Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Des phénomènes nommés disruptives, surgissent de manière inattendue et spontanée continuellement dans notre conscience. Ces choses-là sont étranges, inhabituelles et parfois choquantes. Cependant, il est important pour l'auteur d'éviter toute censure et de considérer avec curiosité ces expressions poétiques. L'objet de ce livre a été de collectionner, puis de partager, ces poésies incongrues, furtives et éphémères.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 312
Veröffentlichungsjahr: 2022
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
A ma source de vie, mes enfants : Joaquim, Apolline et Théo.
A ma source principale d’inspiration : la géniale bêtise humaine… la mienne incluse.
Avant-propos
Repentance
Drame
Tendre baiser
Inexistence
Des mots pour les maux
Noire rhétorique
Désirs et réalités
Psychopathe d‘ours
Absolution
Dodelinage
Du balsamique à l’âme
Sur le bout de la langue
Distillation
Pas en forme
Naufrage sentimental
On/off
Allumé ou illuminé ?
C'est chaud !
A l’affût
Les dj’euns
Joyeuse compassion
Bon sens
Rêverie nuageuse
Nos souffrances
Ne te connais pas toi-même
Panne sèche
Cruauté ludique
Bouge ta vie
Suicide Game
Rédemption à bas prix
L’usurpateur
Révélation
La sagesse de l’eau
Ballade mélancolique
Qui ne suis-je pas ?
Seul, abandonné
La raison des choses
Ecoute empathique
Très trop gentille
Cimetière, attention danger
Miss missile
Préméditation ?
L’art de l’écoute
Astuce cryptée
Nuit noire
Le caché
Joyeuse funérailles
Quotidien brulant
Psycho-magazine
Chouchounet
Insupportable gentillesse
Quiproquo
Peintre tricheur ?
Cauchemère
Désintoxe
Distrayeuse pro
Mytho mal
Intelligence innocente
Inutilité
Marie-Faustine
Sensualité mystique
La crieuse
Parler aux filles
Appétissante
Outrage impitoyable
Cocktail (d)étonnant
Coach de vie
Photomatée
Au revoir
Comment ne pas mourir
Interrogation picturale
Irrépressible
Crapuleuse
Miroir, mon beau miroir
Du vent dans les toiles
Fêtes galantes
Apprentie méchante
Le fin du fin
Que personne ne bouge !
Je suis particulier
Petit conseil
Tendre punition
Perversité
Derrière le silence
Le retour de l’instant présent
Sombres badineries
Menace
Un amour de menteuse
Apprenti méchant
Vaudeville
Semblables ou différents
Déboutonnée
Anticipation
Aimée
Femme qui rit
Au tableau !
Noir pouvoir
Débranche !
Méchanceté naturelle
Bonjour l’angoisse
Petit aveu
On n’est pas des bêtes
Quand ça veut pas…
Maladresse
Mon amie humide
Attentes déçues
Ma mère
Signes
La quadrature du cercle
Qui est Jésus
Souvenirs qui gratent
Le petit vieux
Triste revirement
Mélancolique attente
La guerre des grands
Pieuse thérapie
Café-philo
Ambiguës réminiscences
Mauvais casting
Tendre manie
Evidente préférence
Lecteur sensible
Belle mer, belle mère
Subtile logique
Contamination
Méprise
Acharnement gratuit
Cyborg
Méthode des antidotes
Attraction complexe
Infiltration
Cohérence culinaire
Pudeur téléphonique
Sagesse aquatique
Permanence du changement
Manie gênante
Fée de ménage
Entre soi et soi-même
Moche
La réalité crue
Amour dissolu
Pas le temps
Geste déplacé ?
Panique
Implacable physique
Chers amis
Particularité
Le retour des couleurs
Pas de chance
Part d’ombre
Frayeur
Télépathie
Soutien
Perdu
Message
Piège
Des faits
Gertrude dans tous ses états
Apothéose
Emballé, pesé
Le conteur 2.0
Doigt souriant
Epilogue
Attention fragile
Les mots pour le faire
Rencontre tamponnée
Le déconverti
Réconfort solitaire
Comparaison inadaptée
Délicieuse méchanceté
Si tu te compares…
Explication fumeuse
Feu vert
Objectif rire ?
Mal dit
Serial train-train
Désir intrapsychique
De l’inutilité des choses
Trahi par une chemise de nuit
Mantra efficace
Réglée, pas tringlée
Le grand mort nord
Conversion
Passe-temps
Triste constat
Ressemblance cachée
Lieu d’aisance
Partager sa détresse
Moins active
Dans le cirage
Ça chauffe !
Révolte botanique
Cimetière
Le moral en miettes
Goujaterie
Ecoute du matin
Rencard fouettard
Dégoût et des couleurs
Vivre sans toi
Nuance
Pas fait exprès
Bien nommer
Dans les vapeurs de la conscience
Sournoise ombre
Les mots justes
Le commémorateur
Clairvoyance
L’enfer existe
Non, mais !
