Recueil inspirant de 100 témoignages sur les cancers unissant malades, aidants et soignants, il souhaite ainsi offrir une tribune aux CancerBloomers, ces battant.e.s qui ont su rebondir pendant ou après un cancer.
C My new me (C’est mon nouveau moi) est un collectif qui donne la parole aux malades du cancer. Les portraits partagés sur les pages Facebook, Instagram et sur leur site racontent le cheminement de ces hommes et femmes que nous appelons « Cancerbloomers ». D’abord impuissants face à la maladie, ils ont parcouru chacun à leur façon le chemin pour reprendre leur vie en main et reconstruire leur « moi ». Ils manifestent ainsi leur soif de vivre de multiples manières : création d’une association, lancement d’une entreprise, reconversion, défi sportif, écriture, projet artistique, etc. Au lieu de se demander si tout redeviendra comme avant, il est permis d’imaginer quelque chose de plus beau après. Ils prennent ici la parole et se projettent avec ferveur dans l'avenir. b
À PROPOS DE L'ASSOCIATION C MY NEW ME
L'Association C my New Me a pour mission de lever le tabou sur le cancer. Face à ce fléau qui condamne et isole, libérer la parole est le meilleur des remèdes pour que les malades et leur entourage ne se sentent plus jamais seuls face au cancer ! Luz d’Ans fonde C my New Me en octobre 2018 et figure parmi les treize « femmes de santé » nommées en 2021. Luz est coach exécutive et professeur de leadership, entre autres à Sciences Po Paris.
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Seitenzahl: 254
Veröffentlichungsjahr: 2021
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En souvenir de nos Cancerbloomers disparus : Androu, Chloé, Emmanuelle, Faby, Gautier, Philippe, Ritel et Sophie.
En souvenir de Aude-Marine avec toute notre affection.
Mes remerciements sont nombreux car ils incarnent la nature profondément participative de ce livre.
Merci aux Cancerbloomers pour leurs témoignages authentiques et courageux.
Ce livre n’existerait pas sans eux.
Merci aux bénévoles Magali Caillart, Emmanuelle Eymard, Anne Goriaux, Mary-Tahra Homman Cancelo ainsi qu’à Sophie Moreau bénévole et co-fondatrice de l’Association C my New Me.
Ces femmes fantastiques sont l’âme de C my New Me.
Merci au dessinateur Éric Grelet qui a illustré ce livre. D’un coup de crayon magique, il capture l’expérience du cancer avec humour et gravité.
Merci à Elodie Imbert (graphiste) et Éric Mora (Web designer) pour leur génie créatif.
Merci à ceux qui nous suivent fidèlement sur nos réseaux sociaux.
Et enfin, merci à vous, lecteurs, pour votre lecture indulgente.
Luz d’Ans
« La blessure est l’endroit par lequel la lumière entre en vous. »
Jalāl ad-Dīn Mohammad Rūmī
« Maman, quelle est la différence entre un rhume et un cancer ? ».
« C’est simple, Edgar, le rhume est une maladie courte qui passe vite et le cancer est une maladie longue qui oblige à prendre beaucoup de médicaments ».
« Mais alors la Covid, c’est comme le cancer : c’est long et il faut prendre beaucoup de médicaments ? ».
Mon premier réflexe a été de m’exclamer que « Non ! Covid et cancer sont deux maladies bien différentes ! ». Mais dans le fond, j’étais bien incapable d’expliquer simplement à un enfant de 6 ans pourquoi… et cela m’a profondément interpellée.
Je me suis rendue compte que cela tenait notamment au vocabulaire en lien avec le cancer qui a une place bien à part dans notre langue française…
On « attrape » un rhume ou la Covid, mais on « a » le cancer.
On « se soigne » contre un rhume ou la Covid, mais on « est en traitement » contre un cancer.
On guérit d’un rhume ou de la Covid, alors qu’on « est en rémission » après un cancer.
