Relations toxiques - Randa Ben Romdhane - E-Book

Relations toxiques E-Book

Randa Ben Romdhane

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Beschreibung

Qu’est-ce qu’une relation d’emprise ? Comment prendre conscience que l’on en est victime ? Quels signaux doivent nous alerter ?

La relation d'emprise se caractérise par les jeux de pouvoir et le chantage affectif. Dans cette dynamique relationnelle toxique, l'emprise psychologique de la personne dominante finit par annihiler la personnalité de l'autre partie. Mais comment prouver une agression psychologique quand aucune marque de blessure n’est visible sur le corps ? Comment préserver son équilibre mental quand la souffrance, les pensées et les ressentis sont constamment niés et remis en question ?

L'autrice, ayant été elle-même confrontée à ce type de relations par le passé, se penche sur le sujet pour apporter au lecteur une analyse de ces dynamiques afin d’apprendre à s’en affranchir. Cet ouvrage, accessible à tous, propose des pistes concrètes pour aider les survivants à se libérer de l'emprise psychologique, être à l'écoute de leurs besoins et leurs limites et reconstruire leur confiance.

Un ouvrage déculpabilisant, stimulant et réconfortant sur le sujet encore tabou des relations d’emprise.


À PROPOS DE L'AUTEURE

Randa Ben Romdhane, formée en psychologie appliquée, utilise des outils pratiques issus des thérapies cognitives et comportementales pour accompagner les survivants de violences psychologiques. Elle est suivie par plus de 125 000 personnes sur sa chaîne YouTube "L’audace d’être soi", dédiée au décryptage de la manipulation psychologique et des relations toxiques dans le cadre des relations amoureuses et familiales.

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Seitenzahl: 242

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Relations toxiques

Randa Ben Romdhane

Relations toxiques

Comment reconnaître et éviter les relations d’emprise

Note de l’autrice

Cela fait des années que je m’intéresse au sujet des relations basées sur la lutte de pouvoir. Ayant moi-même été confrontée à ce type de dynamique dans le passé, j’ai parfaitement conscience de la difficulté de cette épreuve et des défis du processus de libération. Ma prise de conscience a eu lieu après un mariage qui a fini par s’effondrer. Cette expérience a bouleversé ma vie. Mais aujourd’hui, j’en fais ma force. Après des années de travail sur moi et d’études sur le sujet, j’ai décidé de venir en aide aux personnes qui croisent mon chemin et qui se retrouvent démunies face à des partenaires abusifs. J’ai également compris que la raison principale derrière les schémas de l’emprise se trouve dans notre enfance et nos blessures non résolues du passé.

Mon élan et mon envie de contribuer à la sensibilisation de cette thématique m’ont motivée à diffuser mes messages sur les réseaux sociaux pour toucher un maximum de personnes, notamment sur YouTube, via des capsules hebdomadaires sur ma chaîne intitulée « L’audace d’être soi ». À l’heure où j’écris ces lignes, ma chaîne est suivie par plus de 120 000 personnes. Cet ouvrage est le fruit de ces années de recherche.

Malgré toute la rigueur que je me suis efforcée à appliquer tout au long de leur rédaction, je vous prie de considérer les chapitres qui suivent comme une opinion éclairée sur le sujet et non pas comme une forme de vérité absolue.

Chaque situation étant singulière, il est impossible d’appliquer ces connaissances à tout un chacun. Alors, merci de considérer ces connaissances comme un aiguillage et une grille de lecture ayant pour but d’ouvrir des portes de compréhension, en plus des outils et des connaissances dont vous disposez déjà.

Chère lectrice, cher lecteur,

J’espère que cet ouvrage vous sera utile et que vous y trouverez des clés pour avancer sur la trajectoire de la liberté.

Mes pensées affectueuses,

Randa

Introduction

Des rapports de force

Le ministère de la Santé ne l’a pas encore acté, mais rester dans une relation toxique nuit à notre santé mentale et physique. Comme la cigarette peut endommager nos poumons, les relations toxiques sont aussi néfastes pour notre bien-être psychologique. Elles bouleversent notre vie, touchent à notre dignité, dégradent notre estime et notre confiance en nous. Les conséquences de ces bouleversements ne sont pas uniquement d’ordre psychologique. Les tensions et les changements chimiques provoqués par le stress continu peuvent déséquilibrer notre corps, notamment le système nerveux, le système cardiovasculaire, le système immunitaire, etc.