Protectrice
Avoir été ce que je serai
Comédienne
Foutue d’avance
Déduction
Drague-choc
Haute réclamation
Astuce
La sagesse des portes
La fin et les moyens
Se confier
Eblouissement
Divination canine
Diversion
Attraction fatale
Lever rampant
Faux semblants
Fausses ruines
Pouvoir
Un peu spécial
Maladroite réaction
Ça colle
Hum, hum
Madame Coué
L’ombre cachée
Etrange décalage
Naïveté romantique
Hé oui !
Non verbal
Entr’aide
Rage
Tu m’aimes
Le monstre de la nuit
Sur le bout des langues
Dramatique normalité
Errance nocturne
Savoir parler et peindre
Super pouvoir
Rêve ou cauchemar
Chocolat
Nuit de rêve
Fugitive
J’ai pris perpète
Perfusion
Initiation
Les facéties de Félicie
Dans les profondeurs de l’amour
Septième sens
Déréliction
Quelle aventure !
Insupportable
Théoxanisme
Duel
Rancune et trahison
Épousailles
Inverse ou verse ?
Inconvenance
Bévue
Cornélien
Douloureuse vérité
Honte à toi !
Suspicion
Causerie philo
Dans l’intimité
Ecrivains maudits
Les p’tits z’animaux
Freudophiles
Miss Jekyll et Madame Hyde
Fin de ses jours
Secret beauté
Incongruence
BA quotidienne
Dicton-manie
Bandit manchot
Ma copine vigoureuse
Les petits noms
Questions d’enfants
Moins que rien
Sado mais sot
L’étalon du dimanche
Bosser ou prier
L’arbre et l’oiseau
Psychogame
Idée fixe
Rencontre de type zéro
Contre-jour
Les mufles
Nuance
Zapping
Tragique déclaration
Petits jeux
Conversation torride
Tout bien rangé
Illumination électrique
Biométrie
Les mots pour se taire
Miss guillemets
J’ai décrit le processus créatif, dont je suis la victime, dans mon précédent ouvrage : les disruptives. Ce recueil en est la suite. Pourtant, malgré ma tentative de savoir comment ces choses étranges apparaissent à la conscience, la disruptive reste un mystère. Ça arrive par accident. A un moment, la lumière change et apparaît une autre manière d’être, de penser, de parler ou d’agir. À travers de petites fêlures dans le vernis du quotidien, une lumière étroite éclaire spontanément et autrement le fonctionnement des choses, comme disait le sage Tchouang Tseu. Continuellement, dans notre tête, défilent des pensées et se forment de petites histoires éphémères qui affleurent à peine la surface de notre conscience. Déclenchés par un mot entendu, un événement quelconque de la vie quotidienne, un visage… à la seconde même, des mots surgissent, inattendus, horribles ou tendres… J’ai nommé ces phénomènes : disruptives car ils font rupture, irruption. Parfois ils apparaissent d’un bloc, d’autres fois il faut tirer le fil de soie délicatement pour qu’il conduise à l’ensemble du récit. Ces excentricités-là sont curieuses, tellement inhabituelles et parfois choquantes, que la tendance pourrait être de les refouler immédiatement (ce que nous faisons habituellement). J’ai fait le choix de les considérer. Il a été important pour moi de laisser apparaître et se manifester ces phénomènes sans jugement, sans censure, sans peur du ridicule. Simplement oser les laisser être tels qu’ils sont. Je ne cherche pas toute la journée à les saisir, je laisse simplement, quelque part en moi, une petite fenêtre ouverte sur cette possibilité. Du coup, je vois et j’entends. Ça m’amuse beaucoup de collectionner ces poésies incongrues, furtives, éphémères, dans le carnet que je consacre à mes élucubrations. J’aime observer ces mailles sautées dans le tissu des circonstances, en ressentir l’audacieuse poésie, et admirer comment, subtilement, ces petites disruptives arrive à fissurer la fine nacre des apparences... Et derrière les apparences… quel monde !
Jean-Marc Ortéga
Lorsque je fais une bêtise, j’ai tendance à utiliser la pensée magique pour l’effacer. Cette fois-ci, j’ai pensé à un rite d’annihilation : brûler le ventre d’une sorcière avec un mélange d’acide sulfurique et d’eau bénite, enfoncer une brique dans la gorge d’un prêtre pédophile, découper les orteils d’un nouveau-né avant qu’il ne devienne un sanglant dictateur… ou bien encore dire : Je regrette, je n’aurai pas dû taper ma petite sœur. J’hésite…
Midi tapant, mon ombre me suit, collante et fidèle comme un enfant que je tiendrais par la main. Quand je passe sous un porche, mon ombre disparaît : l’ombre-ogre a mangé l’ombre-enfant. Mon ombre chérie… J’éclate en sanglot.