D’ailleurs, le mot rémission ne vient-il pas du verbe latin « remittere », « se faire pardonner » ? C’est un mot que je hais car, selon moi, il condamne le malade du cancer à vivre avec cette idée latente de culpabilité. « En rémission de nos péchés » dit-on dans les prières… Le cancer, c’est une tache infâme qui marque à vie : peur de la récidive, employeurs frileux, prêts inaccessibles, amis qui s’éclipsent…
Mais revenons en arrière… Avant que le diagnostic du cancer soit confirmé, il y a « suspicion » de cancer… Puis vient l’annonce et souvent, les malades du cancer sont submergés par deux sentiments : la peur de mourir et un sentiment de honte… C’est cette honte qui différencie le cancer des autres maladies et que j’avais tellement de mal à expliquer à mon petit Edgar.
Quel paradoxe quand on y pense ! Notre vie est mise en danger par une macabre loterie et au lieu de demander de l’aide et de l’amour, nous ressentons souvent cette culpabilité qui nous fait dire : « Pourquoi moi ? ».
C’est le sentiment que j’ai eu quand j’ai été diagnostiquée en 2013. Pourquoi moi ? je m’étais toujours sentie inarrêtable : je menais tambour battant une carrière à Singapour et mon mari et moi attendions un troisième enfant. Le cancer a mis un coup d’arrêt à tout cela. Pourquoi mon corps me trahissait-il et mettait mon petit Edgar en danger, m’obligeant à le mettre au monde de manière prématurée ? Pourquoi infligeais-je cette épreuve à ceux que j’aime ?
Le silence a été ma première réaction : me concentrer sur les traitements, reprendre mon travail, ne pas effrayer les autres… Mais ce faisant, je me suis rendue compte que j’entretenais ce tabou autour du cancer. Or, nous, les malades du cancer, avons une arme toute aussi puissante pour briser ce tabou : prendre la parole et raconter notre histoire !
Prendre la parole et raconter son histoire
Dans ce livre, nous ne parlerons pas de cancer. Nous ne lui donnerons pas le premier rôle, il ne le mérite pas…
Nous donnerons la parole aux malades du cancer et à leur entourage, à travers le témoignage de 100 personnes qui ont accepté de partager leur parcours.
Il s’agit d’hommes et de femmes affectés par tous types de cancer, remis ou en traitement et cela parfois à vie, jeunes ou âgés, en France ou dans un autre pays francophone. Mais il s’agit aussi d’aidants et de soignants dont la vie a été bouleversée par le cancer.
Ces malades, aidants et soignants, nous les appelons les « cancerbloomers ». Car face à la maladie, ils ont réussi à trouver les ressources souvent jusqu’alors insoupçonnées ou inexplorées par eux, pour créer, entreprendre et se reconstruire.
Les cancerbloomers ne sont pas des superhéros. Ils ont eu leur lot de souffrances, ont été freinés par des doutes et ont trébuché sur des obstacles. Tout n’est pas rose, certains nous ont quittés et leurs témoignages résonnent encore dans nos cœurs. Mais tous, à travers ce parcours, se sont construits et réalisés. Ils ont retrouvé le goût du bonheur.
Pour moi, le bonheur n’est pas une fin en soi. Le bonheur est un chemin. Il y a de la lumière même dans les parcours les plus tumultueux et douloureux. Le poète Rūmī disait : « la blessure est l’endroit par lequel la lumière rentre ».
Il m’arrive de penser que mon nom, Luz, la lumière en espagnol, est un clin d’œil du destin. Car la lumière, je l’ai retrouvée après avoir vécu le cancer. Je me suis (re)trouvée un « nouveau moi ». C’est ce qui a donné le nom de l’association que j’ai créée : « C my New Me », en d’autres termes, « regarde, c’est mon nouveau moi » !
Le chemin parcouru et à parcourir.
Dans ce livre, je témoigne avec 99 autres cancerbloomers, qu’il n’y a pas « une » vérité mais plusieurs façons de vivre le cancer et de se reconstruire et toutes sont valables et légitimes.
