Tomari - Fanny Lecks - E-Book

Tomari E-Book

Fanny Lecks

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Beschreibung

Candice, une jeune femme redoutable en affaire mais complètement nulle en amour, rêve du prince charmant. Malheureusement, elle tombe toujours sur des losers. Le jour où sa meilleure amie part pour le Japon, toute sa vie se voit chamboulée. Elle obtient une superbe promotion qui la terrifie. Le gars qu'elle déteste depuis la maternelle devient paradoxalement son sauveur. Ray, après avoir perdu sa mère étant jeune, a du mal à se reconstruire, si bien qu'il ne s'attache pas, de peur de l'abandon. Le jour où Candice se blesse et doit garder son épaule immobile pendant trois semaines. Malgré leurs divergences, il lui propose de vivre chez lui le temps de sa convalescence. Difficile de s'accorder quand on a passé la majorité de son temps à se détester...

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Seitenzahl: 412

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit est illicite, et constitue une contrefaçon aux termes des articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

L’amour, c'est l'absolu, c’est l’infini ; la vie c’est le relatif et le limité. De là tous les secrets et profonds déchirements de l’homme quand l’amour s’introduit dans la vie. Elle n’est pas assez grande pour le contenir.

Victor Hugo

Forever

Tomari tome 1 Le revoir et revivre (réédition mai 2022)

Tomari tome 2 Just Friends

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Épilogue

Le 3 septembre 1995 est une date qui a marqué le reste de ma vie, celle qui a tout chamboulé. C’est celle où j’ai rencontré Ray, un jeune homme du même âge que moi. Il venait tout juste d’arriver en ville. Quelques jours avant de faire son entrée, notre professeur nous avait demandé d’être gentils avec lui, car il venait de perdre sa maman d’une longue maladie.

Je m’en souviens avec une telle précision que c’en est terrifiant : lorsque je l’ai vu pour la première fois, j’étais heureuse. C’est vrai quoi ! C’est si excitant d’avoir de nouveaux amis. Enfin, j’ai très vite déchanté quand il m’a tiré la langue et m’a prodigué toutes ces méchancetés comme « tu es moche », « tu es grosse », « tu es nulle ». Dès que j’essayais de rester sympa avec lui, Ray se comportait comme le pire des crétins. J’ai donc décidé d’agir de la même manière. J’allais devenir une vraie petite peste envers lui.

Nous ne nous entendons pas du tout et ce n’est pas un euphémisme.

Ray a tendance à me tirer les cheveux ou à m’appliquer des coups de pinceaux imbibés de peinture, afin d’effectuer une œuvre picturale sur mon visage. Une fois, il m’a même taillé toute ma tresse, Ray a été puni et j’ai dû couper mes cheveux au carré. J’en étais malade. Je ne le supportais plus. Je n’avais qu’un seul désir : me venger.

Un jour, contre toute attente, j’ai attrapé un gros pot de gouache et le lui ai renversé sur la tête. Il en était recouvert de la tête aux pieds. Toute la classe a ri, sauf lui. Il n’avait plus le droit de m’ennuyer sous peine d’être renvoyé, ce qui l’a humilié.

C’est aussi une date que je n’oublierai jamais, car c’est également cette année-là que j’ai rencontré la seule et irremplaçable personne qui sera ma meilleure amie pour la vie. Amélya n’avait pas peur de remettre Ray en place quand celui-ci dépassait plus que largement les bornes avec moi. J’avoue aussi que j’aimais beaucoup jouer à la fayotte avec nos professeurs. Je ne me gênais pas pour que Ray apparaisse coupable alors que celui-ci était innocent. Après tout, c’est lui qui avait commencé les hostilités.

Notre petit manège de chien et chat s’est poursuivi à l’école élémentaire, au collège et au lycée. Aujourd’hui, nous sommes devenus adultes, enfin presque. Puisque nous possédons des amis communs, nous devons nous côtoyer ca nous faisons partie du même groupe de musique. Nous ressentons de l’animosité l’un pour l’autre, mais nous devons collaborer en limitant les attaques.

Amélya, ma meilleure amie, après avoir perdu son fiancé, a obtenu son diplôme de médecin et est partie pour un séminaire d’un an au Japon, où je reste certaine qu’elle trouvera l’amour. Ray avait eu pour mission de prendre soin de moi, ce qui est le contraire à ses habitudes, mais cette fulgurante brune que je suis avait déserté les lieux que toute la bande fréquentait. Je n’ai pas le cœur à jouer de la musique, je me suis naturellement immergée dans mon travail, ce qui n’est pas passé inaperçu auprès de mon pire cauchemar, Ray.

****

Depuis le départ de ma meilleure amie pour le Japon, tout a changé pour moi. Par exemple, Ray, cette andouille, n’a pas eu de meilleure idée, pour des retrouvailles, que de me foutre la trouille en arrivant comme un dingue. Il m’a hurlé dessus en m’attrapant par la taille pendant que j’écrivais un message à Amélya. Il n’a rien trouvé de mieux que de faire son intéressant, de la même manière qu’à son habitude. J’ai sursauté en faisant voler mon téléphone et celui-ci a effectué une chute monumentale dans la Seine.

Il a proposé de m’en acheter un nouveau et nous avons prévu de nous y rendre ensemble cet après-midi. Il était sincèrement désolé pour ce qui s’était passé. Et moi ! Toute ma vie se trouvait là-dedans, toutes mes photos, tous les meilleurs moments que nous avons eus avec Amélya, Christo, la bande et moi ! Franchement, il n’a que ça à faire, de m’ennuyer constamment !

Il est l’heure pour moi de me préparer pour le travail. J’ai une réunion importante avec le P.D.G. et le conseil d’administration au sujet des chiffres de ventes, donc je ne dois pas traîner.

Je jette ma nuisette sur mon lit fraîchement refait, et vais dans la salle de bains pour m’apprêter. Une fois ma jupe enfilée et ajustée, j’applique une fine couche de maquillage puis je lisse mes cheveux. Je vérifie une dernière fois dans le miroir que tout est parfait avant d’accéder à mon entrée où je chausse mes escarpins noirs. Je prends mes clefs et me dirige vers le métro.

