Sur les traces de Victor Hugo en Belgique - Jean-Louis Lahaye - E-Book

Sur les traces de Victor Hugo en Belgique E-Book

Jean-Louis Lahaye

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Beschreibung

Victor Hugo. Un nom qui, à lui seul, résume toute l'aventure littéraire française du XIXe siècle. Hugo, ce sont Les Misérables, Le Bossu de Notre-Dame mais il fût aussi un politique engagé. Tour à tour hostile au régime français de Napoléon III, visionnaire d'une Europe unie, engagé pour le respect de la culture, Victor Hugo est bien plus qu'un simple auteur de romans. Il sera en outre un des premiers écrivains français à visiter notre pays, quelques années après son indépendance. Au cours de ses nombreux voyages, il en découvrira les facettes, les immortalisant sur papier ou par des dessins. C'est à la rencontre de ce personnage hors du commun et de ses voyages en Belgique que ce troisième volet de Sur les traces de... vous emmène. Un périple riche en anecdotes mais également une vision de la Belgique au XIXe siècle.

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Seitenzahl: 209

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Jean-Louis Lahayeprésente

Sur les traces de Victor Hugo

Rédaction : Jean-Michel Bodelet

Relecture : Catherine Regniers

Photo Jean-LouisLahaye : © Jean-Michel Byl

www.rtbf.be/boutique

© Renaissance du Livre

Avenuedu Château Jaco 1

1410 Waterloo

ISBN : 978-2-50705-348-2

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

.Jean-Louis.Lahaye.

présente

Avec la collaboration de .Jean-Michel.Bodelet.

SUR LES TRACES DE

VICTOR HUGO

EN BELGIQUE

Jean-Michel Bodelet remercie toutesles personnes qui ont contribué à la réalisation deSur lesTraces de Victor Hugo en Belgique, et plus particulièrement, Noëlle Willem (ASBL Lire au fil de l’Ourthe-Centre de documentation de l’Ourthe moyenne) et le personnel de la salleUlysse Capitaine dela Bibliothèque desChiroux de Liège. Merci aux offices de tourisme qui ont bienvoulu répondre à mes demandes : Dominique Jamar (Liège Tourisme), Marie Fine (Visitbrussels), Claire Dardenne (SI La Roche-en-Ardenne). Unmerci particulier àAgnès Ledent toujours au poste. Merci àMartine pour son soutien quotidien et aux deux p’tits gars,Augustin et Malo ; que les racines de cepoète les poussentà continuer à aimernotre littérature.

Je connaissais Victor Hugo comme l’un des plus importants écrivains delangue française, mais je ne connaissais pas l’immensité dupersonnage ! En plus d’être un écrivain, qui vend encore aujourd’hui près d’undemi-million de livres par an, il est aussi dessinateur, poète, dramaturge, homme politique engagé qui n’hésitera pas àtout risquer, jusqu’à sa vie, pour ses idées de liberté. Visionnaire aussi, il imagine déjà l’Europeet la monnaie unique. Personnalité à multiples facettes, savie privée sera aussi tumultueuse que tragique… Il a marquél’histoire duxixesiècle au fer rouge.Ses mille jours passés chez nous fontqu’aujourd’hui son histoire est indissociable de la Belgique.

Tout ceci le rend incontournable pour notre collection.

Je vous souhaite une merveilleuse lecture de la vie passionnante de ce génie duxixesiècle mélangée à la vie de notrefantastique pays… Bonne route sur les traces de Victor Hugo.

