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Si des encyclopédies et des "IA" prétendent que sur chaque sujet, elles ont, sont, les réponses, la lecture de celles-ci conduit souvent à la conclusion que les promesses ne sont pas tenues, parce que des questions restent sans aucune réponse, parce que des questions ne sont pas posées. Les nouvelles générations peuvent se réjouir : il y a bien du travail pour elles, et cet ouvrage entend le démontrer à propos des Dialogues de Platon. De ceux-ci (2000 pages dans une édition récente en un seul volume), ce livre est une "introduction" : 30 ans après un travail universitaire consacré à Platon, préparatoire à une thèse en Philosophie, de nombreuses lectures et recherches sur le sujet, des années d'enseignement, il s'agit, par ces 5 entrées, Muthos (les récits), Mystères (l'expérience et ses secrets), Tragédies (l'Histoire et ses représentations), Dialogues (la relation humaine idéale), Logos (la Parole), de révéler l'ensemble de la structure de cette pensée, ses conditions, ses problématiques, objectifs, dons. Dans ses principes, il y a la Musique, décisive, pour désigner toute la culture, le corps humain si particulier, avec, par exemple, ses visions, l'importance des autres êtres humains (au point que le dernier grand personnage des Dialogues est appelé, simplement, "l'Étranger"), la construction de nos communautés, le projet d'une meilleure pensée, d'une meilleure Parole, pour une meilleure Communauté, enfin, unie - parce qu'il n'est pas possible de comprendre cette pensée sans connaître ce problème des Grecs, leur penchant pour les querelles et pire encore. La pensée de Platon est autrement plus complexe, subtile, puissante, que ne le dit la fameuse caricature par Karl Popper (Platon, totalitaire !). Si elle peut être contredite, critiquée, il faut au moins la connaître réellement. Des anti platoniciens explicites, comme Nietzsche, ont pu y prétendre mais n'ont rien proposé qui soit à la hauteur. Pour affronter un géant, qui n'est pas un cyclope, il ne faut pas se réduire à la négation infantile, à la réduction caricaturale, puisqu'il faut en avoir une véritable connaissance et se connaître soi-même, ce qui n'est pas aussi facile qu'on peut le croire et le dire. Si Platon a bien perçu et évoqué l'existence et l'impression publique des prétentieux, il n'a que faire de ces tricheurs, ceux qui font semblant. Et nous ? Il appartient à chacune, chacun, de décider où elle et il se situent. Des compléments sont à découvrir sur www.platon-dunamis.art
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Seitenzahl: 208
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Pour celles et ceux qui s’obstinent à ne pas abandonner les idéaux d’une fraternité sans exclusion
Introduction
Muthos : peupler les espaces pour
Mystères : ce qui nous dépasse tant et si souvent
Tragédie(s) : répéter les mêmes schémas ou
Dialogue(s) : changer l’Histoire
Logos : parler autrement, mieux, ne pas se contenter de l’acquis
Conclusion,
Des Grecs anciens, une autre Histoire
Pour constituer une bibliographie
Pour écrire à l’auteur
« Et je ne peux pas ne pas reconnaître, dans les autres amateurs ou amoureux de Platon que je rencontre, la même attitude intellectuelle, que je n’ose pas dire « morale », parce que c’est un nom bien pompeux, mais, disons, la même attitude de vertu intellectuelle. Cette attitude se résume en un mot : la dissidence. Platon est un penseur de la dissidence. »
Monique Canto, dans « Le Séminaire - Pour aujourd'hui : Platon ! », Alain Badiou
« J'appris que, juste en dessous de la surface, il y a un autre monde, et puis encore différents mondes lorsque vous creusez plus profondément. Je le savais quand j'étais gamin, mais je ne pouvais pas en trouver la preuve. C'était juste comme un pressentiment. Il y a de la bonté dans le ciel et les fleurs, mais une autre force, une douleur sauvage et décadente, accompagne également le tout. »
David Lynch