Pour certaines personnes, ce stress peut conduire au recours excessif à des échappatoires malsaines, comme l’alcool, les tranquillisants, le sucre, la mauvaise alimentation ou bien toute sorte de substances ou de comportements addictifs. Et même en l’absence d’une menace manifeste pour notre santé, rester trop longtemps dans une relation abusive, peut assombrir notre vie de frustrations, de colères, de vide et de désespoir.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles une relation peut devenir toxique dans le temps. L’incompatibilité entre les individus apparaît être l’une des raisons les plus élémentaires. En effet, l’incompatibilité génère des tensions et du stress qui rend la cohabitation très difficile, voire impossible. La source principale de friction dans ce cas peut être attribuée au stress et à une mauvaise communication.

Cependant, il existe des cas plus complexes qui engen­drent des conséquences dévastatrices. Je parle des relations d’emprise dont la source de malentendu n’est pas liée simplement à un défaut de communication ou une simple incompatibilité. Il s’agit plutôt d’un schéma très toxique dans lequel une personne obtient ce qu’elle désire au détriment d’une autre. Ce n’est pas une simple question de malentendu, mais de lutte de pouvoir.

C’est une cruauté mentale exercée insidieusement par une personne sur l’autre et qui progresse graduellement vers une forme de dictature psychologique qui amène la partie dominée à l’assujettissement. Elle se transforme, d’une personne motivée, pleine de vie, enjouée et joyeuse, en une personne constamment angoissée, stressée, effrayée, soucieuse, anxieuse, déprimée et triste.

Il est presque impossible de prouver une agression lorsqu’il n’y a pas de marques de blessures ou de coups sur le corps. Comment garder son équilibre mental et psychologique lorsque notre souffrance, nos pensées et nos ressentis sont constamment niés et remis en question ?

Les relations d’emprise sont principalement caractérisées par le contrôle et l’antagonisme, qui se produisent généralement d’une façon déguisée et non manifeste pour un œil non averti. On peut considérer la dynamique de fonctionnement d’une relation d’emprise comme étant une forme de violence psychologique destinée à manipuler les sentiments de quelqu’un ou bien à obtenir des avantages sournois.

La répétition de ces agissements dans les relations détruit la confiance entre les individus et établit un terrain fertile pour les abus et les rapports de force. De même, l’empêtrement dans une telle dynamique pour une personne sous emprise engendre une accumulation de stress et d’anxiété qui entraîne dans son sillage divers troubles émotionnels, physiques, voire des maladies.

Le dilemme réside dans le fait que ces dynamiques ne sont pas manifestement violentes. Les intentions insidieuses sont dissimulées par des prétextes assez persuasifs en apparence. Ce double jeu confus et très équivoque finit par exaspérer la personne sous emprise. Dissuadée de toute confrontation, cette dernière finit par se résigner d’une façon tacite et non volontaire.

Les rapports de force dominants versus dominés sont ainsi instaurés dans un climat d’hostilité et d’animosité. Je qualifie ces rapports de force « de guerres froides ». Durant les trois dernières années, j’ai pu lire et écouter des récits de « guerres froides » d’hommes et de femmes qui en subissent quotidiennement les conséquences.

En reconnaissant ces dynamiques, vous serez moins désorienté(e) par les hommes et les femmes dominants et contrôlants dans votre entourage et vous serez capable d’en déjouer les jeux de pouvoir. En écrivant ce manuscrit, j’espère vous guider dans le labyrinthe des dynamiques de l’emprise et vous aider à décrypter les codes.

En m’appuyant sur des témoignages concrets, mon expérience personnelle et des études scientifiques, les objectifs de ce manuscrit sont triples : (1) Comprendre les dynamiques de fonctionnement de l’emprise psychologique. (2) Expliquer pourquoi et comment on se fait piéger dans ce type de relations. (3) Et enfin, proposer des pistes concrètes pour apprendre à s’en sortir, se protéger et prendre le chemin de la guérison.

