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Stupeur sur Pure FM ! Rudy Léonet et Hugues Dayez, victimes d’un gros « coup de fatigue », ont été écartés du monde dans un lieu tenu secret. Le Docteur Bergamote, professeur en charge de leur dossier, a décrit leur état comme stable, mais nécessitant le repos complet et plusieurs semaines en centre de jour, dans un isolement sécurisé. Ironie du sort, on a retrouvé dans le bureau du directeur de Pure FM des bandes inédites, regroupant de nombreuses heures de conversation. À l’aube du vingtième anniversaire de « 5 Heures », Léonet et Dayez avaient, semble-t-il, monté dans le plus grand secret un monumental projet de livre anthologique. On peut lire sur les bandes retrouvées la mention : « Opération Cloverwitch. Analyse totale du divertissement et grand déballage des dessous de l’entertainement cinématographique et musical ». Le secret médical ne nous permet pas de connaître l’état de santé exact de Dayez et Léonet actuellement, mais par respect pour leurs honorables carrières à la RTBF, leurs ayants-droits ont décidé de confier les bandes à la Renaissance du Livre, qui a décrypté les enregistrements, pour en livrer la substantifique moelle...
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Seitenzahl: 223
Veröffentlichungsjahr: 2014
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© Renaissance du Livre
Avenue du Château Jaco 1
1410 Waterloo
www.renaissancedulivre.be
www.rtbf.be/boutique
Photo de couverture : © Yves Brunson
ISBN : 978-2-50705-283-6
HUGUES DAYEZ - RUDY LEONET
RECOMMANDE PAR 5 HEURES
Entretiens avec Hugues Dayez
et Rudy Léonet retranscrits
par Morgan Di Salvia,
d’après des bandes enregistrées retrouvées en 2O14.
L’ENIGME 5 HEURES - NOTE DU RETRANSCRIPTEUR
Durant l’été 2014, c’est avec stupéfaction que j’ai appris la nouvelle : Rudy Léonet et Hugues Dayez, victimes d’un gros « coup de fatigue », avaient été écartés du monde dans un lieu tenu secret. Un bref communiqué interne à la RTBF, mais qui avait fini par fuiter, m’avait révélé la situation. En substance, on y apprenait ceci : dans un état nécessitant le repos complet, Dayez et Léonet avaient été envoyés plusieurs semaines en centre de jour, dans un isolement sécurisé. Véritable précaution médicale ou volonté de les réduire au silence ? J’étais bien décidé à le découvrir…
Profitant d’une journée portes ouvertes dans la vénérable maison, je me glissai subrepticement dans les couloirs de Pure FM, me faisant passer pour un coursier. Arrivé dans le bureau de Rudy Léonet, je finis par trouver un grand carton, rempli des bandes inédites, regroupant de nombreuses heures de conversation. À l’aube du vingtième anniversaire de5 Heures, Léonet et Dayez avaient, semble-t-il, monté dans le plus grand secret un monumental projet de livre anthologique. Je pouvais lire sur la boîte des bandes découvertes la mention : « OpérationLost Tapes. Analyse totale du divertissement et grand déballage des dessous de l’entertainmentcinématographique et musical ».
Le secret médical ne permettait pas de connaître l’état de santé exact de Dayez et Léonet, et encore moins de les rencontrer pour éclaircir le mystère de ce projet. Certain qu’il y avait là matière à un livre de révélations, je contactai la Renaissance du Livre, en leur parlant avec fièvre de ce grand carton contenant plusieurs rouleaux de bandes magnétiques et une planche contact avec des photos de Hugues et de Rudy. L’éditeur, perplexe face à cet amoncellement d’enregistrements aux titres énigmatiques (« Les pieds de Michel Piccoli », « Une grande variété de créatures » ou « La boîte à tartines Pocahontas ») me demanda de les décrypter pour en livrer la substantifique moelle… C’est ce que je m’efforçai de faire tout au long de l’été, jour après jour, bobines après bobines, retranscrivant le fil d’une conversation étonnante.
Bien qu’auditeur fidèle de l’émission, je n’étais pour ainsi dire pas un intime du duo.