Jean-Louis Lahaye

AVANT-PROPOS

Dans sonABCdaire de Victor Hugo, Patrick Besnier souligne : « Avec Victor Hugo, onoublie toujours quelque chose. » Oublier ? Sans doute. Ne pas tout embrasser ?Certainement. Car Victor Hugo, c’est unemultitude de facettes. L’écrivain bienentendu. Le poète, évidemment, mais aussi le dessinateur, l’homme politique, levisionnaire, « l’éveilleur de consciences », le spirite même. Victor Hugo, c’estaussi le voyageur.Celui qui découvre,comme bon nombre deses contemporains duxixesiècle, des régions, des pays, quisemblaient inexplorés depuis la nuit des temps. Victor Hugo, ce sera aussi l’exilé. Un exilé sur nos terres notamment.C’est à la rencontrede cet Hugo là quele troisième volet de la sérieSur les traces de…vous convie dans les pages quisuivent.Ce livre a l’ambition devous faire suivre les pas de Victor Hugo dans nos contréeset, en filigrane, devous donner une image de cette Belgiqueduxixe, de cette Belgique naissante qui va se hisser sur le podium des nationsles plus industrialisées du monde. Uneimage de la Belgique vue par le prisme d’un écrivain de son temps, certes, mais qui conserve encore, aujourd’hui, uneactualité. Les offices du tourisme auxquatre coins du paysl’ont bien compris,proposant, çà et là, des circuits dédiés à celui que d’aucun qualifie de « génie ». Nous n’avons pas opté pour une vision chronologiquestricto sensu. Nous aborderons les villes,les régions visitéesdans leur globalité, même si Victor Hugo s’y est rendu à plusieurs reprises. C’est, à notre sens, la meilleure option pour le lecteur qui voudrait découvririnsitu, les régions visitées par Victor Hugo. La première partie de cet ouvrage présente quelques repères biographiques. La seconde s’attache au Hugo visionnaire et à ses prisesde positions en faveur de la démocratie, de la culture, del’Europe ou contre l’esclavage, la peinede mort ou la misère ; ses voyages en Belgique et l’épilogue de cette fascinante histoire constitueles autres thèmesretenus dansSurlestraces de Victor Hugo en Belgique.

hugo

l’homme

aux cent visages

CHAPITRE 1

HUGO, UN HOMME DANS SON SIÈCLE

« Je serai Chateaubriand ou rien. »

Victor Hugo, 14 ans

xixesiècle. Siècle des révolutions.La France a connu 1789. Elle mettra desdécennies à se stabiliser et à trouver un régime politique qu’elle conserve toujours : la République. Napoléon livre sadernière bataille en1815, à Waterloo. La carte de l’Europeva être remodelée, les grandes puissances jugeant que l’empereur n’a été qu’uneparenthèse dans l’histoire. Pourtant, moins de quinze ans aprèsle Congrès de Vienne, la Grèce puis la Belgique obtiendrontleur indépendance. Les grands empires coloniaux se construisent au prix d’une large concurrence entre les États. Ceux del’Espagne et du Portugal, eux, nés à l’époque moderne, se réduisent à une peaude chagrin. L’Allemagne, sous la houlette de la Prusse, va s’unifier et intégrerle concert des nations. L’Italie fait de même.

Si les remous politiques sont nombreux, la sociétéagraire que connaissait depuis des lustres l’Europe est, elle aussi, en pleine mutation. On assisteà une explosion démographique. La révolution industrielle, elle, est en marche.Le libéralisme devient la norme. En conséquence, une nouvelle classe sociale voit le jour : le prolétariat. De ce prolétariat naît le socialisme et le communisme. Marx voit le jourà Trêves en 1818. Les progrès techniques et scientifiques sont nombreux. La culture n’est pas en reste : Beethoven, Brahms, Wagner, Bizet pour la musique, VanGogh, Monet pour lapeinture, Claudel, Rodin en sculpture. Sur le plan de la littérature de langue française, c’est Chateaubriand, Maupassant, Dumas, Flaubert,Zola. Cexixe, c’estle siècle que va presque traverser Victor Hugo. C’est à Besançon, le 26 février1802, que celui-cipousse ses premierscris. Troisième filsde Léopold, officier de Napoléon – il devient général en 1809 – et de Sophie Trébuchet, issue de lapetite bourgeoisiede Nantes. Les affectations du père emmènent la famille surles routes, notamment en Espagne et en Italie. Enfant, Victor se trouve confronté aux disputes de ses parents, qui finiront par se séparer.Il est ballotté entre deux conceptions de la politique. Sonpère voue une admiration, voire une adoration sans borne, àl’empereur. Sa mère,elle, en est une farouche opposante. L’éloignement du pèreentraîne Victor danscette dernière conception. Pire, celuiqui est considéré comme son parrain, comme le père de substitution, celui qui ainitié le jeune Victor Hugo à la littérature classique, le général de Lahorie, par ailleurs amant desa mère, est arrêtéet exécuté en 1812pour avoir conspirécontre Napoléon. Cen’est que neuf ans plus tard, en 1821, que Victor Hugo reverra sa position vis-à-vis de l’empereur ;1821, année de la mort de Napoléon maiségalement de la mère de Victor Hugo. Ladisparition de cette dernière lui permet de retrouver son père. Avec lui, il découvre Napoléon, nonpas le vaincu de Waterloo mais le vainqueur d’Austerlitz. Il est plongé dans les splendeurs de l’Empire.