Avant tout, ce livre se donne pour ambition d’offrir – par la compréhension et la redécouverte – la possibilité d’un nouveau départ pour des personnes qui souffrent dans le silence et l’amertume.

Bien qu’on puisse observer ces dynamiques de pouvoir dans un cadre familial – notamment entre parents et ex-enfants adultes – ou dans un cadre professionnel, pour la suite de cet ouvrage, je vais me concentrer sur les relations de couple.

Partenaires versus adversaires

Avant d’aller plus loin, il convient d’apporter quelques précisions importantes pour comprendre la suite, notamment les termes qui seront utilisés tout au long de cet ouvrage pour désigner les deux parties de la relation.

Si vous marchez constamment sur des œufs avec votre partenaire, si vous devez justifier chacun de vos faits et gestes, chacune de vos paroles, si vous avez la boule au ventre et vous appréhendez sans cesse ses réactions, il y a peut-être des chances que votre partenaire ait recours au contrôle coercitif, au chantage affectif et aux jeux psychologiques pour vous faire plier à ses désirs. Est-il pertinent dans ce cas d’utiliser le terme « partenaire » ? Pour répondre à cette question, il convient d’abord de définir la signification de ce terme dans le cadre d’une relation de couple.

Un partenaire est une personne – homme ou femme – qui est non seulement motivée mais aussi disposée et capable de travailler en équipe avec une autre personne pour atteindre un objectif commun. Cet objectif pourrait être par exemple la construction d’une relation durable et affectueuse, avoir un foyer familial bienveillant, être heureux en couple, bien élever les enfants et les accompagner à devenir des adultes épanouis et fonctionnels, etc. L’esprit d’équipe entre les deux partenaires favorise l’entente et la cohésion et leur permet d’avancer ensemble dans la même direction tout en faisant preuve d’empathie et de compréhension mutuelle.

Entre deux partenaires, la relation n’est certes pas parfaite. Mais la communication et le dialogue bienveillant leur permettent de surmonter les difficultés et de trouver un terrain d’entente en cas malentendus.

Ce n’est pas le cas dans une relation d’emprise. Oubliez la communication bienveillante, l’ouverture affectueuse, la confiance et l’empathie. Ces composantes sont inexistantes. La personne que vous appelez « partenaire » est en réalité votre « adversaire ». J’aurais préféré éviter le recours à ce terme. Mais malheureusement, l’esprit antagoniste implique que cette personne vous considère comme son adversaire, voire son pire ennemi.

Dans une telle dynamique, et pour la suite de ce développement, je vais utiliser ces deux concepts pour désigner les deux personnes impliquées dans le couple :

• la partie dominante pour désigner la personne qui cherche à dominer et contrôler l’autre ;

• la partie cible ou la cible pour désigner la personne sous emprise.

Chacune des deux parties peut être un homme ou une femme.

La partie dominante est souvent une personne ayant un degré élevé d’égoïsme et d’antagonisme. La cible est souvent choisie pour ses attributs personnels pour être le réceptacle des attaques, de la manipulation, de l’intimidation, du harcèlement, du chantage affectif, de la négligence, etc.

PARTIE 1 Compréhension des dynamiques dysfonctionnelles dans les relations d’emprise

CHAPITRE 1 Au cœur du brouillard aveuglant de l’emprise psychologique

I. Le fil d’Ariane

Vous vous êtes probablement posé des questions des centaines, voire des milliers de fois. Que se passe-t-il au juste ? Pourquoi êtes-vous aussi confus(e) ? Pourquoi n’arrivez-vous pas à trouver un sens logique aux dynamiques de votre relation ?Pourquoi avez-vous encore des doutes sur la nature abusive de votre liaison ? Qu’attendez-vous pour vous octroyerl’autorisation d’accepter cette réalité ? Vous attendez-vous à une validation extérieure ?

Les efforts que vous avez fournis d’une manière unilatérale vous ont peut-être donné l’impression temporaire de sécurité. Toutefois, les phases d’accalmie sont toujours fugitives. Aussitôt rassuré(e), la tempête reprend de plus belle.