Ma seule rencontre avec Rudy Léonet datait de la fin du siècle dernier. Le hasard nous avait réunis lors de l’avant-première namuroise du filmLes Convoyeurs attendentde Benoît Mariage, avec Benoît Poelvoorde. Notre bref entretien avait essentiellement tourné autour de la fascination de Léonet pour le punk de Flénu, figure mythique de l’émission et curiosité pour moi qui ai vécu à quelques centaines de mètres du repaire dudit punk.
J’avais plus souvent croisé Hugues Dayez, car nous partageons une passion pour la bande dessinée et avons eu l’occasion de nous fréquenter lors de vernissages, d’inaugurations et de lancements d’album. Ponctuellement, nous avons discuté de nos auteurs favoris et de nos dernières lectures. Poliment, nous avons échangé nos numéros de téléphone. Au cas où…
Lorsque j’ai eu vent de leur mystérieuse disparition, j’ai tenté, sans succès, de joindre Dayez par téléphone. Une fois, puis deux, puis dix. Mes appels sonnèrent dans le vide
Quelque chose se tramait. Est-ce que Rudy et Hugues savaient que leur retraite forcée était dans l’air ? Avaient-ils eu vent d’un complot ? Avaient-ils prévu cette « bouteille à la mer » pour mener à bien leur projet, coûte que coûte ?
Il y avait là une énigme à résoudre. Je me lançai donc dans la retranscription des bandes perdues, d’autant plus facilement que je semblais « désigné » par les malheureux.
Dans les pages qui suivent, je vous livre le contenu de ces mystérieux entretiens, tels que je les ai découverts. D’une bande à l’autre, au fur et à mesure, je vous ferai part de mes interrogations, car certaines zones d’ombre persistent toujours…
Morgan Di Salvia
BANDE
N°2
Impossible de retrouver la bande n°1 qui est étrangement manquante. Selon l’intitulé de la n°2, je m’attends à croiser Benoît Poelvoorde, probablement l’invité qui est le plus souvent venu dans 5 Heures au fil des années. Peut-être a-t-il participé à ces sessions d’enregistrement ? Qui pose les questions ? À ce stade,
je n’arrive pas à identifier la voix, qui s’exprime loin du micro. Avec un accent namurois, me semble-t-il... L’enregistrement démarre en plein milieu d’une conversation.
L’AMI BEN
Nous allons parler cinéma, mais pas seulement. Ce livre sera l’occasion d’approfondir certains dossiers…
Rudy Léonet : Oui, il y a des sujets très sérieux et d’autres qui le sont beaucoup moins.
Hugues Dayez : On pourrait préparer un glossaire. Le lexique « Parlez-vous le 5 Heures ? »
R. : Rempli de mots qu’on utilise tout le temps, qu’on retrouverait dans les pages roses au centre du livre. J’aime beaucoup ton idée, mon cher Hugues.
Sur antenne, vous avez décidé de vous vouvoyer. Alors que vous vous tutoyez dans la vraie vie. Pourquoi ?
H. : Quelque part, c’est un héritage de la vieille école. Ne pas exclure l’auditeur, car le tutoiement implique une connivence un peu trop proche de la « private joke ». Même si, au fil du temps, l’émission s’est parsemée de private jokes. Sauf qu’elles sont partagées avec les auditeurs, là est toute la différence.
Bien que l’idée un peu mégalo du lexique ait été
abandonnée, ces premiers échanges laissent en tout
cas penser que Dayez et Léonet croyaient dur comme
fer à une publication imminente de leurs entretiens.
Rusés, ils ont certainement choisi de commencer
avec un sujet accrocheur : Benoît Poelvoorde !
On se souvient d’une prise de pouvoir de Benoît Poelvoorde sur Daft Punk !
R. : Il était venu faire une émission sur La Première et il repassait juste dire bonjour.
H. : Comment es-tu devenu pote avec Poelvoorde ? De mon côté, je l’ai suivi depuis ses débuts, lorsqu’il a débarqué à Cannes avec C’est arrivé près de chez vous. On a le même âge, à trois mois près, et il a fait sa première interview télévisée avec moi, pour le JT de la RTBF. Évidemment, ça crée des liens…
R. : Il avait créé un spectacle, Modèle déposé, et le jouait au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Par l’intermédiaire de son attachée de presse, il fait dire qu’il aimerait que je vienne voir ce spectacle, parce qu’il écoute et apprécie 5 Heures. J’y vais, et évidemment je suis bluffé! Quelle performance et quel gars ! Il y a surtout un truc qui me touche énormément : voilà un mec qui peut redonner fierté et ambition aux jeunes francophones belges.
