUS

Et ce traité avec les envoyés des Gaules ?

CATILINA