« ce que l'on veut saisir ici, c'est l'incarnation des idées, des théories, dans l'expérience, dans la pratique d'hommes qui vivaient il y a fort longtemps, plusieurs millénaires parfois, et dont nous nous sentons pourtant, paradoxalement, fort proches. À tort : car leurs mondes sont aussi éloignés du nôtre que celui des Papous ou des Iroquois » (...) « Car faire apparaître l'altérité exotique de l'Antiquité, c'est immédiatement, du même coup, faire apparaître l'inadéquation des représentations « spontanées » que nous en avons. »
« La Philosophie Antique », Pierre Vesperini,
Il y a trente ans, l’auteur de ce livre a élaboré un travail universitaire, préparatoire à une Thèse en Philosophie, rédigé à l’occasion d’une 5ème année d’études, dans une UFR de Philosophie, à Toulouse le Mirail, avec ce titre, « Muthos, Mystères, Tragédies, Dialogues, Logos - à propos de Platon ». À partir de ce travail, une proposition de sujet de thèse avait été adressée à Jean-François Mattéi (1), le professeur de Philosophie, spécialiste de Platon (et pas l’ancien ministre de la Santé, homonyme), lequel avait accepté de la diriger. Depuis, les œuvres (2) de Platon ont été lues, relues, travaillées, ainsi que tant des œuvres des spécialistes. Et, après trente ans de travail constant, de lectures, de questionnements et d’analyses, il a bien fallu constater que la présentation dominante de Platon dans l’espace public, via les encyclopédies, les synthèses « grand public », n’est pas satisfaisante, est, quasi systématiquement, réductrice, tronquée, biaisée. C’est pourquoi ce travail universitaire a été, dans son titre et dans sa logique, repris ici, mais publié avec nombre de nouveautés, des précisions, une autre structuration, etc. Ce qui, en 1994, était une esquisse se trouve donc ici, repris, réécrit, et ce grâce également aux années de l’exercice de l’enseignement de la Philosophie. Synthèse en une centaine de pages, elle n’est pas comparable à une Thèse, dans le volume et dans les références, sources. Là, il ne s’agit pas de tout démontrer de ce qui est dit, à la différence de ce qu’il faut faire dans une Thèse, mais il s’agit aussi d’inciter le lecteur/la lectrice, à vérifier les choses. Il s’agit plutôt d’acter un certain nombre de constats, d’énoncer quelques perspectives novatrices, des hypothèses, proposer des analyses - et un ouvrage postérieur d’une tout autre ampleur, fondé sur une Thèse universitaire ou non, viendra confirmer et amplifier ce qui est ici et ainsi énoncé. Sur l’œuvre de Platon, le propos est donc, comme le titre l’indique, d’affirmer l’existence d’une structure, par des pratiques, des intentions, liées à des expériences humaines concrètes. Quand il s’agit de parler de « LA » Philosophie, il est fréquent d’entendre parler rapidement de « pensée », « idées », mais étant donné que « pensée » et « idées » apparaissent par et pour le langage de Platon, c’est donc cette matrice qui importe - et c’est ce que cette structure identifie par ses deux pôles, Muthos et Logos. Parmi les récits/discours, il y a des discours « philosophiques », distincts d’autres. Or Platon ne se contente pas d’un type de discours, avec, le dialogue raisonnable motivé par des questions, « qu’est-ce que c’est ? », « qu’est-ce que cela veut dire ? », « qu’est-ce que cela implique ? », puisqu’il s’est fait l’auteur d’histoires inédites, de la vie de Socrate à l’histoire/Histoire de l’Atlantide. Récits : mythes, légendes, Mystères (expériences religieuses, cultuelles), Tragédies (spectacles saisissants, terrifiants), Dialogues, et « Parole pure », les œuvres sont ces récits, associés, et il est étonnant que peu se soient étonnés de ce qu’il a fallu comme volonté, force, pour élaborer près de 30 Dialogues, parfois, si longs, et si novateurs, à une époque où les moyens pour l’élaboration et l’expression, intellectuelles, étaient moindres que les nôtres. Ce court ouvrage est ainsi destiné à tous les citoyens, mais aussi aux élèves de Terminale, aux étudiants des facultés et des grandes écoles. Il invite à « prendre la mesure », fidèlement à la définition de l’humain par Protagoras, à son sens objectiviste et non relativiste, d’une œuvre, de ses conditions, à ses visées et à ses effets, et ce en lien avec la vie même de Platon, avec la création de la première école-Université, de l’Histoire, « l’Académie ». Prendre la mesure, ce n’est ni se permettre telle ou telle réduction, ni décider d’emblée de son sens, ses motivations, de l’existence historique de l’Atlantide ou non, mais, dans la foulée de Socrate et Platon, prendre en compte, tenter de comprendre, interroger et s’interroger. πάντων χρημάτων μέτρον ἐστὶν ἄνθρωπος/ pántōn chrēmátōn métron estìn ánthrōpos, la célèbre formule de Protagoras, souvent traduite (3) par « l’Homme est la mesure de toute chose », dit, inversement, « De toutes les choses qui sont la mesure est l’Homme » : contrairement à l’interprétation subjectiviste-relativiste que Platon énonce et contre laquelle il proteste justement, une mesure n’est pas un acte dont l’intention et la production dépendent de la pensée et de la volonté, d’un individu, en fonction de son humeur, de ses envies, etc. TOUTES nos mesures en sont la démonstration : établies à partir d’unités, ce qui est calculé est obtenu de manière rigoureuse, si chacun peut être en accord avec le résultat. Ainsi, ce travail se comprend entre un exposé scientifique et une partie, interprétative. Et si l’humain est à luimême sa référence, par exemple, par sa taille, c’est qu’il est infiniment grand au regard de l’infiniment petit (comme si nous étions des Dieux), et infiniment petit au regard de l’infiniment grand, et, à l’âge adulte, pour les personnes qui ne souffrent pas d’une maladie du développement corporel, la taille moyenne est comprise entre 1,50 m et 1,90 m/2m, avec une variation d’environ 50 cm. Mais si l’auteur de ce livre a fait une partie importante de ce travail, une autre partie doit être impérativement assurée par le lecteur, la lectrice : à la différence des encyclopédies, de certains sites Internet, des « réponses IA », il n’y aura pas ici une réponse à toutes les questions présupposées par l’œuvre, mais celles qui sont ici exprimées sont suffisantes pour continuer un travail, seul. Si un livre de qualité sur une telle question donne des réponses à certaines questions, y compris celles qu’il énonce pour la première fois, un tel livre ne peut pas être une « FAQ », dans laquelle il s’agirait d’aller puiser telle réponse à telle question. L’usage de la langue est, aussi, poésie, pensée explicite et implicite, « provocation », destinée à susciter des réactions, chez celles et ceux qui le pourront et le voudront. Comme Jacques Annequin le dit à propos du travail de Marie-Laurence Desclos, intitulé, « Aux marges des dialogues de Platon. Essai d'histoire anthropologique de la philosophie ancienne » (Ed. Jérôme Milion), il faut impérativement associer « une pratique anthropologique de l'histoire de la philosophie », à savoir « un intérêt pour la dimension sociale et culturelle, en d'autres termes pour les éléments de civilisation... », pour comprendre que l’étude historique et la pensée philosophique ne sont pas des « disciplines établies et séparées », mais des « « andres pliilosophoi kai politikoi », intéressés aux affaires humaines et engagés dans les luttes politiques de leurs cités ». Dans « Socrate l’Athénien », Pierre Brulé écrit dans le premier chapitre, « Pour lui », Socrate, « et ses contemporains », point de « planète », de « Terre », point, même, de « pays », de « Grèce », bien peu d’« Hellènes », autant de concepts qui n’y fonctionnent pas, mais une « cité », des « Athéniens », un « démos ». Des 800 à 100 cités, en connaît-il le dixième ? ». Effet d’une pensée intellectuelle rigoureuse, Pierre Brulé se tient à une « attention de tous les instants » pour « lutter contre le fait de ramener Socrate à soi », afin de « ne pas l’aborder comme s’il pensait comme moi ». En amont d’une telle enquête d’identification et compréhension, sur