Retour Aux Sources - Maël Sargel - E-Book

Retour Aux Sources E-Book

Maël Sargel

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Beschreibung

Léo Adrani, capitaine de police endurci d'origine vendéenne, ayant passé la plupart de sa carrière en Corse, retourne dans sa région natale après le meurtre d'une collègue, pour y trouver un peu de tranquillité. Mais la disparition de plusieurs enfants vient perturber ce calme tant convoité. Sur cette enquête, il devra faire équipe avec Loïc, son nouveau coéquipier et brillant enquêteur, Alice, la scientifique et légiste, ainsi que le Commissaire Martin, vieil ami de la famille Adrani. La liste des cadavres s'allonge au fur et à mesure que l'enquête piétine. Le tueur semble toujours avoir un coup d'avance sur la police et lui glisse sans arrêt entre les doigts...

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Sommaire

PRÉLUDE

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 10

CHAPITRE 11

CHAPITRE 12

CHAPITRE 13

CHAPITRE 14

CHAPITRE 15

CHAPITRE 16

CHAPITRE 17

CHAPITRE 18

CHAPITRE 19

CHAPITRE 20

CHAPITRE 21

CHAPITRE 22

CHAPITRE 23

CHAPITRE 24

CHAPITRE 25

CHAPITRE 26

CHAPITRE 27

CHAPITRE 28

CHAPITRE 29

UN AN PLUS TARD…

PRÉLUDE

La Vendée. En plein mois de juillet. Sur la plage, les gens étaient détendus, les enfants construisaient des châteaux de sable. Les anciens, allongés sur leurs serviettes, profitaient de leur sieste. Un adolescent apprenait à son petit frère à jouer au cerf-volant. Certains profitaient de leurs vacances en famille pour faire du vélo, respirer l’air iodé de la côte, se promener en bord de mer. Quelques courageux osaient prendre un bain dans l’océan plutôt frais pour la saison. De jeunes enfants étaient ébahis devant ce spectacle qu’ils voyaient pour la première fois. Les braises encore tièdes d’un feu de camp et quelques bouteilles en verre jonchant le sable laissaient deviner les restes d’une tardive soirée bien arrosée.

La population de cette station balnéaire était multipliée par dix pour quelques mois. La plage était noire de monde, les gens se bousculaient dans la rue piétonne.

Tout à coup, un cri retentit au beau milieu de cette dernière.

— Eliott ! Eliott ! surgit une voix déchirante.

Celle d’une mère paniquée qui cherchait son fils parmi la foule. Certes, il n’était pas inhabituel de perdre son enfant quelques instants dans ce flot abondant, mais en général, il ne restait pas hors de vue plus de quelques minutes. Or, cette femme cherchait son garçon depuis plus d’une heure.

Elle avait écumé toutes les boutiques, était entrée dans chaque magasin, épiant le moindre signe d’Eliott. Elle avait passé la rue au peigne fin sans trouver aucune trace de lui.

Arrivée au bout de la rue, le regard de chaque passant braqué sur elle, elle s’effondra en larmes, contrainte d’admettre la pire chose qui puisse arriver à un parent : son fils avait bel et bien disparu.

CHAPITRE 1

Comme tous les matins, Léo Adrani était installé à la terrasse de son bistrot habituel, à boire un café en regardant la mer. C’était loin d’être sa boisson favorite, il trouvait même cela plutôt amer, c’était d’ailleurs la raison pour laquelle il l’aimait avec trois sucres. Mais, en dormant seulement quatre heures par nuit, il en avait plus que besoin.

Léo n’était pas son véritable nom. En réalité, son prénom complet était Léonard mais il détestait qu’on l’appelle ainsi. Il n’avait jamais compris et se demandait toujours pourquoi ses parents l’avaient baptisé ainsi.

Un couple de jeunes hommes arriva et se plaça sur une table libre, un peu plus loin, à sa droite.

Léo aimait regarder les gens dans la rue ou sur la terrasse d’un café. Il avait toujours su qu’il était possible d’en apprendre beaucoup sur quelqu’un rien qu’en l’observant. Il lui arrivait souvent de se demander s’il s’agissait d’une déformation professionnelle ou si cette occupation le passionnait depuis toujours.

Les deux hommes passèrent leur commande au serveur puis tournèrent la tête vers les premiers rayons de soleil se reflétant dans l’eau salée. C’était un cadre très romantique. Ils avaient le sourire aux lèvres et l’un des deux prit la main de l’autre. Léo sourit. Il se dit que, encore quelques dizaines d’années auparavant, cela aurait fait un scandale : deux personnes du même sexe et du même genre qui s’aimaient et qui n’avaient pas peur de le montrer. Mais, heureusement, les mentalités changent.

Le couple avait détourné son regard de la douce lueur flamboyante et se regardait à présent dans les yeux, toujours tout sourire. Le premier inclina sa tête, attendant un baiser, que le deuxième lui offrit aussitôt.

À ce moment, Léo entendit des ricanements à sa gauche. Il tourna la tête et vit quatre hommes, tous âgés d’une trentaine d’années, leur regard en direction du couple. L’un d’eux finit par lâcher :

— Eh les pédés ! Vous voulez sucer ma bouteille quand j’aurai fini ?