J’atteins la gare, qui se trouve complètement bondée de personnes qui attendent, comme moi, l’arrivée du wagon pour rejoindre le quartier d’affaires de La Défense.

Une fois à quai, le monde afflue. On ressemble à des sardines enfermées au fond d’une boîte de conserve, toutes collées ensemble et pressées jusqu’à destination. Quand j’arrive à la station, je cours vers la sortie et prends une profonde inspiration. Je suis un peu claustrophobe, voilà pourquoi je déteste le métro. En même temps, cela ne serait pas mieux en voiture, je serais peut-être toujours bloquée sur le périphérique.

Avant l’accident de mon téléphone, je n’avais plus revu la bande. Je dois admettre qu’ils me manquaient tous, même l’ennuyeux Ray. Je dois dire qu’il a la capacité de m’envoyer sur les roses sans aucune raison, à chaque occasion et ce depuis notre plus jeune âge.

J’arrive dans le grand hall de mon building. Sophia de l’accueil me sourit, je lui réponds avec le même enthousiasme. J’emprunte l’ascenseur et monte au dix-huitième étage. À peine, les portes se sont ouvertes que Nadine, mon assistante, m’interpelle en se précipitant vers moi.

⎯ Bonjour Candice ! Tu ne devineras jamais…

⎯ Bonjour Nadine ! Non effectivement, mais tu vas me mettre au parfum, j’en suis sûre.

⎯ Bien évidemment. Il paraît que le bras droit du grand patron est parti pour la concurrence et de ce fait le conseil d’administration va devoir élire un nouvel adjoint.

⎯ Alors ça ! Et chez qui s’est engagé monsieur Brocard, au sein des entreprises FROAM ou KINDOM ? lui demandé-je curieuse.

⎯ À ton avis ! Le plus gros, ça va de soi. réplique-telle.

⎯ Évidemment, où ai-je la tête ? Il n’a pas fait dans la dentelle, renchéris-je.

⎯ Oui, figure-toi que d’après les bruits de couloir, tu apparais sur « LA » liste pour le poste.

⎯ QUOI ? Mais je ne suis que directrice de marketing.

⎯ Peut-être, mais il donne la chance à toutes les personnes ambitieuses et tu en fais partie, ma belle, m’avertit-elle ravie.

⎯ Je ne me sens pas bien du tout. Vraiment pas !

⎯ Viens t’asseoir ! Tu désires boire un café, un verre d’eau ou autre chose ?

⎯ Un grand café… et extrêmement serré, s’il te plaît. Je vais en avoir besoin.

Elle s’éloigne un instant.

Quand je vous dis que depuis qu’Amélya s’en est allée, tout part en cacahuète. Enfin, là quand même, on t’offre une promotion ! Oui, bon alors pas pour tout, il est vrai.

À l’heure actuelle, j’éprouve un stress incommensurable. Nadine revient avec mon café fumant. J’attrape le gobelet pour me diriger vers mon bureau. Je la remercie, avant de refermer la porte derrière moi.

Je m’avance vers la grande baie vitrée qui occupe tout un côté de la pièce. Elle donne sur les autres bâtisses d’affaires. Je me retrouve complètement perdue dans mes pensées, je nous revois à cette fameuse soirée, celle que nous avions organisée pour Amélya au « Mondial Café ». Un petit sourire se dessine sur mon visage en me remémorant sa tête surprise de nous contempler tous sur scène juste pour elle. J’espère que tout se passe bien là-bas…

Un coup à la porte me ramène à la réalité.

⎯ Oui, entrez !

Lorsque celle-ci s’ouvre sur monsieur John’s, le P.D.G. Rien que ça… J’ai les jambes comme du coton, elles flageolent, ma respiration se saccade. Le stress remonte en flèche, pour cause, depuis que je travaille ici, jamais je ne l’ai vu s’introduire dans mon bureau. Je prends appui sur celui-ci pour éviter de chuter, tout en me rapprochant difficilement de lui, pour lui serrer la main.

⎯ Monsieur John’s, bonjour.

⎯ Madame Moreau. J’imagine que vous êtes déjà au courant concernant monsieur Brocard et le fait qu’il a rejoint la concurrence.

⎯ Oui, monsieur John’s, effectivement j’ai pu apprendre cela, il y a à peine quelques minutes.

⎯ Très bien, je pense que l’on vous a également rapporté que vous figurez en haut de ma liste pour reprendre ce poste.

⎯ Euh… non pas en haut…

⎯ Eh bien, vous êtes une femme surprenante. Vous avez le souci du détail. J’ai pu examiner vos dossiers et je n’ai jamais vu un travail aussi soigné. Je ne vous masque pas que c’est pour toutes ces raisons que vous apparaissez en haut de cette liste.

⎯ Oh ! Je suis extrêmement flattée, monsieur.

⎯ C’est plutôt nous qui avons de la chance de posséder un élément comme vous dans notre société. Je dois encore étudier une ou deux personnes avant de prendre une décision définitive d’ici la fin de la semaine, mais je ne vous cache pas que vous faites partie de mes favorites.

⎯ Oh ! Aussi rapidement ! articulé-je complètement sous le choc.

⎯ Les dossiers et les clients n’attendent pas. Il faut agir vite.

⎯ Oui, bien sûr, où ai-je la tête ? bredouillé-je tout en me donnant une claque mentale.

⎯ Bien, les collaborateurs nous veulent en salle de réunion dans quinze minutes, m’annonce-t-il en se tournant vers la sortie.

⎯ Effectivement, allons-y ! prononcé-je, tout en le suivant d’un pas plus lent, ses mots résonnent dans mon cerveau.

