Quand le cauchemar dépasse la réalité - Mirabelle C. Vomscheid - E-Book

Quand le cauchemar dépasse la réalité E-Book

Mirabelle C. Vomscheid

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Beschreibung

Mandy, la trentaine, se consacre exclusivement à sa carrière au CNRS jusqu'au jour où elle se met à souffrir de maux de tête à répétition avec perte de conscience et de mémoire. Elle consulte un médecin qui lui déclare que tout va bien, mais qu'elle est trop stressée. Elle prend alors un congé sabbatique et part pour l'île Maurice où elle fait la connaissance de Julian qu'elle entraîne sans le vouloir dans un cauchemar sans fin. Les deux jeunes gens se retrouvent confrontés à un être immonde qui est prêt à tout pour mettre la vie de Mandy et celle de ses proches en péril pour mener à bien son projet : celui d'anéantir l'humanité pour régner en maître sur sa planète mourante. Les deux héros parviendront-ils à lutter contre cet individu sans coeur ni âme dont la seule raison de vivre est de posséder l'ensemble de l'univers ?

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Merci à Richard Géhénot, illustrateur et auteur, pour la réalisation de la couverture, ainsi que la mise en page de la 4ème de couverture.

Sommaire

Prologue

Les Culver

La Saint-Nicolas

Le départ

Arrivée à l'hôtel

Trou-aux-Cerfs

Un réveil douloureux

Appel étrange

Retrouvailles singulières

Proserpine

Retour à la normalité

Nouvelles révélations

Les Euporiens

Vers un monde synthétique

Retour dans le futur

Révélations

Petit comité de famille

Au cœur de l'hôpital

Le cimetière de Haye

Confrontation avec l'ennemi

Nouvelle terre, nouvelle rencontre

Nouveau transfert, nouveau monde

Les exilés

Quand tout est possible

Une visite inattendue

Quand l'impossible devient possible

Prologue

Mandy, une tasse de café à la main, se laissait aller à la contemplation du paysage, par la baie vitrée panoramique de son séjour. À l'horizon, les cimes des arbres opposaient leur vert éclatant au bleu azur du ciel. La journée promettait d'être estivale. La jeune femme se hâta de tout ranger dans la cuisine et partit, le cœur léger, sillonner les allées boisées afin de profiter de ses derniers jours avant de reprendre le chemin du travail. Elle se sentait nostalgique en repensant à ces trois dernières semaines de plénitude. Elle avait momentanément laissé ses soucis de côté pour laisser place à la détente, aux côtés de sa meilleure amie, Ariane, où elles s'étaient rendues en Bretagne afin de profiter de l'air marin. Même ces horribles images qui la réveillaient en sursaut la nuit et hantaient son quotidien s'étaient estompées au fil des jours. Mandy avait vécu des instants inoubliables avec Ariane et chacune de ses journées avait été pimentée par les nombreuses péripéties de son amie. Ces trois semaines de congé s'étaient ainsi écoulées dans des discussions tardives le soir et des crises de rires interminables. Depuis qu'elle avait quitté son amie deux jours plus tôt, la jeune femme ressentait un grand vide et ses crises d'angoisse étaient revenues. Cela signifiait que son organisme était à nouveau surmené.

Alors qu'elle se trouvait à la lisière de la forêt, Mandy ressentit un étrange malaise, différent de ce qu'elle avait connu jusqu'à ce jour. Elle eut le sentiment d'entrer dans une phase de transe et cette sensation lui fit terriblement peur. Elle ne maîtrisait plus son corps et crut qu'elle allait s'effondrer sur le sol. Sa vue se brouilla, puis elle eut l'impression de voir un essaim de particules lumineuses assaillir sa vision. Mandy sentit alors ses jambes se dérober et perdit le contrôle d'elle-même. Sans qu'elle s'y attende, un phénomène des plus curieux se déroula devant ses yeux. Elle vit une brèche s'ouvrir sur le chemin boisé qu'elle venait d'emprunter. Les arbres s'estompèrent, puis disparurent et laissèrent place à un immense tourbillon de lumière qui s'enfonçait dans les ténèbres. Un courant d'air tiède s'enroula autour de la jeune femme, puis la souleva et l'emporta dans ce tunnel à l'issue incertaine. À cet instant, Mandy perdit connaissance. Mais avant de sombrer, elle eut juste le temps d'apercevoir au loin les contours éblouissants d'une tête squelettique aux frêles épaules. Cette dernière image la terrifia.

1. Les Culver

Trois mois plus tard....

« Bonne nuit, ma chérie, fit Alyssa en regardant sa fille emprunter l'escalier qui menait au premier étage.

— Qu'as-tu donc ? demanda Jake en posant les mains sur les épaules de son épouse.

— Je m'inquiète pour Mandy. Je trouve qu'elle a les traits tirés depuis quelques temps. Elle semble épuisée, tu n'as pas remarqué ?

— Ce détail ne m'a pas échappé, avoua-t-il. Mais notre fille est une vraie boule d'énergie. Elle est incapable de se reposer, même quand son corps lui lance des signaux d'alerte. Avec le rythme de vie qu'elle mène, cela ne m'étonne guère. Elle passe toutes ses journées au CNRS, et il lui tarde souvent de quitter les lieux. Elle pourrait dormir sur son lieu de travail qu'elle le ferait.