Le mythe napoléonien

Lorsque les canons se taisent, le 18 juin 1815 à Waterloo, l’Europe et la France respirent : la paix revenue laisse entrevoir de nombreux espoirs. Des générations, dans tous les pays du vieux continent, ont été sacrifiées. On aspire à des temps meilleurs. En France, pourtant, ces derniers tardent à arriver. On se trouve dans une instabilité politique. On se remet à rêver de la grandeur impériale, ne retenant de celle-ci que les bons côtés. On y perçoit un « âge d’or » de la France. Le retour des restes de Napoléon au Panthéon, en 1840, ne fera qu’accentuer cette vision des choses. Napoléon devient le symbole d’une gloire passée.

Bien avantce « chemin de Damas » qui va influencer toute sa carrièrelittéraire, Victor Hugo a une ambition débordante, une envied’écrire insatiable. Non, il ne fera pas polytechnique comme le souhaite son père : il veut devenirquelqu’un de connuet de reconnu pour sa plume.à14 ans, dans un de ses cahiers, il écrit : « Je serai Chateaubriand ou rien. » Le ton estdonné. Mais VictorHugo n’est pas qu’unégocentrique. Derrière se cache un réeltalent. Talent pourle dessin et les caricatures qui ornentses travaux scolaires. Une soif de dessiner qui ne l’abandonnera jamais. Talentaussi et surtout pour l’écriture. À 15ans, il participe àun concours organisépar l’Académie française. Il rédige unpoème de 320 vers etse classe 9e ! L’Académie, en voyant lejeune âge du candidat, pensait à un canular ! La presse parle de lui. Sa légende est déjà en marche. Deux années plus tard, en 1819, il obtient le lys d’or auxJeux floraux de Toulouse, prestigieux concours de poésie. Cette distinction luipermet, grâce au secrétaire perpétuel de l’Académie qui décerne le prix, d’éviter le service militaire. Un comble pourl’enfant d’un général. À peine âgé de 19ans, Victor Hugo publie son premier recueil de poèmes,Odes. Il est remarqué par le roiLouis XVIII. Le souverain décide de luioctroyer une renteannuelle de mille francs. Parallèlement,Hugo se lance dansle roman et dans lethéâtre. Là, il va ybousculer les conventions.

Hugo et Adèle

À 20 ans, Victor Hugo unit sa destinée à une amie d’enfance, Adèle Foucher. Cinq enfants viendront enrichir cette union : Léopold, qui décède à quelques mois, Léopoldine, Charles, François-Victor et Adèle, la seule qui vivra le décès de son père. Après une décennie de vie commune, le couple bat de l’aile au point qu’Adèle trouve réconfort dans les bras de Sainte-Beuve, critique littéraire en vue, et ami de Victor Hugo. Sainte-Beuve, voulant s’éloigner d’Adèle, acceptera une charge de professeur à l’université de Liège en 1848-1849. Victor Hugo est très marqué par cette rupture, certes non officielle. Et lui aussi trouve le réconfort dans les bras d’autres femmes. Il se retrouve dans une affaire d’adultère, son statut de pair de France lui évite les ennuis. Et puis, il y aura, il y a, Juliette Drouet. Elle sera sa maîtresse pendant cinquante ans.