Tout à coup, une boule d’angoisse se loge dans mon estomac. J’ai rêvé ou il m’a bien dit que je me trouvais en haut de sa liste pour devenir sa future adjointe de direction ? Oh ! Rien que ça ! Oh ! Punaise ! Je crois que j’ai besoin d’une dose de caféine supplémentaire et bien plus serrée que les précédentes, avant de les rejoindre dans la salle de réunion…

J’étais tellement heureux de la revoir qu’en me rapprochant tout en lui hurlant ma joie, je lui ai foutu la trouille. Ce n’était pas du tout l’effet que je voulais et encore moins que son téléphone ne rejoigne le fond de la Seine. Depuis le départ d’Amélya, Candice est devenue distante. Même si elle a l’habitude de m’agacer, je l’apprécie vraiment beaucoup.

Cette fille a la faculté de me faire griller le cerveau en totalité, ce qui a tendance à me mettre sur les nerfs avant même qu’elle n’ait ouvert la bouche. Elle est célibataire et en temps normal, elle est toujours fourrée avec nous. Le souci, c’est que cette nana, je l’ai dans la peau depuis le jour où j’ai posé les yeux sur elle, c’est-à-dire la maternelle. Elle m’impressionne tant que j’en perds mon latin, si bien que pour me redonner contenance, ainsi qu’éviter qu’elle ne se doute de quoi que ce soit, je me la joue comme le grand frère casse-pied. Je me trouve pathétique au plus haut point. En même temps, Candice reste tellement occupée par Amélya et son boulot qu’elle n’a pas forcément de la place pour un gars. J’ai été tellement con qu’il est certain que je n’ai aucune chance avec elle. Alors oui, j’ai eu des aventures bien entendu, mais aucune n’a su me garder dans ses filets. Un jour peut-être…

Je pars sous la douche, puis rejoins ma piaule afin d’enfiler un jeans et une chemise. Je me dirige ensuite dans la cuisine, me prépare un expresso, puis m’installe sur un des tabourets au niveau de l’îlot central. Quand je regarde tout mon parcours jusqu’à présent, j’ai de quoi être fier. Je suis musicien avant d’être vendeur chez un disquaire. Depuis quelques jours, c’est moi le patron de la boutique et je la gère de A à Z. Il ne me manque qu’une seule chose pour améliorer le tout, afin que ce soit parfait. Une nana avec qui partager tout ça… Oui, alors ce temps-là n’est pas près d’arriver ! Merci ma conscience, tu m’aides fichtrement.

Il est temps que j’aille ouvrir le magasin, si je veux emmener Candice acheter son nouveau téléphone cet après-midi. La connaissant, elle ne va pas se contenter d’un premier prix. Non, juste pour me faire payer ma stupidité, elle va prendre un mobile haut de gamme. En même temps, je l’ai un peu cherché. J’attrape les clés de ma moto à l’entrée et me dirige vers mon commerce. Arrivé devant, une camionnette y est garée. Le chauffeur me salue avant de commencer à décharger le contenu de son fourgon dans la boutique.

En fin de compte, je détiens une dizaine de cartons à vérifier et à enregistrer dans la base de données avant de pouvoir les ranger dans les étals. En y jetant un petit coup d’œil, certains ne sont pas pressés, car ce sont des sorties planifiées pour la semaine prochaine, cependant d’autres figurent pour demain et ceux-là, ils demeurent urgents.

Je ne perds donc pas de temps, la boutique est ouverte prête à accueillir la clientèle. Je me trouve derrière le comptoir. Je commence à saisir les nouveautés avant de les déposer dans les bacs prévus à cet effet.

Vers midi, j’ai enfin terminé mes enregistrements et la clientèle est un peu moins nombreuse que ce matin, ce qui me permet de ranger mes dernières commandes dans les rayons et d’y installer les affiches promotionnelles.

À treize heures, j’attrape mes clés et ferme la boutique. Il est temps pour moi de rejoindre Candice devant le magasin de téléphone mobile. Nous avons prévu de déjeuner « chez Antonio », juste après.

Depuis qu’Amélya est partie, plus rien n’est pareil. Il faut dire qu’avec tout ce qui lui est arrivé, il nous est difficile aujourd’hui de faire sans elle, alors je n’ose pas imaginer le calvaire de Candice. Je pense que ce repas lui fera le plus grand bien.

Lorsque je me retrouve devant la vitrine, il n’y a personne, ce qui est étonnant, car habituellement elle est toujours à l’heure.

Soudain, mon portable se met à vibrer. Quand je consulte l’écran, c’est le numéro de téléphone du bureau de Candice.

Moi : Allo, Candice !

Candice : Coucou Ray, je ne peux pas te rejoindre, car j’ai un empêchement au travail. Ma vie est en jeu. Je te raconterai plus tard.

Moi : Tu veux qu’on remette ça à demain ou bien un autre jour ?

Candice : Non, je te laisse choisir mon téléphone.

Moi : Tu es sûre de toi ? Car j’ai l’impression que ton boulot t’a grillé les neurones.

Candice : Oui, peut-être un peu, mais occupe t’en, je n’aurai pas le temps. Merci, Ray,

Moi : Ok ! Pas de souci, comme tu veux, mais ne viens pas te plaindre si ce n’est pas ce que tu souhaites.

Candice : promis, je ne la ramènerai pas. Merci beaucoup. Bises.

Moi : Bises.

C’est bien la première fois qu’elle me laisse carte blanche pour le choix de quoi que ce soit et ce mot bise à la fin au lieu du salut traditionnel, ça me perturbe, elle se comporte de façon bizarre.

Elle aime généralement tout contrôler, ce n’est pas du tout dans ses habitudes. Il y a un réel problème au boulot, ça ne peut pas être autrement. J’espère que ça va aller pour elle.

J’entre dans la boutique, et là, des tas de téléphones sont exposés sur des étagères qui ornent les murs de haut en bas. Il y en a des grands, des petits, des noirs, certains sont colorés, d’autres sont avec des clapets… Le choix est effectivement très large pour que j’arrive à dénicher ce qu’elle veut vraiment. La tâche s’annonce très difficile. Pour ça, il faut que je me mette à sa place. Alors, mode grincheuse enclenchée. Je sens un relèvement de ma lèvre supérieure avant de me faire interpeller.