— C'est vrai. Mais le plus important est qu'elle ait enfin trouvé sa voie, répondit Alyssa. »

La fille des Culver était archéologue, une branche qui avait étonné son père. Ce dernier pensait qu'elle suivrait le même chemin que lui et qu'elle rejoindrait les couloirs des hôpitaux. Malgré tout, Mandy avait longuement hésité dans ses choix professionnels. Avant de se tourner vers l'archéologie, elle avait d'abord été guide au Musée des Beaux Arts à Nancy, puis fut durant trois ans rédactrice à l'Est Républicain. Rêvant de quelque chose de plus palpitant, elle avait alors repris ses études et s'était inscrite à l'université de Nancy II. Elle avait ainsi obtenu son Master Archéologie et Histoire de l'Art, puis avait poursuivi une formation à l'Institut Français de Restauration des Œuvres d'Art. Cela ferait deux ans en août prochain qu'elle travaillait au CNRS de Vandœuvre en qualité d'archéologue.

« Pour tout t'avouer, soupira Alyssa, je m'inquiète beaucoup au sujet de ses troubles du comportement.

— Je sais, ma chérie. Mais qu'y pouvons-nous ? Nous devons faire avec. Mandy n'est plus une enfant, elle fêtera son trente-deuxième anniversaire en novembre prochain. »

Le couple se regarda, le cœur lourd. Ils n'avaient pas eu une existence simple avec l'arrivée de Mandy dans leur vie, puis celle de son frère Julien. Ils avaient donné naissance à des enfants peu ordinaires, qui avaient fait de leur quotidien un océan d'angoisse permanente. Malgré tout, Jake et Alyssa formaient le couple le plus heureux sur Terre depuis plus de trente ans, époque où ils avaient décidé de vivre en France et de laisser derrière eux l'Amérique, pays qu'ils jugeaient trop artificiel à leur goût. Ce fut ainsi qu'ils débarquèrent en terrain inconnu en Lorraine, dans l'est de la France et qu'ils achetèrent une maison à proximité de Nancy dans la ville de Heillecourt, près du Grand Parc de l’Embanie. À cette époque, les prix n'avaient pas encore flambé et ils avaient eu la chance de faire l'acquisition d'une charmante demeure avec les avantages de la ville à la campagne. Ils auraient dû aspirer à ce changement en toute quiétude, mais la vie en avait décidé autrement. Très tôt, ils avaient découvert que Mandy, leur fille aînée, avait des capacités supérieures à la normale. Ils lui avaient fait passer toute une série de tests qui avaient révélé un quotient intellectuel élevé. Ils l'avaient alors placée dans un centre pour surdoués. À l'âge de quinze ans, la jeune fille avait rejoint les bancs de l'université pour y poursuivre des études de médecine et suivre les traces de son père. Jake était en effet un brillant chirurgien qui consacrait l'essentiel de son temps à l'hôpital de Brabois. Cependant, Mandy avait rapidement compris que ce domaine ne l'intéressait pas, même si elle était très fière du métier de son père. Elle s'orienta alors dans une branche plus spécifique, au grand désarroi de Jake, qui espérait donner le flambeau à sa fille. Prochainement, il partirait en retraite et laisserait derrière lui sa vie à l'hôpital, qui était devenu sa seconde demeure au fil des années. Il recommencerait à vivre aux côtés de son épouse, Alyssa.

Âgé de 62 ans, Jake se sentait fatigué de son existence. Pourtant, son physique ne donnait pas cette impression. Le visage était certes marqué par les ravages du temps, mais le léger hâle parait sa peau d'une agréable teinte dorée qui lui donnait bonne mine. Imposant par sa taille et ses épaules larges, il arborait une crinière ondulante de cheveux poivre et sel, qui contrastait avec la chevelure rousse de son épouse.

Cette dernière était plus jeune que lui, bien plus petite et menue. Il se dégageait de sa personne une puissance qui semblait puiser sa source dans cette fragilité apparente. En réalité, Alyssa était pleine d'énergie, solide comme un roc et ne se montrait pas toujours tendre avec son entourage. La quinquagénaire avait encore une bonne dizaine d'années à accomplir dans l'enseignement avant de prendre à son tour sa retraite. Elle était professeur de littérature à l'université de Nancy. Comme son époux, elle adorait sa profession, car elle lui procurait une certaine satisfaction personnelle.

En apparence, Jake et Alyssa avaient tout pour être heureux si ce n'est qu'ils s'inquiétaient constamment pour Mandy et Julien, leurs deux aînés. Seul Timothy ne leur avait jamais posé aucun problème. Il était né après que la couple se fut battu des mois durant pour tenter de sauver Julien, leur premier garçon. Dès son plus jeune âge, celui-ci avait subi les pires souffrances que l'on puisse infliger à un enfant. Suite à un grave accident de voiture, l'année de sa naissance, Julien avait été brûlé au troisième degré et conduit aux urgences. Les médecins avaient annoncé son décès quelques heures plus tard. Cependant, un jour, Jake avait découvert que Julien était toujours en vie. Des collègues, qu'il jugeait dignes de confiance, avaient comploté dans son dos pour se servir de son fils comme d'un cobaye en prétendant agir au nom de la science. Jake et Alyssa n'avaient retrouvé leur fils qu'à l'âge de ses dix-huit mois, dans un triste état. Ses jours étaient à cette époque comptés. Après de lourdes interventions chirurgicales, l'enfant fut enfin hors de danger. Mais durant plusieurs années, Julien dut se protéger de la lumière et porter une combinaison spéciale lors de ses sorties, pour se parer contre les rayons nocifs du soleil. Aujourd'hui, Julien était un homme de vingt-quatre ans qui menait une vie quasiment normale. Ses parents lui témoignaient une attention inégalable en raison de son enfance particulière, mais ils devaient bien reconnaître que toute leur attention était actuellement dirigée vers Mandy, désormais devenue leur principal sujet de conversation. Ils s'inquiétaient pour la jeune femme qui changeait subitement de personnalité sans raison apparente. Durant ces phases, elle se comportait comme une petite fille sans défense, versant des larmes de terreur au moindre bruit.