Parce que c’était un peu désert à ce moment-là…
R. : C’était tout à la Flandre et pratiquement rien à la Wallonie. En tout cas rien de cette envergure-là ! Après la sortie de C’est arrivé…, il y a une longue période où il ne se passe rien.
H. : Je pense que le trio Benoît Poelvoorde, Rémi Belvaux et André Bonzel qui a fait le film a la pétoche. Ils ont peur de la suite. Ça prend du temps à décanter.
R. : Exactement. Le temps passe, puis vient ce qu’on n’attendait pas : Benoît au théâtre. Puis les sketches de « Monsieur Manatane » et Poelvoorde décolle vers de très gros succès. Pour l’anecdote, il tourne des séquences de foule pour « Manatane » lors de l’anniversaire des 21 ans de Radio 21, où l’on a invité Beck, Eels et Neneh Cherry. Après avoir vuModèle déposé, je le fais venir en studio, on s’entend bien. Tous les deux, on aime George Michael. Forcément, ça nous rapproche…
George Michael mérite un chapitre entier !
R. : Bien sûr, on y reviendra… À l’époque, j’approfondis mon idée et dis à Benoît, sur antenne, qu’au-delà de ses performances, il a un rôle incroyable à jouer : celui de redonner de l’ambition aux jeunes artistes belges francophones, alors que tout est à la Flandre, avec dEUS, Hooverphonic, Arno, Ozark Henry, K’s Choice, Zita Swoon… Après ça, une certaine complicité s’installe entre nous. À partir de ce moment, Poelvoorde va passer de temps en temps dans 5 Heures, pour dire bonjour, en direct et à l’improviste…
H. : D’ailleurs, je pense qu’il est toujours venu dans 5 Heures hors période de promotion d’un film ! Mais même hors promo, ça reste un showman. Je me souviens de plusieurs interviews quand Poelvoorde était là. C’était difficile, car il interrompait toujours le truc. J’ai le souvenir que c’était compliqué et bordélique. Mais c’était unique !
R. : Il y a un moment de bravoure de Ben dans l’émission qui est passé à la postérité. Un jour, sur antenne, on découvre en exclusivité le premier album de Daft Punk (Virgin me l’avait filé en avant-première). Même si 5 Heures n’a pas de conduite d’émission, j’arrivais chaque mercredi avec un bac de disques en studio, c’était du DJ selector, je savais ce que je voulais passer, mais je ne savais pas dans quel ordre. Donc, je lance un extrait de Daft Punk, je présente à Poelvoorde, qui d’abord me charrie en disant que c’est n’importe quoi. Il me demande s’ils ont été à l’école. Combien sont-ils pour faire ça ? Deux !? Il commence à déconner, il cause dessus, il fait un show ! Il invite les auditeurs à arrêter leur voiture, se mettre nus et à danser. Incroyable !
Séquence culte !
R. : Le mot culte est largement mérité ! Des DJs en ont fait des bootlegs vinyls ! C’est un type formidable. On a vécu des moments privés incroyables. Notamment avec Jeff Bodart. On se voit moins, il me manque.
La bande s’arrête là. Des indices montrent
qu’effectivement, Rudy et Hugues pensaient à une
publication, puisqu’ils évoquent des chapitres,
des thèmes à explorer. Toutefois, jusqu’ici,
pas de trace de délire ou de symptômes qui
pourraient annoncer leur « coup de fatigue »
à venir. Je dois poursuivre le travail
de retranscription.
BANDE
N°3
Bien sûr, j’ai le souvenir
du spin-off de 5 Heures,
la nocturne T’en veux ? J’en ai !
Une émission d’avant l’ère
du podcast. On n’a jamais trop bien su pour quelles raisons Rudy et Hugues avaient sabordé l’émission. Peut-être vais-je
en apprendre un peu plus ?