⎯ Bonjour, monsieur. Je peux vous aider !

⎯ Bonjour ! En fait, par mon manque de tact, le téléphone d’une très bonne amie a chuté dans la Seine et je viens pour lui en acheter un nouveau.

⎯ Oh ! Elle doit être furieuse, non ?

⎯ Oui, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point.

⎯ Je pense que si, mon petit copain me l’a fait tomber dans l’évier lorsque je faisais la vaisselle. Je suis sûr que même le voisinage a dû m’entendre hurler. Et que cherchez-vous exactement ?

⎯ En fait, je n’y connais rien. Elle en possédait un avec un large écran, un peu comme celui-ci, mais avec cette marque-là et il était de couleur noire. Il effectuait des photos vraiment splendides et il détenait une très grande capacité de mémoire. Je ne sais pas si j’ai bien été clair.

⎯ Parfait ! Merci. Tout me ramène à ces deux appareils, un à une fonctionnalité professionnelle que l’autre n’a pas, mis à part ça, ils restent identiques.

⎯ Très bien, on va partir sur le pro dans ce cas. Autant se faire pardonner, autant le faire bien.

⎯ Effectivement, elle a vraiment de la chance d’avoir une personne aussi attentionnée auprès d’elle.

⎯ Merci.

⎯ Très bien, suivez-moi. Nous allons compléter quelques documents et il vous appartiendra, enfin, à votre amie.

Je suis la jeune femme jusqu’à son bureau. Nous remplissons la paperasse, puis je saisis rapidement le nouveau numéro de Candice dans mon répertoire. Je remercie la vendeuse et quitte la boutique. Je me dirige vers notre restaurant, même si l’idée de manger seul ne m’enchante pas. À mon arrivée, Antonio m’étreint amicalement, avant de me conduire à notre table.

⎯ Salut, mon pote ! Tu es seul ?

⎯ Comme tu peux le voir, oui. Candice a un souci à son boulot et elle ne pourra pas venir.

⎯ Oh ! tu m’en vois désolé.

⎯ Ouais, moi aussi, mais j’ai une faim de loup.

⎯ Ça tombe bien, ce midi c’est tacos et chili con carne.

⎯ Hum ! J’adore les tacos. Tu me mets une bière avec, s’il te plaît.

⎯ C’est parti !

Antonio disparaît derrière son bar lorsque Candice arrive avec une tête complètement dépitée, ou abasourdie, je ne sais pas trop. Tout ce que je peux dire c’est qu’aucun sourire n’est affiché sur son visage. Woua ! L’heure est grave. Autant, ce matin, je n’avais qu’une hâte : la retrouver juste pour la taquiner, autant là, j’en ai perdu l’envie. Je ne l’ai jamais vu dans cet état. Enfin si, une fois, il y a bien longtemps. Je venais d’arriver en ville et, au cours de mon premier jour de rentrée, je ne me trouvais pas au meilleur de ma forme et je lui ai taillé sa tresse. Le lendemain, lorsque je l’ai vue revenir avec cette nouvelle coupe de cheveux, je m’en suis énormément voulu, car elle se comportait vraiment bien avec moi, mais comme je l’ai annoncé : « je n’étais pas au top de ma forme ». Cette superbe coiffure lui seyait à merveille, cela dit, si elle avait eu des mitraillettes à la place des yeux, elle m’aurait déjà tué.

⎯ Candice ! Qu’est-ce qui ne va pas ?

⎯ Si tu savais, même moi je ne parviens pas à y croire.

⎯ Raconte-moi !

⎯ Bon sang, par où commencer ? Oh ! Si seulement Amélya était là, elle trouverait quoi faire, me dit-elle en posant ses coudes sur la table tenant sa tête entre ses mains.

⎯ Commence par le début. Je peux peut-être t’aider.

⎯ Ne te moque pas de moi, s’il te plaît, ce n’est vraiment pas le jour.

⎯ Je ne me permettrais pas, vu ton état.

⎯ Quoi ? Qu’est-ce qu’il a, mon état ? J’ai un truc qui ne colle pas ?

⎯ Non, ne t’inquiète pas. Allez, raconte-moi !

Elle hésite un moment, son regard dans le mien. Elle me jauge, avant de finalement ouvrir la bouche.

⎯ Très bien, alors ce matin en arrivant au bureau, je me suis fait interpeller par Nadine, mon assistante, qui m’informe que l’adjoint est parti à la concurrence.

⎯ Ok, jusque-là tout va bien.

⎯ Arrêter de m’interrompre ! Enfin, si tu veux connaître la suite…

⎯ Très bien, poursuis, excuse-moi.

⎯ Bon, suite à ça, le grand patron est venu en personne m’aviser que je figurais en haut de sa liste pour prendre la place de collaborateur de direction. Oh ! Mon Dieu, je n’arrive toujours pas à y croire.

⎯ Qu’est-ce qui te stresse ? Tu vas obtenir une promotion, tu devrais sauter de joie, avoir la banane et non pas cette tête d’enterrement.

⎯ Ah ! Tu vois que ma tête à un souci ! Pourquoi m’as-tu affirmé le contraire, il n’y a pas cinq minutes ?

Antonio s’approche de notre table.

⎯ Mi hermosa ! Comment vas-tu ? Ray m’a dit que tu avais un problème au travail. Oh ! Tu as une de ces têtes !

⎯ Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi… vous avez un souci avec moi ?

Antonio ne comprend pas sa réaction, alors je lui explique.

⎯ Candice vient d’obtenir une promotion et elle est totalement en panique.

⎯ Oh ! Je vois. Ma chérie déstresse, sois heureuse. Tu auras des choses à raconter à Amélya quand tu l’auras au téléphone.

⎯ Pour ça, il faudrait déjà que j’en ai un. Je te rappelle que cette andouille face à moi l’a envoyé valser dans la Seine.

