Quand les thérapeutes dérapent - Baudoin Labrique - E-Book

Quand les thérapeutes dérapent E-Book

Baudoin Labrique

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Beschreibung

Cet essai propose une analyse la plus objective possible des attitudes dérivantes chez les thérapeutes ou assimilés appartenant à tous les secteurs, au travers de leur comportement humain et psychologique face au patient ou au client ; ils se rendent parfois coupables de graves dommages chez ceux qu’ils ont pourtant la mission d’aider. Ils assurent un accompagnement psychologique par profession ou pas, mais n’y ont pas toujours été prédestinés ou adéquatement formés, ce qui constitue une source importante de dérives. Baudouin Labrique exprime le fruit d’observations facilitées par sa position privilégiée d’acteur et d’observateur : il a été informé de nombreux faits de maltraitance psychologique, ce qui l’a incité à apporter modestement sa participation à la construction d’un système de santé plus respectueux et moins iatrogénique. Son expérience mise en lien avec ce qu’ont observé ses pairs, l’oblige dès lors à dénoncer des pratiques, où qu’elles se trouvent, dans la mesure où elles enfreignent l’esprit du serment d’Hippocrate et ne se conforment pas à la Maïeutique socratique, lesquels sont inséparables d’un accompagnement thérapeutique digne de ce nom. Sa collègue Anne De Vreught, psychothérapeute, a participé à l’écriture des pages relatives aux Constellations familiales, dont elle est reconnue comme praticienne confirmée et qui complémentent son activité de psychothérapeute.

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Quand les thérapeutes dérapent

Baudouin Labrique

Les dérives des thérapeutes et assimilés dans l’accompagnement humain et psychologique

Publication: 2011Source: http://www.renaissancedulivre.be

In memoriam Alice Miller

(1923-2010)

Le monde est dangereux à vivre.

Non pas tant à cause de ceux

qui font le mal,

mais à cause de ceux

qui regardent et laissent faire.

Albert Einstein

Prologue

L’ objet de cet essai est circonscrit à l’analyse la plus objective possible mais non exhaustive des attitudes inappropriées de certains thérapeutes, au travers de la manière dont ils se comportent humainement et psychologiquement face au patient ou au client[1].

Le secteur conventionnel et le secteur non conventionnel[2] seront concernés au même titre[3].

Certains intervenants, n’ayant pas été formés adéquatement aux impératifs psychologiques de la thérapie, se comportent dangereusement, au risque d’entraîner de graves dommages auprès de ceux qu’ils ont pourtant la mission d’aider. Les dérives[4] s’observent aussi bien chez ceux qui en font le métier exclusif, que chez ceux qui l’incorporent à des degrés divers, sciemment ou pas, dans leur pratique.

J’analyserai la manière dont les approches thérapeutiques les plus controversées sont élaborées, diffusées et pratiquées. Dans un but exclusivement didactique, j’ai exprimé ici le fruit d’observations facilitées par ma position privilégiée d’observateur et d’acteur en les asseyant sur des sources qui se recoupent, préférentiellement scientifiques ; j’ai veillé ainsi à ne pas me poser en maître à penser, évitant tout dogmatisme, «vérité révélée» ou jugement péremptoire…

D’une part, en tant que psychothérapeute[5], j’accueille les doléances de patients qui attendent de moi que je les aide à soulager leurs maux psychiques. De nombreux patients m’ont informé de ce qu’ils s’étaient sentis maltraités psychologiquement par des thérapeutes appartenant à tous les secteurs.

D’autre part, en tant que conférencier, formateur et critique de science[6], je tente d’apporter ma participation à la construction d’un système de santé plus respectueux et moins iatrogène[7]. Mon expérience mise en lien avec ce qu’ont observé mes pairs m’oblige dès lors à faire état de ce qui va en apparence, à l’encontre de l’esprit du primum nil nocere (d’abord ne nuire en rien) d’Hippocrate[8] et d’une relation d’aide digne de ce nom[9].