CHAPITRE 2

HUGO, UN ROMANTIQUE

« Dans l’armée romantique comme dans l’armée d’Italie tout le monde était jeune.»

Théophile Gautier

Victor Hugo est considéré comme le « pape » du romantisme en France. Il en est du moins unde ses plus dignesreprésentants, un deses chefs de file incontesté. Dans sonSouvenirs du romantisme, qui met en avantla jeunesse de ses adeptes, de ceCénacle, Théophile Gautiersouligne : « Dans l’armée romantique comme dans l’armée d’Italie tout le mondeétait jeune. Les soldats pour la plupartn’avaient pas atteint leur majorité, etle plus vieux de labande était le général en chef, âgé de 28ans. C’était l’âge de Bonaparte et de Victor Hugoà cette date.»

Le romantisme

Né à la fin du xviiie siècle en Angleterre et en Allemagne, le romantisme est un courant intellectuel qui va toucher toutes les sphères de la culture et même des sciences, comme l’histoire par exemple. Ce courant arrive en France au xixe. Dans la littérature, il prône un rejet des préceptes classiques. Il met l’accent sur le « moi », privilégiant le sentiment sur la raison. Il laisse une large place au rêve, à l’évasion, à l’exotisme. Le sentiment prend le pas sur la raison.

En 1827, Victor Hugo, parallèlement à sa pièce de théâtre en versCromwell, sort un ensemble théorique qui définit sa visiondu romantisme. Il s’oppose notamment auxunités de temps etde lieu de mise dansle classique. En 1830, sa pièceHernaniconsacre le drame romantique. Une consécration accompagnée d’une polémique. Une polémique qui passera àla postérité sous le nom de « Batailled’Hernani ». Nous sommes le 25 février 1830. La Comédie françaiseva jouer la pièce de Victor Hugo.Un Victor Hugo qui aeu soin de convierplusieurs jeunes gens acquis à sa cause.Ils sont là bien avant la représentation, ayant pris le soin d’emporter des remontants pour patienter. Le reste du public arrive, des curieux mais également des « antiromantiques », ardents défenseurs du classicisme. Chahut, huées, cris, applaudissements. Aufinal, la pièce rencontre le succès. Lesromantiques français en font un symbole, en mythifiant l’incident. Gautier note : « 25 février 1830. Cette date reste écrite dans le fond de notre passé en caractères flamboyants (…). Cette soirée décida de notre vie !» Hugo devient le chef de filede l’école romantique. Mais ses adversaires n’en démordent pas. Preuve en est letriple échec de Victor Hugo pour intégrer l’Académie française. Certains académiciens, hostiles aucourant romantique,s’opposent à son entrée. Parmi eux, Népomucène Lemercier. Ironie de l’histoire,c’est le fauteuil dece dernier, le 14,que Victor Hugo prendra. Comme le veut la tradition, VictorHugo, lors de son discours de réception,prononcé le 5 juin1841, fait le portrait de son prédécesseur : « Lemercier estun de ces hommes rares qui obligent l’esprit à se poser etaident la pensée à résoudre ce grave etbeau problème : – Quelle doit être l’attitude de la littérature vis-à-vis de lasociété, selon les époques, selon les peuples et selon les gouvernements ? » Peuavant, sans doute avec une certaine ironie, il soulignait :« N’ai-je pas bienplutôt besoin moi-même de bienveillanceet d’indulgence à l’heure où j’entre dans cette compagnie, ému de toutes les émotions ensemble, fierdes suffrages qui m’ont appelé, heureuxdes sympathies quim’accueillent, troublé par cet auditoiresi imposant et si charmant, triste de la grande perte que vous avez faite et dont il ne me sera pasdonné de vous consoler, confus enfin d’être si peu de chosedans ce lieu vénérable que remplissentà la fois de leur éclat serein et fraternel d’augustes mortset d’illustres vivants ?» Dans cette allocution, il fait état de la grandeur de Napoléon. Un Napoléon dont les restessont revenus en terre parisienne quelques mois auparavant, en décembre 1840. Victor Hugo n’en a ratéaucune miette. À cette occasion, il écrit un long poème, Leretour de l’empereur, que l’on s’arrache à Paris. Victor Hugo y marque toute son admiration pour Napoléon : « Sire, vous reviendrez dans votre capitale. Sans tocsin, sans combat,sans lutte et sans fureur. Traîné par huit chevaux sous l’arche triomphante. Enhabit d’empereur ! Par cette même porte,où Dieu vous accompagne, Sire, vous reviendrez sur un sublime char. Glorieux, couronné, saint commeCharlemagne. Et grand comme César !»