⎯ Oh ! La grincheuse, le voilà, ton portable ! Alors heureuse ? lui dit-il en lui tendant son portable.

⎯ Woua ! Mais, Ray, tu es fou ! Il coûte une fortune.

⎯ Oui, mais je devais me faire pardonner, lance-t-il tout en lui adressant une petite moue coupable.

⎯ Peut-être, mais pas à ce prix. réplique-t-elle.

⎯ Ne t’inquiète pas, ça me fait plaisir. Alors ! Il te plaît ?

⎯ Bien sûr, quelle question ! Merci, tu es un amour, euh ! Un ange… tu m’as compris quoi ?

⎯ Oui, je vois très bien. Enfin pas vraiment. Ces petits noms affectueux, envers moi sont… comment dire… c’est bizarre… inhabituel.

⎯ On déjeune ! J’ai une faim de loup, lance-t-elle en se rapprochant de la table, les joues légèrement roussies.

⎯ Moi aussi, je mangerais un bœuf, répond-il en lui adressant un clin d’œil.

Antonio lui annonce le plat du jour, elle est ravie, puis notre ami s’éloigne en cuisine.

Candice et moi discutons de choses futiles. Finalement, au terme du repas, elle repart avec un superbe sourire. J’ai rempli ma mission de prendre soin d’elle, avec brio comme je l’avais promis à Amélya.

C’est l’heure de nous quitter pour retourner à nos jobs respectifs. Je ne comprends pas pourquoi, mais j’éprouve le besoin de lui demander de venir avec nous jouer quelques morceaux, après tout, ça fait longtemps qu’elle n’est pas venue…

⎯ Candice, si tu n’as rien de prévu ce soir, on se retrouve au « Mondial Café » avec Ben pour jouer quelques notes, si ça te dit.

⎯ Pourquoi pas, ça me fera sûrement du bien !

⎯ C’est certain ! ajouté-je, avec un large sourire.

⎯ À ce soir, alors !

⎯ À ce soir ! Tu souhaites que je passe te prendre ?

⎯ Merci, c’est sympa, mais je vais voir si Alberto et Callie veulent se joindre à nous, dans ce cas je viendrai avec eux.

⎯ Très bien, c’est toi qui gères. Si tu changes d’avis, tu m’appelles.

Cette journée est complètement surréaliste ! Entre le P.D.G. qui divague en me voulant comme son adjointe, Ray qui me paye un téléphone hors de prix et qui demeure sympa avec moi qui plus est… c’est contraire à ses habitudes, j’en rajoute en le remerciant avec de petits mots doux, mais je déraille totalement. J’ai de quoi me poser des questions tout de même !

Il y a quelque chose de vraiment pas normal. Depuis quand Ray se montre-t-il aussi attentionné envers moi, hein ? Jamais ! Alors pourquoi aujourd’hui ? Je suis carrément paumée. Je n’y comprends absolument rien.

Je rejoins mon bureau aussi perdue que lorsque je l’ai quitté, et Nadine s’approche de moi en me félicitant pour la réunion de ce matin. Effectivement, je détiens les chiffres de ventes les plus élevés. À la suite de ça, elle m’informe que monsieur John’s m’a donné ma journée. Un tas de questions me parcourt l’esprit, si bien que je ne peux m’empêcher de les lui poser.

⎯ Quoi ? Mais pourquoi ? Il a changé d’avis ? ... Il s’est rendu compte qu’il avait fait une erreur sur ma nomination et il envisage de me renvoyer, c’est ça !

⎯ Pas du tout, il a bien vu que tu as eu du mal à digérer la nouvelle et il veut t’accorder un peu de temps pour te préparer à l’idée d’une éventuelle promotion.

⎯ Oh ! Très bien, me resigné-je. Je vais te laisser mon nouveau numéro de téléphone. Ray m’a acheté un autre portable à midi, lui annoncé-je tout en le lui mettant devant son nez.

⎯ Il est sympa ce gars, me fit-elle d’un air amusé.

⎯ Oui, bon… alors… le concernant… je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est gentil tout le temps, mais aujourd’hui, effectivement, il était parfait.

⎯ Eh bien ! Que d’éloges pour ce beau brun !

⎯ Beau brun ?

⎯ Quoi ? Avoue, que Ray est pas mal du tout !

⎯ Moi, ce que j’en pense, tu ne préfèrerais même pas le savoir.

⎯ Allez ! Disparais avant que le patron ne change d’avis.

⎯ Très bien, comme personne ne veut de moi ici, je rentre. À demain !

⎯ À demain, Candice.

Depuis le temps que je travaille chez John’s & co, jamais je n’ai terminé ma journée à 14 h 30. En règle générale, je finis aux alentours de 18 h 30 ou 19 h, mais jamais aussi tôt. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire pour tuer le temps jusqu’à ce soir ?

Le seul remède à ce qui m’arrive, c’est le shopping ! Même si ma carte bleue risque de chauffer, quoiqu’en y réfléchissant bien, sans Amélya, ça n’a pas de sens.

Il faut que je me fasse à l’idée qu’elle ne sera pas avec moi cette année et que je vais devoir faire sans elle pour un tas de choses.

Je me dirige alors vers nos boutiques préférées afin de trouver une nouvelle tenue pour ce soir. J’ai beau me conditionner, impossible de me mettre dans l’ambiance. Je décide donc de contacter Callie.

Moi : Coucou Callie, c’est Candice. Ça te dit de te joindre à moi pour un après-midi shopping ?

Callie : Coucou ! Waouh ! autre numéro de téléphone… Alors Ray n’a pas eu une crise cardiaque sur ton choix de mobile au tarif exorbitant ?

Moi : Je ne vois pas du tout de quoi tu parles et en plus, je n’ai même pas pu m’y rendre avec lui. Si j’étais toi, je ne ferais pas la maligne, car il s’est surpassé sans mon aide qui plus est.

Callie : Venant de lui c’est bizarre !

