Questions Royales - Frédéric Deborsu - E-Book

Questions Royales E-Book

Frédéric Deborsu

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Beschreibung

Pourquoi Philippe n'a-t-il pas embrassé Mathilde lors du mariage ? Pourquoi Mathilde est-elle plus ambitieuse qu'il n'y paraît ? Pourquoi le Roi n'a-t-il jamais reconnu Delphine ? Pourquoi Paola n'a-t-elle pas voulu divorcer d'Albert ? Pourquoi Laurent a-t-il violenté plusieurs femmes ? Pourquoi Claire défend-elle son mari avec acharnement ? Pourquoi Astrid a-t-elle failli devenir Reine ? Pourquoi Lorenz est-il un homme les mieux payés de Belgique ? Pourquoi l'église rythme-t-elle leur vie ? Sur base d'une enquête approfondie de plusieurs mois et d'une cinquantaine de témoignages issus des proches de la famille royale, Frédéric Deborsu apporte un éclairage indéit sur le fonctionnement et les dessous de notre monarchie. En exclusivité et en toute transparence, voici le livre qui dévoile enfin la vraie personnalité des membres de la famille royale, comme jamais auparavant.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Frédéric Deborsu est journaliste à la RTBF depuis plus de vingt ans. En dehors de son professionalisme avéré, on retient de lui plusieurs faits d'armes qui ont façonné sa réputation de journaliste dérangeant, dont le fameux Questions à la Une consacré au Prince Laurent qui reste, à ce jour, le record d'audience de la RTBF avec plus d'un million de téléspectateurs.

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Question(s) royale(s)

Question(s) royale(s)

Frédéric Deborsu

Renaissance du Livre

Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

couverture : emmanuel bonaffini

photographie de couverture : © laura bertone

mise en pages : cw design

imprimerie : wilco (hollande)

isbn papier : 978-2-507-05065-8

isbn numérique : 978-2-507-05099-3

dépôt légal : D/2012/12.763/51

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

FRÉDÉRIC DEBORSU

Question(s) royale(s)

Le livre qui dévoile la vraie personnalité des membres de la famille royale.

Comme jamais auparavant.

« La vérité est toujours plus surprenante que la fiction, parce que la fiction doit coller à ce qui est possible, alors que la vérité, elle, n’y est pas obligée. »

Marc Twain

À Pierre-Loup, Victoria, Charlotte, Anne-Bénédicte.

Les miens.

Avant-propos

Pourquoi ce livre ?

La famille royale m’a toujours fasciné. J’ai été un de ces enfants qui aiment les histoires de princes et de princesses, ou les récits qui vantent les exploits des rois. Un jour de septembre 2004, Albert et Paola visitent Namur, ma ville, durant les fêtes de Wallonie. Je suis dans la foule qui s’est massée le long des barrières Nadar pour saluer le chef de l’État. Je patiente debout durant une heure pour tenter d’apercevoir le roi. Ou la reine. C’est elle qui passe à mes côtés. Et Paola de venir saluer mes jeunes enfants. Un beau moment. J’apprécie la monarchie. Mais, au fond, je ne sais pas vraiment pourquoi. Parce qu’elle a quelque chose de magique ? De sympathique ? D’archaïque ? Un peu de tout ça. Depuis toujours, j’ai envie d’en savoir plus sur les personnalités de la maison royale. En 1999 et en 2000, lors des joyeuses entrées de Philippe et Mathilde dans les provinces belges, la RTBF m’a chargé de couvrir les coulisses de ces sorties princières dans les rues du royaume. À l’époque, après les deux premières visites du couple, à Bastogne et à Bruges, j’ai fait ce constat : Mathilde est radieuse, Philippe a l’air stressé. Tous les deux sont gentils et attentionnés. Mais en fait, on ne sait rien d’eux. Qui sont-ils en réalité ? À quoi pense Philippe quand il est en public ? Mathilde fait preuve d’un grand naturel, mais est-il bien réel ?

En prévision de la joyeuse entrée en Brabant wallon, je propose à Olivier, étudiant zélé de Louvain-la-Neuve, de relever un défi. Alors que, selon l’habitude, tout le monde cherche à serrer la main du couple princier, il doit faire en sorte que Mathilde… l’embrasse. Devant la caméra. Une façon originale de tester la spontanéité de la nouvelle princesse. Mon étudiant, un peu inquiet, se glisse dans la foule, se hisse au premier rang. Et il attend. Pour attirer Mathilde, il a revêtu la calotte typique des étudiants de Louvain-la-Neuve. Je suis à ses côtés. Mathilde s’avance vers lui et s’arrête pour admirer son couvre-chef. C’est bien parti. Il engage avec elle une courte conversation et lui dit simplement qu’il a fait un pari : accepte-t-elle de l’embrasser ? Sur la joue ? Mathilde répond oui. Elle s’exécute. La foule crie. Pari réussi. Sympathique. Assurément.

Ce bisou étonnant, désarmant, ne m’a pas suffi. Cette nervosité permanente de Philippe, quand il est en public, m’a toujours donné l’envie d’enquêter sur le sujet. Mon désir d’en savoir plus a repris le dessus lorsque je me suis intéressé au cas du prince Laurent, pour la télévision. Un reportage diffusé sur la RTBF en novembre 2011. Sans concession, mais sans aucune volonté de nuire. Record d’audience. Diffusion de larges extraits en Flandre, à la VRT entre autres. Toute la Belgique en a parlé. Ce billet de 10 euros que le prince reprend discrètement après avoir payé des crèmes glacées a fait le tour des télés et de la toile. Et de nouveau, je me suis interrogé : pourquoi sont-ils comme ça ? Spontanés, sympathiques, mais aussi surprenants et décevants…

Pourquoi la monarchie belge entretient-elle autant le secret ? Aucune transparence en ce qui concerne les dépenses. Pas question d’accorder d’in­terview aux médias. Discrétion absolue quand il s’agit de religion. Trans­gression de la vérité quand on tente de se renseigner sur la vie privée…

Je le répète, je suis royaliste. Mon grand-père paternel, Achille Deborsu, né en 1894, m’a bercé d’histoires vantant les mérites d’Albert Ier. Son héros. La Maison royale m’est sympathique. En tant que francophone, je n’ai été bercé par aucun courant nationaliste. Bien au contraire. Je ne suis proche d’aucun parti. J’ai fréquenté l’école chrétienne où j’ai appris la Bra­ban­çonne, que je connais toujours. Mais cette affection pour l’institution royale et la famille « de Belgique » ne m’ôte pas mon sens critique.

Ce que j’ai écrit dans ce livre est la stricte vérité. Le résultat d’une enquête de longue haleine, sérieuse, studieuse. Sans aucune intention sensationnaliste.

L’enquête ne fut pas facile. J’ai dû batailler pour vaincre les réticences, pour mettre à jour le vrai, pour démasquer les tentatives de manipulation. Dès qu’on s’approche du pouvoir, les personnes que vous rencontrez ont un intérêt à préserver. Conséquence ? La vérité est parfois un peu biaisée. Alors j’ai recoupé, revu, interrogé et questionné. Encore et encore. J’ai finalement approché une cinquantaine de témoins clés. Qui ont vécu des événements marquants pour la famille royale. En étant à ses côtés. Les informations nouvelles que j’apporte dans ce livre proviennent de mes rencontres avec ces personnes décisives. Chaque témoignage récolté a été recoupé par des témoins indépendants les uns des autres. Certains n’avaient jamais parlé. Quelques personnes rencontrées n’ont pas souhaité que je cite leur nom. Parce que la réalité peut être décevante. Parfois cassante. À l’occasion inquiétante.

Ces témoins-clés continueront de vivre dans le sillage de la famille royale. La garantie de leur anonymat était donc une condition indispensable pour permettre à la vérité d’émerger. Tout en leur permettant de poursuivre leur route.

La crédibilité de ces témoins ne peut être remise en cause. Ce qu’ils m’ont raconté a systématiquement été confirmé par d’autres personnes, n’ayant aucun lien avec eux. C’est pour moi une preuve irréfutable de la véracité de leurs déclarations.