Lorsqu’on se promène dans les champs fleuris, elle m’apparaît telle qu’elle est : une nymphe, une fleur humaine fraîchement éclose. Quand elle tousse, une fine poussière de pistils d’or se répand dans l’air romantique du matin. Aujourd’hui, elle est en coquetterie avec les oiseaux riants et les arbres majestueux, toute la nature la fête joyeusement. Alors, lorsqu’elle s’étend à mes côtés dans l’herbe douce, je rassemble tout mon amour et, prenant mon courage à deux mains, je me lance et ma bouche pose sur la sienne quelques mots poétiques, les plus doux des baisers. Touchée par cette caresse, plus intime que celle de la chair, la voilà qui sourit. Et quand elle sourit… quand elle sourit… En fait, quand elle sourit elle colle un nouveau sourire sur son sourire, car elle sourit tout le temps. Là, il y a deux couches et c’est éblouissant. C’est sa manière : chaque sourire est un baiser et elle sourit même quand elle dort. J’aime quand elle sourit… N’en est-il pas de même pour nous tous ? Vérifiez. Quand quelqu’un vous sourit, il vous embrasse tendrement. Sans le savoir.
— Tu me regardes, tu m’as serré la main, tu m’écoutes… ben, c’est inutile.
Parce que tu n’existes pas. Je suis un solipsiste : je suis seul à exister et le reste c’est du vent. Tu es du vent, du carton bouilli. Tout ce qui est extérieur à moi n’a aucune existence réelle, ce n’est qu’un théâtre d’ombres, une projection de certaines parties de moi qui se manifestent de manière pathétique et dérisoire. Seul j’existe et seul je compte.
— Mais, tu me vois là ? Je suis ton pote.
— En effet, je te regarde mais je ne te vois pas parce que tu n’existes pas. La seule réalité, c’est moi.
— Mais je fais quoi moi alors ?
— Eh bien tu ne fais rien. Tu ne peux rien faire puisque tu n’existes pas. Tu ne peux pas penser, tu parles mais c’est du vent, je te l’ai déjà dit. Donc le mieux, pour te conformer à cette absolue vérité à partir de maintenant, c’est de ne rien faire. Tu ne penses pas, tu ne parles pas, tu ne regardes pas, tu ne ressens rien, tu ne bouges pas, tu ne respires plus.
— Ça veut dire que je suis mort ! ?
— Pas du tout, c’est pire car pour être mort il faudrait que tu aies été vivant, ce qui n’est pas le cas car tu n’existes pas, tu n’as jamais existé et tu n’existeras jamais.
— Oh putain, ça me fait un coup. J’ai chaud là.
— Ben non, je te le répète, c’est juste une illusion. Tu ne peux ni avoir chaud, ni avoir mal, ni être content d’ailleurs, car tu n’as aucune existence réelle. Tu vis dans une illusion. Tu es une illusion.
— Ah ben dis donc, quand je vais dire ça à ma mère…
Mon pourvoyeur de connexions synaptiques s’affole, la dépolarisation membranaire associe de manière incohérente les commutateurs nexus dans les cellules de mon cerveau… Bref, j’ai la migraine. J’ai remarqué que ça fait moins mal lorsque je noie le poisson en utilisant un vocabulaire abscons. Le temps que je comprenne ce que je me dis, la migraine est passée. Quoi ? Ce que je vous dis vous donne mal à la tête ? Z’avez la migraine… Vous voulez un truc ?
— Est-il possible de se suicider sans être dépressif ?
— Oui, tout à fait. Il s’agit juste d’être un âpre stoïciste face aux émois de l’âme et passer à l’acte sans chercher de sens. Mais ce qui est plus efficace, c’est d’être un bon nihiliste, un pro de la négation de toute réalité substantielle, reconnaître le vide de l’existence, l’absurdité de la vie et de faire sereinement ce choix en pleine conscience.
— Ah ouais, cool. T’explique bien. J’comprends tout… Je peux te poser une autre question à toi le philo-man ? Est-il possible de vivre sans être heureux ?
— Evidemment que oui, je crois que c’est le cas de la plupart des gens.
— Donc vivre et mourir sont équivalents. Il n’y a pas une option qui soit meilleure que l’autre.
— En effet. Nous sommes d’accord…
— Bon ben, on s’reprend une tournée, Gaston ? Hé chef, deux autres whiskys… Bien tassés parce que là on est sur du lourd !
— Heu, Roger, là tu dis « du lourd », mais n’est-ce pas plutôt « du léger » finalement tout ça… ?
— Ah ouais, ouais, t’es subtil là mon Gaston… ouh que oui que t’es subtil !... Vous pouvez nous ajouter des glaçons patron s’il vous plaît parce que là, oh Bou Diou, ça va chauffer ? !