Les relations d’emprise fleurissent dans un brouillard perçant, envahissant, aveuglant et désorientant. Cette épaisse couche de nuages sombres qui vous entoure vous empêche de réfléchir et de penser clairement. Lorsque vous êtes dans le brouillard, vous êtes incapable de voir au-delà de quelques mètres. Il est impossible de percevoir l’horizon et la lumière derrière ces nuages. Votre jugement devient flou et vous avez l’impression d’être coincé(e) dans ce cercle vicieux infernal.

Le brouillard de confusion peut également se densifier par les mauvais conseils bien intentionnés prodigués par votre entourage que j’appelle « les faux bons conseils », sur l’importance de l’engagement dans une relation, l’empathie, le pardon, etc. Ces conseils, reflétant généralement des croyances et des normes répandues dans la société, peuvent émaner de votre famille, vos amis, voire votre thérapeute. Ils sont mauvais et involontairement néfastes, insidieux et destructeurs. Au lieu de vous aider à sortir du brouillard, ils vous y entraînent davantage. Au cœur du brouillard, vous cherchez désespérément à savoir : comment suis-je entré(e) là-dedans ? Comment puis-je en sortir ? Comment faire cesser cet enfer ?

Pour vous apporter plus de clarté, vous aider à traverser ce labyrinthe et retrouver la vue au milieu du brouillard, considérez ce chapitre à la fois comme une puissante lampe torche antibrouillard et un fil d’Ariane.

L’emprise psychologique se fonde sur deux piliers majeurs :

• la domination et le contrôle d’un côté ;

• la soumission de l’autre côté.

Selon le Centre national des ressources textuelles et lexicales le CNRTL1, la notion d’emprise fait référence à la domination exercée sur une personne. Elle renvoie à la soumission d’un individu à une ascendance morale, intellectuelle et/ou psychologique. La question qui se pose alors, dans une union « librement consentie », est : pourquoi accepterait-on de se soumettre à une autre personne dominante ? La réponse à cette question n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. Les plus sceptiques prétendront que la notion d’emprise psychologique n’est qu’un subterfuge inventé par les plus faibles pour justifier leur asservissement et se décharger de toute responsabilité. Bien sûr, ce n’est pas vrai !

En réalité, la réponse est bien plus complexe qu’on ne pourrait le penser de prime abord. Les raisons qui pourraient potentiellement mener à un tel phénomène seront détaillées plus loin dans cet ouvrage. Pour l’instant, je vais me focaliser sur la description de ce phénomène.

On ne peut pas dire qu’une personne sous emprise agit avec conscience et circonspection. C’est l’inverse qui est vrai. Métaphoriquement, comme sous l’effet d’un charme, sous emprise on est enchanté, étourdi et enivré. Pour arriver à cet état, on subit inconsciemment un processus progressif de « lavage de cerveau » par l’autre partie dominante. Ce processus comprend un ensemble de mécanismes cognitifs et affectifs ayant pour conséquence de faire disparaître progressivement chez la cible la capacité de discernement et de l’amener à prendre des décisions et faire des choix qu’elle n’aurait pas faits dans d’autres circonstances. La prise de conscience est souvent accompagnée par un profond sentiment de honte et de culpabilité. J’ai reçu des centaines de témoignages qui convergent dans ce sens. Parmi les phrases les plus fréquentes que j’ai pu lire :

• « Comment ai-je pu être aussi stupide ? »

• « Comment ai-je pu être aussi crédule ? »

• « Je m’en veux et j’ai honte de moi ! »

• « J’ai honte d’avoir été piégé(e), d’avoir mordu à l’hameçon malgré les signaux d’alerte que j’ai perçus. »

• « Je me sens tellement bête et stupide ! »

Il ne s’agit pas d’une question d’intelligence. Le processus psychologique menant à l’emprise est conçu pour :

• vous embrouiller l’esprit ;

• vous rendre vulnérable ;

• vous faire baisser la garde ;

• vous déconcerter ;

• vous désorienter ;

• vous déstabiliser ;

• vous faire perdre le discernement in fine.