Mon parcours a été long. Il m’a fallu deux ans pour lâcher mon travail, me rendre compte que mon identité ne se résumait pas à mon poste de manager dans la banque et me reconvertir en tant que coach exécutive. Il m’a fallu encore une année pour quitter Singapour et m’installer en France. Plus j’avançais, plus je reprenais confiance en moi. Avoir un projet de reconversion m’a donné des ailes. Je retrouvais une cohérence avec moi-même.
Faire l’expérience de sa vulnérabilité est un traumatisme profond. C’est vrai pour le cancer mais aussi pour tous les accidents de la vie. Il n’y a pas de hiérarchie entre le cancer, la Covid, un burn-out, un deuil… Le plus dur est de se reconstruire. Cela demande un courage incroyable : surmonter le traumatisme, se projeter dans son nouveau projet de vie et le développer. Puis, un jour, on jette un regard en arrière : c’est alors que l’on réalise tout le chemin parcouru !
En tant que coach, j’aide mes clients à définir leurs objectifs de développement et je les accompagne dans la recherche de leurs propres solutions. Malheureusement, cet accompagnement n’existe pas pour les malades du cancer. La médecine et tous les soins para-médicaux sont bien sûr essentiels. Mais il faut aussi soigner le mental des malades, leur donner des perspectives d’avenir pour qu’ils puissent se projeter dans l’avenir. Ce travail sur soi est tout aussi thérapeutique !
Avec ce livre, nous espérons que les personnes qui sont confrontées à la maladie seront inspirées par le parcours des cancerbloomers et qu’elles se diront : s’ils l’ont fait, pourquoi pas moi ! Il me reste encore tant de chemin à parcourir !
La genèse de ce livre.
Le 13 octobre 2018, jour de la fin de mes 5 années dites de « rémission », j’ai trouvé ma « mission ». En fait, ce serait plus exact de dire que c’est elle qui m’a trouvée ! Ce jour-là, j’ai ressenti la nécessité impérieuse de faire mon « cancer out ». J’ai créé la page Facebook « C my New Me » et j’y ai posté mon histoire. Cela a eu un effet libérateur ! J’avais enfin soulevé cette chape de plomb que le cancer avait fait peser sur mes épaules pendant cinq ans. Ça y est, je pouvais me projeter et me reconstruire.
Le « post » a été partagé 600 fois sur Facebook et a totalisé plus de 44 000 vues. Un succès inattendu. J’ai ensuite demandé à des amis de partager leurs témoignages qui ont, à leur tour, rencontré un écho incroyable. Enfin, j’ai ouvert ma page à qui voulait témoigner… Et c’est ainsi qu’est né tout naturellement C my New Me, une aventure à laquelle contribuent tous ceux qui témoignent.
C my New Me, c’est aujourd’hui une association animée par un collectif incroyable sur les réseaux sociaux et sur notre site www.cmynewme.com. En juillet 2021, c’est-à-dire en moins de 3 années d’existence, 200 personnes ont témoigné sur ces supports ! Chacune de ces voix est lue par des milliers de personnes et tous ensembles nous formons une communauté.
Je souhaitais néanmoins que ces témoignages soient – littéralement ! – entre les mains de tous. C’est ainsi qu’est né ce livre rassemblant cent témoignages.
Notre rêve est que ce recueil accompagne ceux qui sont en traitement ou reprennent le cours de leur vie avec leurs cicatrices, visibles ou pas. Nous espérons qu’ils seront portés par ces cent petites lumières d’espoir partagées par et avec tous ceux qui font face au cancer.
Une rencontre avec soi.
Aujourd’hui, je sais quoi répondre à Edgar s’il me demande quelle est la différence entre un rhume, la Covid ou le cancer. Je ne lui cacherais pas que le cancer est une maladie grave qui peut tuer. Mais le cancer est aussi la maladie de notre société qui continue de laisser le tabou du cancer obscurcir les consciences et condamner ceux qui en sont victimes à porter le poids d’une culpabilité inutile…
Mais je lui dirais aussi que le cancer, c’est l’occasion de porter un nouveau regard sur soi, chercher sa petite lumière intérieure derrière ses blessures.