Ma collègue Anne De Vreught, psychothérapeute, est intervenue dans les pages relatives aux Constellations familiales qui constituent l’une de ses approches.

chapitre 1

Les dérives en thérapie

Types des principales dérives rencontrées

Les dérives se trouvent au premier chef dans certaines attitudes de base présentes dans toutes les couches de la société et de tout temps (il ne conviendra donc pas de diaboliser les pratiques thérapeutiques) : la manipulation, la déstabilisation, l’emprise mentale, les abus d’autorité, de pouvoir, de faiblesse et de crédulité…

Certains aspects du profil psychologique de la personne en cause les favorisent et ne sont donc pas forcément délibérées (ce qui n’enlève rien à leur caractère inapproprié) : le manque d’humilité, les insuffisances de remise en question, l’absence de travail préalable sur soi[10]…

Sur le terrain thérapeutique, les comportements dérivants se traduisent comme suit : l’endoctrinement, le dogmatisme, le manque de respect des règles d’éthique, de déontologie et de relation d’aide appropriées[11], les enfreintes à l’esprit du serment d’Hippocrate, les violences physiques et psychiques, le cadre erratique des séances, les manques de distance thérapeutique, de supervision, de savoir-être, la thérapie sauvage, les promesses de guérison, la pratique illégale de la médecine, le détournement de la médecine, le charlatanisme, les procédés illusoires, les fraudes, l’appât du gain…

Qu’est-ce que la thérapie ?

La thérapie peut se définir comme « un ensemble de mesures appliquées par un thérapeute à une personne souffrant d’un problème de santé ou d’une maladie, dans le but de l’aider à guérir, de minimiser ou de soulager ses symptômes, ou encore d’en prévenir l’apparition »[12].

Usage abusif des termes de thérapeute et praticien

L’ utilisation de l’appellation de thérapeute ou praticien[13] en telle approche constitue un détournement abusif de titres : l’adjonction d’une quelconque spécialité à de tels termes, comme par exemple, dans le problématique libellé de thérapeute ou praticien en décodage biologique[14]…

Pour remédier à une telle situation, il me semble qu’il est inutile de vouloir légiférer la psychothérapie en se confinant à protéger le titre de psychothérapeute ; Sandrine Mathen, analyste au Ciaosn[15], le préconise pourtant, croyant qu’on pourra ainsi « lutter contre les dangers que représentent ces spécialistes agissant au nom de la biologie totale[16] », sous prétexte que rien ne les empêchait jusque-là de « s’autoproclamer psychothérapeutes »[17].

Ce qu’elle dit est en phase avec ce que relayent en chœur les médias ; pourtant, s’appelant alors thérapeutes ou praticiens en décodage biologique[18], rien ne sera vraiment résolu puisqu’ils pourront continuer à exercer dans les faits la psychothérapie alors même que le titre de psychothérapeute serait protégé. C’est d’ailleurs ce qui se passe déjà en France suite à la promulgation du décret d’application de la loi réglementant le port du titre de psychothérapeute : les appellations psypraticien et psychopraticien[19] ont vu le jour très rapidement[20], offrant la possibilité de continuer à exercer en échappant donc aux dispositions du décret.

Il faudrait plutôt protéger les titres de thérapeute et de praticien, en réservant strictement leur usage à ce qui leur est dévolu traditionnellement (ils doivent rester des termes génériques), évitant ainsi d’induire les gens en erreur ; il faudrait aussi obliger tout accompagnant à respecter des codes pointus d’éthique et de déontologie[21].

Les observations précédentes révèlent déjà des sources de dérives, car en se proclamant par exemple thérapeutes ou praticiens en tel ou tel domaine, certains croient pouvoir s’affranchir du respect des règles de déontologie propres àla psychothérapie qu’ils pratiquent pourtant dans les faits.

Cependant, les reproches à leur égard incitent trop souvent, par effet d’amalgame, à malmener et à discréditer injustement les approches authentiquement psychothérapeutiques qui prennent en charge les rapports établis entre psychisme et corps[22].

D’ailleurs, la pratique de la psychothérapie est historiquement très peu sujette à des critiques pertinentes ; sa véritable remise en question n’a débuté qu’avec la médiatisation des phénomènes sectaires[23], au travers de ce qui atrop souvent ressemblé à de véritables chasses aux sorcières.

Au sein des praticiens qui s’occupent d’accompagnement psychologique, les spécialistes prédestinés à prendre en charge la thérapeutique du psychique, se regroupent dans quatre professions types : psychothérapeute, psychanalyste, psychologue et psychiatre.

Les thérapeutes du psychique

Une grande confusion règne par rapport à ce que recouvrent concrètement les titres cités : pour le grand public, les fonctions qui les recouvrent se confondent. Les descriptions suivantes tenteront d’en définir les contours.