Platon (et donc Socrate), il n’est pas possible de commettre le moindre anachronisme, x centrisme, de faire son propre portrait à la place de, d’attribuer à un tel penseur des « idées », qui ne sont pas les siennes. Or, comme pour Karl Marx, la mort du penseur rend possible l’apparition de « l’isme », des « ismes », avec le « platonisme », les « platonismes », à commencer par les écrits d’Aristote, première traduction-trahison de la pensée platonicienne (4). L’une des volontés de l’auteur de cette introduction à la pensée de Platon est ainsi de distinguer, d’inciter à distinguer, entre ce qu’elle dit et ce qui est dit d’elle, de démontrer qu’il n’y aura pas de compréhension de son propos, en passant par des résumés encyclopédiques, algorithmiques (« IA »), parce qu’il faut la lire dans son extension, ses détails, ses précisions, ses obscurités, volontaires, destinées à requérir du lecteur qu’il devienne celui qui éclaire ses « zones d’ombre »... C’est ce dont l’auteur de ce livre a fait l’expé-rience : lisant Platon, par exemple, « La République », lisant des « commentaires » publiés par des spécialistes connus et reconnus, il a constaté que tant, voire, tous, faisaient l’impasse sur des aspects du propos de Platon, de sa structure, par exemple, avec le cadre culturel, cultuel, et politique, du premier livre (cf. le chapitre suivant). Et c’est aussi et ainsi que, pour une telle volonté, ce livre est synthétique et court, afin que, à partir de quelques entrées décisives, chaque lectrice, chaque lecteur, puisse avancer de manière plus dynamique et créatrice. C’est que, si à leur époque, dans leur monde humain ambitieux mais limité, il n’y avait pas de « représentations du tout », terrestre, cosmique, outre le fait qu’ils étaient hantés par leur importance, il a été démontré, depuis, à quel point le fait de pouvoir situer et se situer, dans une représentation d’ensemble, aide à avancer - ce que nos outils de positionnement géographique nous donnent, sur nos téléphones et ordinateurs, ce que des auteurs, pertinents ou non, prétendent donner sur, un artiste, un courant culturel, une « Histoire ». Un des « acquis » de la pensée philosophique, depuis cette « création » grecque (en grec ancien, la « poïesis »...), est, précisément, pour penser, de ne rien tenir pour acquis, d’emblée : il ne s’agit pas de partir de pseudo-évidences, sur, les individus, Platon, Socrate, sur cette Grèce ancienne, qui, ainsi formulée, a le défaut d’être « unifiée », alors que TOUTE l’Histoire de ces Grecs aura été caractérisée, déterminée, par des conflits, des haines, des crimes, une violence permanente (diverse), par une ABSENCE d’une fraternité suffisante, laquelle leur aurait permis de construire des cités prospères ET durables, parce que solidaires - cette violence est un FAIT anthropologique tellement important que Platon construit, sur et contre, une pensée, destinée à aider ses frères grecs à sortir de l’ornière dans laquelle ils se sont placés. Bien que les Grecs aient vécu dans de telles divisions, structurelles, durables, puissantes (cf. le chapitre sur les Tragédies), des livres sont intitulés, « Histoire de la Grèce antique », comme d’autres aujourd’hui parlent de « l’Islam », au singulier, également du Christianisme, alors que la réalité historique aura été et est encore, diverse, divisée. Seuls celles et ceux qui ne connaissent pas encore l’Histoire de la Grèce peuvent craindre un « spoiler », mais, pour leur permettre de faire leurs recherches, pour qu’il y ait du suspense, il est préférable de se taire. Pour les autres, elles et ils savent. Cette simple différence, entre l’ignorance et la connaissance, la pensée philosophique, donc la pensée platonicienne, aura été la première à la constater, et à la travailler, dans des proportions inouïes - là où, à notre époque, tant prétendent ne voir que des « évidences ». Au début du « Critias », le fameux dialogue à l’occasion duquel le « mythe de l’Atlantide » prend corps, par l’évocation de