Le cancer, ça a été une rencontre avec moi-même, une rencontre avec lui, mon plus jeune fils, qui est né trop tôt au milieu de cette tempête, une rencontre avec sa sœur Agathe et son frère Gaspard qui m’ont donné tout le courage du monde.
Enfin, je lui dirais que le cancer n’est pas une condamnation à mort : c’est un supplément de vie !
« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. »
Nelson Mandela
Isabelle Guyomarch
Fondatrice du Laboratoire Ozalys. Auteure de « Combattante » aux éditions du Cherche Midi.
Quelle a été ta réaction au moment du diagnostic ?
Une vague m’a submergée… brutale, immense, de colère, de révolte et de désespoir. 7 ans après, je m’en souviens comme si c’était hier. Et cette question, pourquoi moi, en boucle dans ma tête. Je n’ai pas peur de la mort mais c’était trop tôt pour mes enfants… j’avais 45 ans et le sentiment de ne pas avoir fini mon job de « mère ».
Cette douleur morale m’a marquée, associée très vite aux douleurs physiques des traitements, un « flirt avec la mort » que je n’oublie pas…
Quel a été le tournant qui t’a fait changer quelque chose dans ta vie ?
À chaque fois que je prends un virage de vie, le même moteur m’anime, l’engagement !
Engagée, lorsque j’ai racheté des usines de cosmétiques en difficulté à 40 ans alors que la France se désindustrialisait. Puis engagée pour survivre à ce cancer, continuer de travailler pour conserver mon entreprise et enfin engagée pour renouer avec la vie après le cancer.
Cet engagement est ma façon de donner du sens à des périodes de vie ou des épreuves. Je sais maintenant qu’il me permet de rebondir et me donne la force de me relever.
La rencontre avec Anne-Sophie Tuzynski, fondatrice de Cancer@Work a été déterminante pour moi. J’ai engagé mon groupe industriel dans la responsabilité sociétale et signé la charte Cancer@Work en 2016. Avec la création de l’atelier « école », un lieu unique au cœur de l’usine où les malades travaillent à leur rythme ou renouent avec la vie active, nous faisons la démonstration que la fragilité peut être source de valeur en entreprise.
Aujourd’hui, quel est ton nouveau moi ?
Ozalys est née d’une épreuve, du besoin à nouveau de donner du sens. Ce projet de résilience personnelle est devenu un formidable projet d’entreprise.
Au-delà de l’innovation, OZALYS est une marque résolument sociétale et exclusivement engagée dans la problématique du cancer.
Pensée pour répondre aux besoins spécifiques des femmes touchées par le cancer du sein, Ozalys s’adresse grâce à une large gamme à toutes les personnes affectées par les effets secondaires des traitements pendant et après le cancer.
Je m’engage, tout particulièrement aux côtés des femmes, pour les aider à se relever et briser le tabou de l’après-cancer. Car si survivre au cancer est une chance, rendue possible grâce aux progrès de la médecine, l’après-cancer est une période de vie très difficile pour beaucoup de malades. Les séquelles physiques, les effets secondaires des thérapies de prévention de la récidive sont autant de difficultés à surmonter.
Les conséquences socio-économiques du cancer sont aussi encore taboues. Notre société doit progresser car le retour au travail, l’accès aux prêts bancaires, mutuelles, assurances vie, etc. sont un parcours du combattant pour toutes ces femmes et hommes qui ont déjà mené un long combat.
En apprenant mon cancer, j’étais en colère, aujourd’hui je suis apaisée. Je ne suis pas plus forte mais je me sens plus libre.
Tu es la marraine de ce livre. Qu’est-ce qui t’a plu dans ce projet ?
Ce qui m’a plu dans ce livre est qu’il met en avant l’idée de « guérison sociale » !
Le cancer nous impose de nombreux deuils… de la santé à l’insouciance, une forme de futur différent, difficile à partager et expliquer.