Ils buvaient de la bière à sept heures et demie du matin. Pour Léo, ça en disait long sur la personnalité des individus.

Le sourire des jeunes hommes s’estompa, laissant place à une expression figée comme s’ils entendaient ce genre de remarques à longueur de temps.

L’homme continua et les autres se contentèrent de ricaner bêtement.

— Eh ! Qui c’est qui fait la femme ?

Le couple resta silencieux mais, pour Léo, c’en était trop. Lentement, il se leva et se dirigea vers la table des quatre compères. Il tapa sur l’épaule de celui qui braillait et accaparait l’attention.

— Excusez-moi ? lui glissa-t-il placidement.

L’homme tourna la tête vers lui et Léo écrasa son poing sur son visage de toutes ses forces. La douleur était telle qu’il crut, sur le coup, s’être cassé la main. Mais il se garda bien de le montrer. La souffrance s’atténua en quelques secondes et il comprit qu’il n’avait rien de grave. De toute façon, même s’il s’était fracturé le poignet, cela en valait la peine. Il n’y avait rien de plus plaisant pour lui que de corriger des crétins.

Les trois autres se levèrent d’un bond. Non pour riposter mais plutôt pour fuir au plus vite au cas où la situation dégénérerait.

Le quatrième reprit difficilement ses esprits et se redressa vers Léo.

— Mais… T’es malade ! s’égosilla-t-il. Je crois que tu m’as pété la mâchoire !

— Eh ben, comme ça tu diras moins de conneries, répliqua froidement Adrani.

Toute cette agitation avait monopolisé l’attention des clients du café, même s’ils étaient assez peu nombreux à cette heure matinale. Alerté par le vacarme, le patron accourut sur la terrasse. Léo leva une main pour l’arrêter.

— C’est bon, Philippe, j’ai la situation en main, apaisa-t-il. Tout va bien, messieurs-dames. Ces quatre jeunes hommes allaient justement payer leur addition et partir.

Et il ajouta, avec un sourire menaçant :

— Et ne jamais revenir ici.

Sur ces mots, les quatre compagnons sortirent leurs portefeuilles et déposèrent sur la table plus de billets que nécessaire, pressés de quitter cet endroit et de s’éloigner de ce fou dangereux qui venait de les brutaliser.

Une fois ceux-ci hors de la terrasse, Léo se tourna vers Philippe, le patron du bar :

— Ce n’est rien. Juste des gros cons que j’ai recadrés.

Il sortit à son tour son porte-monnaie.

— Tiens, je te mets une ou deux pièces de plus pour la gêne occasionnée.

— Tu es vraiment trop généreux, ironisa Philippe.

— C’est la crise pour tout le monde, lui renvoya-t-il sa plaisanterie.

Léo se dirigea à présent vers le couple.

— Tout va bien ? s’enquit-il.

— Oui, merci, répondit l’un des deux hommes. C’est très gentil à vous d’avoir fait ça mais ce n’était vraiment pas la peine. Il suffit de les ignorer et ils finissent par se lasser. Vous avez pris beaucoup de risques pour pas grand-chose.

— Ne vous inquiétez pas, ça me fait plaisir, lui assura Léo.

— Et s’ils décident de porter plainte ? s’inquiéta le deuxième.

— Eh bien, je leur rappellerai que la discrimination homophobe constitue un délit puni par la loi.

— Coups et blessures aussi.

— Ce n’est pas le genre de personnes qui aime beaucoup les flics. Faites-moi confiance, je sais de quoi je parle.

Sur le chemin du commissariat, Léo profita du fait que personne ne le regardât pour examiner et dégourdir sa main. Tout allait bien, il n’avait rien de cassé. Ce soir, il ne sentirait plus rien. C’était loin d’être son premier coup de poing.

Léo était né et avait grandi ici, au bord de la mer. Quand il voulait être seul avec lui-même pour réfléchir, il marchait le long de l’écume, sur le sable mouillé. Il aimait le son de l’océan, le bruit des vagues. Il aimait sentir le vent sur son visage, l’odeur de l’iode, les cris des mouettes et des goélands. Dans ces moments-là, tout devenait clair dans son esprit. Mais, dans sa jeunesse, il avait rapidement troqué l’Atlantique pour la Méditerranée.

Il avait passé la plupart de sa carrière en Corse. Sur l’Île de Beauté, son métier était bien différent de celui qu’il exerçait ici. Les flics étaient toujours dans le collimateur du crime organisé. Et inversement. Il devait toujours regarder par-dessus son épaule. Avec ses états de service, il aurait pu devenir commandant longtemps avant, mais ses méthodes ne lui avaient jamais permis d’obtenir une telle promotion. C’est pourquoi il était resté capitaine. Mais, pour faire régner l’ordre face à la violence, il fallait se montrer aussi dur que ses ennemis. C’était un policier endurci et brutal mais depuis qu’il était revenu sur sa terre natale, il était aussi très solitaire.