« Allez, viens, ma chérie, fit Jake, en attirant son épouse contre lui. Il est temps pour nous de faire comme Mandy et de rejoindre notre chambre. Tant que notre fille est sous notre toit, nous pouvons la surveiller, ajouta-t-il pour la rassurer.

— Tu as raison, dit-elle rassérénée. Elle est ici pour une dizaine de jours, cela nous laissera le temps de comprendre ce qui se passe dans sa tête.

Une heure plus tard, le foyer des Culver était plongé dans la pénombre et chacun dormait profondément. Un cri déchirant mit fin à cette quiétude peu de temps après leur coucher. Alyssa se réveilla en sursaut, complètement affolée.

— Tu as entendu, Jake ? On dirait que le cri provient de la chambre de Mandy.

— Levons-nous ! ordonna-t-il, affolé.

Le couple sortit d'un pas alerte de la chambre et alla à l'encontre de leur fille. Jake tourna précautionneusement la poignée de la porte de Mandy, puis passa la tête par l'encadrement. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand il vit son visage effrayé. Mandy ruisselait de sueur, elle avait le regard hagard et le teint terreux. Ses lèvres tremblaient. Jake se précipita vers sa fille.

— Qu'as-tu, ma chérie ? demanda-t-il d'un ton paternel.

Cette dernière le regarda d'un air confus, sans mot dire, comme si son père lui avait posé une question qu'elle ne comprenait pas. Puis elle finit par dire d'un ton las :

— Je ne sais pas papa. Je ne me souviens de rien depuis le moment où je me suis glissée dans mon lit. La seule chose concrète est ce malaise que je ressens au plus profond de moi sans pouvoir me l'expliquer. »

Elle se mit à sangloter et blottit sa tête dans le creux de l'épaule de son père. Elle s'était toujours confiée à Jake. Il était son modèle et son confident. Elle avait également d'excellents contacts avec sa mère, mais elle estimait que son père était plus en mesure de la comprendre qu'Alyssa.

« Tu ne te rappelles strictement de rien, Mandy ? fit sa mère en s'approchant doucement du lit.

— Non, rien.

— Tu as probablement fait un cauchemar qui t'aura mise dans cet état.

— Non, maman, je ne crois pas, répliqua-t-elle sur la défensive. C'est le néant dans ma tête, comme si je n'avais jamais vécu ces dernières heures, ajouta-t-elle en versant de nouvelles larmes de désarroi.

— Ne t'inquiète plus, nous sommes près de toi, murmura Jake en la cajolant.

— Je ne suis plus une petite fille papa, protesta-t-elle. Je vais bientôt avoir trente-deux ans ! »

Mandy s'abstint de révéler à ses parents que ce n'était pas la première fois qu'elle vivait cette situation étrange. Cette perte de mémoire pouvait aussi bien se produire pendant son sommeil qu'à l'état de veille. Elle était soudainement en transe, l'esprit confus, et ne se souvenait pas de ses derniers instants. Le seul point commun à toutes ces amnésies temporaires était cet étrange tourbillon de lumière qu'elle voyait et qui la conduisait vers un tunnel ténébreux. Une fois, elle s'était rendu compte que plusieurs heures avaient passé sans qu'elle ne se rappelât quoique ce soit. Elle faisait alors ses courses quand elle avait ressenti cet appel d'air qui l'avait poussée à rejoindre ce tunnel, puis ce fut le trou noir. Quand elle avait repris conscience, Mandy était chez elle, la nuit était tombée depuis longtemps.

« Vous pouvez me laisser, fit Mandy en s'adressant à ses parents dans un demi-sourire pour les rassurer.

— Tu es certaine que tout va bien ? demanda Alyssa, angoissée.

— Oui, maman, je vais bien. Tu peux aller dormir. »

Mandy les regarda partir, soulagée. Elle ne voulait pas les tourmenter davantage. Elle était suffisamment sereine pour gérer la situation. C'était du moins ce qu'elle croyait. La jeune femme entendit ses parents murmurer dans le couloir. Ils devaient encore parler de l'incident dont elle avait été victime. Elle ne supportait plus qu'ils se tracassent autant pour elle. Sa décision était prise, elle partirait le lendemain. Elle simulerait une nette amélioration et espérait qu'une nouvelle crise ne surgirait pas durant ce court laps de temps.

2. La Saint-Nicolas

Un mois plus tard ...

Mandy n'avait pas eu de nouvelle crise depuis son dernier séjour chez ses parents. L'existence avait repris son cours normal avec son lot de soucis habituels. Malgré tout, la jeune femme ne s'expliquait pas ces absences durant lesquelles elle était incapable de se rappeler ce qu'elle avait fait. Elle avait préféré taire ses amnésies temporaires en s'éloignant du cercle familial. Ses parents s'étaient suffisamment inquiétés lorsqu'elle était plus jeune.