Ces témoignages sont libérateurs et inspirants. Brisant les tabous, ils nous permettent aussi de nous sentir moins seuls, une forme d’appartenance à une communauté résiliente et bienveillante.
Si « le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre » (Nelson Mandela) alors oui, C my New Me, nous libère de la peur et nous donne le courage de conjuguer le futur au présent !
Luz
Alsace | 2018
RDV avec Luz, fondatrice de la plate-forme « C my New Me, c’est mon nouveau moi avec ou après le cancer » et exécutive coaching gérante du cabinet Orise Management.
Il y a 5 ans jour pour jour, mes certitudes ont volé en éclats. Alors que j’étais enceinte de 7 mois, dans une forme olympique et très enthousiaste de commencer un nouveau job, j’apprenais que j’étais atteinte d’un cancer du sein à un stade avancé (stade 3B). Je pensais être au plus bas. Puis, j’ai appris que j’étais génétiquement prédisposée au cancer et mes chances de survie à horizon 5 ans étaient de 30 %. J’étais KO, à terre…
Mon aîné avait 7 ans, ma fille avait un an, mon bébé était né prématurément et l’on se croisait en soin néonatal au hasard de mes nombreux rendez-vous médicaux où je me traînais avec une cicatrice de césarienne encore à vif. Je me demandais si je les verrai grandir.
Et même si je m’en sortais, ma vie pourrait-elle jamais redevenir comme avant ?
Aujourd’hui, j’ai la réponse : ma vie n’est jamais redevenue comme avant.
Je me suis d’abord accommodée de ce nouveau moi. Physiquement, après 3 ans de traitement et de chirurgies, je gère au jour le jour les stigmates de la maladie et les 70 cm de cicatrices qui ont recomposé mon corps. Mais psychologiquement, la transformation a été encore plus radicale et de manière étrangement positive. Oui j’ai été fragilisée et je me sens vulnérable, mais j’ai surtout acquis la conviction que la vie valait d’être vécue pleinement.
Ce sentiment d’absorber la vie par tous ses pores. Cette sensation de sentir l’énergie qui circule dans ce voisin qui nous salue, le vent dans les branches, mon enfant qui rit et les cellules de mon corps qui palpitent du bonheur d’être là.
Je suis cette boule d’énergie et c’est moi qui choisis ma voie. Car finalement, le plus gros obstacle sur le chemin de la vie, c’est soi-même. Nos peurs, nos doutes, nos croyances limitantes nous barrent la route. Une petite pierre se dresse devant nous et c’est une montagne !
Étrangement, ces fameux 30 % m’ont donné une liberté inattendue et inespérée. Certes, je n’ai pas le contrôle d’être ou pas dans les 30 % rescapés, mais j’ai le contrôle de choisir quelle vie je veux vivre, où j’investis ou pas mon énergie.
5 ans après, j’ai créé ma boîte de consultante, formatrice et coach. Je démarre une activité que j’ai façonnée à ma manière. Je gère mes contraintes mais surtout je me nourris des échanges avec ceux qui m’entourent. 5 ans après, mes enfants ont 5, 6 et 12 ans et me comblent.
Je voulais partager avec vous mon récit. J’ai créé cette tribune pour offrir à tous ceux qui, atteints du cancer, se sont renouvelés, se sont réénergisés, se sont vivifiés. Je les appelle les « Cancer Bloomers ». Ils peuvent déposer leur récit de #cancerbloomer sur cette page Facebook et avec le hashtag #CmyNewMe.
Et pour ceux qui sont encore dans la maladie, je voulais vous laisser entrevoir un avenir où vous ne vous demanderez pas seulement si tout ne redeviendra jamais comme AVANT mais plutôt qu’est-ce que vous pourrez construire de beau APRÈS.
Audrey
Châlons-en-Champagne | 2019
RDV avec Audrey. En rémission d’un lymphome de Hodgkin, elle démarre un blog pour raconter son combat et ses projets.