Cet état ne se produit pas du jour au lendemain. C’est le résultat d’un ensemble élaboré de procédés psychologiques et mentaux qui altèrent les fonctions cognitives du cerveau et par conséquent la capacité de réfléchir d’une façon logique et posée. Plus précisément, l’emprise psychologique engendre une certaine forme de dissonance cognitive. Cette notion sera abordée plus loin dans l’ouvrage (Cf. chapitre 8). Pour l’instant, examinons de plus près les signaux d’alerte d’une relation basée sur l’emprise psychologique.

Les limites personnelles sont progressivement estompées2

Pour illustrer cette idée, je vais recourir à la métaphore du carré de sucre. Que se passe-t-il lorsque vous dissolvez cette substance solide dans un verre d’eau ? De toute évidence, vous obtenez une solution aqueuse – dans ce cas de l’eau sucrée. Une simple observation à l’œil nu permet de voir uniquement une substance liquide. Pourtant, les cristaux de sucre sont toujours présents. Cependant ils ne sont plus visibles. Ils se sont morcelés en particules beaucoup trop petites pour être vues à l’œil nu. Ainsi, les cristaux se dispersent pour se confondre avec le liquide et former un mélange indifférencié. Métaphoriquement, il se produit un phénomène similaire au niveau psychologique et qui engendre une certaine forme de dissolution dans l’espace de l’autre. Les limites personnelles disparaissent progressivement et se dissolvent dans une dynamique fusionnelle malsaine. Les espaces personnels sont mélangés et confondus.

Avec le temps, cette dynamique a pour conséquence d’estomper chez la cible ses traits distinctifs et sa singularité au sein de la relation. Avec la peur et la culpabilité qui s’installent comme des sentiments prédominants, elle vient à perdre tout désir de contestation ou de refus. Dans de telles relations, nous nous concentrons exclusivement sur les besoins de l’autre au détriment des nôtres. Nous nous laissons emporter par une illusion temporaire de sécurité affective. En dirigeant notre regard uniquement sur l’autre, ses pensées, ses ressentis, ses colères et ses émotions, nous délaissons notre propre être et nous cédons au chantage affectif et à la manipulation.

Lorsqu’un conflit surgit, nous nous concentrons uniquement sur l’autre et sur les possibilités de sauver la relation au détriment de notre propre dignité. Avec le temps, nous nous retrouvons empêtrés dans une dynamique très toxique.

La peur

L’emprise psychologique est fondée, entre autres, sur le sentiment de peur infusé progressivement dans la relation. Plusieurs stratégies conscientes et inconscientes sont déployées pour rassembler le maximum de données sur la cible, notamment sur ses peurs, son passé, ses traumatismes, ses points faibles et ses vulnérabilités.

Ces données ne sont pas nécessairement obtenues par un échange verbal. Les dominants observent minutieusement le comportement de leurs cibles pour comprendre ce qui provoque chez elles des réactions de stress. Le langage corporel et les micro-expressions faciales renvoient des signaux forts quant à notre expérience émotionnelle.

Dans toute interaction humaine, nous sommes amenés à absorber automatiquement et d’une manière inconsciente de telles données. Cela fait même partie de notre fonctionnement biologique3. En revanche, les dominants s’emparent de ces informations pour les utiliser insidieusement contre leurs cibles. En réalité, ces prédateurs sont tellement obnubilés par la crainte de perdre leur pouvoir et de ne pas parvenir à leurs fins que leur cible devient l’objet exclusif de leur attention. Ils consacrent leur énergie et leurs efforts pour obtenir le maximum d’informations sur cette dernière.

Avec le temps, les informations recueillies aboutissent à la conclusion d’un contrat tacite entre les deux parties et scellé par la peur. La cible doit respecter un certain nombre de clauses implicites établies sur mesure pour elle. Le non-respect de ces mesures engendrera des sanctions plus ou moins sévères en fonction du degré de la transgression perçue par la partie dominante. Cette clause stipule implicitement : « Tu dois faire les choses à ma manière, sinon je peux :

• te quitter ;

• te confronter ;

• te rendre malheureux(se) ;

• bouder pendant des heures (voire des jours) ;

• t’ignorer ;

• faire une crise de rage ;

• te couper les vivres ;

• te priver de tes enfants ;

• etc. »

Quelles que soient les modalités de ces mesures, elles seront façonnées d’une manière personnalisée afin de correspondre exactement aux peurs qui ont été révélées par la cible. C’est une énorme trahison pour cette dernière puisqu’à un moment donné elle a accordé sa confiance à l’autre partie en révélant ses vulnérabilités dans le but de développer une relation moins superficielle, plus profonde.