Moi : Ouais, c’est exactement ce que je me suis dit. Mais, je t’appelle car Ray et Ben jouent quelques accords au Mondial ce soir, ça vous tente que l’on y aille tous ensemble ?

Callie : Pour ce soir, je suis désolée, mais nous avons déjà quelque chose de prévu, on se fera ça à une autre occasion.

Moi : Ok… tu viens me rejoindre pour faire les boutiques ?

Callie : désolée, mais je ne peux pas non plus, je bosse. Je suis vraiment navrée, ma belle.

Moi : Très bien, pas de souci, une prochaine fois.

Bon alors, si même Callie m’abandonne, ça ne va plus. Je ne vois aucun intérêt à faire les boutiques. Ce soir, je m’y rendrai à la cool, après tout ce n’est que Ben et Ray. C’est avec tristesse que je rentre chez moi.

J’en profite pour me prendre un café avec des biscuits et m’installe bien confortablement sur mon canapé. J’attrape la télécommande et zappe sur la chaîne des séries. Depuis le temps que je souhaite regarder celle dont tout le monde parle, eh bien je vais enfin savoir si elle est aussi exceptionnelle que ce que mes collègues ont pu me vendre.

****

Il est presque 20 h quand je termine la première saison, qui n’est pas si mal finalement. Je me dirige vers la salle de bains en vue de prendre une douche, avant de revêtir un jeans et un tee-shirt. Je chausse mes « Dr Martens 1» et enfile ma veste en cuir. J’envoie un rapide message à Ray pour le prévenir que j’arrive sans les autres. C’est une règle que les gars ont mise en place depuis qu’une femme de la ville voisine s’était fait agresser. Toujours avertir au moins un membre de la bande.

Moi : Coucou, je viens seule. Alberto et Callie ont déjà un truc de prévu ce soir.

Ray : Ok ! Je ne suis pas encore parti. Tu veux que je passe te prendre ?

Moi : Merci, mais ça devrait aller.

Ray : Attends-moi, j’arrive.

Moi : Non, c’est bon.

Ray : Ne discute pas ! Je viens dans cinq minutes.

Mais, qu’est-ce qu’il peut être entêté, plus je lui dis non et plus il insiste !

Même pas cinq minutes plus tard, on sonne à la maison. Je lui indique que j’arrive dans deux minutes. Lorsque j’ouvre la porte, je peux admirer un Ray apprêté comme un dieu, un jean avec une chemise et sa veste de costard noir adossé sur son véhicule. Ok, rien d’exceptionnel, me lancerez-vous ! Mais ça, c’est parce que vous ne l’avez pas vu. Tu as les neurones qui ont grillé, Candice ! C’est Ray dont tu parles ! Tu sais ?... Celui qui ne te fais jamais d’éloges et qui t’insulte quoi qu’il arrive. Oui, mais il faut avouer qu’il apparaît plutôt pas mal dans cette tenue. Effectivement, en temps normal, il est revêtu d’un jean et d’un simple tee-shirt à l’effigie d’un de ses groupes fétiches.

Il me regarde avec insistance, merde ! Qu’est-ce qu’il y a ? S’est-il rendu compte que je le reluquais ? Non, c’est impossible.

⎯ Je te trouve superbe dans ces fringues, me complimente-t-il.

Il a clairement été frappé à la tête pour me lâcher de si belles choses. Je ne vois pas d’autre explication.

⎯ Tu n’es pas mal non plus !

Une main derrière la nuque, ses joues s’empourprent.

Pourquoi, se met-il dans cet état ? J’ai dit un truc qu’il ne fallait pas? Je me dirige donc vers son véhicule. Une fois à l’intérieur, il démarre. Après quelques minutes, nous arrivons devant le « Mondial Café ».

La voiture de Ben est déjà garée sur le parking et Joe, le videur, en nous regardant nous stationner, nous effectue un signe de la tête avec un large sourire. Ça fait du bien de les revoir.

1 Dr Martens : Entreprise britannique spécialisée dans les chaussures à semelle coussin d’air. Ici, on parle d’une de leurs paires en y mentionnant uniquement la marque.

Ma journée se termine avec un très bon client qui effectue toujours de grosses commandes de vinyles. Cette fois-ci, il a opté pour des collectors. Je le remercie comme il se doit et ferme la boutique derrière lui. Je vérifie ma caisse et y laisse le fond. J’éteins tous les éclairages, attrape mon perfecto de cuir et mes clés avant de me diriger vers la porte et de baisser le rideau de fer après moi.

Je monte sur ma moto et rentre à l’appart afin de m’apprêter pour ce soir. Arrivé devant mon immeuble, une jeune femme à la chevelure de feu m’observe avec un large sourire, puis se rapproche de moi.

⎯ Salut, Ray !

Je ne parviens pas à me rappeler où j’ai bien pu apercevoir cette nana.

⎯ Salut ! lui réponds-je, par simple politesse.

⎯ Ok ! Tu ne te souviens plus de moi. Je suis Armelle, nous nous sommes rencontrés il y a quelques mois. On devait se revoir pour discuter musique, mais si tu es occupé je comprendrais.

⎯ Oui… bien sûr, Armelle. Non, désolé, en réalité moi et les prénoms… ce n’est pas mon fort, mais bien entendu que je me souviens de ton visage, lui annoncé-je pour ne pas la vexer ! Écoute, j’ai rendez-vous dans une heure au « Mondial Café », si ça te dit, on se rejoint directement là-bas.

⎯ Ok, très bien, à tout à l’heure !

⎯ À tout’ !

En l’observant s’éloigner, j’essaie de me remémorer notre première rencontre. Effectivement, ça me revient, c’était face à la boutique. À ce moment-là, je n’étais qu’un simple vendeur. Nous discutions tout en marchant avant de nous retrouver devant chez moi… voilà pourquoi elle se trouvait, ici.