J’ai bientôt 41 ans et surtout deux ans de rémission complète, date de la fin des traitements, pour mon lymphome de Hodgkin. Pris à temps en stade 1 ou 2 (j’ai vu les deux notés donc un peu perdue), la tumeur a disparu au milieu des chimios. Protocole oblige, on a continué. J’ai assumé, avec mon mari, la construction de notre maison pendant les traitements.
À travers maintes péripéties, beaucoup d’angoisses, les peurs de mes trois enfants et de mon mari, mais aussi de ma famille, le regard et l’ignorance de certains, le manque d’humanité de quelques médecins, la peur de la rechute ou pire, le sentiment de ne pas être guérie, les feed-back des examens de contrôle… J’ai suivi le chemin vers la reconstruction. Heureusement, il y a eu les belles rencontres, les infirmières extraordinaires, une psychologue en or et des défis personnels.
Il fallait que je me prouve que j’étais en vie et apte à faire des choses. Je me suis mise toute seule au piano, encouragée par ma mère qui a remplacé le piano de ma grand-mère inutilisable par un tout neuf ; à la marche sportive même si le démarrage a été très difficile avec un thorax meurtri ; à me remettre à fabriquer des produits maison… J’ai fêté mes 40 ans et me suis fait faire un tatouage qui m’a beaucoup aidée à assumer les dégâts de la biopsie. Vaincre la douleur par la douleur !
Me sentant invincible et n’ayant plus peur de rien, je suis partie à Bali avec mon mari. Ça a été la libération et le début du dépassement personnel.
J’ai repris mon emploi, à mi-temps thérapeutique, deux ans après l’annonce. Un trauma thoracique m’a de nouveau fait passer tout près de la mort, quelques mois après la fin des traitements et juste après notre emménagement dans notre nouvelle maison. Cela a ralenti ma guérison physique et psychologique. J’ai donc pris le temps qu’il fallait, ayant la chance de bénéficier d’un maintien de salaire.
Prochains objectifs : un deuxième tatouage et la future reprise à temps plein.
La fatigue chronique est toujours là, mon écrasement thoracique m’essouffle et me fait encore mal sans parler des trous de mémoire et d’une concentration diluée…
En attendant, reprise en main de mon corps avec un petit régime : cinq kilos envolés en un mois, ça fait du bien, et le bonheur de voir le prochain rendez-vous avec l’hématologue espacé à 6 mois, au lieu de 4, sans scanner ni radio. Un soulagement !
Je me lance pour publier mon blog sur internet. J’ai écrit tout au long de cette période chaotique de ma vie sur mon combat et mes projets pour sortir du trou noir dans lequel j’étais tombée. C’est aussi une bonne thérapie !
J’ai également créé un groupe de marche virtuel. Nous sommes plus de 200 à nous motiver pour marcher un peu tous les jours, pendant ou après les traitements.
Isabelle
Saône-et-Loire | 2019
RDV avec Isabelle, une « endurante » qui avance petits pas par petits pas, vers sa nouvelle vie, son nouvel avenir.
On vit notre vie bien remplie, je vis ma vie. On a notre quotidien et des années s’écoulent… Et puis un jour, à 51 ans, en août 2018, on pousse une porte pour faire une mammographie… Et là, c’est le bouleversement total, on tombe dans le vide, on se retrouve face à quelque chose qui nous dépasse…
Faire une biopsie ? Deux tumeurs au même sein : une in situ, bien au chaud dans sa coquille, et l’autre agressive, invasive, qui a touché un ganglion sentinelle. Je ne connais rien à tout cela moi, je n’y ai même pas songé, ni réfléchi… Jusqu’ici tout allait très bien et me voici abasourdie, la tête vide due au verdict, le néant… « Cancer du sein ! » et tout ce que cela va comporter, impliquer, changer dans ma vie.