On pourra constater que certaines caractéristiques de base propres à ces spécialités entraînent déjà des dérives en soi ; en revanche, il ne faudrait pas en déduire que les praticiens concernés sont ipso facto poussés, voire condamnés, à dériver.

Le psychothérapeute

La psychothérapie n’est pas reconnue ou protégée officiellement entre autres en Belgique et elle ne fait donc pas partie du secteur conventionnel, à l’inverse de la psychiatrie et de la psychologie traitées plus bas. Une telle situation fragilise grandement sa position en jetant une suspicion facile sur tous ceux qui s’en réclament en titre, à cause des déviances de certains thérapeutes qui s’adonnent dans lesfaits à de l’accompagnement psychothérapeutique déguisé, comme dénoncé.

Le champ spécifique d’action du psychothérapeute ne peut pas se confondre avec ceux des autres décrits ensuite :

Le psychothérapeute est un professionnel […] habilité à traiter des personnes souffrant de troubles psychiques ou somatiques. Son travail consiste à aider ses patients […] à libérer des traumatismes du passé, […] dans le but de libérer la racine des chocs et des traumatismes émotifs […][24].

Contrairement à la psychologie ou à la psychiatrie, la psychothérapie ne traite pas au niveau des symptômes (physiques), mais elle s’occupe de la racine (psychique) des problématiques qui causent les symptômes.

Liens psychiques et organiques prouvés.

L’ influence du psychisme dans la genèse des maladies a été en effet maintes fois démontrée, empiriquement[25] mais aussi scientifiquement[26] :

Des études cliniques, effectuées sur des malades dont on a pu établir tous les antécédents biographiques, ont montré l’existence d’un rapport chronologique entre l’évolution de leur maladie et les événements retentissant sur leur vie affective. La situation qui précipite le sujet dans la maladie revêt pour ce malade une signification affective particulière, parce qu’elle est liée à son passé ou à une problématique conflictuelle non résolue[27].

En son temps, Sigmund Freud avait remarqué qu’en matière de maladies, « le psychique fait alors un saut dans l’organique »[28].

Les psychothérapies sont efficaces.

Les psychothérapies ont offert depuis plusieurs siècles un espace privilégié pour analyser et permettre de traiter efficacement les mal-être, malaises et autres somatisations.

Parmi les études qui le prouvent, voici le constat de la revue Consumer Reports :

« […] les psychothérapies sont efficaces. Des 15 % [nda : des patients] qui se sentaient très mal, 87 % se sentent mieux. Des 19 % qui se sentaient mal, 92 % se sentent mieux »[29].

Tout bénéfice pour les finances publiques.

Une telle efficacité a forcément un impact très favorable sur le plan financier, comme l’atteste ce rapport français sur les « incidences économiques de l’Article 52 de la Loi[30] du 9 août 2004 sur le titre de psychothérapeute » :

[…] les psychothérapeutes prennent entièrement en charge les frais de leur longue formation professionnelle […] et paient ensuite la TVA (19,6 %)[31] sur toutes leurs interventions. Ils ne coûtent rien à l’État et lui rapportent, au contraire, des recettes sensibles. Leurs séances ne sont pas remboursées, ils ne prescrivent pas de médicaments, ils permettent d’éviter ou de réduire de nombreuses hospitalisations, voire certaines incarcérations. L’ ensemble de l’économie ainsi réalisée sur le budget national est difficile à chiffrer avec précision, et les estimations varient de 2 à 3 milliards d’euros par an[32].

Le psychanalyste

Pas reconnue légalement, cette profession jouit d’une sorte d’aura protectrice à cause de ses origines : du nom donné par son créateur Sigmund Freud, la psychanalyse est une technique analytique d’investigation psychologique de l’inconscient basée sur l’écoute. Suivant l’avertissement qu’il en a donné[33], elle n’est pas une « thérapie curative » et ne peut donc pas prétendre au statut de vraie thérapie, contrairement à la croyance populaire. Son utilisation comme thérapie explique ses échecs notoires – une investigation retentissante a pu largement le confirmer[34] – notamment parce qu’elle ne recourt qu’à un interrogatoire analytique lié à une écoute relativement passive du patient.

Un psychanalyste n’est donc pas un psychothérapeute.