Il avait passé presque toute sa vie en Corse et, là-bas, il avait une coéquipière, Sylvia. Ils avaient travaillé plusieurs années ensemble.

Sylvia était une « pinzutu » comme on dit sur l’île. C’est-à-dire une continentale, elle venait de la métropole. Elle avait été mutée depuis Paris, d’après la mémoire de Léo. Mais, à cette époque, il ne s’intéressait pas vraiment à elle ni à son passé et, plus tard, elle lui avait raconté qu’elle avait voyagé un peu partout dans le pays.

Quand elle arriva, c’était simplement une Française pure souche qui ne connaissait rien de la Corse et n’avait aucune expérience du terrain. Mais on lui avait collé une bleue dans les pattes, il devait lui apprendre le métier. Et il l’avait fait comme il savait le faire : à la dure.

À son grand étonnement, elle apprit très vite et se fit rapidement accepter par les insulaires. En très peu de temps, elle se sentit comme chez elle. Et c’est ce qui plut à Léo.

Pendant toutes ces années durant lesquelles ils faisaient équipe, chacun avait des sentiments l’un pour l’autre, ils le savaient tous les deux, mais aucun n’osa jamais l’avouer. Il aurait été trop compliqué d’associer relation de couple et travail, ils en étaient conscients.

Ils faisaient du très bon boulot ensemble. C’était le duo de choc de la Police Judiciaire corse. Ils s’étaient donnés pour objectif de démanteler un groupe mafieux qui sévissait dans leur petite ville de bord de mer. Ils avaient consacré presque la totalité de leur carrière à accomplir cette tâche. Ils avaient presque atteint leur but quand un drame arriva.

Les organisations criminelles ne portaient pas vraiment dans leur cœur les flics qui n’acceptaient pas les pots-de-vin et qui s’intéressaient d’un peu trop près à leurs activités. Par conséquent, un des dirigeants de la pègre de la région avait mis un contrat sur leurs têtes.

Léo avait des contacts, des indics un peu partout. Des jeunes qu’il connaissait depuis son arrivée sur l’île, qu’il avait vu grandir et qui avaient mal tournés mais qui, néanmoins, restaient fidèles au capitaine de police. Il refusait de donner leurs noms à Sylvia et filtrait les informations qu’il lui transmettait pour sa propre sécurité. Selon lui, moins elle en savait, mieux c’était.

Une décision qu’il avait très amèrement regretté le matin où il trouva sa tête dans un carton posé devant sa porte. Jusque-là, Léo restait le plus professionnel possible vis-à-vis des circonstances. Mais, à partir de cet instant, il en fit une affaire personnelle.

Un respect mutuel existait entre lui et ses indics, c’était toujours donnant-donnant. Quand il voulait une information, il devait quelque chose en échange, et quand il n’avait rien à offrir, il avait une dette. Même s’il le voulait, Léo ne pourrait pas compter le nombre de fois où il avait évité la prison à l’un d’entre eux.

Désormais, c’était différent. Léo venait de subir la pire chose qui pouvait lui arriver et il était bien décidé à faire payer les responsables.

Il alla donc voir ses « donneurs », en les considérant non plus comme des collaborateurs, mais comme des insectes sur son chemin, toutefois capables de s’avérer utiles. Il donna rendez-vous à l’un d’eux à l’endroit habituel, dans le parking d’un immeuble en banlieue. Il s’approcha de lui, son arme chargée à la main, et lui colla le canon sur la tempe. Celui qui avait toujours considéré Léo comme une sorte de grand frère eut, pour la première fois, peur de lui. Il savait qu’il était capable de tirer. Il lui dit tout ce qu’il voulait savoir, sans rien attendre en retour, à part qu’il le laisse sortir de ce parking en vie.

Léo fit la même chose avec tous ses indics afin de récolter le plus d’informations possible. Ensuite, il réitéra avec des criminels plus importants. Puis, avec ceux qui étaient réputés intouchables, inatteignables. Bientôt, il s’en prit directement aux chefs du crime organisé et à leurs lieutenants. Il était inarrêtable, ne respectait aucune règle et ne rendait de comptes qu’à lui-même. Très vite, sa réputation le précéda et tous les malfaiteurs tremblèrent en entendant son nom.

Il démantela presque entièrement la pègre de la ville à lui seul, semant quelques cadavres sur son passage, sur lesquels il prenait soin d’effacer toutes traces. Ses méthodes faisaient beaucoup parler officieusement mais ses supérieurs fermèrent les yeux car il avait accompli en quelques semaines ce qu’ils s’efforçaient de faire depuis des années. Ils ne lui proposèrent aucune promotion, sachant probablement qu’il refuserait de toute façon, mais il fut félicité par les plus hauts gradés de la PJ.

Cela ne le touchait pas. Il s’en fichait complètement. Tout ce qu’il voulait, c’était venger la mort de Sylvia. Maintenant que c’était fait, il ne se sentait pas mieux. C’était même pire. Il se sentait vide et sans but. Il voulait simplement retrouver le calme de son enfance. Entendre les bruits de l’océan, marcher sur la plage sans avoir à regarder sans arrêt derrière lui.