Il n’y a plus qu’à se laisser conduire pour une mastectomie et reconstruction mammaire avec implant. Rejet de cette prothèse par mon corps… Septicémie… Re-ablation du même sein… Analyses de toutes sortes… Rendez-vous multiples : IRM, scanner, PET scan, pose d’une chambre implantable, anesthésies locale et générale, 6 chimios, 20 séances de radiothérapie suivies de 5 ans d’hormonothérapie…
Eh bien tout ça, tout ça ! À quoi s’attendre pour l’avenir ? On est sur un tapis roulant, sans issue, et on va où l’on doit nous mener, pas le choix… Avoir confiance en la médecine, oui, mais pas si rassurée… Jamais… Je me vois comme une enfant qu’on dirige à droite, à gauche, pour se rendre je ne sais où…
Voici six mois maintenant que je suis une « endurante », une qui encaisse les chimios pour détruire ce crabe sournois, invisible, silencieux, dévastateur… Mon corps se bat, mon esprit se débat et j’ai la rage de m’en sortir. Le mot « cancéreuse », je ne l’aime pas, il me fait peur…
Vous êtes dans votre bulle de douleur, on est comme dans une enveloppe, drapé de mal-être physique et psychologique, où l’on ne voit plus la fin de chaque jour et de chaque longue nuit qui s’écoule. Toutes ces grandes épreuves à affronter, à surmonter…
Alors, petits pas par petits pas, j’avance pour la victoire, pour la guérison, pour retrouver ma vie d’avant, retrouver mon image, mon corps, mon moi dans ce miroir… Le parcours reste long, difficile, dur. La souffrance peut occuper tellement de place qu’on en oublie le bonheur, le temps qui passe…
Mais la vie reprend doucement dans les moments plus calmes, plus doux, après chaque étape… Je crois en la vie, je crois en mon corps, ma force et je crois en tous ceux qui m’aiment et que j’aime. Tant que je suis debout, avec mes petits pas et mon cœur qui bat, j’avance vers cette destinée, vers ce but…
Je sais, je sens, que je vais m’en sortir… Pour mieux rebondir à la vie.
France
Sophie
Moissac | 2018
RDV avec Sophie, saut en parachute, course au Sénégal : plus rien ne l’arrête !
J’ai 41 ans et deux garçons de 5 et 11 ans.
Mr Crabe, comme je l’appelle, est arrivé dans ma vie en octobre 2017, un vendredi 13. Banal contrôle suite à une opération du sein droit pour enlever un adénofibrome bénin. Lors de ce contrôle, le radiologue me dit « il y a une nouvelle tache, sans doute rien de grave, mais faites une biopsie quand même ». Quel bon conseil : 3 semaines plus tard on m’annonçait un cancer… Bien sûr, c’est un coup de massue : abattement, doutes, peur et colère…
Mais j’ai relevé mes manches, relevé la tête et j’ai décidé de vivre vraiment cet événement dans ma vie et de le subir le moins possible : une amie différente m’a accompagnée à chaque chimio pour en faire un moment « sympa » de papotage et de partage. J’ai marché, couru, avec des voisines, des copines, des mamans d’école… Tout un entourage s’est mobilisé autour de moi et j’ai découvert en moi des ressources insoupçonnées. J’ai enchaîné avec 33 séances de radiothérapie.
Tout ça, tout en travaillant dès que je le pouvais. Certains clients ne se sont même pas rendu compte de mon combat.
Le combat n’est pas facile, il y a des hauts et des bas mais il faut essayer de positiver, d’accepter de ne pas tout maîtriser et de profiter de chaque journée où on se sent bien. Il faut aussi accepter les jours de « moins bien », les coups de mou et aussi de demander de l’aide.
Aujourd’hui, je suis sous hormonothérapie. Je ne sais pas si la bataille est gagnée mais je profite de chaque moment. Je suis émue devant les beaux paysages, les rencontres, les moments passés avec mes enfants, mon mari, mes amis… Tout me prend aux tripes.
My new me, mon nouveau moi, c’est d’être toujours la même qu’avant : fonceuse, battante, dévouée à mon travail et aux autres mais d’accepter aussi de me poser parfois, de prendre du temps pour moi… Il y a encore du boulot pour m’accepter sous ce « nouveau format » mais je travaille sur moi. L’art-thérapie m’aide beaucoup et le sport aussi.