T’EN VEUX ? J’EN AI !
H. : Je ne sais pas, par contre, au bout de combien de saisons on s’est dit que quinze minutes ensemble dans 5 Heures c’était trop peu…
R. : ça s’est mis petit à petit. À force de digressions, le quart d’heure est devenu vingt minutes, puis une demi-heure…
H. : À un moment donné, j’ai aussi eu le problème d’être en concurrence avec moi-même ! Je devais prioritairement prester sur la chaîne qui m’employait, Bruxelles Capitale, où je traitais du cinoche le mercredi après-midi, sur un autre ton et dans une conduite très précise, à 17h45 pile poil. Je me souviens que Rudy me disait : « Viens plutôt dans5 Heures, Hugues ! » Ce que j’ai fait, mais je devais courir tout le temps entre les deux studios. Quelque part, à cause de ça, le format a glissé, et on a commencé le cinéma à 17h.
R. : Puis l’horaire a bougé dans le temps.
H. : Petit à petit, on s’installe entre 17h et 18h. Mais je dirais que le point culminant, le plus intensif du duo, c’est quand on fait à la fois 5 Heures et T’en veux ? J’en ai ! Il y a une heure le mercredi après-midi et deux heures le vendredi soir. Forcément, on renvoie les auditeurs d’une émission à l’autre.
R. : Pour T’en veux ? J’en ai !, on avait un habillage super. Ça a démarré avec encore Benoît Poelvoorde, il nous a fait le générique. Puis, petit à petit, Hugues a réenregistré la phrase-titre avec les stars qu’il interviewait. ça nous a fait des jingles d’enfer.
H. : Marie Trintignant m’a dit : « Je veux bien le dire pour votre générique, mais vous ne m’ôterez pas l’idée que T’en veux ? J’en ai !, ça fait penser à des couilles ! »
R. : Fabrice Luchini a fait une superbe interprétation !
H. : On en a eu une kyrielle, avec Valérie Lemercier, Jean-Pierre Marielle... En fait, j’allais les voir au théâtre, et en fin de représentation, on enregistrait une interview et en bonus un jingle.
R. : Des jingles faits par des comédiens… Si on le refaisait aujourd’hui, on partirait à la chasse de Guillaume Gallienne !
T’en veux ? J’en ai ! n’a pas eu la longévité de 5 Heures. Pourquoi ?
H. : Tout simplement parce qu’on a nos vies et un temps limité pour monter des projets professionnels. À l’époque deT’en veux ? J’en ai !, on allait boire un verre, trois quarts d’heure après l’émission.
R. : C’était assez pathétique, on se reprenait toujours une assiette de petits fromages avec sel au céleri et des dés de saucisson, accompagnés d’une Scotch au tonneau…
La rumeur disait que l’émission s’était arrêtée parce que le cafetier est mort ?
R. : Oui ! Le café a fermé.
H. : Mais l’émission ne s’est pas arrêtée pour ça. Par décision d’un supérieur hiérarchique, j’ai dû réintégrer à 100 % une rédaction d’info générale, cesser de m’occuper de l’actualité culturelle et donc d’assister aux visions de presse. De son côté, Rudy devait aussi préparer avec toute son énergie la naissance de Pure FM.
R. : La chaîne a été lancée un jeudi, et je pense qu’il a fallu attendre une semaine pour te retrouver sur Pure ! À la première émission, qui je le rappelle avait été rebaptiséeC’est un événement, j’avais invité un chanteur sans maison de disques et j’avais oublié qu’il devait venir. Puis je le vois frapper à la vitre du studio avec sa mandoline : Patrick Wolf. Énorme. Depuis, il a aussi été mannequin pour Burberry…
H. : À la dernière émission d’une saison de5 Heuressur Radio 21, on en avait gros sur la patate car j’étais promis à une année de placard et on a passéAlways look on the bright side of life !des Monty Python. Je ne savais pas si je reviendrais un jour dans5 Heures… Il y a eu une pétition. Plein de gens l’ont signée. J’ai gardé tout ça, c’était émouvant de voir que les auditeurs tenaient à ma présence.