Le psychologue

Le psychologue travaille en étroite collaboration avec le corps médical. À l’inverse du psychothérapeute qui porte son objet sur l’origine profonde des maux, il ne traite que les symptômes, incitant le patient à changer de comportement. Cependant, les traitements en psychologie classique requièrent beaucoup plus de séances que dans le cadre d’une vraie psychothérapie, vu qu’un nouveau comportement adopté agira éventuellement (dans le meilleur des cas) sur les causes (non traitées) des maux ; cela constitue d’ailleurs l’une des critiques faites à l’encontre des psychologues.

Un psychologue n’est donc pas un psychothérapeute[35].

Le psychiatre (médecin)

[Nda : Le psychiatre peut se définir comme étant un] spécialiste traitant de graves maladies mentales sur une base médico-psychiatrique. […] Suite au diagnostic du psychiatre, les méthodes de traitement les plus fréquemment utilisées sont la prescription de médicaments (antidépresseurs, sédatifs, anxiolytiques, antipsychotiques, lithium, etc.), la psychanalyse, l’incarcération du patient dans un hôpital psychiatrique, la contention physique, la contention chimique, les traitements par l’électrochoc et dans certains cas, toutefois moins fréquents, la chirurgie au cerveau […]. Un psychiatre n’est [donc] pas un psychothérapeute. […][36].

Les psychiatres ont toujours eu pour mission et continuent de suivre essentiellement les pathologies lourdes. Certains portent la double casquette de psychiatre et de psychothérapeute, mais il est bien difficile de conduire efficacement des psychothérapies dans le cadre des consultations classiques, car les séances de dix minutes entrecoupées d’appels téléphoniques ne favorisent guère le travail en profondeur[37].

De telles conditions expéditives de consultation entraînent, sinon des dérives, du moins des effets iatrogènes.

Quand les corps-objets prévalent sur les corps-sujets.

Voici le témoignage du Dr Thierry Janssen concernant la pratique médicale en général, car les médecins dits de famille sont également concernés :

Souvent, j’entends dire que les médecins n’ont pas assez de temps pour écouter leurs patients, qu’ils ont trop de malades à soigner, qu’ils ont trop de traitements à prescrire, trop d’appareils à manipuler. C’est un fait, ce n’est pas une excuse. La vérité est que les médecins ne prennent [nda : généralement[38]] pas le temps d’écouter les malades. […] [Nda : ils sont] formés à soigner des corps-objets au lieu d’aider des corps-sujets. […] du coup, ils acceptent de consulter à des cadences infernales […] Ils créent du stress pour eux-mêmes et pour ceux qui les consultent. Et dans un tel empressement, ils commettent des maladresses ; ils finissent par blesser ceux qu’ils veulent aider. Ce que certains patients me racontent de leur relation avec leur médecin est stupéfiant. […] Écouter les patients permettrait d’éviter bien des examens, des soins et des prescriptions inutiles. Cela permettrait de réduire le nombre d’erreurs thérapeutiques[39].

chapitre 2

Ce qui est conventionnel

Les approches thérapeutiques sont classées dans cette étude en deux catégories : le secteur conventionnel et le secteur non conventionnel.

Ce qui est conventionnel désigne l’existence de conventions qui régissent les relations entre les membres du corps médical, paramédical et assimilés, et les organismes de sécurité sociale. En phase avec l’option retenue par la Commission européenne[40], j’ai préféré utiliser les qualificatifs de conventionnel et non conventionnel : cela me paraît plus précis que les vocables tels que les approches officielles, traditionnelles et, de l’autre côté, les approches non officielles, appelées aussi parallèles, complémentaires ou alternatives…

Signe que la culture médicale est en train d’évoluer dans ce sens, la commission d’éthique de l’Ordre départemental de Côte d’Or (France) enjoint les médecins d’éviter « le terme de médecine alternative » :

Cette épithète suggère une exclusivité tout à fait contraire à l’éthique comme au bon sens. La tolérance de l’autre a l’avantage de l’envisager sous l’angle d’une complémentarité qui, loin de consacrer une rupture entre praticiens, loin d’imposer au malade une dissimulation de ses démarches alternes, permet de préserver un contact utile et profitable à tous[41].

En conformité avec la logique de ce qui précède, la Suisse – seul pays d’Europe à en avoir eu l’audace – a doté (17 mai 2010) sa constitution d’un nouvel article (118a) qui confère une valeur constitutionnelle aux « médecines complémentaires » : « La Confédération et les cantons pourvoient, dans les limites de leurs compétences respectives, à la prise en compte des médecines complémentaires »[42].