Quand elle m’a proposé de manger un de ses biscuits fait-maison en penchant le buste vers moi, en me regardant dans les yeux avec un petit sourire appétissant, et en avançant doucement la main et le gâteau vers mon visage, machinalement j’ai ouvert la bouche et tiré la langue comme si elle me proposait une hostie à la messe, comme si elle m’absolvait de mes pernicieux désirs et autres pensées érotico-gymniques. C’est fou le conditionnement, non ? Pourtant ma copine n’est pas mère Teresa, version jeune fille. Ah que non ! Elle ne s’appelle pas Marie-Constance mais Faustine, et elle est plutôt genre sulfureuse et grande tentatrice devant Belzébuth. Avec sa minijupe en cuir, ses 95F difficilement contenus dans du 75B, ses talons aiguillent de 15 cms et ses cheveux bleus, c’est sûr que si elle s’aventurait à l’église le dimanche matin, le curé en perdrait son latin ou, troublé, finirait sa messe en verlan. Non, ce n’est pas la tenue, c’est juste le geste, la manière. En fait, c’est un ensemble : le sourire, la main, le corps, les yeux… et hop, j’ouvre la bouche et je tire la langue. 20 ans de messe du dimanche, ça laisse des traces. Merci Pavlov. Et puis, je me dis que ce n’est pas moi, c’est elle ! Mais oui, c’est ça.
Dans son geste, j’ai peut-être perçu quelque chose d’elle qui est caché, que personne ne connaît d’elle. Comme un secret intime. Une vérité sacrée, une innocence immaculée, une beauté divine que je ne soupçonnais pas… Alors, je lui fais : Merci mon ange pour ce si bon gâteau…
— Ta gueule, bouffe mon biscuit au shit et ferme ta bouche en cul de poule.
T’as l’air con !
J’arrache ses yeux-boutons-de-culotte, je lui élargis la bouche d’un coup de cutter jusqu’à l’oreille, je lui démonte le bras droit, je lui couds une oreille à l’envers, puis je lui coupe une patte car je trouve qu’il y en a trop et la balance dans la cheminée ! Je le regarde alors avec un petit sourire pervers, les yeux pétillants de cruauté, et je vois bien que mon nounours n’en mène pas large. Ah, il fait moins le fier le nounours à sa mémère. C’était lui le roi à Noël quand on l’a sorti de son paquet cadeau tout doré. Tout le monde disait : oh comme il est mignon, l’adorable petit nounours. Et bien c’est fini, il n’est plus mignon du tout ! Mais alors, plus du tout, du tout, du tout. Il est tout cabossé, tout meurtri, tout moche. Une fois mon travail terminé, je le jette dans la poubelle avec les épluchures de pommes de terre et les restes de ragoût. Puis je prends un livre dans la bibliothèque et je vais m’asseoir près du feu dans la chaise à bascule. Et, studieux, je lis tranquillement. Ma maman m’amène mon goûter et me fait un petit bisou sur le front. Elle me caresse la joue tendrement et me dit avec un grand sourire affectueux :
— Je suis si contente de te voir assis là gentiment à lire Les malheurs de Sophie. Quel petit garçon gracieux tu fais !
— Merci m’man, tu sais j’apprends beaucoup et surtout je progresse.
En disant cela, j’ai vraiment la conviction de progresser. J’adore lire les contes de Perrault, les histoires de Grimm et celles de Lovecraft. Le petit chaperon rouge tout rose qui est dévoré par le loup, ça j’aurais bien aimé le faire. Et puis l’ogre qui mange les tendres petits-enfants, ça aussi ça doit être sympa. Tout le monde ne le sait pas mais la Blanche-Neige du conte n’a que sept ans et le prince qui va se la taper est un pédophile échappé de prison. Et l’autre là, la ronfleuse, la Belle au Bois dormant, elle n’est pas embrassée mais violée par son prince dans son sommeil. De cette « union » naîtront des jumeaux que sa belle-mère cannibale dévorera. Ça, personne ne le sait ! On le cache pour ne pas trop faire peur aux enfants. Et il y a aussi le Pinocchio qui est loin d’être un aimable petit garçon. Il écrabouille Jiminy Cricket à l’aide d’un maillet et le réduit en bouillie de criquet… la bouillie de criquet, z’avez déjà goûté ? Alors en tout cas, même si j’ai un petit peu joué avec le nounours, je progresse. Ça fait déjà plus de trois semaines que j’ai arrêté d’arracher les ailes des mouches, d’asperger d’essence les chats et d’y mettre le feu, et de faire fumer les crapauds pour les faire exploser. À mon avis, je suis en rémission. Je deviens cool… ah mince, j’ai oublié… il faut que j’aille détacher ma petite voisine que j’ai enfermée dans le congélateur de la cave. Ah zut, zut, zut… où ai-je la tête ? Bon, j’admets que je progresse lentement. Très. Mais je progresse.
Il fonce vers moi en vociférant : mais tu la connais pas la priorité à droite, pauvre imbécile. Espèce de sale con !