R. : Aujourd’hui, on fait des pétitions pour un oui pour un non avec des sites de pétitions toutes prêtes. À ce moment-là, c’était moins courant, il fallait un peu se casser la tête, il y avait une vraie relation qui n’était pas à portée de clic. Il fallait parfois écrire une carte postale, la timbrer, la poster. C’était la préhistoire !
H. : Pour revenir à l’analyse de la longévité de 5 Heures, je crois que ça dure parce que ça change tout le temps, et parce qu’on est aussi tributaire de l’actualité. Ce n’est pas commeLe Jeu des dictionnaires qui chaque semaine devait fonctionner avec du jus de cerveau. Nous, chaque semaine, on part de l’actualité discographique et cinématographique. Comme je dis toujours en boutade : il y a tellement de conneries, qu’il n’y a qu’à se baisser et ramasser !
R. : C’est drôle par défaut, mais5 Heures n’est pas une émission d’humour. C’est ça qui est compliqué à expliquer.
Je commence à percevoir une logique.
Tout ça se déroule comme une mécanique aussi bien
huilée que la chaîne de vélo de Hugues, pour mettre
sur papier la mythologie de leur émission…
BANDE
N°4
Pour m’attaquer à cette bande labellisée « Radio Galapiats », je décide de contacter la boutique RTBF pour me procurer un exemplaire du coffret DVD. Bizarrement, plus aucun n’est en stock. Le manutentionnaire me répond qu’une palette entière a été vendue l’avant-veille et qu’il n’est pas certain que le coffret soit encore disponible
à l’avenir…Comme un déstockage qui ressemble à une disparition d’indices. Décidément, il se passe des choses bizarres autour des sujets abordés…
RADIO GALAPIATS
Vous préparez l’émission en amont ?
R. : Pas du tout ! Enfin, pas ensemble. Ce qui est aussi amusant, c’est que l’émission évolue sous les yeux des auditeurs si j’ose dire. Les idées sont exposées sur antenne. Comme on se voit peu avec Hugues, pour ne pas dire pas du tout, même si on s’envoie des SMS et des e-mails, la conséquence positive, c’est qu’on s’économise. On a plein de trucs à se raconter lorsqu’on se retrouve le mercredi. Et par-dessus tout, quand on a une idée, elle naît à l’antenne ! Que ce soit Les Galapiats, Le Festival du Film de Cul dans la cave de Hugues, la Critic on Demand… La seule idée qu’on ait eue en dehors de l’antenne et qu’on garde jalousement, c’est ce qu’on est en train de faire pour l’instant : un livre pour se raconter vraiment.
Et si ce secret était la cause de l’isolement subit
de Hugues et Rudy ? Ce projet aurait-il suscité
de l’inquiétude en haut lieu ?
H. : L’exemple parfait de la naissance d’un phénomène, c’est vraiment « La Nuit des Galapiats ». Je ne sais plus comment on en était arrivés à évoquer ce vieux feuilleton télé à l’antenne... Toujours est-il que Rudy et moi repensons à Cowboy, Jean-Loup, Marion ! Ah Marion ! On part là-dessus, en déconnant sur une projection intégrale desGalapiatssur grand écran ! Un vraitribute.
R. : Et où ? Eh bien à Stavelot ! Le pays des Blancs Moussis, qui jouent un rôle décisif dans le scénario des Galapiats.
H. :Au cinéma Versailles of course ! On dit tout ça sur antenne, sans rien demander à personne ! Et puis on commence à recevoir des coups de téléphone. Le syndicat d’initiative de Stavelot nous demande quand on peut réserver les places ! Alors qu’au départ c’était une blague, je me vois obligé de prendre mon bâton de pèlerin. Je vais voir le producteur historique du feuilleton, un vieux Flamand à blazer portant beau. Je rencontre ce vieux briscard qui me demande de quel budget nous disposons. Absolument rien, bien sûr !