En Europe, la France et la Belgique comptent parmi les pays les plus timides en matière de reconnaissance et d’intégration des approches non conventionnelles.

Les approches conventionnelles rassemblent les méthodes de traitement reconnues officiellement parce qu’elles se fondent sur des découvertes, des connaissances approuvées officiellement et bénéficient d’un enseignement académique ; certaines ont été validées par la méthode expérimentale[43], l’une des bases incontournables de l’approche scientifique classique. Il s’agit des approches médicales reconnues légalement et celles qui leur sont associées : médecine générale, médecine spécialisée, psychiatrie, psychologie, dont les spécificités thérapeutiques ont été abordées au chapitre précédent.

Toutes les professions ont leurs brebis galeuses

Sujet à la contagion du discours outrancier des médias, le grand public ainsi manipulé se focalise arbitrairement sur les dérives des approches non conventionnelles. Vu la reconnaissance scientifique alliée à la protection légale dont les domaines du secteur conventionnel jouissent, la conscience et la dénonciation des aspects déviants qui leur sont imputables ne sont facilitées, ni dans le chef de ceux qui en sont les acteurs, ni de la part des instances qui les régissent, ni dans les grands médias. Il convient alors de ne pas tomber dans le manichéisme qui persiste à nier que les brebis galeuses se dénombrent en fait de tout temps dans chaque secteur.

L’ absence de reconnaissance officielle des approches non conventionnelles les place en boucs émissaires et en fait des cibles (bien trop) faciles à atteindre.

Il ne saurait être question dans cet essai de diaboliser l’une ou l’autre d’entre elles : tous les corps de métiers secrètent leurs brebis galeuses, fait observer Guy Rouquet[44] dans la préface du livre, On a tué ma mère ! Face aux charlatans de la santé[45], relatant le témoignage d’une femme à propos de la confrontation de sa mère au comportement déviant de thérapeutes appartenant à tous les secteurs thérapeutiques.

Préjugé organiciste et autres dogmes

La tentation du scientifique est […] de nier la véracité des faits sous prétexte que ceux-ci ne s’expliquent pas à l’aide des acquis de la science[46].

La science médicale conventionnelle se fonde sur le préjugé organiciste : prétendre trouver la cause d’un mal physique ou psychique, dans le seul symptôme, activant du même coup le dogmatisme matérialiste et rationaliste du « tout-au-physiologique » ; on en est arrivé préconiser des traitements chimiques pour traiter des problématiques psychologiques !

Voici l’avis très autorisé et malheureusement toujours d’actualité du Dr John Eccles (1903-1997), prix Nobel de physiologie et de médecine en 1963 :

Ils [la majorité des scientifiques] ont été formés à l’école du matérialisme. C’est un moule extrêmement rigide composé d’un ensemble de dogmes qui ne sont pas forcément expliqués scientifiquement ! Par exemple, affirmer que notre existence n’est qu’un assemblage biologique, sans essayer de comprendre tout ce qui n’entre pas dans ce cadre – sous prétexte que ce n’est pas « scientifique » – est un dogme, pis, une superstition ! La science est pleine de superstitions, de croyances de toutes sortes…[47]

Ce qui « motiverait » le recours à de tels dogmes :

[…] les dogmes matérialistes n’ont pas été édifiés par des gens qui aimaient les dogmes, mais par des gens qui pensaient que rien de moins net ne leur permettrait de combattre les dogmes qu’ils n’aimaient pas. Ils étaient dans la situation de gens qui lèvent des armées pour défendre la paix[48]. [Nda : « si vis pacem para bellum », « si tu veux la paix prépare la guerre »].

Face à cette situation surréaliste, le non politiquement correct professeur de Philosophie des Sciences à l’université de Berkeley, Paul Feyerabend (1924-1994), a qualifié cette Science (dans sa partie matérialiste et rationaliste) comme étant « la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses »[49]. Les inconditionnels de la recherche scientifique conventionnelle pèchent par une attitude trop tournée vers eux-mêmes : rivés sur des principes normatifs et mathématiques contestables, tout en laissant peu de place à l’indispensable remise en question.

Le tamis restrictif de la méthode expérimentale

Est-il pertinent de soutenir que la validité d’une approche thérapeutique doit se conformer au passage au filtre de la méthode expérimentale scientifique ? Cette considération est importante, car une approche est d’autant mieux acceptée conventionnellement qu’elle y a satisfait, son efficacité réelle passant paradoxalement au second plan.