— Je vois Monsieur que vous êtes très en colère. Je peux le comprendre étant donné que j’ai outrepassé les règles de bonne conduite. Toutefois, j’aimerais pardonner vos écarts de langage.
— Mais qu’est-ce qu’il a cet enfoiré à déblatérer des conneries ? !
— Ce qu’il m’arrive, c’est juste qu’il serait souhaitable que vous fassiez amende honorable et que gentiment vous acceptiez de me présenter des excuses sincères, afin que je puisse prendre acte de votre contrition.
— Ben, il délire le frappadingue. Encore un qui s’est échappé de la messe.
— Vous êtes bien aimable d’avoir reconnu en moi un serviteur de Notre Seigneur. Alors, pour terminer notre petit échange courtois, je vous propose cher Monsieur de faire deux je vous salue Marie et un notre père à l’envers et en latin. Et ensuite, je considérerai que nous sommes quittes.
Je dodeline nonchalamment comme si j'étais une tendre feuille ballotée, bercée par un doux vent. Un curieux balancement anime ma tête molle. Je vous encourage à dodeliner quand vous mangez, quand vous prenez votre douche, en réunion de travail… C'est absurde, mais c'est étrangement agréable. Bien sûr, les autres vous trouveront bizarre, mais peu importe : dodelinez autant et aussi souvent que vous le pouvez. Le mieux c'est du matin au soir et, avec de l'entraînement, vous pourriez le faire également en dormant, tout au long de la nuit. Dodeliner avec un sourire extatique et béat, voilà le sens de la vie.
Depuis toujours j’ai appris à me construire des univers imaginaires dans lesquels je peux retourner à l’envi lorsque la lumière baisse dans mon existence. Ces balades intérieures, ces rêveries de promeneur solitaire me donnent parfois l’impression de poser mes pas dans ceux du grand Jean-Jacques, le Rousseau. Philosophe, musicien, écrivain, orphelin… toute une vie marquée par l’errance. Et mon esprit dérive avec lui, au fil de ses confessionsqui ne sont pas de véritables confessions car il a choisi de ne plus rien faire, ni de bien ni de mal, et ne vit qu'intérieurement. De la même façon qui est la sienne, je vis mes divagations comme un éloge à l’oisiveté, à la liberté des sens, à la méditation ambulante de mon esprit que je sens flotter mollement tel un drapeau dans la tête. Lorsque je reviens de mes pérégrinations intimes je suis plutôt d’humeur égale. Un étrange état d’âme, heureux mélange de calme et d’extase qui, telle une substance balsamique, teinte mon humeur et envahit tout mon être. Je suis alors placide et silencieux. Chaque voyage, chaque rêverie est l’occasion d’une quête, celle de ce baume magique qui apaise l’âme et tranquillise l’esprit. Je reviens toujours de ces promenades avec dans ma besace ce précieux élixir lénitif qui me permet de tenir un ou deux jours, parfois trois… Tenir, c’est-à-dire arriver à vivre, à affronter la douloureuse réalité. Tel est mon secret.
Faut que je vous raconte, c’est trop drôle. Alors, voilà. La soirée est mouvementée, ça chante, ça rit, ça boit… J’entends mon pote Ursule – ben oui, désolé, il s’appelle Ursule - balancer une absurdité intelligente comme il sait le faire : un eunuque décapité, ça n'a ni queue ni tête ! Aussitôt ça rit, ça chante, ça boit… A ce propos, je m’aperçois que j’ai bu dans le verre de Pimprenelle et aussitôt je me dis : tiens, tu viens de boire dans son verre, tu as donc lu dans ses pensées et dans son cœur, et ce que tu y as vu c’est… Subitement ça se brouille dans ma tête. Aussitôt je me demande pourquoi cette réflexion a tout d’un coup surgie dans mon esprit pour aussitôt s’effacer, et aussi pourquoi je l’ai associée à l’histoire de l’eunuque... À cet instant précis, à coup sûr, quelque chose s’est réveillé dans mon subconscient. J’entends mes antennes mentales piqueter. Je note mentalement un détail que je sens important. Quelque chose d’incertain titille le bout de ma langue.
C’est encore flou et indistinct. Je le note, mais je ne sais pas ce que c’est. Alors, je lâche prise, fais quelque pas, prends trois grandes respirations, et spontanément lors d’une longue inspiration l’idée remonte et la pensée apparaît tandis que, stupéfait, je vois les mots se former sur l’écran de ma conscience désormais claire : l’évidence c’est… Euh, ben là, je vais arrêter de vous raconter ma soirée… ouais, c’est mieux. J’ai fait l’effort nécessaire pour résoudre l’énigme. Alors maintenant, c’est à vous de jouer. Allez, salut !