Le traditionnel repas de la Saint-Nicolas avait lieu le lendemain et Mandy ne pourrait pas y échapper. Elle redoutait cette réunion de famille, car elle craignait de revivre le cauchemar du mois dernier. Toute la famille serait au complet. Julien serait en compagnie de son épouse et de son fils de six mois, tandis qu'une jeune femme sexy accompagnerait certainement Timothy, dont toutes les filles étaient sous le charme ! À cette pensée, Mandy ne put s'empêcher de sourire. Elle devait bien reconnaître que son petit frère était séduisant avec ses grands yeux et ses hautes pommettes. Sans oublier qu'il dominait toute la famille avec ses 1 mètre 90 ! Il était à l'opposé de Julien qui était relativement petit avec quelques kilos en trop et le visage rond, conséquences de sa maladie qui le condamnait à prendre de la cortisone à vie. Quant à Mandy, elle avait davantage hérité des traits de sa mère avec son visage fin et bien dessiné et sa chevelure rousse qui retombait en cascade sur ses épaules. Ses sourcils bruns surmontaient de grands yeux vert clair en amande frangés de longs cils, qui donnaient un air mystérieux à son regard.

Mandy se félicitait d'avoir une famille comme la sienne, même si elle la trouvait parfois envahissante. Qu'aurait-elle fait sans la protection de ses parents ? Quant à ses frères, leur personnalité était très différente, ce qui faisait d'eux des êtres uniques. Alors que Julien gardait la tête sur les épaules en espérant fonder une famille respectueuse, Timothy profitait de la vie en s'autorisant des interdits sans jamais culpabiliser et changeait de petite copine comme de chemise. Mandy se demandait quel style de fille son frère cadet allait présenter pour cette traditionnelle réunion familiale. Elle craignait que sa mère ne s'emporte comme l'an passé quand la compagne de son frère cadet s'était montrée particulièrement odieuse durant tout le repas et avait osé venir affublée d'une tenue inappropriée aux circonstances.

Mandy se dirigea vers la salle de bain, se fit couler un bain et se glissa avec délectation au cœur de la mousse. Elle se laissa bercer par les jets d'eau hydrothérapiques. Une lumière, se déclinant en plusieurs teintes, émana des jets. Elle fut transportée par les bulles qui s'élevèrent du fond jusqu'à la surface de l'eau. C'était une technologie assez récente, dont elle s'était payée récemment le luxe, grâce à ses heures supplémentaires au laboratoire de recherches. La jeune femme s'accordait peu de moments de détente, mais quand elle en avait l'occasion, elle y prenait un plaisir infini. Elle avait pris une journée de congé exceptionnelle et avait prévu de flemmarder comme elle le faisait actuellement dans son bain, puis de faire quelques emplettes dans le centre-ville de Nancy en prévision des fêtes de fin d'année.

Alors que les remous de l'eau la transportaient dans un monde de douceurs, elle ressentit, soudain, un courant d'air glacial l'aspirer dans une spirale sans fond. Une puissante force d'attraction la poussa inexorablement dans un couloir ténébreux au bout duquel Mandy reconnut les contours lumineux de cet étrange silhouette décharnée qui l'avait déjà interpellée lors de ses précédentes crises. Elle semblait l'attirer pour lui communiquer un message. Incapable de maîtriser son corps ou même son esprit, elle sombra dans le néant.

*

« Mandy n'est toujours pas arrivée ? demanda Julien qui avait hâte de revoir sa sœur.

— Non, toujours pas et je dois bien avouer que je trouve ça curieux, répondit Alyssa en préparant la farce de la dinde. Ton père a essayé de la joindre sur son mobile et rien à faire, elle ne répond pas.

— Mais où peut-elle être ? fit Julien, soucieux.

— C'est une bonne question. Avec ta sœur, on ne peut jamais savoir ce qui se passe. À vrai dire, ton père et moi-même sommes inquiets à son sujet. Elle se comporte bizarrement ces derniers temps. Elle ne veut rien laisser paraître, mais j'ai le sentiment qu'elle nous évite.

— Mandy ne ferait pas une chose pareille ! rétorqua Julien.

— Détrompe-toi. Elle nous cache quelque chose dont elle refuse de parler.

— Ta mère a raison, corrobora Jake en entrant dans la cuisine avec une part de gâteau. Mandy fait comme si de rien n'était pour ne pas nous affoler, mais elle semble préoccupée. Et ne parlons pas de ses troubles de la personnalité.

— Des troubles de la personnalité ? répéta Julien, hébété.

— Oui. Le plus grave, c'est qu'elle ne se rappelle pas de ces changements de comportement. C'est comme si elle n'en avait absolument pas conscience.

— Effectivement, c'est curieux, murmura Julien.

— Ne nous alarmons pas pour rien, ce ne serait pas la première fois qu'elle arriverait avec deux heures de retard. Quand elle est enfermée dans son labo, elle en oublie l'espace et le temps.

— Attendons encore un peu et nous aviserons le moment venu, suggéra Alyssa pour détendre l'atmosphère. »

*

Mandy errait sur un chemin boisé, dont les branches menaçantes des arbres semblaient la happer. Elles se mouvaient de façon singulière, mais la jeune femme n'en était pas pour autant affolée. Elle marchait comme un automate sur ce sentier qui ne menait nulle part. Il régnait un calme particulièrement angoissant. La végétation luxuriante était animée par une force obscure qui l'incitait à folâtrer pour appeler l'attention de la jeune femme. Cette dernière restait indifférente à son environnement et continuait à avancer, le regard hagard, hypnotisée par cette curieuse silhouette phosphorescente tout au bout du chemin qui lançait des signaux par intermittence. Elle avait pris possession de son esprit, plus rien n'avait d'importance, seul importait aux yeux de Mandy cette forme lumineuse qui lui soumettait des informations la terrifiant.