Je monte mes deux étages, puis ouvre ma porte. À peine entré, je retire mes chaussures à la hâte et jette ma veste sur le canapé, puis je me dirige vers la salle de bains afin de prendre une bonne douche. Les clapotis de l’eau sur mon crâne me procurent une sensation de bien-être qui m’envahit. Une fois terminé, j’enfile une serviette autour de la taille et rejoins ma chambre afin de me vêtir d’un jeans délavé et d’une chemise bleu ciel. J’arrange mes cheveux avec mes mains en y mettant du gel, puis je m’applique quelques gouttes de parfum. Au moment où mon téléphone se met à sonner, je constate que c’est Candice. J’ai tout de suite cru qu’elle voulait annuler, mais quand elle m’a expliqué qu’elle arrivait seule, je n’ai pas cherché à comprendre… « je vais la chercher ».

Je descends au parking récupérer mon véhicule et roule jusque chez elle. Je sors de ma bagnole et me dirige vers son entrée, puis j’appuie sur sa sonnette, afin de lui signaler ma présence.

⎯ Oui ! J’arrive dans deux minutes.

⎯ Très bien.

Mon corps adossé à la carrosserie de ma caisse, j’attends qu’elle approche. Quand mes yeux tombent sur les siens, mon cœur s’accélère. Une boule au fond de ma gorge m’empêche presque de respirer. Il faut que je me ressaisisse. J’inspire un grand coup pour m’emparer d’une bonne bouffée d’air.

⎯ Salut !

⎯ Salut, Ray ! Tu n’aurais pas dû venir me chercher. Tu sais, je peux m’y rendre toute seule comme une grande, me dit-elle un brin taquin.

⎯ Peut-être bien, mais je ne voulais pas que tu prennes des risques inutiles, lui répliqué-je sur un ton un peu plus ferme.

Je lui ouvre la portière de ma caisse et l’invite à s’y installer. Nos ceintures bouclées, je démarre direction le « Mondial Café ». À cette heure-ci, il est fort agréable de circuler dans les rues tant les voitures ont presque disparu.

Nous arrivons assez rapidement devant notre repaire. Joe nous reconnaît tout de suite. Il me serre la main, puis adresse une bise à Candice avant de nous informer que Ben et notre nouveau bassiste Freddy se trouvent déjà à l’intérieur. Je le remercie d’un signe de tête puis il nous ouvre la porte qui donne sur une salle encore déserte, seuls nos deux amis s’y trouvent, assis en plein milieu sur les banquettes. Nous constatons qu’ils n’ont pas perdu de temps, car des verres de bière vides trônent sur la table. Nous nous rapprochons d’eux.

⎯ Salut, Ray ! Tu t’es paumé ? me demande Ben.

⎯ Non pas du tout. Une nana m’attendait en bas de chez moi. Une rousse avec un nom à coucher dehors, une Armande… Amandine… Armelle… enfin, elle doit nous rejoindre ici tout à l’heure, réponds-je. Ensuite, je suis allé chercher Candice, dis-je tout en lui passant mon bras autour de son cou. Elle se dégage tout aussi rapidement de mon emprise.

⎯ La rouquine est une de tes conquêtes? réplique Ben.

⎯ Non, pas du tout ! Elle aime la musique et nous devons discuter ensemble sur le sujet, lui précisé-je.

⎯ Ouais ! Si tu veux mon avis, elle a trouvé une excuse pour te revoir, m’indique le nouveau.

⎯ Aucun risque que cela arrive.

⎯ Pourquoi ? Tu es célibataire que je sache, rien ne t’en empêche, réplique-t-il.

⎯ Peut-être, mais comparé à toi, je ne saute pas sur tout ce qui bouge, lui réponds-je du tac au tac.

⎯ Tu n’es pas curé non plus !

⎯ Non, c’est certain, ça se saurait, crois-moi ! Lui lancé-je en me marrant.

Candice, aurait habituellement pris part à la conversation pour y mettre son grain de sel et me faire payer par la même occasion toutes les fois où j’ai pu l’emmerder, mais aujourd’hui, elle est étrangement silencieuse. Sa guitare à la main, elle essaie quelques accords qui sont plus que sympathiques et qui arrivent à me donner des frissons dans tout le corps. Afin de me reprendre, je la taquine un peu.

⎯ Candice, tu fais dans le style eau de rose ce soir, la provoqué-je pour la détacher de sa rêverie.

⎯ Ah ! Ah ! Très drôle, Ray. Tu es hilarant. Tu en as d’autres à me sortir ? me dit-elle en se moquant de moi.

Sa tête s’est tournée vers la scène pour regarder Ben parti effectuer quelques accords. Ses prunelles ont perdu pendant quelques secondes leur éclat, l’impression de vide y règne. Elle pince sa lèvre inférieure comme si elle réfléchissait.

⎯ Candice, tout va bien ? lui demandé-je inquiet.

Ses yeux reviennent sur moi.

⎯ Oui, c’est juste qu’entre le boulot et Amélya qui n’est plus là, ça me fout le cafard…

À cet instant, je crois bien que c’est plus que ce qu’elle veut bien me montrer, mais je n’insiste pas. Nous passons une excellente soirée, jusqu’au moment où Armelle apparaît.

⎯ Bonsoir ! nous lance-t-elle toute sourire.

Tous les yeux se tournent sur cette grande rousse aux longues jambes galbées par des talons hauts qui la mettent en valeur, ainsi qu’une jupe plutôt courte, mais il est vrai que cette nana en dégage.

Candice nous quitte de bonne heure. Elle a décidé d’appeler un taxi pour rentrer chez elle. Sa seule excuse est qu’elle a beaucoup de boulot qui l’attend. Après ça, je ne me souviens plus très bien.