Il demanda alors sa mutation pour la Vendée, sa terre d’origine. Étant donné ses exploits, ses supérieurs auraient été mal avisés de la lui refuser. Ils acceptèrent donc à contrecœur car ils perdirent en même temps leur meilleur atout.

Et voilà que ce jour-là, à quarante-deux ans, comme tous les matins, Léo se rendait au commissariat sans avoir à se retourner par peur de se faire tirer dans le dos.

Le métier de policier ici était beaucoup moins agité. Depuis son premier jour, deux années et demie plus tôt, il n’avait jamais eu la charge d’une seule affaire de meurtre. Des corps avaient déjà été repêchés mais l’enquête s’arrêtait souvent à l’autopsie, ou même avant, où l’on concluait à une mort naturelle : un touriste qui avait surestimé ses capacités de nageur ou s’était aventuré trop loin et s’était noyé.

Le cas le plus grave pour lequel Léo avait dû intervenir avait été la tentative de suicide d’une adolescente. Il lui avait sauvé la vie de justesse, la rattrapant une fraction de seconde avant qu’elle ne bascule par la fenêtre.

Mais, en termes de recherches et d’investigations, il n’avait rien à se mettre sous la dent. Depuis son arrivée, son talent d’enquêteur n’avait pas été sollicité une seule fois. Et ce n’était pas plus mal. Par rapport à sa vie en Corse, sa carrière ici ressemblait à de vraies vacances. Des vacances qu’il avait bien méritées.

Par ailleurs, il avait peur de se ramollir. Il craignait d’être moins performant qu’autrefois lorsqu’il devrait mener une enquête. D’un autre côté, il espérait que cela n’arriverait jamais.

Son passé venait souvent le hanter. Toutes les nuits ou presque, il revoyait la tête ensanglantée de Sylvia dans ce carton. C’est pourquoi, il dormait très peu et avait, tous les jours, besoin de son café et de son travail.

Arrivé devant le commissariat, il salua l’agent en faction, poussa la porte et entra.

CHAPITRE 2

Le poste de police n’était pas très grand comparé aux bureaux où travaillait Léo en Corse.

Pendant un temps, un tueur en série avait sévi dans la région. Même si, à cette époque, ce terme n’existait pas encore. Les meurtres avaient continué pendant plusieurs années et la police locale avait eu du mal à combattre la menace. C’est pourquoi une brigade de la Police Judiciaire avait été mise en place et avait coincé le meurtrier en quelques semaines seulement. Les locaux où s’était installée cette brigade étaient devenus le commissariat de la ville, dorénavant lieu de travail de Léo.

Il salua les quelques officiers présents, se dirigea vers l’accueil et demanda à la réceptionniste si elle avait quelque chose pour lui.

C’était plus une formalité qu’autre chose entre eux. Tous les matins il lui posait la même question en attendant toujours la même réponse, à savoir qu’elle n’avait rien de nouveau. C’était généralement ce qu’il se passait. Mais pas ce jour-là.

— Bonjour Léo, le salua-t-elle. Oui, le Commissaire veut te voir.

— Ah bon ? haussa-t-il un sourcil. Tu sais pour quelle raison ?

Le commissaire Martin ne sortait que rarement de son bureau. Pour Léo, il n’avait jamais vraiment travaillé. Il passait plutôt son temps à se la couler douce. Mais il était originaire d’ici, tout comme lui. C’était un ami de ses parents quand il était enfant. C’était aussi grâce à lui que Léo avait obtenu ce poste aussi facilement.

Mais, depuis son retour, ils n’avaient guère discuté. Léo n’était plus l’enfant fragile que Martin avait connu. Ils entretenaient tout de même une bonne relation.

Il lui arrivait rarement de convoquer un agent si tôt dans la journée. Ce qui n’était pas sans étonner Léo.

— Non, il ne m’a rien dit, répondit la réceptionniste. Loïc vient d’arriver, il prend son café, si tu veux aller lui dire bonjour.

— Ah oui. Merci.

En effet, Loïc était là, devant la machine à café, son gobelet dans la main. Contrairement à Léo, il aimait son café bien noir.

Loïc Kerguellec était arrivé il y avait seulement quelques mois et avait été assigné à Léo en tant que coéquipier. Lieutenant de police émérite et breton d’origine, il avait passé la majeure partie de sa carrière à Paris. Il était réputé pour être un flic exemplaire et, d’après son dossier, il avait résolu toutes les affaires qui lui avaient été confiées. Grâce à cet excellent travail, il avait obtenu le choix de sa mutation. Il avait choisi cette station balnéaire de Vendée plutôt paisible.

Loïc ne parlait pas souvent de lui. C’était un solitaire. Au moins, cela leur faisait un point commun. À trente-huit ans, il avait échangé une vie pleine de rebondissements et de surprises à la capitale contre une vie paisible en bord de mer. Peut-être que lui aussi avait vécu des choses traumatisantes et voulait désormais se poser ?

Quoiqu’il en soit, Loïc n’en restait pas moins un très bon policier. Il respectait toujours la procédure et ne faisait jamais entrave au règlement.

— Salut, ça va ?