Victor Hugo est une célébrité. Et il n’apas fallu attendre son admission au seindesImmortelspourqu’il le devienne. Victor Hugo n’a pas encore 30 ans lorsqu’il est déjà un personnage connu et reconnu. Il va s’illustrer dans un nouveau genre pour la France,celui du roman historique. Un genre quipassionne depuis quel’Ecossais Walter Scott a publié, en 1819, son récitIvanhoé. Il récidive quatre années plus tard avecQuentin Durward.La technique est simple : intégrer despersonnages imaginaires, romanesques, dans une réalité historique définie. La recette marche. À Paris, Victor Hugo reçoit une commande de son éditeur. Cette dernière est sans ambages : « Rédigez un roman à la façon de Walter Scott. » En 1831,Notre-Dame de Parissort de presse. Le succès est au rendez-vous. On parlerait aujourd’hui debest-seller. Les noms de Quasimodo, d’Esmeralda, de Frollo vontpasser à la postérité. Quelques annéesà peine après sa sortie, l’œuvre est jouée à l’opéra. On necompte plus les adaptations qui se sontsuccédé jusqu’à nosjours.

On inventeles oubliettes !

Le roman historique plaît et le public redécouvre le Moyen Âge. La période fascine. Dumas a écrit :

« Il est permis de violer l’histoire, à condition de lui faire de beaux enfants.»

Hugo est de cet avis. Il l’avait d’ailleurs souligné dans un article écrit à propos de Walter Scott : « J’aime mieux croire au roman qu’à l’histoire, parce que je préfère la vérité morale à la vérité historique. » Hugo et les romantiques, en parcourant les châteaux, en s’imaginant cette période, vont créer des mythes, des histoires. Au panthéon de ces dernières, les oubliettes, des cachots souterrains où seraient enfermés à jamais les ennemis d’un seigneur. Le terme est souvent repris par Hugo lors de ces visites de terrain. Pourtant, on est bel et bien dans le mythe : un seigneur qui a droit de Haute justice, soit de vie ou de mort, ne s’embarrasse pas de faire « oublier » un ennemi. Les risques sanitaires, en plein cœur d’un château, sont réels. Et la peur des épidémies est une dominante au Moyen Âge. Le rançonnage, très en vogue, impose que l’on « n’oublie » pas son otage. Enfin, aucune trace d’écriture, de dessins n’a été retrouvée dans ces « oubliettes ». Ces trous, en fait, étaient soit des fosses d’aisance, soit des silos à grain mais seulement à l’une ou l’autre exception, des prisons. Cette légende a la vie dure. Et le château qui n’en présente pas, parfois à renfort de mises en scène, est souvent considéré comme un castel de second ordre !

DeNotre-Dame de Paris, en 1831, auxBurgravesen 1843, Victor Hugo va publier une dizaine d’œuvres, dans des genres les plus divers : dramesen vers, en proses,recueils lyriques etétude littéraire.

CHAPITRE 3

HUGO, L’HOMME POLITIQUE

« Heureux le fils dont on peut dire : Il a consolé sa mère ! Heureux le poète dont

on peut dire : Il a consolé

la patrie !»