R. : Si ! On pouvait lui proposer un pack de six !
H. : Ah ah ! Le producteur me dit que je lui suis sympathique et qu’il est d’accord pour prêter pour une soirée les bandes U-matic, un format vidéo antédiluvien. Je vais récupérer ça chez une brave vieille dame qui gardait les archives du producteur dans le fond d’une ruelle toute proche de la rue Royale. On recopie ces grosses cassettes de l’an mil sur Beta, on prend contact avec l’association des Blancs Moussis, le syndicat d’initiative de Stavelot, et on finit par voir le patron du Versailles. Il accepte notre projet de « Nuit des Galapiats » et fait sa meilleure soirée de l’année ! C’était exceptionnel : des spectateurs ont dormi dans leur voiture parce que la capacité hôtelière de Stavelot ne permettait pas d’accueillir les quatre cents personnes qui s’étaient déplacées pour l’occasion !
R. : On a fait ça un vendredi soir, un soir de T’en veux ? J’en ai !. On avait le droit de projeter ce film une seule fois et gracieusement, sur écran. Et face à la demande, ils ont refait des projections en douce la semaine suivante !
H. : Il y a prescription, donc on peut dire qu’il y a eu une deuxième « Nuit des Galapiats », sans nous.
R. : Pour la première Nuit, Jeff Bodart est venu chanter la chanson du générique Ohé les gars… On avait un beau programme.
H. : Un reportage sur « La Nuit des Galapiats » existe, il est sur le disque bonus. Parce que suite à tout ça, la RTBF a réédité, l’année suivante, Les Galapiats en DVD. C’est le meilleur exemple d’une idée qui naît sur antenne et qui aboutit à un truc de dingue.
R. : Lors de cette soirée, je vois arriver un type qui s’appelle Robert Mayence et est un réalisateur carolo, avec un physique à la Marcel Bozzuffi. Il m’avait donné cours à l’IAD. Il m’attrape et m’explique qu’il a été jeune assistant surLes Galapiats, puis me file tout un incroyable classeur avec les notes de production, les fiches de dialogues, le planning du tournage de la série. Des documents d’archives que j’ai gardés en souvenir, alors que normalement, je ne garde rien.
H. : On n’avait pas de budget pour interviewer les acteurs, mais on a fait des interviews par téléphone de Marc di Napoli (alias Cowboy) qu’on a diffusées en radio. Fin de l’histoire. Mais l’année suivante à Flagey, pour le gala des cinquante ans de la télévision, le coffret DVD sortait, avec des bonus et tout le casting était présent pour l’occasion. On a des photos avec Marion adulte, côte à côte avec les acteurs.
R. : C’était magnifique ! La seule ombre au tableau, c’est qu’on n’a pas retrouvé Jean-Loup, qui a disparu dans la nature.
H. : On avait eu une autre idée qui n’a pas abouti, c’est « La Nuit des avant-dernières ». On voulait faire une nuit avec les « avant-dernières projections avant l’oubli définitif ». Une nuit du navet en quelque sorte. La Cinémathèque royale de Belgique nous avait donné son feu vert pour nous filer les copies, on avait UGC qui était partant, mais on ne s’en est pas sorti à cause de problèmes de droits de diffusion. Pour sortir Le Jour et la Nuit de Bernard-Henri Lévy…
Peut-être parce que c’était leur seule chance de faire du pognon sur le film !
H. : Voilà. Mais la plupart du temps, les idées, qu’elles aboutissent ou pas, sont lancées sur antenne. Comme le « Festival du Film de Cul dans ma cave », dont Rudy parle très régulièrement…
Les Galapiats ont marqué T’en veux ? J’en ai ! mais aussi les prémices de Pure FM…
H. : Logique, puisque « La Nuit des Galapiats » se déroule pendant la saison deT’en veux ? J’en ai !… Après, l’émission s’interrompt, et le 1eravril 2004, Pure FM arrive. Pour l’évolution de5 Heures, c’est important, car pour créer Pure, Rudy réfléchit à sa grille. Et il hésite très fort à continuer à faire de l’antenne. Il pensait juste reprendre éventuellement une soirée.
R. : Oui, je demande à tout le monde de se remettre en question et d’arriver avec des idées fraîches, des idées neuves et de ne pas refaire ce qui a déjà été fait. De profiter de l’opportunité. Je me dis qu’il faut que je donne le ton ! Je dois donner un signal. En même temps, comme directeur, je ne me voyais pas flinguer l’émission, parce que c’était une des émissions de Radio 21 qui cartonnait avec l’émission des Classiques du dimanche matin de Marc Ysaye. En fait, les deux pôles emblématiques des deux tendances de la chaîne.