L’enquête que j’ai réalisée porte également sur certains aspects de la vie privée des membres de la famille royale. Démarche indigne ? Certai­nement pas, car ces faits ont des conséquences directes et une véritable influence sur notre société. Voilà pourquoi nous sommes en droit de savoir comment ceux qui la composent vivent, pensent, fonctionnent. Un peu plus de transparence est bienvenue. Pourquoi sont-ils ce qu’ils sont et font-ils ce qu’ils font ?

Les membres de la famille royale bénéficient en outre de dotations publiques, octroyées par l’autorité fédérale, financées par le grand public, le contribuable. Voilà qui justifie un certain droit de regard de notre part.

Ensuite, le roi dispose d’un certain pouvoir. Symbolique a priori, mais pas totalement. La signature des lois et surtout la désignation des formateurs ne sont pas des actes anodins. Et puis les princes et les princesses nous représentent à l’étranger, mènent des missions économiques d’importance, sont à la tête de fondations publiques qui comptent. Nous avons donc le droit de savoir si leur comportement est approprié pour mener ces actions à bien, si leurs opinions et leurs conceptions de la vie en société sont en phase avec la Belgique du 21e siècle, si leur situation familiale est stable et respectueuse des valeurs qu’ils prônent en public, s’ils respectent les lois.

Le passé des membres de la famille royale a largement conditionné le caractère et les comportements qui sont les leurs aujourd’hui. Les blessures de jadis pèsent à jamais. Les erreurs commises influencent la manière de gérer l’avenir. Et la vérité n’a pas toujours été diffusée. Sur leurs rencontres, sur leurs ruptures, sur les pactes conclus… Voilà pourquoi il est nécessaire d’en parler. Voilà pourquoi j’ai souhaité répondre à ces questions. Royales. Parfois cruciales.

Bien sûr, les réponses que j’ai trouvées ne correspondent pas nécessairement au récit de conte de fées que nous avions imaginé. Le rêve généré par les princes et les princesses dans le monde entier ne doit pas nous faire oublier la réalité. Et tant que journaliste-enquêteur, je ne pouvais pas nier les faits. Rien que les faits. C’est à ceux-ci que je me suis accroché. Sim­plement parce qu’être roi, prince ou reine, ce n’est pas normal. Leur vie n’est pas la nôtre. Destin exceptionnel. Existence hors du commun. Dans le positif. Ou le déconcertant.

Qui est vraiment Albert II ? Pourquoi a-t-il voulu divorcer de Paola, avantde se réconcilier avec elle ? Pourquoi est-il devenu roi ? Pourquoi a-t-il été clairement envisagé qu’Astrid devienne reine ? Philippe a-t-il le niveau pour prendre le relais ? Pourquoi a-t-il attendu autant d’années avant de se marier ? Comment Philippe et Mathilde se sont-ils rencontrés ? Pourquoi ne se sont-ils pas embrassés le jour de leur mariage ? La reine Paola a-t-elle marqué sa génération ? Laurent a-t-il été lésé par ses parents ? Ses dérapages répétés sont-ils un moyen de l’oublier ? Les sommes d’argent octroyées à la famille royale, les maisons, les châteaux : tout cela est-il bien justifié ? Pourquoi Albert souhaite-t-il abdiquer en 2013 ? Quel rôle joue l’Église dans la vie de la monarchie ? Le roi, la reine, leurs enfants sont-ils réellement bien protégés ? Les interrogations sont multiples, les explications souvent atypiques. Ques­tion(s) royales(s), réponses peu banales…

Chapitre I

Pourquoi Albert est-il devenu roi ?

Première question royale. Elle est légitime : qui est vraiment Albert II ? En vingt ans de règne, le roi s’est très peu confié sur sa personnalité. Sa cote de popularité en Belgique est pourtant très élevée. De nombreux Belges sont convaincus que le roi a sauvé le pays en 2011. Grâce à une gestion habile de la crise politique. Albert II est apprécié. Loué. Vénéré.

Mais au fond, ce roi que l’on n’attendait pas reste un mystère. Que pense-t-il, que veut-il ? Et une question prédomine : pourquoi est-il devenu roi, alors que le Premier ministre de l’époque, Jean-Luc Dehaene, et une bonne partie de l’opinion publique envisageaient l’avènement de son fils, Philippe ? C’était en 1993.

Une seule fois, le roi s’est confié à deux journalistes, ouvrant son cœur comme jamais, au cours d’un entretien de 45 minutes. C’était en 1994.

Jamais cette interview, pourtant unique, n’a été retranscrite. Mot à mot. Pour mieux cerner le caractère, la façon de voir et la démarche d’Albert II, nous allons vous dévoiler en détail ce que le roi a dit à deux journalistes du service public ce 14 juillet 1994. Pour la première fois. Un témoignage exclusif. Révélateur. Un entretien étonnant, qui a bouleversé les trois personnes qui y ont assisté.

Pour célébrer sa première année de règne, Albert II accepte que les deuxchaînes de télévision nationales, la RTBF et la VRT (à l’époque BRTN), réalisent un reportage sur la reine et sur lui. Dans cette perspective, les journalistes en charge du sujet sont invités à venir exposer au roi le but de leur démarche. En audience privée. Au château de Laeken.

Exceptionnellement, les deux reporters sont également autorisés à poser quelques questions à Albert II. Alors qu’il est de tradition de ne pas poser de question au roi, les journalistes reçoivent ce jour-là le privilège immense de pouvoir aborder tous les sujets possibles, avec Albert II. Y compris les dossiers concernant sa vie privée. Cette discussion a pour but de nourrir le futur reportage.

Qui sont ces journalistes très favorisés ?

Paul Theunissen, de la BRTN, et Christophe Deborsu, mon frère, pour la RTBF.

Une condition, cependant : ce que le roi dira ne peut, en aucun cas, être exploité dans le reportage. Les réponses données par le roi doivent uniquement servir de guide aux reporters dans leur travail.

Pour la première fois, nous vous dévoilons donc ce qui s’est dit ce jour-là dans le salon du roi.

Parce qu’aujourd’hui, plus de 18 ans après, cette entrevue peut être con­sidérée comme un document d’archives et non plus comme une conversation privée ou un colloque singulier… à trois. Le temps a passé.

L’ancien Premier ministre, Jean-Luc Dehaene, aborde également dans sesmémoires, parues en mai 2012, la manière de réagir du roi, à l’époque.

Révéler la teneur de cet entretien entre deux journalistes et le roi n’est donc en rien déplacé.

Le but est simplement de mieux comprendre qui est Albert II. En aucun cas de trahir un quelconque secret d’État.

La réunion entre les journalistes et le chef de l’État devait durer de cinq à dix minutes. Le roi, en grande forme, s’exprimera avec verve durant trois quarts d’heure. À cause de cela, Albert II arrivera largement en retard (à 13h45) au Belvédère (son habitation privée), où on l’attendait pour manger.

La rencontre commence…

Le roi accueille la petite délégation en regardant chaque interlocuteur dans les yeux. Il salue chaque personne par son nom. Accueil chaleureux et souriant. Le roi prie d’un geste et d’un mot très gentil les deux journalistes et la porte-parole du Palais, Jehanne Roccas, de s’asseoir dans les fauteuils de son petit salon.

Durant la rencontre, le roi et ses interlocuteurs passeront régulièrement du rire aux presque larmes. Étonnant. Complètement inattendu, d’après les deux témoins.

Albert II prend la structure de l’émission qu’a faite pour lui le journaliste de la BRTN et en lit le titre : La continuité incarnée par une autre personne.

« C’est tout à fait ça », dit le roi, qui appelait Baudouin « le patron ».

« Sur tous les grands problèmes, j’étais d’accord avec mon frère. Nous avions bien sûr des caractères différents. C’est pour cela qu’on s’entendait si bien. Maintenant, pour moi, le règne c’est aussi une question de famille. J’y ai intégré mes enfants en tenant compte de leurs goûts.

Laurent est depuis peu président d’un institut royal qui s’occupe d’environnement. Je suis très heureux. Lui aussi. C’est tout à fait nouveau. Cet institut s’inscrit dans le cadre de la coopération entre les 3 ministres régionaux de l’Environnement. C’est très important pour la famille d’être partie prenante dans une telle initiative interrégionale. »

« Philippe est lui président, enfin, euh, président d’honneur de l’OBCE, l’Office belge du commerce extérieur. En fait les présidents passent et lui, comme je l’ai fait, restera. Il assurera la continuité. L’OBCE est fédéral. Mais il a aussi beaucoup de contacts avec les régions.