— Pas mal et toi ? rétorqua Loïc en hochant la tête.

— Ça va. Il paraît que le patron veut me voir, tu sais pourquoi ?

— Je n’en sais rien. Ça a peut-être un rapport avec la femme, là-bas.

Le Lieutenant pointa un doigt vers une femme brune, âgée de trente-cinq ans environ, assise sur une chaise, derrière un bureau. Malgré la présence réconfortante d’une agente de police à ses côtés, elle avait l’air complètement paniquée et n’avait apparemment pas dormi de la nuit. Son maquillage avait coulé le long de ses joues et elle avait les yeux rouges. Léo remarqua également qu’on lui avait apporté un café mais qu’elle n’y avait pas touché. Son visage était blafard et son regard vide.

— Je la regarde depuis que je suis arrivé, poursuivit Loïc. Elle me fait de la peine.

Soudain, une voix grave retentit derrière les deux hommes :

— Ah, vous êtes là !

Loïc sembla aussi surpris que Léo de voir le commissaire Martin, sa barbe et ses cheveux grisonnants encore hérissés de cette nuit, hors de son bureau à cette heure aussi matinale. Normalement, on ne devait pas le déranger avant dix heures. Léo était presque certain qu’il finissait sa nuit en dormant trois bonnes heures sur son bureau tous les matins.

— Commissaire, vous avez l’air en pleine forme ! lui lança Loïc.

— Justement non, pas vraiment, marmonna-t-il d’un ton plus discret. Bonjour messieurs.

Il leur serra la main chacun leur tour et continua :

— Vous voyez cette femme là-bas, à côté de Berger ?

— Oui, acquiesça Adrani.

— C’est la mère de l’enfant qui a disparu hier.

— Toujours rien de nouveau ? questionna Léo, n’obtenant qu’un hochement de tête négatif en réponse.

— Où est-ce qu’elle l’a perdu de vue ? demanda Loïc.

— Dans la rue piétonne. Elle est entrée dans une boutique, persuadée qu’il la suivait puis, quand elle s’est retournée, il n’était plus là. Et tout ça s’est passé il y a presque vingt-quatre heures. Sa mère l’a cherché partout et la plupart des flics de la ville ont passé leur nuit à faire de même, sans plus de résultats. Ce n’est pas normal. Je crains le pire.

— Vous pensez qu’il a pu se faire kidnapper ?

— Je n’en sais rien, répondit le commissaire d’un air particulièrement soucieux.

— A-t-elle de l’argent ou des ennemis ? voulut savoir Léo.

— Non, c’est apparemment une femme simple. Elle s’appelle Véronique Mercier, elle est vendeuse en cosmétique dans une grande surface à Nantes. C’est une mère divorcée, elle venait passer quelques jours de vacances en bord de mer avec Eliott, son fils unique, âgé de seulement sept ans.

— Et le père ? se renseigna Léo.

— C’est la première chose qu’on a vérifié, affirma le Commissaire. Il est en Espagne avec la famille de sa compagne.

Silencieux, Léo réfléchit un moment en observant la mère éplorée.

— Très bien, je vais aller lui parler, se décida-t-il finalement.

Il se tourna, prit une légère inspiration, puis se dirigea vers elle. Arrivé à son niveau, il salua Berger d’un signe de tête, avant de prendre une chaise inoccupée pour la placer de l’autre côté du bureau, en face de cette pauvre femme affolée.

— Bonjour, Madame Mercier, commença-t-il. Je suis Léo Adrani, Capitaine de police. Vous tenez le coup ?

Sans un mot, elle leva des yeux humides vers lui.

— Il s’appelle Eliott, c’est ça ?

Elle hocha la tête.

— Vous allez le retrouver, n’est-ce pas ?

— Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir. Et je vais me mettre personnellement à sa recherche dès maintenant. Mon coéquipier et moi avons l’habitude de ce genre d’affaires.

— Promettez-moi que vous le ramènerez à la maison.

La gorge de Léo se serra. Effectivement, ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait confronté à ce genre de cas. Par conséquent, il savait que promettre quoi que ce soit à ce stade était une très mauvaise idée. Cependant, la détresse qui pouvait se lire dans les yeux de cette femme lui transperçait le cœur. Même s’il n’éprouvait généralement aucune empathie pour les coupables, les innocents avaient, quant à eux, toujours su éveiller sa plus grande compassion.

Ce fut donc en s’attardant sur ce sentiment qu’il prononça les mots qu’il n’aurait jamais dû formuler :

— Je vous le promets.

CHAPITRE 3

Tous les matins, Gilles se réveillait à 5h30. Après une vie en tant qu’ouvrier dans le Nord de la France, il était venu s’installer sur la côte ouest pour profiter de sa retraite avec sa femme. À cette heure-ci, le soleil se levait tout juste et c’était un spectacle qui lui plaisait particulièrement.

Mais, ce jour-là, le temps était maussade. Au-dessus de sa maison, d’énormes nuages gris crachotaient de très fines gouttes de pluie, comme si le ciel commençait à pleurer.