Victor Hugo, discours à l’Académie française, 27 février 1845

Les biographes deVictor Hugo sont unanimes : l’année 1843 représente un tournant dans la vie del’écrivain. Pendantpresque une décennie, il ne publie riende nouveau. Un dramel’affecte. Le 4 septembre 1843, VictorHugo est en voyage en Espagne avec sa maîtresse, Juliette Drouet. Il apprend quesa fille, Léopoldine, celle qui venaitd’épouser en févrierCharles Vacquerie,s’est noyée à Villequier, en Haute Normandie, tout comme sonépoux et deux autres membres de la famille. La peine de Victor Hugo est immense. Il est inconsolable. Léopoldine, par son prénom, porte déjà une autre peine, celle de la perte dupremier né de VictorHugo, Léopold, à peine âgé de quelquesmois. En 1856, Victor Hugo publieraLesContemplations, recueil de poèmes en hommage à sa fille aînée, disparue tragiquement. Le poème le plus célèbre du recueil est sans contesteDemain, dès l’aube.

Demain, dès l’aube, à l’heureoù blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’iraipar la forêt, j’iraipar la montagne.

Jene puis demeurer loin de toi plus longtemps.

(…)

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni lesvoiles au loin descendant vers Harfleur,

Et, quand j’arriverai, je mettrai surta tombe

Un bouquetde houx vert et de bruyère en fleur.

Son amour pour sa fille disparue fera passer au second plan ses fils et sa dernière fille, Adèle, quisombrera dans la folie.

Cette période va également être marquée par l’entrée deVictor Hugo en politique. Pour lui, l’homme de lettres doitégalement être un acteur de son temps,doit peser sur la décision politique. Ilest épris de deux grands principes : ceux de la justice etde la liberté. Pourtant, Hugo a trouvé difficilement sa voie. Il est, au début,partisan du pouvoiren place. On se souvient que Louis XVIIIlui octroie une pension annuelle. Charles X le décore de laLégion d’honneur. Invité au sacre de cesouverain, Victor Hugo écrit une ode :

Ô Dieu ! garde à jamais ce roi qu’un peuple adore ! Rompsde ses ennemis les flèches et les dards, Qu’ils viennent ducouchant, qu’ils viennent de l’aurore, Sur des coursiers ousur des chars ! Charles, comme au Sina,t’a pu voir face à face ! Du moins qu’unlong bonheur efface Ses bien longues adversités. Qu’ici-basdes élus il ait l’habit de fête. Prêteà son front royal deux rayons de ta tête ; Mets deux anges àses côtés !

La Révolution de juillet 1830 porte sur le trône Louis-Philippe quidevient roi des Français – et non plusroi de France – ; Victor Hugo soutient le régime. Le souverain le nomme pair deFrance en 1845, soitmembre de la chambre haute du Parlement. Lorsqu’en juin 1848 des troubles éclatent en France, Victor Hugo ne rejoint pas l’insurrection. Par contre, il s’oppose fermement à la répression. S’il apporte son soutien à Louis-Napoléon Bonaparteau poste présidentiel, il change sa vision des choses. Éluen 1849 à l’Assemblée législative du côté des conservateurs,il vote cependant avec la gauche, estimant que les lois présentées sont d’un autre âge. De plus enplus, il perçoit dans la République la meilleure des réponses pour gouverner laFrance. Une France qui, en cexixesiècle, en a bien besoin.DansChoses vues, recueils de ses notespubliés après sa mort, il écrit en datedu 18 juillet 1851 : « La République est une idée, la République est un principe, la République estun droit. La République est l’incarnation même du progrès. » En 1884, il est convaincu de ce système de gouvernement :« La République affirme le droit et impose le devoir.»

Victor Hugo en appelle àla résistance suiteau coup d’État de 1851. Constitutionnellement, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, ne pouvait briguerun nouveau mandat.Il force le passage.Le second Empire voit le jour un an plus tard, il règne sous le nom de NapoléonIII. Victor Hugo choisit l’exil. De cedernier, en Belgique