La peur nous pousse à penser d’une façon dichotomique, catastrophique et dramatique. Par exemple, vous pouvez être persuadé(e) que si vous ne faites pas les choses d’une certaine manière, vous serez abandonné(e).

L’instrumentalisation de la colère

L’une des peurs les plus élémentaires que nous partageons tous – à différents degrés en fonction de notre histoire personnelle – est celle de l’abandon. Dans le quatrième chapitre, je reviendrai plus en détail sur cette notion pour expliquer pourquoi et comment la crainte de l’abandon est l’un des moteurs les plus puissants de l’emprise psychologique. Mais il existe un autre type de peur qui joue un rôle important dans les dynamiques de l’emprise : la peur de la colère de l’autre, et plus spécifiquement la peur de provoquer une crise rage. Ces crises de colère sont instrumentalisées pour provoquer une réaction de sidération et presque une paralysie psychologique. Face à la colère, la partie cible se sent généralement démunie et prête à faire d’énormes concessions pour faire cesser cette crise.

La rage peut être décrite comme une colère intense et disproportionnée par rapport à l’objet initial qui a déclenché cette crise. Les crises de rage ont des composantes à la fois réactives et instrumentales. La colère est une émotion que tout le monde expérimente à des degrés plus ou moins marqués. Il est tout à fait humain de ressentir et/ou d’exprimer sa colère, notamment lorsqu’on est confronté à un sentiment d’injustice ou bien lorsque nos limites sont transgressées. Sous l’effet de la colère, nous pouvons dire ou faire des choses que nous regrettons ultérieurement. Cependant, cette colère tout à fait humaine reste passagère. Grâce à une communication bienveillante et empathique, nous pouvons facilement parvenir à un dénouement convenable entre les deux parties. Et lorsque nous nous mettons injustement en colère contre une personne, l’empathie et la capacité d’autorégulation nous permettent de prendre conscience de cette injustice, de présenter des excuses sincères et de réparer nos torts.

Cependant, une crise de rage n’a rien à voir avec cette description de la colère. Il s’agit principalement d’une réaction complètement disproportionnée par rapport au stimulus initial –généralement une remarque insignifiante ou un désaccord anodin. Ce dernier point est essentiel à sou­ligner. Car, dans certains cas exceptionnels, les accès de colère peuvent être parfaitement compréhensibles et légitimes. C’est le cas lorsqu’une personne est confrontée à des circonstances graves qui compromettent son intégrité ou bien qui risquent de mettre sa vie ou celle d’un proche en danger. Les crises de rage dont il est question dans ce paragraphe concernent des réactions démesurées que l’on peut assimiler à des caprices puérils. Elles ne sont pas motivées par des motifs légitimes ni par la transgression grave de libertés, valeurs ou principes. La raison principale de ces colères peut être expliquée par la perception biaisée d’une provocation à l’amour-propre. Incapable de composer avec les contrariétés ou tout type de feedback constructif, la personne se met en colère simplement parce que les choses ne se passent pas conformément à ses attentes.

Certaines crises peuvent être retentissantes et très bruyantes. D’autres sont plutôt froides et glaçantes. Et si elles sont de natures différentes, elles partagent la même saveur, le même arrière-goût de la terreur qu’elles injectent dans l’esprit des témoins. Dans le premier cas, les crises de rage sont accompagnées par des comportements violents et extrêmement déstabilisants. Ces crises violentes peuvent, dans certains cas, entraîner des réactions très brutales comme le besoin de casser des objets, taper son poing contre une surface solide (mur, fenêtre, meuble, etc.), voire des agressions physiques contre l’autre personne. Ce n’est pas une simple colère passagère. C’est un volcan ! Un tsunami ! Une telle explosion qui rend la personne complètement méconnaissable. La violence de ses cris et ses hurlements, la cruauté de ses mots et l’hostilité de son langage non verbal induisent généralement une réaction de sidération et un fort sentiment d’impuissance.