Lorsque je bois trop d’alcool, je pète un câble, mes synapses s’entrechoquent et créent des jaillissements d’étincelles dans mon cerveau. Je me sens alors brûler de l’intérieur, pris d’une soudaine envie de donner de méchants coups de pied dans le chat. À ce moment-là, il m’est absolument nécessaire de retrouver un équilibre et de me calmer. Je prends deux ou trois respirations pour distiller ma colère, puis je réussis à ne balancer que quelques paroles de fiel. Je suis fier de moi. Beau self-contrôle, mon ami, me dis-je. Prochaine étape, distiller les paroles violentes et remplacer le fiel par le miel.
J’ai un bon ami à qui je peux me confier lorsque je fais des rencontres amoureuses. Je lui raconte ma soirée d’hier, bien que ce jour-là il ne semble pas très en forme.
— Quand je l’ai vu arriver, si belle dans sa robe de satin rouge, je l’ai dévoré des yeux.
— T’as mangé des yeux, beurk !
— Mais non, je l’ai observé avec ardeur, tout fiévreux. Et dis-toi bien que lorsque je vais tremper mon biscuit, elle va manger l'oreiller, crois-moi.
— Que tu manges des biscuits, j’comprends, mais qu’elle mange des oreillers… Elle est pire que ton ex, la végétarienne, celle-là ! Elle mange du tissu, ouaf, ouaf. J’imagine que la prochaine mangeras des pieds de chaises !
— Décidément, il me semble que t’as un peu de mal à suivre. Je veux simplement dire par là que comme elle est très discrète, quand elle va grimper aux rideaux le mieux, pour ne pas faire de bruit et réveiller les voisins, c’est de mordre dans l’oreiller pour étouffer ses cris… orgasmiques.
— Elle va crier en grimpant aux rideaux ? C’est un vrai chat ta new copine !
— Bon, c’est un peu compliqué de t’expliquer aujourd’hui. Je renonce.
— Tu renonces à ta belle en satin rouge ?
— Ah ben alors là, jamais ! Tu te mets le doigt dans l’œil.
— Aïe, ça fait mal ! Arrête de me demander de faire des choses stupides.
— Pououh ! Allez, tu restes quand même mon ami.
Elle ne me l’a pas annoncé. Il est midi, la télé est allumée, un délicieux repas est sur le point d’être servi quand la porte claque. En une seconde, elle n’est plus là. Elle n’est plus dans ma vie. Un véritable cataclysme s’abat sur mon âme. Je me sens perdu, désespéré, brisé. La terre entière s’écroule sous mes pieds et je tombe au sol tel un arbre abattu. D’un bloc. Mon corps mou est répandu sur le carrelage qui me semble incliné. Le visage ruisselant de larmes et la tête traversée de pensées lacrymogènes, je claque des dents et j’entends leur cliquetis résonner dans mon crâne. Tandis que ma tête nauséeuse est renversée sur le côté comme un bateau échoué à marée basse, je sens une substance baveuse s’écouler lentement des commissures de mes lèvres entrouvertes. J’émets de petits gémissements plaintifs et quelques borborygmes accompagnés de spasmes douloureux... C’est alors que je perçois, comme un écho lointain, le générique de Questions pour un champion, mon émission télé préférée. Je redresse la tête. Le temps se fige. Info confirmée, l’émission commence. Je me relève précipitamment – ouais parce que si tu rates le début, tu comprends plus rien. Je cours dans le séjour, m’assois à table, monte le son au zappeur, sèche mes larmes et me sers une bonne portion de curry aux légumes et un petit verre de Château Margaux. C’est très bizarre, je trouve presque toutes les bonnes réponses au jeu, aujourd’hui. Ah c’est super ! Je me surprends à éclater de rire tellement ce moment est agréable. Allez, un deuxième petit coup de rouge… et je me ressers de ce succulent curry aux légumes. Vous savez, il y a des moments où la vie est belle, hein ? Ah, ouais.
— Toutes mes mains se mirent à l’ouvrage pour la couvrir de caresses… Je ne sais pas comment j’ai réussi à trouver de justesse un doigt libre pour appuyer sur le bouton... et tout s’est illuminé, d’un coup !
— T’as allumé la lumière ?
— Ben non. Pouh… c’était l’autre bouton.
— Je ne t’ai pas dit que je fréquente une célébrité ?
— Beuh, non… Tino Rossi, Ali Baba ? Des brailleurs, des voleurs ?
— Pas du tout. Tu vois, mon pote célèbre est un type très sympa. Par exemple il a dit : aimez-vous les uns les autres. C’est cool, non ? Eh ben moi ça m’a plus que ce mec encourage tout le monde à être gentil et charitable.
— C’est une sorte de Bouddha à barbe, quoi ?
— Je suis d’accord avec toi, ton Bouddha et mon ami Jésus pourraient être copains. Ils ont fait plein de trucs tout pareil. Par exemple, Jésus a dit que c’étaient des conneries l'alliance de Dieu avec le seul peuple juif. Tous les humains y ont droit, bon sang. Et tu sais quoi ? Le Bouddha a fait pareil : il a dit que le système des castes était de la couillonnade et que les humains ont tous en eux la nature de Bouddha et peuvent tous accéder à l'éveil. Même moi, tu te rends compte ? Même moi ! C’est fou, non ?