Je continue à me lancer des défis ! Mr Crabe n’a pas gagné ! Je pars au Sénégal en Février pour la course solidaire La Sénégazelle. Je devais y participer en 2018 mais j’ai dû annuler à cause des traitements. Alors en 2019, j’y serai ! Je m’entraîne à fond, je cours moi qui n’était pas une adepte des footings ! J’aurais ma revanche ! Et je prends plaisir à dompter mon corps, le sentir vivant et « performant », à ma mesure bien sûr.
J’ai aussi sauté en parachute début septembre avec « Maladie en Chute Libre », sauter dans le vide, sauter dans ma nouvelle vie pour laisser tout ça derrière moi.
Alors je voudrais juste dire que je ne suis plus la même, c’est vrai, mais je ne suis pas complètement différente non plus… C’est my new me.
Vous avez toutes et tous en vous les ressources pour devenir celui ou celle que vous voulez être.
Mon leitmotiv préféré : « La vie ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie » – Sénèque.
Alors courez, dansez… Soyez qui vous voulez !
Anne
Boudou | 2018
RDV avec Anne, une aidante au grand cœur. Le cancer l’a rapprochée de sa maman, de son amie et son « new me ».
Le cancer a attaqué ma maman en 2007. Un choc pour moi car nous ne nous parlions pas, « J’étais une erreur, j’avais gâché sa vie »… Pourtant, dans mon cœur, mes tripes, le lien mère-enfant a été le plus fort. Elle a été opérée, puis chimio et, malgré cela, on a appris que la maladie progressait et que son foie était atteint. Contre toute attente, je me suis entendue lui dire « je te donne le mien ». Un nouveau choc pour l’une comme pour l’autre. À partir de ce jour-là, nous nous sommes appliquées à nous découvrir et ne pas rester sur nos a priori. Ce furent mes meilleurs moments avec ma mère.
Le reste est très dur : l’incapacité à soulager, à comprendre. On veut être là, aider, et l’on sent que l’on fait du mal tout en voulant aider. Et puis les filtres tombent et ce sont toujours les plus proches qui prennent… Enfin, les rôles s’inversent : je ne suis plus l’enfant, elle ne peut plus être l’adulte. La souffrance physique est terrible et je ne peux rien faire à part la paix avec elle. Et ça fonctionne ! Elle s’éteint un lundi matin m’ayant remerciée et préparée à vivre sans elle, avec des paroles qui me portent encore. Onze ans après, la douleur est toujours là, le vide aussi.
Quatorze mois après, mon papa décédait, ne supportant plus de vivre sans son épouse. Il n’existe pas de mot pour exprimer ma souffrance. Et puis la résilience pointe le bout de son nez. Un besoin vital de donner du sens, de ne pas laisser d’autres personnes souffrir autant, ou du moins, leur dire : on peut survivre et la vie est belle ! Je crée alors une association qui tient ce rôle et je m’y jette corps et âme. Elle m’offre le plus beau cadeau : mon compagnon, avec lequel j’ai à ce jour deux enfants.
Et là, M. Cancer repointe le bout de son nez dans mon cercle intime. C’est Sophie, mon amie ! Impossible pour moi de me comporter avec elle comme avec les autres personnes. En larmes, on se dit que j’aurai une place d’amie et non un rôle « thérapeutique ». Un long processus se met en place. Et en même temps, je tombe enceinte. Du coup, je ne peux pas faire comme ma tête et ma volonté veulent. Alors, j’écoute S. et mon cœur. J’apprends beaucoup, je remets en question, j’avance. Je sors de ma zone de confort et j’essaie d’être là quand et comme elle en a besoin, je reste à ma place. Et je découvre une autre façon d’être présente, d’être aidante, où l’on peut conserver et son équilibre de vie personnelle et le devoir de présence. Cela me construit et m’aide chaque jour à être plus juste !