Il faut s’adapter aux nouvelles règles de fonctionnement de l’État, insiste-t-il [il y reviendra plusieurs fois dans l’entretien]. »

« Astrid, elle, montre beaucoup d’enthousiasme à sa présidence de la Croix-Rouge. Elle a aussi beaucoup de contacts avec les deux ailes de l’organisation. »

« Sire, comment avez-vous vécu personnellement votre montée sur le trône ? » Le roi est très ému. Mais il répond.

« Je suis arrivé de manière impromptue, inattendue, à cette très haute fonction », commence-t-il. « J’avais toujours eu la plus grande admiration pour mon frère. Je ne percevais absolument pas comment j’aurais pu lui succéder. Je pensais seulement à le seconder dans mes domaines, commerce extérieur, Croix-Rouge et environnement.

Maintenant, je dois bien envisager les problèmes de façon plus large. Jesuis son exemple, en m’investissant par exemple dans le domaine social. »

« Comment s’est déroulée concrètement la succession, demande alors Christophe. »

« Vous pouvez le savoir », dit-il. « En fait, la nuit de la mort de mon frère, j’ai été en contact téléphonique avec le Premier ministre, Jean-Luc Dehaene. Il m’a demandé d’être prêt à lui dire si oui ou non j’acceptais de succéder au roi Baudouin, lorsqu’il serait à Motril le lendemain. Je dois en parler à la reine. Elle m’a confirmé que le roi voulait que ce soit moi.

Il y avait surtout le fait que Philippe n’était pas marié. Or le métier de roi demande une famille pour pouvoir retrouver son équilibre, s’oxygéner. Sinon, c’est trop dur. Puis il doit encore se former, se familiariser avec ce pays qu’il aime. »

« La fédéralisation du pays vous tient à cœur ? »

« Avec mon tour des différents exécutifs, je commence à comprendre la structure de ce pays », sourit-il. « Compliquée, mais qui procède d’une certaine logique. C’est tout un courant de notre histoire qui veut cela. »

Il se met alors à parler, sans le citer, de l’incident du 10 juillet 1994, lorsqu’il a chantonné le Vlaamse Leeuw à l’arrivée du marathon des Éperons d’or à Bruges. Son sourire en dit long, en tout cas.

« Je me suis tant investi dans ce processus régional que je reçois actuellement des patates chaudes et quelques tomates. Mais qu’importe : il faut jouer le jeu à fond.

L’unité dans la diversité est l’idée qui me tient le plus à cœur. C’est ma formule préférée. D’ailleurs, un Flamand est plus proche du Wallon que du Hollandais. »

« Quels sont les thèmes qui vous sont les plus chers ? »

« Le chômage des jeunes me préoccupe avant tout. Un jeune est là pour servir la société et non pour être un poids. Je suis également préoccupé par la sécurité des citoyens. L’appareil judiciaire avance lentement. Le ministre Wathelet fait beaucoup d’efforts. Mais il faut plus de moyens. Les peines doivent, elles, permettre une meilleure réintégration des anciens punis sans qu’ils éprouvent de l’amertume. »

« Vous poursuivez d’autres buts ? »

« L’art me passionne. J’espère qu’il va se développer. Il y a le Concours reine Elisabeth, dont la reine Fabiola continue à s’occuper. J’en suis heureux. Je tiens les écrivains en haute estime également. »

« Et vos goûts musicaux, quels sont-ils ? »

« Mes goûts en matière de musique ont évolué », répond-il, le sourire aux lèvres. « Plus jeune, j’appréciais les grandes symphonies, Beethoven, Mozart. Je ne dédaignais pas le rock non plus, d’ailleurs il y a toujours de bonnes choses en ce domaine actuellement.

Mais maintenant, j’écoute surtout de la musique de chambre. J’aime beaucoup les musiciens de I Fiamminghi. Les soirs d’hiver, j’écoute avec ma femme la musique de chambre de Schubert. J’aime aussi ce genre de musique chez Mozart et Beethoven. »

« Sire, on parle beaucoup de votre foi, heu…, vous êtes choqué qu’on en parle, vous trouvez que la presse n’a pas à se mêler de ça ? »

Dès le début de sa réponse, son tremblement le reprend.

« Oui, je suis croyant. Non, qu’on parle de ma foi ne me gêne pas, enfin ça dépend de la manière. »

Puis, sans transition, il se met à parler de Baudouin. Il est toujours extrêmement ému.

« Le roi Baudouin vivait sa foi. C’était extraordinaire…

Personnellement, je tiens à avoir les meilleurs contacts avec toutes les autorités morales du pays. J’ai déjà reçu les représentants de la morale laïque par exemple. Quant à ma foi, c’est une matière privée. Mais comme mon frère (il recommence à être ému), je me préoccupe beaucoup de la moralité du pays. La prostitution me préoccupe, comme lui. Et puis je n’aime pas la violence à la télé. Chez moi, cette aversion était d’ailleurs plus importante que chez mon frère. Quand je regardais un film calme à la télé, Baudouin voulait toujours mettre un film d’action et je n’aimais pas ça (rires). »

« Au niveau des hobbies, vers quoi vont vos préférences ? »

« J’aime découvrir de nouveaux coins en Flandre et dans les Ardennes à moto. C’est très pratique : je roule et personne ne me reconnaît.

Je fais aussi beaucoup de photos. C’est d’ailleurs une tradition familiale. Albert Ier a commencé. Elisabeth et Léopold ont suivi. Baudouin faisait de superbes portraits des personnalités qu’il recevait à Bruxelles. Or le monde entier passe ici. Il leur demandait de poser et “clic” [sic], ça y était. Il a toute une collection de portraits VIP.

Pour moi, photographier les fleurs, c’est plus facile que de faire des photos de ma femme. Elle n’adore pas. Pourtant, j’ai la chance d’avoir une très belle femme (dit-il en insistant). »

« Justement, vous pouvez nous parler de votre épouse ? »

« La reine Paola est quelqu’un de très pragmatique. Elle aime servir là où le besoin s’en fait sentir. Elle aime la jeunesse. Elle voudrait lutter contre la drogue. Elle s’intéresse aux vieillards, à la médecine douce. Plus jeune, elle était passionnée de peinture moderne, visitait des collections privées, surtout en Flandre. Son principal intérêt est social. Mais son rôle principal est d’être mon épouse. J’ai besoin de la sentir près de moi. Nous partageons beaucoup, passions, joies, peines… »

« Dans le cadre de notre reportage, est-il possible de filmer chez vous, à l’intérieur de votre château, le Belvédère ? »

« Ce sont nos meubles personnels, nos objets personnels de décoration. C’est très délicat. Nous voulons garder notre vie privée pour nous. »

« Voulez-vous laisser une trace dans l’histoire ? »

Albert Il se met à rire. Il élude la question, comme si lui-même ne se la posait pas du tout…

« Vos fils vont-ils bientôt se marier ? » (En 1994, Philippe et Laurent ne sont même pas fiancés.)

« Je voudrais avoir plus de petits-enfants. Je voudrais vraiment que mes fils se marient. »

« Sire », intervient alors Jehanne Roccas, la porte-parole du Palais, « la RTBF et la VRT feront sûrement un grand reportage sur Philippe, s’il se marie. »

« Eh bien je le lui dirai, à Philippe. J’espère que ça le décidera. »

« Pas de projet de mariage en vue, Sire ? »

« Je peux vous assurer à mon grand regret que non !

Je voudrais encore ajouter que la famille aime beaucoup la reine Fabiola, et que nous sommes heureux de constater qu’elle reprend les activités, oui, vraiment nous l’aimons beaucoup… »

Albert prend alors congé des deux journalistes, en les saluant chacun par son nom. Il a assurément une bonne mémoire, puisqu’il n’a aucun papier mémo. Il propose gentiment de laisser partir les reporters avant lui, pour qu’ils puissent assister à son arrivée au Belvédère, où les caméras l’attendent. Christophe répond que ce n’est pas nécessaire. L’entrevue prend fin.

Que retenir de cette entrevue exceptionnelle ?

Soulignons quelques éléments très intéressants de cette discussion.