— Ça c’est sûr. Après il ne reste plus qu’à accepter les poubelles et les puces à chiens à punks, c’est-à-dire les punks à chiens, les chiens à puces et les puces à punks. J’aime bien être précis quand je parle.
— Eh ben oui, tu vois, tous les deux sont pour la tolérance, la non-violence, l'amour. Ils sont tous deux du côté des pauvres et des déshérités.
— C’est vrai que t’es toujours fauché, toi.
— Et je vais même te dire : une fois il s’est mis très en colère, le Jésus, parce que plein de marchands s’était installés à la porte du temple et vendaient leur quincaillerie de pacotille à des croyants naïfs et des grenouilles de bénitier un peu simplettes. Ils les exploitaient quoi ! C’est scandaleux !
— En effet, ça a l’air d’être un bon militant antisystème. Ça ferait aussi un bon bouddhiste, ton gars-là. Comment il s’appelle déjà ? Bisous, Genou, Jésous ?
— C’est Jésus, fils du Seigneur.
— Bah dis donc, il est de la haute, hein !
— Ben ouais, c’est pas n’importe qui. Et puis tu sais mes deux amis, Jess et Boud, disent comme moi : qu’il faut ouvrir son cœur à l’amour et à la compassion. C’est ça le but suprême de nous les illuminés.
— Tu veux peut-être dire : de tous les allumés… du chapeau ?
— Non, tu te trompes, je n’ai pas de chapeau. Tiens, regarde son portrait. J’ai toujours sur moi une image de Lui, que je garde sur le cœur.
— Oui, nous sommes d’accord, il a l’air sympa. Mais, franchement, s’il veut un jour devenir bouddhiste, il va falloir qu’il soigne sa colère, c’est un poison violent ; mais aussi qu’il laisse tomber son look baba cool avec ses cheveux longs, ses dreadlocks et sa barbe de top-model, catégorie beau ténébreux. La boule à Z, y a qu’ça de vrai ! Tu lui diras quand tu l’auras au téléphone.
Il fait chaud mais malheureusement mon quotidien est climatisé… Et moi j’ai envie de chaleur, d’ardeur même, d’allumeuses chaudes et sexy, de femmes torrides, de polissonnes délurées, charnelles et sans tabou… Eh ben non : climatisé mon quotidien, je vous dis ! Tiède, quoi ! Feu de cheminée, mon chat dans les bras, plaid à carreaux sur les genoux, vieille fille catho-coincée qui sert la tisane et la voisine serviable qui me gave de gâteaux étouffe-chrétiens, moi qui suis bouffeur de curés depuis cinq générations, des biscuits qu’elle a fait elle-même avec beaucoup d’amour, m’a-t-elle dit... J’ajoute dans ma tête : et avec ses petites mains potelées et ses doigts trop courts ! Tu vois le genre ? Climatisée ma vie, moi qui rêve plutôt de Climax, le point G culminant de la vie intense ! Eh, oui… Oh mais il est tard. Allez, il est déjà 18 heures, je finis ma décoction de camomille et au lit. Comme tous les soirs.
Je suis à l’affût depuis maintenant 6 heures, planté dans le trottoir, bousculé, balloté par les passants pressés. Dans la foule, je cherche un visage innocent, gentil, lumineux… Alors, je me concentre. Je me concentre… Mais autour de moi que des visages éparpillés, flous, effacés. Je me concentre encore. Je me concentre toujours, je focalise mon attention. Tout mon être, corps et âme, est tendu vers l’effort. Je dévisage chaque passant. Hélas je ne vois que des mines incertaines, fumeuses, brouillardeuses. Puis soudain, la voilà ! Radieuse, aérienne, délicate, presque translucide… Une seconde, deux secondes… et elle disparaît. Evanouie dans l’air frais du matin. Dissoute dans la foule. Evaporée dans les brumes de la ville… Je souris. Ça valait le coup d’attendre depuis l’aube. Puis, je rentre à la maison en me disant : vivement demain…
— Prq tu di D choz ki ns ft tjr maRé ?
— C skon croi mé C toi ki V kon soi Kool.
— Tpa C rieu Jvoulé tparlé Psk je C kta D lumour.
— Keske tu vE dir ? C pa clR. Mé Kmem TK non Tu C.
— Au fait : pourquoi on parle le langage SMS alors qu’on est face à face ?
— Bê, comme ma mère m’a confisqué mon téléphone pour une semaine, j’ai besoin de rester en forme. C’est du training. Tu MKon pran ?
— Tu sais que la patronne est morte, écrasée par un camion ? Aplatie la big boss. Il paraît que toute sa cervelle de tarée était étalée sur le pare-chocs du poids-lourd et, comme elle était très intelligente, il y en avait partout, jusque sur le pare-brise même. Il y avait aussi ses boyaux puants et ses viscères visqueux étalés sur la route, et même des éclaboussures de son sang méchant jusque sur le trottoir. Tu te rends compte ? !