*

« Mais où étais-tu donc passée, ma chérie ? fit Alyssa, inquiète, en voyant sa fille dans l'embrasure de l'entrée. Il est plus de vingt-deux heures, le repas est terminé depuis longtemps ! Entre donc, tu ne vas pas rester là ! »

Mandy regarda, tour à tour, sa mère, ses deux frères et son père. Pourquoi se tenaient-ils ainsi en demi-cercle devant elle ? Que faisait-elle ici sur le perron de la porte ? Elle était frigorifiée et ne sentait plus le bout de ses mains et de ses pieds. La neige s'était mise à tomber en début d'après-midi et formait désormais sur la pelouse des Culver un épais manteau blanc. La jeune femme finit par entrer. Elle ressentait un immense vide en elle que rien ne pouvait combler.

« Pourquoi ne dis-tu rien, Mandy ? Tu es encore plus pâle que d'habitude... et ton regard ? Il semble si inexpressif... dis-nous ce que tu as, » fit Jake d'une voix qui se voulait rassurante.

Mandy continua d'observer son entourage, dans l'impossibilité de parler. Elle n'avait aucun souvenir de la journée qui venait de s'achever. Qu'avait-elle fait durant ces dernières vingt-quatre heures ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Elle ignora sa famille et se dirigea vers les escaliers pour regagner sa chambre, celle qu'elle avait quand elle n'était encore qu'une simple adolescente. C'était son endroit préféré quand elle voulait communier avec elle-même et retrouver une certaine sérénité. Elle ferma la porte derrière elle, puis se glissa sous la couette sans même adresser un seul regard à ses parents qui l'avaient suivie et l'observaient en silence. Les Culver étaient angoissés plus que jamais. Ce n'était pas la première fois qu'ils voyaient leur fille dans cet état, mais cette fois-ci elle semblait être dans un autre monde et ignorer ce qui l'entourait. Malgré tout, le couple connaissait la méthode à suivre et ne chercha pas à intervenir. Mandy avait besoin de repos et ils la laissèrent dormir. Tout le monde se coucha tardivement ce soir là. Les garçons regagnèrent leur chambre peu après minuit et Jack et Alyssa profitèrent de la chaleur du feu de cheminée du salon avant d'aller se coucher à leur tour.

En fin de nuit, Mandy se réveilla en sursaut, affolée. Son esprit était inondé d'images à glacer le sang, qui apparaissaient comme des flashs. Elle vit le visage d'un enfant ruisselant de sang, ses yeux étaient révulsés et sa bouche formait un rictus hideux. À cette vision, la jeune femme se figea de terreur. Elle savait que l'enfant était mort dans de tragiques circonstances, elle eut cet horrible sentiment d'être l'auteur de ce crime ! Cette intolérable constatation la plongea dans un état semi-comateux. Elle se sentit alors soulevée par un courant d'air tiède qui la fit flotter dans un couloir de lumière évoluant en une spirale. « Serait-ce le fameux tunnel dont parlent ceux qui ont frôlé la mort ? » se demanda-t-elle soudainement comme si elle venait d'avoir une révélation. Elle était attirée tel un aimant vers cette lumière aveuglante et blafarde, qui se tapissait tout au bout de ce couloir. Elle se sentait enveloppée par cet éclat, tout en ayant l'étrange impression de se noyer dans une mer de coton. Alors qu'elle crut sa fin arriver, elle fut propulsée au centre d'un curieux sanctuaire. Elle balaya les lieux d'un regard circulaire et ses yeux se posèrent sur une statue représentant la déesse Proserpine, la déesse des saisons, celle-ci versait des larmes de sang. Mandy, abasourdie par ces étranges informations que lui communiquaient son esprit, fut prise de convulsions. Elle ne contrôlait plus son corps. Le phénomène s'arrêta aussi soudainement qu'il était apparu. La jeune femme eut alors l'impression que son corps était aussi lourd que du plomb. Le sanctuaire avait disparu, laissant place au salon de son spacieux duplex.

« Mais que m'arrive-t-il ? » murmura-t-elle d'une voix tremblante. « J'ai des pertes de conscience, je ne contrôle plus mon corps et je suis prise de visions très troublantes. Tout ceci ne peut être réel, c'est mon imagination qui me joue des tours ! Ça ne peut plus durer, je suis de plus en plus fatiguée à chaque nouvelle crise, vidée de toute énergie. »

Mandy était si lasse qu'elle s'endormit sur le sofa de son salon vingt heures d'affilée. À son réveil, elle ne savait pas encore que deux journées complètes s'étaient écoulées depuis la nuit de la Saint-Nicolas chez ses parents.

3. Le départ

Quelques semaines plus tard...

Mandy s'était résolue à prendre rendez-vous chez un psychiatre sans en informer sa famille. La jeune femme ne pouvait admettre qu'elle souffrait de psychose. Cela faisait trois semaines qu'elle se rendait régulièrement chez le Docteur Sylvestre. Lors de sa dernière séance, ce dernier lui avait avoué en toute honnêteté qu'elle était une jeune femme équilibrée qui ne souffrait d'aucune pathologie mentale. Il pensait tout simplement que Mandy était surmenée. Il lui avait conseillé de prendre un congé sabbatique de deux ou trois mois afin qu'elle retrouve une hygiène de vie un peu plus saine. Il lui avait même suggéré de prendre quelques vacances dans les tropiques, en soulignant qu'un changement de décor lui ferait le plus grand bien.