Albert II nourrissait un profond respect pour son frère, qu’il appelait donc « le patron ». Il l’écoutait, c’était son guide. Il est déboussolé sans lui. Il l’aime. Il lui manque.

Le roi a décidé seul de succéder à son frère. Les rumeurs persistantes selon lesquelles Jean-Luc Dehaene a obligé Albert à monter sur le trône pour éviter que ce soit Philippe ne tiennent pas. Albert a décidé seul, en concertation avec Paola. Voici dès lors la réponse à la question posée dans ce chapitre : aux yeux d’Albert, Philippe n’était de toute façon pas prêt. Trop jeune, pas marié. Voilà en grande partie pourquoi Philippe est alors écarté du trône et pourquoi Albert s’y installe résolument. Nous y reviendrons largement.

En 1994, le roi considère le mariage de son fils aîné comme une absolue priorité. Le ton du chef de l’État est teinté, si pas de désespoir, d’une forme de dépit, lorsqu’on aborde le sujet. Si pas de désespoir, d’une forme de dépit. « Pas de projets de mariage pour Philippe ? ». « Je peux vous assurer, à mon grand regret, que non. » Cette phrase trahit une évidente déception. Ce mariage qui n’arrive pas aura des conséquences très néfastes sur les relations entre le père et le fils, durant des années.

Albert II éprouve une profonde admiration pour son épouse, Paola. Son discours est celui d’un homme amoureux. Cet amour l’a comblé et bouleversé. Parfois catastrophé. Vous le verrez.

Il parle de ses enfants comme d’un sujet très important. On a un peu l’impression qu’il tente d’expier les fautes du passé, en matière d’éducation.

Si Albert II a chanté le Vlaamse Leeuw, au tout début de son règne, c’était un geste calculé. Il veut rassembler les régions. Et surtout séduire la Flandre. C’est une de ses obsessions. Le roi est un homme politique. Il a donc un programme. Électoral ? Il souligne également la quantité importante de visites que Paola fait en Flandre. L’opération « séduction des Flamands » est savamment orchestrée, c’est un fait évident.

Albert insiste aussi sur le manque de moyens dont est victime la justice. Deux ans avant l’affaire Dutroux, sent-il venir les problèmes ? Il s’investira en tous cas personnellement dans le dossier des enfants disparus. Marchant largement sur le terrain politique. Comme jamais il ne l’avait fait auparavant.

De manière plus anecdotique, Albert II déclare ne pas aimer les films d’action. Contrairement à Baudouin. Ceci témoigne du caractère d’Albert. Plus docile que son frère. Plus mou ? Disons plus diplomate. Jamais Albert n’aurait refusé de signer la loi autorisant l’avortement. Malgré ses convictions. Il n’aurait pas osé, même si sa foi est assumée. Sur le plan philosophique, il précise néanmoins qu’il a consulté toutes les autorités du pays. Albert veut être clair : il est croyant, mais ses convictions privées n’interfèrent pas dans la sphère professionnelle. La foi d’Albert II a pourtant joué un rôle déterminant, rôle que j’aborderai dans le chapitre suivant, qui parle de la sphère privée : « Pourquoi se sont-ils rencontrés ? »

Chapitre II

Pourquoi se sont-ils rencontrés ?

J’aurais pu appeler ce chapitre « Comment ils se sont rencontrés ». À l’analyse, « Pourquoi se sont-ils rencontrés ? » serait encore plus approprié. Bien sûr, l’époque des mariages totalement arrangés est révolue. Nous ne sommes plus au 19e siècle. Néanmoins, les membres de la famille royale ont généralement rencontré celui ou celle qui allait partager leur vie de manière très particulière. La rencontre de Philippe et Mathilde ? « Personne ne m’a présenté Mathilde », proclame le prince Philippe. Mais la princesse parfaite ne s’est pas trouvée sur la route du prince par hasard. Astrid n’au­rait pas pu trouver mieux que l’archiduc Lorenz d’Autriche-Este. Un bal avait d’ailleurs été organisé pour lui dénicher le chevalier servant idéal. Que dire d’Albert et Paola, qui se sont rencontrés, officiellement, grâce au Pape Jean XXIII ? La rencontre de Baudouin et Fabiola, orchestrée par une religieuse et le cardinal Suenens, était, elle, programmée par le Ciel. Bref, le destin de chacun était tracé. Du moins largement balisé.

Philippe et les filles

Le prince Philippe a 39 ans quand il se fiance avec Mathilde d’Udekem d’Acoz. Pour l’entourage du prince, l’attente fut longue. Voire interminable. Bizarrement, on ne prête au prince aucune relation amoureuse officielle jusque-là. Ce qui est tout de même très étrange quand on connaît le parcours sentimental de son frère Laurent ou de son grand-père, Léopold III, qui a collectionné les conquêtes avant de rencontrer Astrid de Suède, qu’il a d’ailleurs largement trompée. Sans oublier les amours de son père, le prince Albert, futur Albert II, dont le charme faisait craquer le gotha dans les années 50. Avant son mariage. Et après. Il était bel homme, Albert. Séducteur, aussi.

Bon sang peut-il mentir ? Oui, apparemment.

Les fiançailles de Philippe et Mathilde constituent un grand moment pour la Belgique. Les autorités sont heureuses de proposer une image positive du pays à l’étranger, après les années Dutroux puis la crise de la dioxine, qui a également terni la bannière noire jaune rouge. Le 25 septembre 1999, c’est donc un joli coup médiatique que propose le Palais royal.

« Personne ne m’a présenté Mathilde… » Lors de la présentation à la presse, Philippe prononce à deux reprises cette phrase pour le moins sibylline : « Personne ne m’a présenté Mathilde… » Des mots qui sonnent faux. Cette phrase intrigue les journalistes présents lors de cette cérémonie très officielle, qui a pour but de présenter la future duchesse de Brabant.

« Personne ne m’a présenté Mathilde… »

Pourquoi se justifier, alors même qu’aucun chroniqueur royal présent en ce beau jeudi de septembre n’a rien demandé. Le prince insiste pourtant, de manière plus énigmatique encore : « Et cette histoire de tante qui vit en Italie et qui aurait permis notre rencontre, c’est faux aussi. »

Les membres de la presse sont surpris. Personne n’a jamais fait allusion à une mystérieuse parente vivant par-delà les Alpes. Philippe sème définitivement le doute chez certains journalistes : « Avec quoi vient-il ? » se demandent les représentants des médias, massivement réunis à Laeken.

La communication du prince est maladroite. Qui est donc cette tante italienne qui n’a rien fait pour réunir les futurs mariés ? Le sourire envoûtant de Mathilde détourne heureusement l’attention. Le charisme de la future princesse fait passer le « coup de la tante » au second plan.

D’accord, personne n’a présenté Mathilde au prince, mais alors comment Philippe l’a-t-il rencontré ? « Laissez-nous ce secret. »

Le prince en a trop dit, ou pas assez. Diable, pourquoi ce mystère ? Les princes et princesses sont aussi là pour nous faire rêver ! Pourquoi garder le secret ? Et faire en sorte qu’il soit si bien gardé ?

Si on tentait de le percer, le secret…

Bien sûr, je vais me faire taper sur les doigts.

« Vous aimeriez, monsieur Deborsu, que l’on révèle les dessous de vos premiers émois ? »

Alors soyons clairs, pour couper court à toute critique, je vais vous dire comment, moi, j’ai rencontré ma femme. Elle s’appelle Anne-Bénédicte. J’avais 17 ans. Cela faisait 5 ans qu’elle me plaisait. À la fête de l’école, dans la région namuroise, j’ai décidé de tout tenter. Je l’ai donc invitée dans les autos-tamponneuses qui avaient été installées pour l’occasion dans la cour de l’école. Une, deux, trois, et voilà. On est 24 ans et 3 enfants plus tard.

Mais pour Philippe et Mathilde, comment l’amour est-il né ?

Pour bien comprendre le cheminement affectif de Philippe de Belgique, il faut faire un retour dans le passé.

Philippe et Barbara

Jusqu’à l’âge de 39 ans, Philippe de Belgique n’a donc officiellement pas connu la moindre histoire d’amour. Pas une seule fiancée officielle. Sur les amours de Philippe, c’est bien simple, avant Mathilde, le Palais n’a jamais communiqué.