la parole d’un « étranger », un Égyptien ose dire à son interlocuteur, le mythique lui-même, Solon, que les Grecs sont, eu égard à l’Histoire, comme des « enfants », parce qu’ils n’en connaissent que l’écume, mais cette remarque vaut pour tous les citoyens du monde, à chacune de leur époque, et il est bien connu que, en Occident par exemple, tant de citoyens, pourtant sis dans des environnements surinformés, ne connaissent pas la géographie du monde, et, de manière très superficielle, l’Histoire du monde. Mais qui peut « être au monde », d’une manière digne et ambitieuse, avec tant d’ignorances ? La pensée philosophique, donc la pensée platonicienne, ne plaisante pas avec « l’ignorance » : révélée par tant de prétentions et de prétentieux qui, dès lors qu’ils parlent, énoncent des fictions par comparaison avec les réalités, l’ignorance peut souvent paraître banale, anodine, superficielle, mais elle pèse partout, dans les relations humaines, dans les projets, les actions. Et c’est ce qui motive une colère socratique et platonicienne contre ceux qu’ils désignent, pour les siècles, pour nos langues, des « sophistes » (5) : producteurs et diffuseurs d’ignorance, voilà que nous sommes confrontés à des « imbéciles heureux », fiers d’eux. Aussi, pour paraphraser la célèbre formule inscrite au fronton de « l’Académie », cette première école, une autre œuvre de Platon, faut-il dire ici, « que nul n’entre ici s’il est un imbécile heureux », ou « entrez ici, surtout si vous êtes un imbécile heureux »... ? Qu’est-ce que vivre, en tant qu’humains, comme si nous étions les premiers ?
Des siècles, millénaires, de l’Histoire humaine, qui nous ont précédé, nous fréquentons, passons près de, à l’intérieur de, des ruines de, Temples, presque partout, des « pyramides », en quelques endroits, des aqueducs romains, des villas, à Pompéi, des tombes en Égypte, mais aussi des textes, des « courants de pensée » : la plus grande partie de notre pensée consciente nous vient de ce que des vivants ont eux-mêmes pensé, inventé, énoncé, construit, dont ils ne peuvent, désormais, plus rien dire, ajouter, préciser, retirer, puisque, par la mort, ils ont été, comme Socrate condamné à l’absorption de la ciguë, tétanisés, pour l’éternité. Ils faisaient vivre leur monde, et, désormais, ils restent des parties du squelette collectif, de leur corps-culturel, qui, comme le célèbre Sphinx, se tait. Mais, comme pour nous, rien ne fut plus important et plus beau que leur présent, ce temps, ce temps-don, ce temps par lequel ils ont fait des dons : ce qui, brièvement, a pu appartenir à, est devenu la propriété collective, et, en France, nous parlons de « patrimoine ». Mais, pour donner dans le Temps, il faut donner plus que du temps, lequel, par essence, « passe » : il faut donner quelque chose qui ne « passe » pas, que le temps ne fait pas évaporer, n’efface pas, facilement. Sans surprise, les pierres durent. Les écritures (6) sur les pierres qui durent, durent, si elles ont été gravées si fortement que la corrosion ne les efface pas - les écritures sur des papyrus durent, si ceux-ci ne brûlent pas, comme ce fut tragiquement le cas avec l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, si ceux-ci parlent encore à des vivants, les intéressent, s’ils en transmettent le nom, les idées. Ce sont les vivants qui sont maîtres de ce qu’ils connaissent, et ignorent : dans le présent, se décide de ce qui devient mémoire et de ce qui devient oubli, oublié - de ce que nous ne nous souvenons même pas avoir oublié... Les ex-vivants dépendent des vivants présents, pour être également, anéantis dans la mémoire humaine, ou au contraire, évoqués, invoqués, rappelés à la « vie » par l’énoncé du nom, et de tout ce qui lui est rattaché. Si le nom de Louis XIV est, bien entendu, toujours présent parmi nous, si tant d’heures d’enseignement sont consacrées à un Narcisse-tyran, présenté encore sous de beaux atours, combien de celles et ceux qui sont morts de froid, avec l’hiver 1709, par