H. : Lennon et McCartney !
R. : Oui, ou Blur / Oasis, c’est un peu ça. Sur Classic 21, Marc Ysaye conserve et décline Les Classiques dans sa grille, je me dis que ça serait une erreur de ranger au garage une locomotive comme 5 Heures. D’autant que ça fera un point de repère pour les anciens de Radio 21, puisqu’on arrivait sur un autre réseau avec de nouvelles fréquences. Pour donner un signal de nouveauté, je change le titre de l’émission. On appelle ça C’est un événement !. Et on fait exactement la même chose, décliné sur deux heures. Dès que ça démarre, les gens nous disent : « c’était mieux avant », « C’est un événement, c’est plus aussi bien que 5 Heures». Or, on faisait exactement la même chose ! Après une saison, sous la pression amicale des auditeurs, nous sommes revenus au nom 5 Heures.
H. : Plus que le nom de l’émission, c’est le contenu musical qui a beaucoup changé au fil du temps. On a passé des tonnes de 45 tours improbables. C’était « Le bon disque », avant l’heure !
R. : Ils sont toujours là, dans l’armoire de mon bureau. Mais la poignée est cassée…
H. : Je me rappelle un morceau incroyable qui s’appelait J’ai mal à ton cœur ! de Frank Olivier. J’ai commencé à décortiquer les paroles de la chanson : « C’est de l’analyse transactionnelle, c’est le Je et le Tu de Martin Buber » - des concepts ressortis de mes études de philosophie. Je me souviens du regard de Rudy, qui semblait dire : ce type est fou ! On philosophait sur n’importe quoi et déjà, il y avait le principe de causer sur les disques. Quelque part, Sébastien Ministru a affiné le concept en faisant « Le bon disque » dans Snooze, avec une mise en perspective.
R. : Oui, d’autant que Sébastien a une approche pointue de la variété. Sheila est son idole. Je trouvais super qu’il s’amuse avec ça et qu’on pousse le concept plus loin encore.
Pour suivre, il y a eu le « roulette disque »…
R. : La tape à gaille, les albums découvertes… Pendant tout un temps, on a passé la musique de Bouyour. Un personnage qui existe vraiment.
Les auditeurs avaient un temps réclamé une photo de lui, même de dos…
R. : J’en avais une dans mon téléphone, je devrais faire des fouilles pour la retrouver. En fait, Bouyour est sapé en costard, comme un VRP. C’est un Hollandais ou un Limbourgeois, qui amène toujours des sombres crasses…
H. : Mais dans une mallette Delsey !
R. : Oui, bourrée de compilations « Après ski » et ce genre de fourre-tout fumeux. Quand il arrive, il dit « bouyour ». Il s’assied et donne ses échantillons comme le ferait un représentant en pharmacie ou en produits cosmétiques pour salons de coiffure.
H. : Le contenu musical a changé et puis Rudy a fini par se concentrer exclusivement sur notre duo. Mais sur Pure FM, Rudy a placé les interviews rock ailleurs.
R. : Oui, j’ai laissé ça aux nouveaux arrivants. J’ai dû en faire une avec Soulwax, parce qu’on s’entendait bien et qu’ils avaient insisté pour que je la fasse, mais c’était exceptionnel. Et une fois, Julien Doré, je ne sais plus pourquoi, est venu dans 5 Heures.
H. : Par contre, dans l’ancien5 Heures, j’arrivais pour le cinoche, mais la chronique précédente était toujours en cours ou l’invité précédent était encore là. Je me souviens de Stephen « Tintin » Duffy, et Rudy commence à parler de nos goûts sur antenne, je cite Erik Satie. Rudy, le sourcil en l’air, se tournait les pouces, et a fini par désamorcer, bien sûr. Rudy, c’est mon garde-fou. Quand il me voit partir dans un truc où l’on risque de perdre tous les auditeurs, il me ramène vers l’émission.
R. :