Dans sa jeunesse, Philippe s’est tout de même lié à une certaine BarbaraMaselis, une jolie blonde de Roulers que le prince a rencontrée sur les bancs de l’école abbatiale Zevenkerken, près de Bruges. Philippe et Barbara y étaient tous les deux inscrits. Elle, pour profiter de la qualité de l’enseignement de cette école prestigieuse (école pour enfants riches, frais d’inscription très élevés, nombre de places limitées) et très catholique (messe obligatoire tous les matins), lui, pour apprendre le néerlandais, qu’il maîtrise mal à l’âge de 12 ans. Grosse lacune pour un possible futur roi.Phi­lippe a d’ailleurs principalement appris le néerlandais grâce aux chauffeurs de ses parents. En matière d’éducation, Albert et Paola n’ont pas toujours été très performants, on y reviendra.

Barbara Maselis est donc le premier émoi amoureux du jeune prince, à l’époque de sa rhétorique. Barbara a deux ans de moins que Philippe. Une différence d’âge qu’elle compense par une maturité bien avancée. Mais c’est surtout après la fin de leur scolarité à Zevenkerken que Philippe et Barbara se sont côtoyés.

Qui est donc Barbara Maselis ? Une fille issue de la bourgeoisie de Flandre occidentale, originaire de Roulers. La famille de Barbara n’était pas sans le sou, loin de là. Son père, Gérard Maselis, était à la tête d’une société produisant des aliments pour le bétail. Une de ces entreprises qui ont fait la richesse de la région de Courtrai. Un beau parti. Comme la plupart des élèves qui fréquentent l’école abbatiale Zevenkerken. Aujourd’hui, Barbara reste particulièrement discrète sur sa relation passée avec Philippe. Elle n’accepte d’ailleurs aucune interview, depuis des années. « Pour respecter la vie de famille de Philippe, qui est heureux aujourd’hui avec Mathilde », explique-t-elle.

Est-ce si grave d’évoquer une amourette qui s’est terminée… 20 ans avant le mariage du prince ? Tout ce qu’on sait de Barbara et de Philippe, c’est qu’ils se sont vus régulièrement après la fin de leur 6e année de secondaire. Durant trois ans. Philippe venait régulièrement chez les parents Maselis. Ou bien les amoureux se retrouvaient au kot de la sœur de Barbara, à Leuven.

En 2007, Gérard Maselis a donné quelques indices sur la relation qui unissait Philippe et sa fille. Au journaliste de Het Nieuwsblad qui l’interrogeait, monsieur Maselis a déclaré : « Philippe était vraiment charmant. C’était un garçon normal, vous savez ! On parlait de tout et de rien. Barbara et lui étaient vraiment très liés. Ils ne pouvaient se passer l’un de l’autre. »

Réponse laconique. Pourquoi la liaison a-t-elle pris fin ? Pas question d’en dire plus. Le père de Barbara habite dans la villa familiale qui jouxte la ligne de chemin de fer Bruges-Courtrai, à Rumbeke, tout près de Roulers. Un endroit cossu, jolies maisons et voitures de luxe.

Je repose donc la question : pourquoi Philippe et Barbara ont-ils rompu ? Le livre Philippe, prince héritier est le premier à avoir révélé les raisons de la rupture. Après ma propre enquête, je ne peux que confirmer le verdict. Il est terrible : le prince a reçu l’ordre formel et militaire de mettre un terme à sa liaison avec Barbara Maselis. Sur injonction de qui ? De… son propre père ! Albert. Qui lui tint ce discours d’un autre temps : « Philippe, tu es un prince de Belgique et ton avenir dans notre pays revêt une dimension officielle. Je comprends que Barbara représente beaucoup pour toi, mais il faut l’oublier. Il est hors de question d’envisager le mariage. Et puis ne t’inquiète pas pour Barbara, le fait d’avoir eu une relation avec toi lui donne du prestige. Grâce à cela, elle n’aura pas de souci pour trouver un mari. »

Ce sont les propos du roi. Plusieurs proches de la famille royale l’ont confirmé. Albert rassure son fils. Barbara a désormais une valeur ajoutée. Un discours étonnant. Mais réel.

Lorsque Barbara est venue au Belvédère, la résidence d’Albert et Paola (toujours à l’heure actuelle), située dans un parc fermé, en face du château de Laeken, l’accueil avait pourtant été très chaleureux. Albert s’était montré enthousiaste face à cette grande fille dynamique, jolie, blonde, bien de son temps. Barbara a certainement contribué à décomplexer le prince Philippe, après une jeunesse compliquée. Mais, une fois sa mission achevée, Barbara a été, comment dire…, « licenciée ».

Mademoiselle Maselis était issue d’un milieu bourgeois. Elle ne manquait pas de manières, ça va de soi. Ses parents avaient un statut social en vue, de l’argent. C’est une certitude. Mais voilà, la famille Maselis ne présentait aucun titre de noblesse. Provenir d’une famille d’industriels à succès, c’est bien, mais ce n’est visiblement pas suffisant pour revêtir les habits de reine. Philippe de Belgique ne pouvait donc épouser Barbara. Triste destin. Triste fin pour ce premier amour.

Barbara tient en tous cas sa revanche. On ne sait si son statut d’« ex de Philippe » lui a servi, mais aujourd’hui elle est l’épouse de Daniel De Belder, diamantaire anversois. Leur union dure depuis 1988, un quart de siècle. Daniel De Belder est un ancien ami de… Philippe de Belgique ! Il est aussi le fils de Jelena De Belder, artiste florale connue en Flandre et décédée en 2003. Jelena était pour sa part assez proche de… Paola de Belgique. Elles étaient manifestement amies. Barbara a donc finalement épousé un allié de la famille royale. Avec le recul, on se dit qu’elle aurait été une princesse parfaite. Mais pour Philippe (ou plutôt contre lui), la raison d’État est passée par là. Une première fois.

Aujourd’hui, Barbara et son mari habitent dans un domaine de 107 hectares à Essen. Le domaine Hemelrijk. Un endroit spectaculaire, orné de 15 000 plantes et arbres. Daniel et Barbara ont trois enfants.

Une aristocrate !

On imagine que Philippe a dû repenser à cette idylle interrompue de force lorsqu’il s’est rendu, durant l’été 2011, au mariage du prince William, héritier de la couronne comme lui. Kate Middleton, l’épouse de William, a pour seul titre de noblesse sa beauté et sa grâce naturelle. Car Kate est issue de la bourgeoisie, tout comme Barbara. Michael Middleton, son père, a fait fortune avec une entreprise qui fabriquait des accessoires de fête. Pas plus ni moins noble que les aliments pour animaux de monsieur Maselis. Alors deux monarchies, deux façons radicalement différentes de voir les choses ? Pas si sûr. Les Britanniques n’ont pas toujours fait preuve de la même modernité dans le passé. D’après Marc Roche, chroniqueur et journaliste français qui a couvert pendant des années l’actualité de la Cour d’Angleterre, si Charles a épousé Diana en premières noces, et pas Camilla dont il était fou amoureux, c’est parce que Camilla Parker Bowles n’était plus vierge ! Vous ne rêvez pas. Une princesse doit être tout à fait pure avant son mariage, c’était le raisonnement au Palais de Buckingham à l’aube des années 80. Voilà aussi pourquoi Diana a subi un test de virginité, à la demande de la reine, avant de pouvoir se marier avec Charles.