Il appréciait également beaucoup la mer et la pêche. C’était pour ça qu’il se levait aussi tôt. Tous les soirs, vers 19h, il plongeait son filet dans l’eau salée pour le retirer le lendemain matin.

Une fois son petit-déjeuner terminé, il regarda par la fenêtre, décrocha son imperméable du porte-manteau et l’enfila. Puis, il sortit de chez lui en prenant soin de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller son épouse.

Quand ils emménagèrent, ils eurent la chance de trouver une maison à seulement quelques centaines de mètres de la plage. De cette façon, il pouvait s’y rendre assez facilement. Un peu de marche ne pouvait lui faire que le plus grand bien, d’après son médecin.

À cette heure, tout était calme. Dans la rue, il n’y avait personne ou presque. Quelques pêcheurs ayant eu la même idée, certains jeunes un peu éméchés rentrant de boîte de nuit, un boulanger retardataire se rendant au travail. Gilles aimait cette sensation de tranquillité. Cela lui rappelait l’océan, quand il allait pêcher sur le bateau de son père sur la Manche.

Il arriva déjà à la plage. Personne. Simplement quelques goélands qui se battaient pour un morceau de biscuit probablement abandonné par un enfant. À moins que ce ne fussent des mouettes. Il n’avait jamais réussi à faire la différence.

Il continua sa route sur la jetée. Il n’en voyait pas le bout tellement le temps était brumeux et humide. Il entama une assez longue marche jusqu’à son filet. Quatre ou cinq pêcheurs étaient déjà sur place. Il les salua quand il les croisa. Bientôt, ils se retrouvèrent derrière lui. Il était désormais incapable de les apercevoir à cause de la brume.

Ce fut à cet instant que Gilles commença à avoir un sentiment étrange. Contrairement aux autres jours, il ne trouva pas du tout la jetée accueillante. Le bruit des vagues, qui le détendait habituellement, le faisait aujourd’hui frissonner. L’atmosphère était étrange. Comme si la nature elle-même voulait le prévenir que quelque chose d’horrible était sur le point de se produire.

Il arriva au niveau de son filet de pêche. Il effectua mécaniquement les mêmes gestes que tous les matins. Mais, cette fois, une chose clochait : le filet était beaucoup plus lourd que d’habitude. Il redoubla d’efforts pour le remonter en espérant avoir attrapé une grosse prise.

C’était à peine s’il voyait le bout du filet mais il réussit à distinguer une forme. Trop grosse pour être un poisson. Gilles pensa à un espadon ou peut-être même un requin mais se demanda en même temps comment il aurait pu atterrir ici.

Il y vit un peu plus clair et devina du tissu et ce qui ressemblait à des cheveux recouverts d’algues et de crustacés. Il ne savait plus trop quoi penser et se dit qu’il devait s’agir d’une sorte de poupée que quelqu’un avait jetée à la mer ou qu’un enfant avait perdue. Il ne voyait pas d’autre explication.

Il réussit enfin à remonter le filet sur la jetée. Il dégagea les plantes et animaux marins qui s’y étaient accrochés, puis retourna ce qu’il avait capturé pour y faire face et, au même moment, il comprit. Son visage devint pâle, il se mit à trembler. Il recula d’un pas, tout en restant debout, immobile, bouche bée et choqué.

En quelques instants, il reprit ses esprits et se mit à courir en direction de la terre en appelant à l’aide, laissant derrière lui l’océan capricieux.

L’orage grondait au loin. Les vagues claquaient contre la jetée.

Léo se tenait là, debout, un mélange de colère et de tristesse dans le regard. Il n’avait rien pu faire. Le vent soufflait dans ses cheveux. La météo était tout à fait propice à l’atmosphère qui régnait en ce jour de juillet.

Il avait dédié sa journée de la veille à rechercher l’enfant disparu. Il s’était penché sur le contexte familial dans lequel avait grandi le petit Eliott, il avait également épluché les comptes bancaires et le journal d’appel de ses parents, mais tout semblait démontrer que les Mercier était une famille comme une autre. Aucun de ses membres n’était suffisamment riche pour attirer l’attention de malfaiteurs en quête de chantage. Ils n’avaient jamais connu de problèmes sortant de l’ordinaire, même le divorce semblait s’être relativement bien passé.

L’alerte disparition avait suscité quelques appels, mais aucun d’entre eux n’avait abouti à une piste concrète. L’enquête de voisinage n’ayant rien donné non plus, Léo avait passé en revue chaque magasin, restaurant, commerce, demandant partout si quelqu’un avait vu Eliott. Une photo de lui avait été distribuée à chacun des policiers, ambulanciers, pompiers et secouristes de la ville. Léo avait fait une promesse et était bien décidé à la tenir. Le temps jouait contre eux. Cela le rendait fou de n’avoir aucun véritable indice. Il voulait simplement retrouver ce garçon et le ramener auprès de sa mère.

La journée était arrivée à son terme et Léo en était toujours au même point. Mais il avait décidé de continuer à chercher. Ce qu’il avait fait une bonne partie de la nuit. Il était rentré chez lui complètement exténué. Son estomac commençait à lui rappeler qu’il avait besoin de s’alimenter. Il s’était fait un sandwich tout en continuant de réfléchir à l’endroit où pouvait être le petit Eliott. Puis, il était allé se coucher à deux heures du matin, épuisé.

Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas aussi bien dormi, même si la nuit avait été courte. Il avait été réveillé en sursaut par la sonnerie de son téléphone portable vers six heures et demie.

Un sentiment de soulagement avait parcouru tout son corps au moment où il avait entendu qu’un garçon correspondant au signalement avait été retrouvé, mais qui s’était aussitôt estompé en comprenant qu’il n’était plus en vie, laissant place à une immense sensation de désespoir.

D’après ce qu’on lui avait expliqué, un pêcheur s’était rendu, très tôt ce matin-là, au poste de secourisme le plus proche de la jetée, complètement affolé, hurlant qu’il avait repêché un enfant noyé. En voyant le cadavre, les secouristes avaient immédiatement fait le lien avec l’enfant disparu.

Léo contemplait tristement cet enfant sans vie à ce moment, éprouvant un très grand sentiment d’impuissance.

Il avait vu beaucoup d’horreurs dans sa vie, mais rien ne pouvait se comparer à ce macabre spectacle. L’image de la tête de Sylvia dans ce carton parcourut un instant son esprit et s’effaça quand il vit le Commissaire arriver.

Loïc se tenait à la droite de Léo, le regard posé sur la dépouille du jeune garçon, tout comme lui. Mais, ses yeux semblaient traduire plus de colère que de tristesse.

Alice avait été la première à arriver sur les lieux. Cette jeune scientifique blonde de trente-et-un ans faisait, de temps en temps, également office de médecin légiste, bien qu’elle fût assez rarement sollicitée. Elle s’était lancée dans des études scientifiques pour faire plaisir à ses parents et s’était rapidement rendu compte qu’elle possédait un intérêt particulier et apparemment inné pour les mystères non résolus. C’est pourquoi, elle avait intégré la police scientifique.

Penchée au-dessus du corps, elle l’auscultait déjà depuis un petit moment et, visiblement, quelque chose la tracassait.

Le commissaire Martin les salua rapidement puis prit la parole :

— La presse est déjà au courant et sera là d’un moment à l’autre. Je m’en occupe. Vous, allez prévenir la mère. Je ne voudrais pas qu’elle apprenne la mort de son fils par la télévision.

Tout le monde resta silencieux, le visage terne. Martin baissa les yeux vers le corps inanimé d’Eliott.

— Pauvre gosse, déplora-t-il sinistrement. C’est donc ça ; il a voulu se baigner mais a été emporté par les vagues et s’est noyé.

— Je ne pense pas que ce soit ça, le contredit Alice. Regardez, il est entièrement habillé même si certains de ses vêtements ont l’air d’avoir été déchirés. Je n’ai pas l’impression qu’il ait avalé de l’eau. Et vous voyez ces marques sur son cou ? On dirait qu’il a été étranglé.

— Vous voulez dire qu’il pourrait s’agir d’un homicide et que quelqu’un se serait volontairement débarrassé de son corps dans l’océan ? s’étonna Martin.

— Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives, mais j’ai vu pas mal de morts par noyade et, là, ça n’y ressemble pas, resta-t-elle prudente. Il faut que je pratique une autopsie, j’en saurai plus après.

— Dès que le Procureur aura donné son feu vert, je vous le ferai savoir. Je m’occupe des journalistes, ne faites aucun commentaire à la presse. Tant qu’on n’en sait pas plus, tout ça doit rester confidentiel. Messieurs, c’est à vous que revient la lourde tâche d’annoncer à Madame Mercier la mort de son fils. Bon courage.

Sur ces mots, le Commissaire tourna les talons et s’éloigna en direction des terres, sur la jetée brumeuse.

Léo n’avait pas quitté la dépouille des yeux et se demandait comment annoncer une telle chose à une mère. Il lui avait promis de retrouver Eliott. Mais il était loin d’imaginer que ce serait dans cet état.

CHAPITRE 4

Léo Adrani se tenait là, devant la porte de l’appartement que Véronique Mercier avait loué pour ses vacances. Il n’arrivait pas à entrer. Il n’avait toujours pas trouvé de quelle façon il allait s’y prendre. Il réfléchit aux formules qu’il pourrait employer.

Quand il était en Corse, il n’avait pas vraiment besoin de faire ce genre de choses. Là-bas, quand un flic se pointait devant la porte de quelqu’un, il comprenait tout de suite. Personne n’était vraiment étonné. En général, ceux dont Léo avait à annoncer la mort l’avaient bien cherché. Parfois, ils le méritaient même, selon lui.

Mais, là, il s’agissait d’un enfant. Innocent. Sans histoire. Un gamin qui s’était retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment.

Il y avait quelques minutes encore, il se trouvait devant le cadavre de ce garçon, que les poissons avaient déjà commencé à grignoter. Un corps qui venait de passer plusieurs heures dans l’eau de mer. Il avait encore son image en tête.