Comment pouvez-vous placer un mot ou bien tenter d’apaiser une personne devant ces réactions furieuses et hystériques ? Personne ne semble pouvoir mettre fin à cette frénésie. Et malheureusement, cette colère a parfois le pouvoir de contaminer l’autre personne et d’induire une violence réactive qui lui sera reprochée ultérieurement.

Néanmoins, toutes les crises ne se manifestent pas d’une manière aussi retentissante. Parfois, les attitudes qui en découlent peuvent être effroyablement glaçantes.

“ Le bruit de sa clé qui s’enfonçait dans la serrure avait l’effet d’un violent coup de tonnerre dans mon cœur qui annonçait le début de la guerre... Une guerre froide et interminable dans laquelle j’étais toujours son souffre-douleur. Je me souviens encore de la terreur que provoquait en moi le claquement de la porte chaque soir quand il rentrait à la maison. Personne ne me croyait à l’époque car personne ne pouvait se douter de sa face de monstre qui se cachait derrière son apparence angélique. Je craignais son regard sombre et froid, son silence accablant. Je me sentais paralysée, démunie et désemparée.Témoignage personnel.

L’erreur fatale est souvent de tolérer, voire d’ignorer ces comportements en début de relation en trouvant tout type d’excuses et de prétextes.

“ Je savais que c’était inacceptable. Mais je me disais qu’elle traversait une période difficile. Je voulais la soutenir et l’aider à dépasser ses colères. Raphaël, 47 ans.

Le malaise face à la colère de l’autre est tout à fait raisonnable et protecteur. Il nous pousse à esquiver ou à fuir lorsque la colère explosive menace de prendre des formes violentes. Cependant, au fil des années, et lorsque nous sommes constamment exposés à ce type de réactions imprévisibles, aléatoires, inexpliquées et extrêmement brutales, nous développons une forte appréhension au point de nous perdre complètement dans l’espace de l’autre.

Toute notre énergie mentale est alors déployée pour éviter la moindre contrariété qui risquerait de faire exploser la colère de l’autre. Nous avons l’impression de chanceler en terrain miné. Il faut surveiller chacun de nos gestes, chacune de nos paroles et chacune de nos pensées. Nous sommes constamment sur le qui-vive, à l’affût de la prochaine attaque.

L’instrumentalisation de la culpabilité

D’une façon générale, tout être humain doté d’une cons­cience fonctionnelle est amené un jour ou l’autre à éprouver une juste mesure de culpabilité. Ce sentiment fait partie intégrante de notre humanité. Lorsqu’elle est justifiée, la culpabilité nous permet de nous remettre en question d’une façon appropriée et de réparer par conséquent nos erreurs. Cela nous donne la possibilité de présenter des excuses et de réparer les torts par un changement sincère et pérenne. Malheureusement, notre sentiment de culpabilité peut facilement nous donner de fausses alertes sur l’impact potentiel de nos actions et nous induire trompeusement dans une deuxième forme de culpabilité qui est injustement fondée.

À l’instar d’un système d’alarme censé nous protéger d’un potentiel incendie, lorsqu’elle est déréglée, notre culpabilité nous renvoie de faux signaux et se déclenche même en l’absence de fumée. Dans ce cas, nous pouvons éprouver une culpabilité injustifiée. Il s’agit d’une fausse culpabilité. D’ailleurs, un examen rapide des faits permettra dans ce cas de constater l’inexistence de préjudices factuels nécessitant une éventuelle réapparition.

Le problème majeur réside dans la ressemblance du ressenti qui émane de ces deux formes de culpabilité. Par conséquent, nous ne sommes pas toujours en mesure de faire la distinction d’une façon rationnelle et factuelle. Ce type de culpabilité constitue une grande partie des mécanismes de l’emprise psychologique. Souvent, elle s’accompagne de reproches, d’accusations et d’autoflagellation paralysante. Le processus qui produit la culpabilité injustifiée ressemble à ceci :

• l’autre personne est contrariée (avec ou sans raison apparente) ;

• je me remets en question même en l’absence de comportements ou de paroles qui précèdent son mécontentement ;

• j’en assume l’entière responsabilité (que j’y sois pour quelque chose ou pas) ;

• même en l’absence d’erreurs de ma part, je suppose que j’ai dû faire ou dire quelque chose qui l’a contrarié(e) ;

• je me sens coupable et je suis prêt(e) à tout faire pour tenter de réparer.