Après avoir longuement réfléchi, Mandy décida de partir une quinzaine de jours sur l'île Maurice. Elle avait quelques économies de côté, elle pouvait donc se permettre un petit extra. Une fois qu'elle eut réservé ses billets à l'aéroport de Strasbourg et une chambre d'hôtel sur l'île, elle contacta ses parents qui, à l'annonce de cette nouvelle, n'en crurent pas leurs oreilles :

« À l'île Maurice ! répéta Alyssa, interloquée. Mais, c'est à l'autre bout du monde !

— C'est justement ce que je recherche, l'éloignement.

— Mais si loin...

— Écoute maman, j'ai besoin de repos et changer d'air me fera le plus grand bien. Le labo pourra bien se passer de moi quelques jours. Et ce ne sera pas la première fois que je pars en expédition.

— Oui, mais cette fois-ci ce n'est pas pour ton travail. Tu ne pars jamais si loin seulement pour le plaisir !

Jake qui avait tout entendu, enlaça sa femme et fit remarquer suffisamment fort pour que sa fille entende à l'autre bout de la ligne :

— Mandy qui prend des vacances ! C'est à marquer d'une croix sur le calendrier ! Si elle est prête à quitter son labo qu'elle chérit plus que nous, c'est qu'elle doit avoir une bonne raison.

— Papa, je t'ai entendu, souligna Mandy d'un air taquin. Pour tout vous dire, je suis exténuée depuis quelques mois, je pense qu'un peu de repos me permettra d'être plus efficace à mon retour au labo.

— Tu vois, Alyssa, je savais que ta fille était motivée par quelque chose, poursuivit Jake, moqueur. En réalité, elle veut être encore plus compétente et perspicace qu'elle ne l'est actuellement. Tu finiras par te tuer au travail, ma chérie, cria-t-il dans le téléphone.

— Papa, je ne suis pas sourde, j'ai entendu tout ce que tu as dit à maman.

— Quand pars-tu alors ? demanda sa mère.

— Dans deux jours exactement. J'ai eu la chance d'avoir des billets en promotion, c'était une occasion à ne pas manquer. Et pour l'hôtel, je n'ai eu que l'embarras du choix, les touristes ne se précipitent pas en cette saison.

— Tu as toujours eu de la chance, ma chérie, souligna Alyssa. Tu passeras nous rendre visite avant ton départ ?

— Je ne sais pas maman, j'ai beaucoup de choses à faire et nous nous sommes vus il y a trois jours pour le repas de la Saint-Sylvestre.

— C'est vrai, reconnut Alyssa. Mais tes visites se font de plus en plus rares depuis tes dernières vacances chez nous.

— Je te promets de venir plus souvent à mon retour. J'aurais encore six semaines de congé, cela me permettra de m'occuper de ce que je n'ai pas pu faire dernièrement et de passer plus de temps avec mes proches. »

Jake et Alyssa se jetèrent un coup d'œil complice, ils espéraient sincèrement que leur fille se referait une santé sous les Tropiques. Ils ne l'avaient pas vu aussi enthousiaste depuis très longtemps. Mandy semblait s'être métamorphosée. Le couple ne pouvait se douter que la jeune femme souhaitait affronter ses démons pour y mettre un terme. Elle croyait en ce que lui avait dit son psychiatre, elle devait être épuisée, ses visions et malaises étranges étaient certainement la conséquence de tout son surmenage au laboratoire.

— Alors bonnes vacances ! » claironnèrent en cœur, Jake et Alyssa.

Mandy raccrocha, songeuse. Sa famille allait lui manquer. Mais il était nécessaire qu'elle fasse le vide dans son esprit. Elle irait rendre visite à Julien le lendemain pour déposer Dumbo et Praline, ses deux petits protégés. Son frère se ferait une joie d'avoir deux nouveaux pensionnaires à la maison. Mandy se sentit nostalgique à l'idée de laisser ses deux chats pour une quinzaine de jours.

*

Le grand jour arriva enfin. La jeune femme n'avait pas eu un moment de répit depuis qu'elle connaissait la date de son départ pour l'île Maurice. Il fallait bien reconnaître que cette décision était inattendue. Elle avait mis toutes ses affaires en ordre afin de partir l'esprit tranquille. La jeune femme avait réservé un billet de train sur le TVG Lorraine en partance pour Paris, puis avait regagné l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Mandy était tout excitée lorsqu'elle franchit l'enceinte de l'aéroport. Elle consulta le tableau des départs et rejoignit la porte C qui conduisait au couloir qu'elle devait emprunter pour accéder à son vol. Une heure plus tard, elle était installée dans l'avion à regarder par le hublot, le paysage défiler sous ses yeux. Elle se trouvait en charmante compagnie avec, pour voisin de voyage, un jeune homme d'une trentaine d'années qui se rendait à l'île Maurice pour affaires. Ce dernier engagea rapidement la conversation, ce qui plut à Mandy qui n'avait pas souvent l'opportunité de discuter avec des inconnus. Au laboratoire, elle travaillait seule et rentrait souvent chez elle tardivement sans n'avoir parlé à quiconque de la journée. Les seules personnes qu'elle côtoyaient régulièrement étaient ses parents et ses frères. Elle ne pouvait pas prétendre à une vie mondaine, hormis les quelques fois où elle se rendait sur le terrain pour faire des recherches archéologiques. Discuter avec cet inconnu au physique agréable lui apportait une certaine satisfaction. C'était un homme au teint halé avec une superbe chevelure noire dont quelques mèches retombaient gracieusement sur son front. Ses yeux noisette, pétillants de vie, revêtaient à la lueur de la lumière une nuance jaune cuivrée, qui fascinaient Mandy. Il l'attirait irrésistiblement. Elle dirigea la conversation sur son métier, en espérant attirer l'attention de son interlocuteur.