exemple, des nouveau-nés que le froid intense a tué, ont ainsi totalement disparu de la mémoire collective ? Des 80 à 100 milliards d’humains qui ont vécu (7), entre les premières générations humaines et nous, combien de nos aïeuls ont été totalement oubliés, ont disparu, parce que, de leur temps, il n’y avait ni registres de, ni papiers, ni peintures ni photographies ni films... ? Parce que nous sommes là, nous savons qu’ils furent là, mais ils sont dans l’ombre, sans visage ni nom. Et si la bibliothèque d’Alexandrie a brûlé, c’est qu’un de ce Temps a voulu faire passer à la postérité son nom, mais, comme les Romains le pratiquaient, « l’abolitio memoriaela », la « damnatio memoriae » (8), il se justifie de faire d’un criminel qui a aussi agi pour, comme Achille, s’immortaliser, au contraire, effacer son nom - le criminel inconnu. Et à l’inverse, il faut constater que, dans les vivants qui sont présents, qui décident de tout, des ex-présents le sont encore, par la répétition sans cesse répétée, de leurs noms, de leur histoire, réelle ou supposée, - desquels il n’est nul besoin ici de faire de même... Même si des destructeurs sont restés dans les mémoires, par l’intensité de leurs destructions, ce sont les constructeurs, celles et ceux qui ont participé à des constructions qui ont survécu jusqu’à nos jours qui, via leurs constructions, sont restés dans la mémoire, parce qu’ils sont restés dans le présent des vivants. Puisque, pour qu’il y ait mémoire, il faut qu’il y ait un contact significatif entre la conscience et un élément, afin qu’il y entre, même provisoirement : il faut comme rendre présent ce qui n’est plus, ce qui n’est pas, là. Face au Colisée à Rome, il n’y a aucune difficulté pour le « rendre présent » : ses pierres associées et toujours liées, le font immédiatement entrer dans les consciences, les perceptions. Mais une œuvre disparue ne rentre dans la mémoire que s’il y a eu une recherche ou, la chance dans le « hasard ». Les œuvres de Platon n’ont pas toujours été disponibles, entre le moment de leur écriture et notre époque : pendant plusieurs siècles, elles avaient disparu, et on aurait pu penser que, comme tant d’œuvres de l’Antiquité, souvent détruites volontairement par des « djihadistes de l’Unique », elles l’avaient été également. Éclipsées pendant près d’un millénaire, elles avaient été conservées au Proche Orient, entre l’actuelle Syrie et l’actuelle Irak, placées sous la tutelle de dirigeants locaux, prémusulmans puis musulmans, après qu’ils aient conquis ces territoires, puisqu’ils les ont protégées, avant de nous les transmettre, au tout début de ce que nous appelons de manière discutable « la Renaissance ». La conservation de ces près de 30 œuvres mérite d’être qualifiée de « miracle ». Nous avons, envers ce monde musulman (9), une dette, immense, et l’auteur de ce livre profite de cette occasion pour remercier ces hommes et ces femmes qui, précisément, n’agirent pas comme des « djihadistes », fanatiques, obscurantistes - puisque là où de tels « djihadistes », chrétiens, ont agi en force, les œuvres ont disparu (cf. Le livre, hélas, non traduit à ce jour, de Catherine Nixley, « The Darkening Age : The Christian Destruction of the Classical World ». Or, pour désigner cette capacité à conserver dans la conscience des éléments passés, disparus, la langue grecque a donné à Platon un mot fondamental, central dans sa pensée : la « vérité », en tant que « mémoire », « l’aléthéia ». De Platon, quelles sont les « vérités », objectives et pas relatives ? De quoi pouvons-nous, par et sur cette œuvre, nous souvenir, soit, par l’intégration de connaissances objectives, historiques, anthropologiques, soit par notre propre mémoire ? Pour notre chance, les œuvres ont été copiées, recopiées, pour être, par la multiplicité des copies répandues partout à travers le monde, protégées, de tout feu qui détruirait une de nos bibliothèques d’Alexandrie - mais survivraient-elles au feu nucléaire d’une guerre planétaire ?