La validation scientifiquement reconnue des expériences n’est garantie que si elle répond au critère de reproductibilité :

Cette condition part du principe qu’on ne peut tirer de conclusions que d’un événement bien décrit, qui est apparu plusieurs fois, provoqué par des personnes différentes… Un phénomène que l’on peut reproduire à volonté devient un phénomène reproductible au sens scientifique[50].

Surgit ensuite un paradoxe de taille : le neurologue Pierre-Jean Thomas-Lamotte souligne qu’il « est impossible d’étudier et de quantifier une cohorte de malades ou une série de cas-témoins quand il faut inclure le psychisme humain »[51] ; « […] on ne peut pas divorcer six fois de suite du même partenaire […] »[52]. Ainsi, étudier une maladie comme « un phénomène que l’on peut reproduire à volonté » s’avère impraticable. L’ étude de telles observations sort donc manifestement du cadre de l’expérimentation conventionnelle lorsqu’elle impose le critère de la reproductibilité ; un tel principe est dépassé notamment dans les cas où il est exigé comme condition sine qua non à remplir, dans la vérification des observations empiriques de nature psychologique.

Une deuxième raison motive le non-recours à l’expérimentation scientifique matérialiste et rationaliste quand il s’agit d’évaluer des approches psychologiques. Les paramètres immatériels, notamment psychiques, n’y sont pas pris en compte sous prétexte qu’ils ne sont pas mesurables. Négligés, ils se comportent en conséquence comme d’authentiques variables contaminantes[53], que tout expérimentateur scientifique doit pourtant pourchasser sous peine de voir invalider les résultats de ses observations !

Une troisième raison ajoute à l’inconvenance de recourir à la méthode expérimentale scientifique notamment en matière psychologique : l’effet Rosenthal. Le Pr Robert Rosenthal[54] a démontré que les expérimentateurs en psychologie, en éducation, en médecine et en sciences de la matière peuvent affecter inconsciemment les résultats des études entreprises, dans le sens de ce qu’ils attendaient, par contamination des hypothèses émises[55]. En phase avec ce qui précède, la Physique Quantique avait pu prouver que la matière se comporte différemment en fonction des outils de celui qui l’observe et quoi qu’il fasse ; c’est en contradiction avec l’un des principes immuables des sciences dites exactes qui exige que l’expérimentateur ne se mette jamais en posture d’influencer ce qu’il teste. Dans de telles conditions, on peut mesurer la fragilité de ce qui fonde toute la recherche scientifique : on frémit à l’idée de ce qu’il advient de la crédibilité à donner encore à cette partie de la Science à visée rationaliste et matérialiste et à la validité de ses découvertes.

Les constats faits dans ce chapitre devraient inciter les inconditionnels de la méthode expérimentale à plus d’ouverture par rapport à tout ce qui ne peut pas s’y soumettre, en l’occurrence lorsqu’il s’agit d’approches thérapeutiques !

Évaluation biaisée des psychothérapies

Pour le confirmer, voici l’avis du Pr Nicolas Duruz, (Institut de Psychologie de l’université de Lausanne) concernant l’évaluation des psychothérapies :

[…] depuis quelques années, on assiste à un retour quasi fondamentaliste de type scientiste[56], qui cherche à nettoyer le champ psychothérapeutique de toute pratique non scientifique. […] La preuve scientifique de l’efficacité d’un traitement est considérée comme acquise dans la mesure où cette efficacité a été mise en évidence dans le cadre de dispositifs expérimentaux […] qui exigent un groupe homogène de patients, lequel doit être comparé à un groupe contrôle sans traitement, avec placebo[57] ou traitement alternatif, et être soumis à un processus thérapeutique standardisé et contrôlé par un manuel […]. L’ application de la méthode expérimentale pour apporter la preuve scientifique de l’efficacité ne convient pas à certaines formes de psychothérapie où les critères de changement, comme la nature du processus thérapeutique, ne se laissent pas objectiver aussi simplement, voire naïvement. Utiliser ces seuls critères pourrait conduire à ce que ces psychothérapies, ne pouvant pas être l’objet de recherches dites scientifiques selon la méthode expérimentale, soient ipso facto exclues de la liste des traitements reconnus[58].

chapitre 3

Les approches conventionnelles

Médecine et prise en charge psychologique

Grâce à leurs connaissances de la nature humaine, les médecins d’autrefois pratiquaient une forme de psychothérapie et aidaient certainement les forces naturelles à réagir contre la maladie en inspirant confiance à leurs patients[59].