Il reprit ses esprits quand Loïc appuya sur la sonnette. La porte resta quelques instants fermée, puis s’ouvrit enfin. Léo s’attendait à voir une femme complètement désespérée, comme lors de leur première rencontre, mais, au contraire, Véronique avait l’air d’avoir un peu retrouvé espoir.

— Oh, bonjour messieurs, les accueillit-elle chaleureusement. Vous avez du nouveau ?

Léo mit un très court instant pour se remettre de la légère surprise que l’attitude presque enjouée de cette femme lui procura.

— Eh bien, à vrai dire… oui, parvint-il finalement à articuler d’un ton grave.

Les yeux de la mère s’éteignirent et son sourire s’estompa, puis reprit vie instantanément. Comme si elle essayait de se persuader que les policiers s’apprêtaient à lui annoncer une bonne nouvelle, bien que leur allure tragique ne laissât guère de doute quant à la réelle raison de leur présence.

— Je vous écoute, lança-t-elle, maintenant son sourire de façade, en proie au déni.

— Nous ferions peut-être mieux d’entrer, proposa Loïc.

— Bien sûr, je vous en prie.

Elle les invita à entrer d’un geste ample. Léo passa en premier et remarqua toute une pile de feuilles de papier disposée sur la table du séjour, à côté d’un ordinateur et d’une imprimante.

— J’ai imprimé cent affiches de plus, expliqua-telle. Je n’ai pas encore fait le tour de toutes les villes voisines. Quelqu’un doit forcément avoir vu quelque chose.

Léo vit dans ses yeux que, malgré cette attitude faussement dynamique, elle savait déjà ce qu’il s’apprêtait à lui dire. Elle ne voulait tout simplement pas l’accepter tant que les mots n’avaient pas été prononcés.

— Alors ? De quoi vouliez-vous me parler ? demanda-t-elle en déglutissant difficilement, s’apprêtant à faire face à la terrible réalité.

— Il vaudrait mieux que vous vous asseyez, Madame, lui conseilla Léo.

— Non c’est bon, ça va, merci, déclina-t-elle poliment.

— Asseyez-vous, insista Loïc.

Elle se résigna à prendre place sur le canapé, derrière elle. Les deux équipiers s’installèrent en face.

Sur le chemin, Léo avait dit à Loïc qu’il se chargerait d’annoncer la terrible nouvelle à la mère de l’enfant. Celui-ci le laissa donc parler.

— Voilà… commença-t-il sombrement. Nous avons le regret de vous annoncer que le corps de votre fils Eliott a été retrouvé ce matin, près de la jetée…

En entendant ces mots, elle éclata en sanglots. Ne pouvant plus se détourner de la vérité, elle poussa un cri déchirant en portant la main à son cœur, comme si cette horrible annonce l’avait blessée physiquement.

— Que s’est-il passé ? parvint-elle finalement à articuler.

— Nous l’ignorons pour le moment.

— Vous allez l’ouvrir et l’examiner ?

— En effet, Madame, acquiesça-t-il. Si le Procureur nous en donne l’autorisation, une autopsie sera pratiquée afin de déterminer les circonstances exactes de sa mort.

À l’entente de ce dernier mot, elle se mit à pleurer de plus belle, prise de tremblements et de gémissements incontrôlables. La souffrance déforma son visage. On aurait dit que l’univers était en train de s’écrouler autour de cette pauvre femme.

Ne pouvant pas faire grand-chose de plus pour soulager sa peine, Loïc se dirigea vers l’évier pour lui remplir un verre d’eau. La tendre attention sembla la calmer un peu et, après avoir bu une gorgée, elle reprit :

— Comment l’avez retrouvé ?

— Son corps a été découvert sur la jetée, par un pêcheur, exposa Léo.

— Je veux le voir. Avant que vous le découpiez.

— Nous allions justement vous demander de nous accompagner. Nous savons que c’est lui, mais nous avons besoin que vous l’identifiiez formellement. Je ne peux pas imaginer ce que vous ressentez en ce moment, mais je peux vous assurer que nous allons tout mettre en œuvre pour découvrir la vérité.

— Vous allez me le promettre, ça aussi ?

Léo sentit son cœur se serrer. Jamais il n’aurait dû faire cette promesse. Il voulait soulager un peu la tristesse de cette pauvre mère en détresse, mais au lieu de cela, il n’avait fait que lui donner de faux-espoirs.

À l’institut médico-légal, Alice était debout, au-dessus du corps de l’enfant retrouvé quelques heures plus tôt, regardant avec effarement Véronique Mercier, se tenant dans l’embrasure de la porte, Martin et Loïc à ses côtés. Tremblante comme une feuille, les yeux emplis de terreur, la pauvre mère n’osait entrer. Léo, qui ouvrait la marche, atteignit le niveau d’Alice.

— C’est la mère ? demanda-t-elle d’une voix basse et tendue.

— Oui, lui répondit simplement Léo.

Contrairement à Adrani et Kerguellec, Alice n’avait jamais eu à faire ce genre de choses. C’était la toute première fois qu’elle travaillait sur une affaire d’homicide volontaire.

Prenant son courage à deux mains, elle s’avança vers la porte, puis encouragea Véronique à entrer.