« Et pour quelles raisons avez-vous choisi d'exercer cette profession ? demanda l'homme d'affaires.

— La recherche m'a toujours passionnée et ce, depuis mon plus jeune âge. Dans un premier temps, je pensais me tourner vers la médecine comme mon père.

— Et dans quel domaine travaille-t-il, si ce n'est pas trop indiscret ?

— Il est cardiologue au Mémorial Nancy. C'est l'un des meilleurs chirurgiens de la région et je ne dis pas cela, car il est mon père, il l'est réellement. Il m'a beaucoup appris quand je n'étais qu'une simple petite fille de huit ans. J'avais l'autorisation de lire ses revues médicales, et je dois bien avouer que j'étais fière de suivre les traces de mon père.

— Vous vous êtes intéressée à des revues médicales si jeune ? Mais le jargon utilisé dans ces revues devait être compliqué ?

— Pas pour moi, à vrai dire. À huit ans, j'étais déjà précoce, souligna Mandy en rougissant. Quand mes capacités intellectuelles ont enfin été reconnues par les spécialistes de l'enfance, mes parents m'ont placée dans une école pour surdoués. Pour tout vous avouer, je m'ennuyais à mourir avec les enfants de mon âge. Ce qu'ils faisaient dans la cour de récréation n'avait aucun intérêt pour moi. Je me passionnais déjà pour le monde de la recherche, dans des domaines très diversifiés. J'ai intégré l'université, à l'âge de quinze ans et j'ai obtenu mon doctorat de médecine à l'âge de vingt ans. Puis je me suis orientée dans le domaine de la recherche, avant de finalement trouver ma vocation : l'archéologie afin d'éclaircir et de comprendre les mystères du passé. »

L'homme d'affaires était époustouflé par les capacités de la jeune femme. Il n'aurait pas songé un instant que Mandy était une brillante chercheuse. Il l'aurait plutôt vue dans une revue de mode. Il n'était pas insensible à son charme et à son physique très attrayant. Elle semblait avoir toutes les qualités que l'on peut attendre d'une personne. Les traits de son visage étaient dessinés avec finesse, ses yeux dégageaient une certaine sensibilité, tandis que sa chevelure rousse accentuait sa peau de porcelaine. Les proportions de son corps étaient parfaites, ses mains fines et blanches lui conféraient une certaine fragilité qui n'était qu'une impression. Une fois que Mandy commençait à parler, elle faisait preuve de maturité et le choix de ses mots montrait qu'elle était sûre d'elle.

« Que diriez-vous d'un verre de champagne ? » lui proposa-t-il tout à coup.

Mandy haussa un sourcil et lui répondit jovialement :

« Ce serait avec grand plaisir. »

Ils discutèrent ainsi durant plus de deux heures. Mandy, sous l'effet du champagne, finit par s'assoupir. Il restait encore deux heures de vol avant d'arriver à destination. Très rapidement son état de somnolence la conduisit dans un univers qui lui était désormais familier. Elle prit conscience de ce tourbillon de lumière qui l'enveloppait d'une étrange chaleur pour la faire basculer dans un autre univers. Elle reconnut le tunnel avec, à son issue, cet étrange messager qui cherchait à pénétrer son esprit. À cet instant, Mandy comprit que c'était cette drôle de silhouette qui lui communiquait ces images de visages ensanglantés. Elle continuait de l'appeler à lui et elle se sentait inexorablement attiré vers le fond du tunnel. La tête squelettique lui souriait, mais c'était un sourire narquois. Que lui voulait-elle ? Et qui était donc cette entité ?

Mandy s'était à peine posé la question que la silhouette se métamorphosa en un visage d'homme à l'apparence effrayante. Son regard était glacial et ses traits déformés par de profondes cicatrices qui l'entaillaient du haut du front jusqu'au menton. L'homme trônait au centre du sanctuaire dans lequel elle s'était retrouvée lors de sa dernière crise. Il la toisait d'un air moqueur qui lui fit froid dans le dos. Mandy l'observa, tétanisée. Ce qu'elle voyait, ne pouvait être le fruit de son imagination et le résultat d'un surmenage excessif.

« Non, vous ne rêvez pas, lui dit l'homme en plongeant dans son esprit.

— Mais comment pouvez-vous lire dans mes pensées ? Et qui êtes-vous ? bredouilla-t-elle.

— Je suis le représentant de la connaissance universelle.

— Le représentant de la connaissance universelle, répéta mécaniquement Mandy. »

Ces mots résonnèrent longtemps dans sa tête jusqu'à ce qu'elle sente quelqu'un la secouer énergiquement et lui dire d'une voix lointaine :

« Réveillez-vous, nous sommes arrivés sur l'île Maurice. »

Mandy ouvrit les yeux et reconnut son compagnon de voyage qui l'observait curieusement.

« Pourquoi me regardez-vous ainsi ? On croirait que vous avez vu un ovni.

— C'est presque ça, rétorqua-t-il, un brin d'humour dans la voix. Vous n'avez cessé de répéter durant votre sommeil « le représentant de la connaissance universelle ».

— Le représentant de la connaissance universelle ! Mais qui est-ce ?

— À vous de me le dire.

— Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai dû faire un drôle de rêve. Les rêves n'ont pas d'explication rationnelle, conclut-elle.