Et comment penser ce risque, ce danger, cette « folie », ce crime, contre l’espèce humaine et le vivant, sans identifier la violence « tyrannique » (10), qu’elle soit celle d’un « chef d’État », ou d’un terroriste indépendant inconnu, qui allumerait le feu d’un domino exterminateur ? De ce Dangereux par « excellence », la Bible propose des figures, mais aucune analyse, alors que « La République » travaille, sur 10 livres, et quels livres, ce fait anthropologique fondamental - mais le premier est lu... religieusement, et le second est, par comparaison, peu lu, ou mal lu. Bien que le mur social puisse être, encore et encore, tragique, il ne faut pas désespérer, ni Billancourt, ni tant d’autres lieux humains, et tenir bon, tête, parce que le vent mauvais des époques médiocres, ou lamentables, finit par passer - à la condition qu’il ne soit pas le dernier. Ce livre existe aussi pour exprimer le désir que de nouvelles générations humaines aient leur chance, que nous cessions d’être aussi négatifs, entre nous, envers le vivant, qu’un monde meilleur, absolument possible, puisse apparaître, grâce à des efforts titanesques, des uns et des autres. Et si tel est le cas, l’auteur qui aura disparu, salue les créateurs et les citoyens de ce monde nouveau, enfin, fraternel. L’œuvre de Platon est portée par cet espoir, ce « rêve », cette possibilité, et ce parce qu’elle n’est pas une œuvre, d’abord et avant tout, « académique », telle que, désormais, dans les Universités et grandes écoles, il est demandé, requis, imposé, de travailler et produire. Or, s’il y a « académisme », c’est parce qu’il y a eu « Académie », cette première école-Université, qu’il faut intégrer à l’œuvre platonicienne, comme il y a eu le « Lycée », cette seconde école-Université, par la volonté d’Aristote. Mais le projet académique de Platon est-il réalisé par nos grandes écoles et universités ? Pour conclure cette introduction, il faut préciser que ce livre n’existe pas pour répéter ce qu’il est possible de lire partout ailleurs : pas de biographie succincte de Platon, etc. Nulle nécessité, intérêt, de perdre de l’espace et du temps. Aussi, ce que vous allez lire après, n’est pas classique, « académique », déjà dit et rabâché. L’auteur a-t-il raison ou tort ? C’est ce qu’il vous appartient de décider.
Notes :
(1) Cf. L’ensemble de l’œuvre de Jean-François Mattéi, dont « L’étranger et le simulacre », son « Que Sais-Je ? ».
(2) Cf. Le « Platon, œuvres complètes », dirigé par Luc Brisson, Editions Flammarion
(3) La traduction en français du grec ancien, une langue dont tous les locuteurs ont disparu, sans descendants, est une problématique majeure, parce que les langues n’ont pas nécessairement les mêmes mots avec les mêmes sens, parce qu’il y a des nuances de significations, implications, notamment par des références culturelles qu’une bonne traduction ne peut même transmettre. Le fait de ne pas connaître le grec ancien ne doit pas empêcher des francophones de lire Platon. Il faut que les traducteurs soient les meilleurs, honnêtes, explicites, ouverts et disponibles aux dialogues avec les spécialistes et les lecteurs. Il ne faut donc pas seulement des qualités techniques aux traducteurs... Il faut penser à les remercier pour un travail d’une telle difficulté. Et, de ce point de vue, la traduction de « La République » par Alain Badiou, une tentative, réussie, de traduction pensée et pensante.
(4)De ce « rapport », entre un maître, et un élève, un élève qui finit par devenir un maître, entre Platon et Aristote, il n’y a pas de travaux universitaires, de livres, consacrés à, dignes de ce nom. S’il est certain que le manque de sources contribue à, le sujet est, pourtant, majeur, puisque, pendant plusieurs siècles, Aristote a été le tuteur de la pensée dans les pays d’Europe, et qu’il continue d’être une référence, alors qu’il aura été le premier anti-platonicien de la longue Histoire de ce courant intellectuel.
(5) À la différence de ce rapport Platon/Aristote, le sujet de la sophistique, des sophistes, a été amplement traité par de nombreux auteurs, notamment à partir du 20ème siècle. Platon identifie ces individus, ces pratiques, en expose le sens, les conditions, les problèmes - ces « techniciens et techniques de la performance » discursive.