Ceci étant, Philippe doit constater aujourd’hui avec amertume que tous les princes héritiers européens de sa génération, tous, se sont liés à un conjoint qui n’a rien d’aristocrate. Faisons le compte : Mary Donaldson, une Australienne, fille d’un professeur de mathématiques appliquées, est désormais l’épouse de Frederik du Danemark. Pas une once de sang bleu dans les veines de Miss Donaldson. Letizia Ortiz est une présentatrice de journal télévisé libérée et… divorcée quand elle tombe amoureuse de Felipe d’Espagne, en 2004. Rien de noble. Máxima Zorreguieta, la femme de Willem-Alexander, héritier du trône des Pays-Bas, descend d’une famille roturière, mais en prime, son père, Jorge Zorreguieta, était ministre dans le gouvernement du général argentin Videla, qui a fait disparaître des milliers d’opposants à la junte militaire argentine durant les années 70. Bonjour la réputation. Mette-Marit, femme du prince héritier Haakon de Norvège, avait même un enfant issu d’une précédente relation, le petit Marius, quand elle s’est unie au prince de ses rêves en 2001. Quant à Albert de Monaco, il s’est lié récemment à Charlène Wittstock, nageuse sud-africaine qui n’était ni baronne ni comtesse. Enfin, allons jusqu’en Suède, pour constater que Daniel Westling, l’époux de Victoria, la future reine, était simplement son coach de gymnastique. Aucun titre ronflant. Mathilde est donc la seule aristocrate de naissance parmi les conjoints des princes et princesses héritiers européens. Avec Barbara Maselis, la Cour de Belgique aurait pu être à la pointe de la modernité et lancer en priorité cette tendance d’union basée d’abord sur l’amour et non pas le pedigree. Albert a clairement mis son veto. D’accord, c’était il y a bien longtemps.

Philippe est donc obligé de se séparer de Barbara, qu’il aime. Un peu plus tard, il subit l’humiliation de la voir s’en aller avec un ami à lui. Est-ce pour cette raison que son rapport avec les femmes a été marqué par la timidité dans les années qui ont suivi ?

Conséquence de l’injonction de rupture ou pas, Philippe a toujours fait peur aux filles, dans les années 80.

Lors d’une réception chez les princesses Benedikta, Gisela et Elisabeth de Bavière, des princesses allemandes de sa génération aux profils plus qu’intéressants, Philippe fait mauvaise impression. Il n’est pas joyeux, il ne dit rien. Le prince est triste et les filles lui tournent rapidement le dos.

Le duc Charles de Castries (dites Duc de Castres, on ne prononce pas le « i ») rédige même un pamphlet selon lequel l’homme le plus ennuyeux du gotha n’est autre que Philippe de Belgique. Dans le style fleuri qui lui est propre (à l’image de son savoureux Manuel du savoir-vivre en société), le duc écrit : « Si vous croisez dans un cocktail un grand dadais qui est dans un coin bouche ouverte et qui se tait, c’est le prince Philippe de Belgique. »

Bien sûr, les rumeurs médiatiques attribuent à Philippe quelques histoires de cœur avant la rencontre de Mathilde. Mais aucune de ces liaisons ne sont vraiment réelles.

Anna Plater-Syberg fait partie des filles qui ont incontestablement été proches du prince dans les années 90. La demoiselle est issue de la noblesse polonaise, comme… Mathilde. Une différence notoire : la comtesse n’a pas épousé le prince (et pour cause) et est finalement rentrée au… couvent.

Pas de Barbara, pas d’Anna : Philippe n’est décidément pas un « latin lover ». La presse à sensation désespère. De temps en temps, des journalistes (principalement étrangers) font donc le travail à sa place en lui prêtant des idylles présumées : Philippe se serait lié à la marquise Fiammetta Frescobaldi, amie de Charles d’Angleterre. La demoiselle avait en tous les cas décidé de son destin : elle épouserait un prince. À défaut de l’Anglais Charles ou de Philippe, le Belge, Fiammetta a épousé le prince Charles-Louis d’Arenberg. Et elle vit en Belgique. La presse espagnole fiance aussi Philippe à une certaine Adriana Torres de Silva. Beau parti, fille d’un marquis. Une Fabiola bis à Laeken ? Que nenni. Aucune de ces liaisons n’a d’ail­leurs été rendue officielle par le Palais. Selon le protocole, Philippe n’a pas connu une seule fille avant Mathilde. La plupart des princes européens se retrouvent à la une des magazines people joliment accompagnés mais, pour Philippe, c’est le désert quasi complet. Jusqu’à l’âge de 39 ans. Phi­lippe a visiblement un problème avec les femmes.

Tétanisé, Philippe ?

Démonstration éloquente devant les journalistes : lors d’une mission, le prince se fait littéralement draguer par une journaliste belge devant de nombreux témoins. L’audacieuse s’appelle Sigrid Van Erps. Elle travaille comme journaliste indépendante. Lors d’un voyage en Turquie, rapporte le livre Philippe, prince héritier, Sigrid Van Erps se colle à Philippe, prend la pause à côté de lui sur les photos officielles. Elle prétend aussi… que le prince est fou d’elle. Elle se permet de l’interrompre en plein discours. Comme si elle faisait partie des intimes. Philippe n’est pas habitué à ce genre de comportement pourtant courant dans le show business. Dont il est un des représentants. Qu’il le veuille ou non. Il est effrayé. Tétanisé. La jeune fille est écartée de force de l’entourage princier. C’est la seule fois où le Palais acceptera de s’exprimer sur la vie sentimentale du prince, avant Mathilde. Pour… dénoncer Sigrid Van Erps, et crier haut et fort qu’elle a tout inventé. J’ai contacté madame Van Erps pour qu’elle raconte sa version des faits, 15 ans après. L’ex-journaliste est moins téméraire que par le passé. Elle a aujourd’hui près de 50 ans. Elle n’a pas souhaité s’exprimer.

Entre 1981, date de la fin de l’histoire avec Barbara Maselis, et 1996, année de la rencontre avec Mathilde, Philippe de Belgique n’a donc vécu aucune relation digne de ce nom avec une fille. Pas d’amoureuse connue. Ce qui est tout bonnement invraisemblable pour un garçon de son rang. Un des plus beaux partis d’Europe, tout simplement.

Pour un prince héritier, même mauvais séducteur, conquérir une jeune fille s’apparente normalement à un jeu d’enfant. Il en va des princes comme des stars du show-biz. Souvent entourés de fans, d’une petite cour, de groupies. Le cas de Philippe de Belgique est donc unique en son genre.

Le célibat de Philippe suscite des commentaires plutôt critiques. Voire négatifs.

De son côté, le prince manque d’énergie. Il vit des moments de solitude et de tristesse dont le public n’a pas conscience. À son retour d’Amérique, en 1985, Philippe n’a plus d’amis, encore moins d’amies. Comment en aurait-il ? Il est parti pendant deux ans à l’étranger, perdant les contacts qu’il avait tissés à l’armée par exemple, et puis il est resté ce jeune homme introverti, qui a du mal à nouer des relations. Les États-Unis ne l’ont pas changé sur ce point. Par ailleurs, son environnement quotidien n’est pas des plus drôles. Le roi Baudouin lui procure une habitation, un appartement pour lui seul, dans une aile du château de Laeken. Un joli cadeau ? Pas vraiment. Philippe est isolé dans cet immense château que Baudouin n’a jamais pensé moderniser. Ou très mal. Le manque d’intérêt pour la décoration de Fabiola et de son mari est connu de toutes les personnes qui sont passées par Laeken durant les années 70, 80 et 90. Certains parlent carrément de mauvais goût. Un convive se souvient du ressort rouillé d’un fauteuil qui est subitement sorti de la carcasse du divan. Pas très rassurant. C’est donc dans cet univers vieillot, lugubre, sinistre même que Philippe va vivre plusieurs années de sa vie. Concrètement, il occupe un flat au deuxième étage du château. Pour parvenir jusque-là, il peut profiter, luxe suprême, d’un vieil ascenseur datant de l’époque de Léopold II. Le plancher craque, la peinture sur les murs est défraîchie.

Sa situation empire encore après la mort du roi. Baudouin, son mentor, son père spirituel, n’est désormais plus là. Bien sûr, il reste Fabiola. Fabiola ? La reine veuve quitte Laeken en précipitation, littéralement chassée (le mot est à peine exagéré) par Paola, trop heureuse de prendre sa revanche sur sa belle-sœur (voir plus bas). Le nouveau roi et la nouvelle reine font courir le bruit qu’ils vont venir vivre avec Philippe au château de Laeken. Ils ne le feront jamais. La rumeur de déménagement véhiculée par Paola avait pour but ultime de précipiter le départ de Fabiola. Pas très sympathique.

Bien sûr, Albert a toujours eu beaucoup d’affection pour la reine veuve, en témoigne l’interview qu’il accorde en 1994. Mais cet amour, Paola ne le partage pas. Et Fabiola le lui rend bien. Pour retarder son départ de Laeken et faire enrager Paola, la veuve du roi Baudouin fait durer les travaux de rénovation du château du Stuyvenbergh, son nouveau port d’attache. Par ailleurs, Paola commande un chantier de rafraîchissement pour Laeken, ce qui irrite Fabiola, obligée de supporter le bruit provoqué par les ouvriers. Famille, je vous aime.