De (trop) rares médecins pratiquent encore ainsi et cette époque est révolue au moins pour deux raisons. D’une part, les formations scientifiques ne prédestinent pas à l’accompagnement psychologique et n’offrent pas nécessairement le gage que seront respectées dans les faits, entre autres, l’éthique et la déontologie spécifiques[60] à l’accompagnement qui touche au psychologique.

D’autre part, le traitement symptomatique des maux via l’exclusive pharmacopée a installé des conditions de consultation qui ne favorisent pas l’expression des ressentis, puisqu’au diagnostic de tel mal est attendue une médication type, mais pas le recours à l’effet bénéfique d’un entretien de nature psychothérapeutique (comme on le constatera plus bas dans le cas de la prescription de psychotropes).

On a déjà abordé ce type d’incohérence au travers de la « double casquette thérapeutique »[61] portée par les psychiatres comme par les autres médecins : les seules conditions matérielles de la consultation entraînent déjà des conséquences incompatibles avec un accompagnement de qualité.

C’est ce que constatent la Fédération Suisse des Psychologues (FSP) et l’Association Suisse des Psychothérapeutes (ASP) : « Les médecins et le personnel auxiliaire n’ont pas de formation reconnue en psychothérapie […]. Un entretien avec un médecin ne constitue pas une psychothérapie qualifiée »[62].

Une étude de Test-Achats le confirme :

Les médecins de famille ne disposent généralement pas du temps nécessaire pour ce type de consultation et n’ont pas la formation adéquate pour entamer un traitement psychothérapeutique. C’est pourquoi, face à des troubles sévères, les médecins devraient orienter leurs patients vers une aide spécialisée, ce qui ne s’est produit que dans 44 % des cas[63].

Sortir d’une telle ornière est toutefois accessible, comme le montre le Dr Adams Hunter[64] (USA) : il s’est rendu célèbre notamment grâce à la haute qualité de sa relation d’aide[65], ce qui, faits avérés, a permis à ses patients d’avoir moins recours aux médicaments et d’accélérer leur guérison.

La prescription iatrogène de psychotropes

La prise d’antidépresseurs et autres psychotropes, prônée par les thérapeutes conventionnels, handicape pourtant le travail psychothérapeutique chez des personnes qui sont sous leur influence : en séance de psychothérapie, elles ont davantage de difficultés à exprimer leurs ressentis psychiques voire physiques, portes d’entrée obligées pour accéder à la mémoire émotionnelle et donc à la source des maux. Confronté à un nombre majoritaire de dépressifs et en concordance avec la relation qu’en font mes pairs, j’atteste que la prise d’antidépresseurs ne pourra jamais faire l’économie d’une vraie prise en charge psychothérapeutique qui offre la possibilité de libérer efficacement et durablement la racine des maux, qui se trouve généralement dans l’enfance (mais peu de gens le savent).

La médication risque à tout le moins de brouiller les causes des maux, en ne soulageant qu’éphémèrement, comme l’a souligné la psychothérapeute Alice Miller[66] :

Notre accès à notre histoire d’enfant nous donne la liberté d’être fidèles à nous-mêmes, cela veut dire de pouvoir ressentir nos émotions, de les connaître et d’agir selon nos besoins, ce qui nous garantit notre santé et nos relations honnêtes et vraies avec nos proches. Nous arrêtons de mépriser, négliger ou même maltraiter notre corps et notre âme de la même façon – impatiente, irritée, humiliante – que nos parents ont traité le petit enfant qui n’a pas pu encore parler et s’expliquer. Nous cherchons plutôt à comprendre les causes de nos malaises, ce que nous pouvons faire plus facilement après avoir pris la connaissance de notre histoire. Aucun médicament ne peut nous renseigner sur les CAUSES de nos malaises ou maladies. Un médicament peut seulement brouiller ces causes et soulager la douleur – pour quelque temps. Mais les causes qui n’étaient pas reconnues restent toujours actives et continuent leur travail de signalisation jusqu’à ce que la maladie récidive. Et elle sera traitée par les autres remèdes qui, eux aussi, négligeront les raisons de la maladie. Pourtant, ces raisons ne sont pas introuvables si la personne malade s’intéresse à la situation de l’enfant qu’elle a été.