La culpabilité injustifiée n’a rien à voir avec les faits, mais elle dépend de notre croyance à être fondamentalement coupables. Nous sommes encouragés à assumer la responsabilité totale de leurs plaintes, leurs malheurs, leurs déconvenues, leurs échecs et tous leurs problèmes d’une façon générale.

L’instrumentalisation de la culpabilité a pour but de renforcer cette croyance en nous poussant dans cette direction. Son effet est extrêmement puissant – en particulier chez une personne ayant un terrain sensible à la culpabilité du fait de son éducation et de ses croyances. Progressivement, les capteurs de notre système d’alarme – déjà sensibles à la culpabilité – sont déréglés. Avec les voyants clignotants continuellement « coupable ! coupable ! coupable ! », nous sommes en état d’alerte.

L’instrumentalisation de la culpabilité peut être parfois facile à repérer. Mais souvent, il s’agit de comportements assez subtiles et difficiles à déceler. Voici quelques-uns des principaux signes qui indiquent potentiellement une forme instrumentalisée de culpabilité :

• la confusion qui accompagne le sentiment de culpabilité. Vous n’êtes pas en mesure d’identifier avec exactitude ce que vous avez fait de mal pour contrarier l’autre personne ;

• des commentaires hostiles suggérant que vous n’avez pas fourni assez d’efforts ;

• des commentaires sur d’éventuelles erreurs que vous avez commises dans le passé ;

• des commentaires vous rappelant les faveurs qu’il ou elle vous a rendues dans le passé et suggérant d’une manière déguisée que vous lui êtes redevable ;

• le refus du dialogue, la punition par le silence et le retrait de l’amour et de l’affection ;

• des attitudes passives-agressives ;

• la colère qui suit l’expression affirmée de vos limites.

En faisant preuve de discernement et de pensée critique, nous sommes parfaitement capables de constater clairement l’absence de lien entre la prétendue accusation déguisée et la réalité. Mais bien souvent, nous ne sommes pas en mesure d’accéder à cette partie logique et rationnelle de notre pensée lorsque nous sommes submergés d’émotions.

La raison principale est biologique. Le sentiment exacerbé de culpabilité est en réalité le reflet d’une menace à notre survie perçue par notre cerveau. Et ce n’est que la pointe émergée de l’iceberg qui cache souvent un profond sentiment de honte et de rejet de soi4. Cette dernière fait partie des émotions humaines les plus douloureuses puisqu’elle suppose que nous sommes de mauvaises personnes.

Pour soulager l’anxiété qui en découle, nous sommes prêts à nous mettre en quatre pour anticiper les besoins et exaucer les vœux de l’autre partie en créant ainsi l’illusion temporaire d’être une bonne personne à ses yeux. Cet automatisme peut être expliqué par notre aversion naturelle et instinctive à la douleur. Qu’elle soit émotionnelle ou physique, notre cerveau traite la douleur à peu près de la même manière. L’Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle cérébrale (ou IRMF) a révélé que la honte et la culpabilité activent des zones du cerveau associées à la douleur physique, notamment le cortex cingulaire antérieur5.

Dans une étude publiée dans la prestigieuse revue Science6, on a constaté que les mêmes régions associées à la douleur physique s’activent dans le cerveau lorsqu’on est exposé à une douleur émotionnelle7. Ceci signifie que notre cerveau traite la douleur de la même manière – qu’elle soit physique et/ou émotionnelle. Une douleur émotionnelle est bien réelle. Ce n’est pas le fruit de notre imagination. Cependant, si la douleur physique est évidente à identifier, il n’en va pas de même pour une douleur émotionnelle. Où est-elle localisée ? Comment l’atténuer ? Si un cachet d’analgésique a le potentiel de soulager certaines douleurs physiques, ce n’est pas vraiment le cas pour une douleur émotionnelle. Personne ne nous a appris comment atténuer une blessure psychologique.