Aujourd’hui encore, Fabiola parle très rarement positivement de sa belle-sœur, qu’elle n’a jamais appréciée. Entre les deux reines, la complicité n’a jamais régné.

De son côté, Philippe est plus seul que jamais. Il est le dernier habitant de Laeken. Baudouin et Fabiola ne sont plus là. Et ses parents ne s’intéressent pas du tout à son cas. Un proche de Philippe raconte : « Dès le début de leur règne, Albert et Paola ont organisé des soirées au château, recevant hôtes de marque et personnalités haut placées. Ils avaient le vent en poupe. Leur cote de popularité était au sommet. Même s’ils habitaient au Belvédère, ils voulaient faire revivre le château de Laeken. Qui s’animait le soir venu. Qui revivait, après l’austérité imposée par Baudouin. Laeken était devenu the place to be. Mais pour Philippe, la frustration n’en était que plus intense : le prince n’était pas convié à ces réjouissances à répétition. Le soir, quand le Palais s’éclairait, lui, qui était le seul résident permanent du Palais, voyait les invités débarquer, de la fenêtre de sa petite chambre. »

C’est difficile à croire et pourtant c’est comme cela que ça s’est passé. Philippe n’était rien d’autre qu’un paria. Cloîtré dans cet univers glauque, ses parents vivant leur vie de reine et de roi, sans lui tendre la main.

« Je dois vous avouer, monsieur Deborsu, même pour un million d’euros… par jour, je ne voudrais pas de l’existence du prince Philippe. », conclusion ferme et définitive d’un véritable ami du prince. Aujourd’hui encore.

Philippe connaît donc une vie sociale assez pauvre : pas de copine, peu d’amis. Ce sont des années difficiles pour le prince. Qui déprime. Il n’est pas souriant. On retrouve en lui l’enfant triste, qui a grandi dans l’ambiance détestable du Belvédère. Quand ses parents étaient en guerre.

Cet air de prince désabusé, Philippe va d’ailleurs l’arborer jusqu’à son mariage avec Mathilde. Même si… même si un événement, resté secret jusqu’ici, va soutenir le moral du prince durant les années 90, pour qu’il ne sombre pas complètement.

Le prince et son ami

Entre l’âge de 21 ans et 35 ans, le prince s’est véritablement cherché. Le doute n’est pas permis. Il cherchait quoi ? Le bonheur, l’amour. Comme vous. Comme moi.

C’est également au cœur de cette longue période de célibat, durant les années 80 et 90, que Philippe a vécu une relation d’amitié intense avec un homme, le comte Thomas de Marchant et d’Ansembourg.

C’est à l’occasion de réunions entre jeunes représentants de la noblesse que Thomas d’Ansembourg et Philippe se rencontrent. Le courant passe vite. Cet aristocrate au charisme ravageur a étudié le droit. Il est brillant. Tout d’abord avocat au barreau de Bruxelles puis juriste en entreprise, Thomas d’Ansembourg est également responsable d’une association pour jeunes délinquants à cette époque. Il s’intéresse aux personnes en manque d’identité et de reconnaissance. Plus tard, il deviendra psychothérapeute et même auteur de livres à succès, basés sur la psychologie. Son livre, Cessez d’être gentils, soyez vrai, est un best-seller traduit dans 26 langues. Un véritable tabac.

Cet homme, au parcours remarquable et au verbe raffiné, suscite immanquablement l’admiration du prince. Ils se voient très souvent. Ils voyagent même à deux à l’étranger, comme le confirment plusieurs témoins.

Une personne très proche de la famille royale raconte : « J’ai été surpris quand j’ai vu Thomas et Philippe à l’aéroport de Bruxelles-National. Ils prenaient un avion vers le sud de l’Europe, incognito. Ils avaient plus de trente ans. Je les connaissais tous les deux. Thomas n’a pas eu d’autre choix que de me confirmer qu’ils partaient bien ensemble en vacances. »

En séjour à Knokke, un soir, plusieurs personnes sont surprises par l’attitude de Philippe, qui réside alors dans la villa de Maurice Lippens : « Philippe nous avait dit qu’il attendait un coup de fil de Thomas. Il n’y avait pas encore de gsm, au début des années 90. Il fallait passer par la ligne fixe. Ce qui nous a étonnés, c’est l’impatience qu’il manifestait, parce que l’appel n’arrivait pas. Il tournait dans la villa comme un lion en cage, en attendant le coup de téléphone de son ami. »

Thomas avait 3 ans de plus que Philippe. Avec une maturité bien plus affirmée. Il avait (il a toujours) un talent d’orateur exceptionnel. Et une voix percutante. Lors des grandes réceptions, c’est toujours à lui que les organisateurs confiaient la tâche de rédiger les discours et de les prononcer devant l’assemblée. Il est particulièrement à l’aise en public. Tout l’opposé du prince… Philippe s’est donc senti couvé et protégé par son ami. Le prince, dont la jeunesse a été très tourmentée à cause des déboires de ses parents, a trouvé en cet homme un véritable guide.

Le Palais était évidemment au courant de cette amitié intense, mais à Laeken, on est toujours resté discret sur le sujet. Jamais le moindre article de presse ou le moindre livre n’a mentionné cette relation hors norme, qui était pourtant connue dans certains milieux aristocratiques et qui a terriblement compté dans la vie de Philippe de Belgique.

On retrouve juste une simple allusion dans le livre Philippe Prince héritier dans les termes suivants : « La nouvelle (annonçant le mariage de Philippe) provoque l’hilarité au conseil des ministres restreint. “Le couple se connait-il bien ?”, demande un ministre. Un autre de répondre : “Ils avaient le même petit ami.” » Cette petite phrase a été prononcée par un ministre dont le nom n’est évidemment pas révélé. L’entourage du prince a toujours fait en sorte que cet épisode capital dans la vie de Philippe ne soit pas révélé.

Thomas d’Ansembourg ne fut d’ailleurs pas invité au mariage de Philippe, en 1999. Cette absence d’invitation fut perçue comme un signal clair émis par le Palais. Thomas d’Ansembourg appartenait à une période de la vie de Philippe qu’il fallait aseptiser. Albert II avait d’ailleurs obligé son fils à se marier, sous peine de ne jamais devenir roi (nous reviendrons plus loin sur cet autre élément capital). Philippe devait trouver une épouse à tout prix. Et s’éloigner de cet ami encombrant.

Aujourd’hui, l’entourage de Philippe agit comme si cette histoire n’avaitjamais existé. Philippe est marié, tout comme cet homme avec qui il a partagé tant de choses. Ils sont tous les deux devenus chef de famille nombreuse. Le prince est le père de quatre enfants, son ami aristocrate a pour sa part trois filles. Philippe et son ancien ami avaient tous les deux 41 ans quand ils ont eu leur premier enfant. Sur le tard, donc. Après de longues années de célibat. Pur et dur.

Philippe doit se marier

En 1998, le magazine Point de Vue-Images du monde, l’hebdomadaire français qui vante les mérites des familles royales européennes, réalise un joli scoop en présentant en avant-première « le grand amour du prince Phi­lippe de Belgique ». Le nom de l’heureuse élue, future reine des Belges ? La comtesse… Stéphanie de Lalaing. Une francophone résidant en Flandre, dans la région de Grammont. L’hebdomadaire ne se trompe pas. Philippe a été vu à de nombreuses reprises en compagnie de cette jeune fille de très bonne famille et de haute noblesse. À Bruxelles ou dans les Ardennes, Philippe s’est affiché en petit comité en compagnie de celle qu’il imagine alors prendre comme épouse.

Stéphanie de Lalaing est une grande femme blonde d’1m80, élancée, élégante.

Elle descend d’une prestigieuse famille noble. Et elle dispose de solides atouts : Stéphanie est bilingue, avec des origines des deux côtés de la frontière linguistique. La demoiselle a fait des hautes études dans le secteur de l’économie, à l’ICHEC, une institution catholique située square Mont­gomery à Bruxelles. Et puis la famille Lalaing possède un magnifique château, le domaine de Zandbergen, à Grammont. Voilà pour les principaux critères.