— Oui, je viens d’apprendre la nouvelle. Oh là à, quel bonheur, euh douleur.
— Oui, il y a de temps en temps dans la vie des moments comme ça d’une infinie allégresse, euh tristesse.
— Et bien dis donc, c’est le bazar dans ta chambre !
— Ben ch’ai pas pourquoi. Ça doit être des gens qui viennent entasser leurs trucs chez moi, quand ch’uis pas là. Ou alors ce sont les affaires qui se reproduisent entre elles. Génération spontanée des fringues fripées et des chaussettes sales. Je ne vois pas d’autres explications.
— En effet, ça se tient.
— Et oui, mon vieux, faut juste un peu réfléchir dans la vie tu vois, avant de critiquer.
Allongé dans l’herbe, je vois défiler des cohortes de nuages. Je plisse les yeux, alors la Suisse passe dans le ciel, indolente évidemment, suivie de l’Australie qui tourne étrangement sur elle-même. Puis, la Grande-Bretagne traverse le ciel, benoîtement, avec un petit air méprisant quand même… et, avant d’atteindre la cime des arbres au-dessus de ma tête, elle se transforme en un éléphant rose géant et boursoufflé qui barrit muettement… Etrange, non ?
On papote en marchant.
— Ça va toi ?
— Oui ça va, mentis-je.
— Tu es sûr ?
— Oui, je t’assure. (Encore un mensonge. Je culpabilise car je me dis qu’elle s’inquiète pour moi et que je ne lui dis pas la vérité.) Au fait, qu’est-ce que tu viens de me demander ?
— Je t’ai demandé comment ça va.
— Bah en fait, ça ne va pas du tout. Je n’en peux plus. Je suis désespéré. J’ai juste envie de me foutre en l’air, de me suicider. Peut-être me défenestrer...
— Ah, très bien. C’est parfait. Parce que moi de mon côté, tu vois, je crois que j’ai trop mangé. Je suis un peu ballonnée là. C’est la galère, hein ? Il y a comme ça dans la vie des moments, et même des épreuves, pas facile à traverser.
C’est ce qui nous arrive à tous les deux. Heureusement qu’on se soutient.
— Je suis une singularité.
— C’est vrai que tu es spécial, et même disons particulier, très ébouriffant, complètement déjanté… C’est pas un scoop. Mais, sanglier, comprends pas ?
— Non, singulier, pas sanglier. La singularité que je suis, c’est lorsque tous les savoirs connus ne peuvent pas expliquer ce qui se manifeste là, ni comment je me manifeste devant toi. Par exemple, quand Picasso passe du thème de la maternité avec l’âme du monde - période rose - au visage cubiste déconstruit de la femme qui pleure, c’est une belle singularité. Et ce qui se manifeste là, devant tes yeux, qui semble être moi, c’est de l’inconnu, du pur inconnu. Je suis de l’inconnu, tu captes ?
— Mais, tu es mon pote depuis plus de dix ans ! Je te connais par cœur.
— Tu me connais ? Et tu me trouves normal ? Conforme ? Non, ben tu vois depuis dix ans tu ne connais de moi que du non connu et de l’inconnu.
— Ah ben dit comme ça, oui, t’as sûrement raison.
— Tu ne me connais pas.
— Je ne te connais pas, d’accord.
— Voilà.
— Alors je ne sais plus moi… Bonjour Monsieur… Je suis ravi de vous rencontrer aujourd’hui pour la première fois… Mes respects… Salutations.
— T’as tout compris… Mais, au fait, vous êtes qui, vous ?!
Quand je rentre du boulot, je m’assois sur le canapé et je commence à lui raconter mes déboires et mes aventures, à lui parler de ma journée et de mes états d’âme. Elle m’écoute gentiment. Au bout d’une demi-heure, je me tais.
— Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu ne dis plus rien.
— Ben, c’est que je n’ai plus rien à dire. Je suis vide. C’est comme mon stylo : quand il n’y a plus d’encre dans mon stylo, il n’écrit plus. Il arrête.
— Oui, mais tu étais en plein milieu d’une phrase, il me semble ? Et ça m’intéressait ce que tu étais en train de partager avec moi. Je suis déçue.
— Peut-être, mais quand il n’y a plus d’encre, il n’y a plus d’encre. C’est comme ça.
Le lendemain, quand je rentre à la maison, je m’installe sur le canapé face à elle et je commence à lui raconter les péripéties de ma journée compliquée. Elle m’écoute gentiment en me regardant dans les yeux et en faisant de petits acquiescements de la tête, l’air intéressé et même parfois captivé. Puis, elle se fige et son regard commence à flotter vers le plafond… je lui demande :
— Qu’est-ce qu’il t’arrive, tu as l’air toute bizarre ?