— Je suis entièrement d'accord avec vous... Allez, dépêchons-nous de rejoindre la passerelle. »

Alors qu'ils descendaient de l'avion, Mandy ne put s'empêcher de repenser à ces mots le représentant de la connaissance universelle. Ils la laissaient perplexe. Elle se rappelait en outre cette étrange tourbillon de lumière qui la conduisait à chaque fois dans ce tunnel. Plus elle avait de crises, plus elle avait le sentiment que ce qu'elle voyait n'était pas un mauvais tour de son inconscient. Tout existait réellement, elle en était intimement convaincue. Il lui fallait franchir la prochaine étape : accéder consciemment à ce monde et en comprendre les fondements.

4. Arrivée à l'hôtel

Une fois que Mandy eut déposé ses bagages dans sa chambre, elle éprouva le besoin d'aller se dégourdir les jambes. Le trajet avait été long, une bonne marche au clair de lune, le long de l'océan, lui ferait le plus grand bien. L'hôtel se trouvait au bord d'une crique et Mandy dût serpenter quelques chemins broussailleux avant d'atteindre la plage. Elle se promena d'un pas nonchalant, en trempant ses pieds dans l'eau, et écouta le bruit des vagues se briser sur la côte. Ce murmure régulier la tranquillisa et elle se sentit en paix avec elle-même. Elle finit par s'installer sur un rocher, puis se délecta du cadre paradisiaque et inhala les douces effluves de l'océan. La jeune femme eut l'impression de se fondre dans un nouvel univers, pas un seul bruit de véhicule ne venait déranger ce calme ambiant. La soirée était déjà bien avancée quand elle se décida à regagner le bar de l'hôtel pour prendre un dernier verre. Quand elle pénétra dans l'établissement, elle fut agréablement surprise de reconnaître le charmant inconnu de l'avion, adossé au comptoir.

« Bonjour, on se connaît ! Que faites-vous ici ?

— Je devrais vous retourner la question, répondit-il en la toisant de haut en bas.

— Je passe mon séjour dans cet hôtel.

— Il en est de même pour moi. Nous risquons de nous croiser souvent alors... peut-être pourrions-nous envisager de faire quelques excursions ensemble puisque nous logeons à proximité, à moins que vous n'ayez déjà programmé votre séjour ? Je suis ici pour affaires, mais j'ai quelques journées libres.

— Pourquoi pas ! s'exclama Mandy enthousiaste.

— J'étais justement en train de regarder un dépliant qui parle de Trou-aux-Cerfs.

— Trou-aux-Cerfs ? répéta Mandy, perplexe.

— Il s'agit d'un cratère volcanique situé au centre de l'île Maurice, sur le territoire de Curepipe.

— J'ai failli réserver un hôtel dans cette ville ! s'exclama-t-elle. Mais j'ai changé d'avis lorsque je suis tombée sur l'hôtel de La croix d'or. Le cadre est bien plus paisible et verdoyant.

— C'est vrai que notre hôtel est excellent d'un point de vue rapport qualité/prix. On ne peut espérer un cadre plus agréable et des prix plus abordables. Cela vous tenterait une excursion au Trou-aux-Cerfs ?

— Cela pourrait s'avérer passionnant ! Mais vous êtes certain que c'est un lieu à visiter ?

Le jeune homme d'affaires lui tendit le dépliant et Mandy aperçut de belles étendues boisées avec, en son centre, un lac.

— Maintenant que je vois cette végétation luxuriante, je n'ai plus aucune hésitation.

— Vous m'en voyez ravi. Alors, nous devrons nous lever tôt si nous voulons avoir le temps de tout visiter et prendre la navette de huit heures du matin.

— Cela me convient. J'ai l'habitude de me lever aux aurores. Pourquoi n'irions-nous pas là-bas dès demain si vous êtes libre ?

— J'allais justement vous le proposer. Je me suis accordé deux jours de repos avant de me mettre au travail. »

Ils discutèrent encore durant une bonne demi-heure de choses et d'autres, vidèrent leur verre et se levèrent pour retourner dans leur chambre respective. Mandy en avait réservé une au premier étage. La jeune femme constata que celle de son interlocuteur se trouvait également au même niveau.

« Quelle heureuse coïncidence ! fit-il. À propos, nous ne nous sommes même pas présentés dans l'avion.

— C'est vrai, ça ! Alors comment vous appelez-vous ?

— Julian, et vous ?

— Mandy. Voilà, les présentations sont faites.

— J'aime bien votre prénom.

— Et moi, le vôtre, répliqua-t-elle en éclatant de rire. »

Cet homme avait tout pour lui plaire. Ils montèrent les quelques marches ensemble, en silence, et Mandy parvint devant sa chambre. Julian l'observa un instant, le regard brillant, puis la salua en déposant un léger baiser sur sa joue. À ce contact, la jeune femme ne put s'empêcher de frissonner.

« Je viendrai vous chercher demain matin à sept heures. Si vous le souhaitez, nous pourrions prendre le petit-déjeuner ensemble sur la terrasse de l'hôtel et profiter du décor extérieur.

— Très bonne idée !

— Je vous souhaite une bonne nuit, Mandy.

— Vous de même, répondit-elle en refermant sa porte. »

La jeune femme resta quelques instants derrière la porte à écouter les pas de Julian s'éloigner au bout du couloir. Son cœur battait à rompre dans sa poitrine. La présence du jeune homme avait eu un effet bienfaisant sur sa personne. Mandy se rendit dans la salle de bain afin de prendre une douche et fit couler l'eau un long moment sur sa peau avant d'aller se