Résumons : voici une aristocrate avec des attaches francophones et flamandes, jolie, bilingue, qui a fait des études supérieures sérieuses, dont la famille possède un joli domaine : cela ne vous rappelle personne ? Vraiment ? Même pas une certaine… Mathilde ? Mathilde est jolie, plutôt soignée ; elle est francophone avec de la famille en Flandre occidentale ; elle a fait des études supérieures à Bruxelles ; elle est catholique ; ses parents sont propriétaires du château de Losange…

Étonnant : trait pour trait, Stéphanie est l’alter ego de Mathilde. A-t-on sélectionné pour le prince une série de filles au profil parfait, correspondant à ce que doit être, à la virgule près, une princesse belge du 21e siècle ? Une reine incontestable ?

Dans l’entourage de la comtesse Stéphanie de Lalaing, en 1998, on parle clairement d’une liaison avec le prince Philippe. C’est d’ailleurs la stricte vérité. À tel point que la comtesse a été reçue discrètement par la reine Paola au Palais, pour passer une sorte d’examen de passage, explique le magazine Point de Vue.

Petit problème : la relation entre Philippe et Mathilde débute en… 1996, si l’on en croit le père de la princesse, Patrick d’Udekem. C’est ce qu’il déclare dans le Soir Illustré, à la veille du mariage de sa fille. Le prince est d’ailleurs présent en 1997 aux funérailles de Marie-Alix, la sœur de Mathilde, disparue tragiquement dans un accident de la route.

1996, début de la relation avec Mathilde ; 1998, révélation de la liaison avec Stéphanie de Lalaing… Le prince, un peu perdu entre son ami et son obligation de trouver une épouse digne de son rang, joue visiblement sur plusieurs tableaux.

Mariage forcé

La relation de Philippe et Mathilde n’est effectivement pas celle que l’on croit. Philippe est déboussolé. Lui, grand catholique, ne sait plus à quel… saint se vouer.

Mais alors, que s’est-il vraiment passé ? Comment Philippe et Mathilde ont-ils trouvé le chemin du mariage ? Pourquoi Stéphanie de Lalaing a-t-elle été évincée ?

À l’aube des années 2000, Philippe approchait de la quarantaine. Il était donc grand temps qu’il rencontre l’épouse idéale.

Problèmes communautaires aidant, l’idéal était alors de trouver une princesse belge – jamais l’épouse du roi n’a été belge jusqu’à présent –, totalement neutre linguistiquement. Flamande et francophone à la fois. À l’époque, à Bastogne, on était persuadé que Philippe et Mathilde s’étaient rencontrés lors de parties de tennis spécialement organisées pour trouver une épouse à Philippe. Comment les faits se seraient-ils déroulés ? Mathilde, Stéphanie de Lalaing et d’autres filles de la noblesse auraient été conviées à Laeken, pour échanger quelques balles. Sur le court en brique pilée, un seul homme pour les défier : Philippe de Belgique. On aurait ainsi créé une ambiance décontractée, pour que le prince fasse connaissance avec des filles de son rang, aptes à devenir reine un jour. Philippe aurait donc fait son choix seul, grâce à ce speed-dating avant-gardiste.

Aujourd’hui, je peux vous affirmer que le scénario du tennis ne tient pas. Tout d’abord parce que cette manière de faire aurait été trop voyante. Il y a bien un court de tennis au château de Laeken, mais il aurait fallu mettre dans la confidence des personnes éventuellement mal intentionnées. Ensuite, en convoquant dix ou quinze filles, le Palais aurait instauré une concurrence forcément malsaine entre les demoiselles. Façon « L’amour est dans le pré », sur RTL-TVI. On a vu à la télévision ce que cela pouvait donner. Jalousies et coups bas : le Palais ne pouvait pas courir ce risque.

Pour connaître le fin mot de l’affaire, treize ans après la mystérieuse déclaration de Philippe, durant le printemps et l’été 2012, j’ai donc à nouveau pris le chemin de Bastogne, avec une journaliste connaissant très bien le Luxembourg belge, Nadine Urbain, journaliste pleine d’énergie de la télévision locale TV Lux. En sa compagnie, je remonte le cours de l’histoire de Philippe et Mathilde.

Les Ardennais ne sont pas des gens qu’il est facile de mettre en con­fiance. Notre périple dans l’extrême sud de la Belgique a donc été ardu. Mais utile. Interpellant aussi.

À Bastogne, nous avons rencontré des proches et des membres de la famille de Mathilde. Des voisins, des notables du coin. Leurs témoignages sont clairs. Nets. Cassants. Déprimants. Désespérants. Ils rejoignent les déclarations confidentielles que j’ai recueillies au sein de l’aristocratie bruxelloise : l’histoire d’amour entre Philippe et Mathilde ne ressemble en rien à la jolie romance vendue dans les journaux en 1999. Leur mariage a été forcé.

La love story mettant en scène un prince fou amoureux d’une tendre aristocrate n’a donc jamais eu lieu. Philippe et Mathilde se sont mariés sous la pression de leurs parents respectifs. Pour raison d’État. Si je me permets de rendre publics ces éléments aujourd’hui, c’est pour que l’on comprenne une fois pour toutes que le destin de prince a quelque chose de tragique. Et que la vie de Philippe de Belgique a été minée par la mission qui lui a été confiée peu après sa naissance : régner. Un jour. Le prince héritier a d’ailleurs bravé de nombreuses difficultés pour assumer cette mission.

« Philippe de Belgique a un grand sens du devoir », rappelle ce proche de la famille royale. Par-dessus tout, il veut faire le bien. Et bien faire.

Albert veut que son fils se marie avant de devenir roi. On l’a dit. Il a également conscience de toutes les difficultés que Philippe éprouve à rencontrer l’épouse idéale. Il faut donc provoquer les événements. Albert va exercer sur Philippe une pression terrible. Il est clair avec lui : le prince est obligé de se marier. Obligé. Sinon, c’est simple, il ne deviendra pas roi. Vous lisez bien : que Philippe se marie, ou il sera écarté. Sans autre possibilité.

Pour Philippe, cette menace est terrible. Il attend son tour depuis tant d’années. Et il risque d’être évincé de la course au trône. Cons­titu­tion­nellement, son père ne peut évidemment pas l’empêcher de lui succéder. L’ordre est établi. Il est le premier dans l’ordre de succession. Seul Philippe peut, de lui-même, renoncer au trône. Albert ne peut donc pas obliger son fils à se marier pour devenir roi. Mais le chef de l’État a une telle emprise morale sur son fils, qu’il peut lui imposer d’oublier ses ambitions royales.

Comment ? Albert a le pouvoir moral de soutenir publiquement celui qui est deuxième dans l’ordre de succession. Juste après Philippe. Et qui est ce dauphin ? C’est une dauphine : Astrid, la fille adorée d’Albert. Dont le mari, Lorenz, fait l’unanimité.

Le scénario est donc fixé. Philippe doit trouver une épouse qui soit dignede devenir reine. Sous peine d’être disqualifié. Albert avait jadis refusé la candidature de Barbara Maselis. Cette fois, Philippe sait vers quel genre de fille il doit se tourner : noble, belle, diplômée.

Cette fille doit provenir d’une famille jouissant d’une bonne réputation. Et ne pas avoir un passé sentimental trop marqué.

Mais cette perle, cette femme parfaite, au CV idéal, au physique agréable, Philippe, maladroit, pas assez motivé, a du mal à la trouver. Alors, comment va-t-il la rencontrer ?

Plusieurs scénarios existent : en Belgique, un livre très utile paraît chaque année. Le High Life de Belgique, un recueil qui décrit la composition de toutes les familles nobles, parents et enfants. Avec l’adresse complète et les coordonnées téléphoniques de chaque aristocrate du royaume. Il y est aussi précisé qui est célibataire, qui est marié. Ce n’est pas anodin. Le High Life permet ainsi aux parents de bonnes familles qui veulent marier leur enfant d’orienter la recherche vers la personne souhaitée. Qui sait si ce High Life n’a pas été utilisé pour réunir Philippe et Mathilde (ou Philippe et Stéphanie de Lalaing) ?