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Extrait : "De tous les crimes commis pendant cette époque de folie nommée la Terreur, celui de la condamnation et de la mort de madame Roland est sans contredit le plus atroce ; parce qu'il n'est justifié par aucune de ces raisons, mêmes absurdes, que donnaient alors pour motif et pour but tous les bourreaux qui décimaient la France."
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Seitenzahl: 38
Veröffentlichungsjahr: 2015
EAN : 9782335050530
©Ligaran 2015
La société était changée complètement dans ses usages et ses manières, et nulle gradation, aucune transition préparatoire ne nous avaient amenés où nous nous trouvions à l’époque où nous sommes parvenus dans ce livre. Le mouvement révolutionnaire avait communiqué une force ascendante à tous les esprits qui les contraignait à suivre une voie dans laquelle ils se trouvaient d’abord gênés, puis tellement à l’aise qu’il était bien difficile à une maîtresse de maison d’imposer à son salon une règle de manières toujours suivie. Les débats politiques étaient d’autant plus fréquents que l’amour de la liberté était vrai dans beaucoup de cœurs. Chez un peuple libre les débats n’ont aucun terme, il faut même dire que la liberté n’existe que par eux ; le silence annonce l’anéantissement : de la discussion jaillit la lumière. À l’époque où vivait encore l’homme dont je vais raconter la vie, il y avait autour de lui une foule de rares talents qui, jaloux de prouver ce qu’ils pouvaient pour la patrie, dévoilaient leur opinion dans des discussions animées où l’on retrouvait encore l’excellent ton du temps précédent, mais le regret de ne l’y pas maintenir ; cependant, chaque jour, ce regret s’effaçait pour faire place aux éclats bruyants, à une parole retentissante, et la dispute enfin remplaçait la discussion. Les querelles devenaient fréquentes, les duels se multipliaient. On ne parlait que de la rencontre de MM. le vicomte de Noailles et de Barnave ; de celle de Barnave et de Cazalès, de M. de Pontécoulant et de M. D…. et d’une foule de duels importants qui étaient eux-mêmes des sujets de nouvelles disputes sans terminer la querelle qu’ils semblaient servir.
Barnave, dont le beau talent oratoire devait être autrement accompagné que par une humeur querelleuse et fâcheuse, avait une grande bravoure, non pas celle qui convient au tribun du peuple, qui doit être calme, raisonnée, et seulement active devant le danger de la patrie, ainsi que fit Cicéron lorsque Catilina menaça Rome. Barnave était impressionnable et d’une humeur inquiète qui le faisait courir après un succès de tribune, non pas dans le but d’obtenir la remise d’un impôt ou le retrait d’une loi fâcheuse, mais pour que son nom fût prononcé. Il avait apporté à l’assemblée une renommée de bravoure et la voulait soutenir. Aussi dans son duel avec Cazalès, il le blessa d’un coup de pistolet, tandis que la générosité aurait peut-être voulu qu’il eût tiré en l’air.
Toutes ces querelles intérieures ajoutaient au trouble que faisait naître le malheur public ; mais personne ne comprenait mieux le mal que les affaires politiques recevaient de cette agitation, que le marquis de Condorcet.
Ami de Turgot et de Malesherbes, les deux hommes les plus vertueux de leur temps, disciple aimé de d’Alembert, estimé de Voltaire, qui entretenait avec lui une correspondance suivie, le marquis de Condorcet méritait cette estime universelle et cette renommée dont il jouissait par un caractère noble et ferme, des opinions arrêtées, une indépendance courageuse, et surtout par des sentiments d’humanité et de justice que la véritable philosophie inspire et qu’il pratiquait avec les vertus de chaque jour de l’homme de bien.
C’est ainsi, du moins, qu’il était avant la Révolution : mais aussitôt que la cloche révolutionnaire eut tinté, il trompa l’espoir que ses amis avaient mis en sa haute nature ; les doctrines les plus fortes furent exaltées par lui. Doué de qualités supérieures, il ne les employa que pour le mal, et fait pour créer il ne sut que détruire.
Sa femme, Sophie de Grouchy (sœur du maréchal), était l’une des plus belles personnes de son temps. Douée, comme son mari, de qualités précieuses, elle n’en fit comme lui qu’un funeste usage ; spirituelle comme l’une des femmes les plus aimables du siècle de Louis XIV, instruite comme l’une des plus remarquables de celui qui le suivit, madame de Condorcet employa le pouvoir que lui donnaient ses talents et sa beauté, non seulement sur son mari, mais sur tout ce qui venait dans son salon, pour opérer le terrible mouvement subversif de toutes choses, ce mouvement enfin qui devait dans sa violente rapidité emporter à la fois et ceux qu’il frappait et ceux qui l’opéraient.
Le marquis de Condorcet était un de ces hommes dont l’influence comme homme du monde est d’autant plus à redouter, qu’on leur sait gré dans la société de s’y montrer comme prenant part à ses plaisirs et à ses habitudes. M. de Condorcet n’est cependant pas au premier rang comme penseur profond, ni comme écrivain… surtout à une époque où ils étaient l’un et l’autre si nombreux !… Mais son esprit était élevé et vindicatif ; il avait surtout une verve et une volonté de faire