J’ai beaucoup bu, Armelle m’a ramené chez elle afin de prendre un dernier verre et je pense que c’était celui de trop, car après, je n’en garde plus aucun souvenir. Si bien que lorsque je me réveille le lendemain matin, je me retrouve dans un pieu avec des draps rose pâle, une tapisserie de la même teinte sur les quatre pans de mur. Ce n’est pas ma piaule… merde ! Non, ce n’est pas ma chambre, mais celle de cette rousse qui dort encore à mes côtés. Je soulève le tissu, nous sommes désapés, complètement nus, punaise ! Je ne me souviens pas avoir éprouvé une quelconque jouissance cette nuit, c’est le néant dans ma tête…

Je prends soin de ne pas réveiller la rouquine et je retourne chez moi prendre une douche. J’ai rendez-vous avec Ben pour boire un café avant d’aller à la boutique. Quand j’arrive, il possède un sourire niais sur le visage.

⎯ Je peux savoir pourquoi tu as l’air d’un idiot ? lui demandé-je

⎯ Il hausse les épaules toujours avec ce rictus.

⎯ C’est juste une merveilleuse journée.

Je lève les yeux au ciel.

⎯ Non, mais je rêve ! Une magnifique journée ! Ben est devenu poète maintenant !

⎯ Tu m’as posé une question, j’y réponds non ?

⎯ Ok, tu es reparti avec une fille hier, c’est pour ça que tu affiches ce sourire niais sur ton visage sans broncher depuis tout à l’heure.

⎯ Merci ! Ray, tu devrais parler encore plus fort, je doute que la troisième rue à droite t’ait entendu.

⎯ Woua ! Ben a dégoté une nana, je n’arrive pas à y croire. Alors, comment est l’heureuse élue ?

Je l’observe en train de faire la grimace.

⎯ Et toi, avec la rouquine, comment était-ce ?

Je n’ai plus aucune répartie. Comment pourrais-je lui dire quoi que ce soit alors que je ne le sais pas moi-même ?

⎯ De toute façon Ray, je ne discuterai pas de ça avec toi, tu es trop obsédé par la chose.

⎯ Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles, tu divagues complètement, mec, réponds-je, avec une pointe de défi.

Au même moment, Candice arrive. Elle porte des yeux assassins sur moi, merde ! Qu’est-ce que j’ai fait ?

⎯ Salut Candice, bien dormi ? demande Ben.

⎯ Salut les gars. Non pas vraiment.

⎯ Tu as rêvé de moi ? lui lancé-je en plaisantant.

⎯ Non, je te vois assez dans la journée, il ne faut pas abuser.

⎯ Merci, c’est sympa.

⎯ Avec plaisir Ray !

⎯ Très bien, étant donné que « MADAME » est d’une humeur de chien, je préfère aller bosser. Merveilleuse journée ! Lui souhaité-je tout en me levant. Je vais à la boutique.

⎯ Bonne journée Ray. répond Ben.

Aucun mot ne sort de sa bouche. C’est très bien, je n’ai pas envie d’épiloguer sur le sujet. Je grimpe sur ma bécane puis pars travailler avec cette petite amertume à l’estomac.

Je me lève de mauvais poil. Je suis extrêmement stressée, depuis que j’ai appris pour le poste, je ne dors pas très bien et mon humeur est exécrable.

Je me dirige vers le pub pour m’emparer de ma dose de caféine avec les garçons et comme à mon habitude quand rien ne va, c’est Ray qui en pâtit. Il a fini par quitter la table. J’ai donc pris mon expresso avec Ben, en lui expliquant ce qui m’arrive au boulot. Bien entendu, il a eu la même réponse que Ray et Antonio « je devrais être heureuse », mais j’ai du mal à m’y faire.

Je vais à pied au travail, je passe d’abord au distributeur de boissons, puis je longe le petit couloir qui mène vers mon bureau. Oui, je sais que ça fait beaucoup de caféine, mais j’adore ce breuvage.

⎯ Eh ! Oh ! Ça ne va pas ?

Non, mais je rêve ! Un gars vient de me percuter et d’envoyer valser mon gobelet sur mes fringues. Il m’a fait mal en plus. Je n’ai pas le temps de faire quoi que ce soit qu’il s’écrie :

⎯ Oups ! Je suis vraiment désolée, mademoiselle !

Je suis furieuse, les sourcils froncés, le regard noir. Je n’analyse pas tout de suite qui est cet homme sur le moment, mais je le déteste déjà. Pendant que je m’éloigne pour aller chercher de quoi m’essuyer, il se penche et a déjà ramassé le verre vide sur le sol lorsque je reviens.

⎯ Je m’excuse, mademoiselle, je montrais une théorie à mes collègues et je ne vous ai pas vue !

⎯ Non, mais je ne suis pas assez grande, c’est ça ? Je veux bien, je ne mesure seulement qu’un mètre soixante-cinq, mais tout de même. Je ne suis pas transparente !

Mon assistante se retient de rire tant la situation est rocambolesque, ce qui a le don de faire monter ma colère en flèche.

Vous vous rendez compte ? C’est la honte ! Et en plus, il faut que ça tombe sur moi ! Quand je dis que je suis une poissarde, hein !

Je suis plus que contrariée. Je ne lui réponds même pas. Je prends les serviettes en papier afin d’essuyer mon corsage tout en soupirant. Je souhaite à ce moment-là qu’il comprenne qu’il vaut mieux pour lui qu’il me laisse tranquille, mais le coco ne lâche pas l’affaire comme j’aurais pu l’espérer.

⎯ Mademoiselle, je suis sincèrement désolée… vraiment !

Je relève les yeux vers lui en le visualisant réellement pour la première fois depuis qu’il m’a foncé dessus, quand je le reconnais. C’est le fameux « Conrad » qui se trouve être le fils du grand patron, monsieur John’s.

Bien sûr, pour ne rien arranger à la situation, il est… plutôt mignon, il me sourit comme s’il m’avait entendu.

⎯ Vous me pardonnez ? me formule-t-il avec ce petit rictus en coin.

Face à l’insistance de ce bellâtre, je me fais rappeler à l’ordre par mon assistante. C’est le monde à l’envers ma parole !

⎯ Tu pourrais lui répondre ? Tu ne crois pas ?

Abasourdie par sa soudaine assurance et par ce type, je suis tellement confuse que rien ne sort de ma bouche… une première cela dit. Ma tête bascule légèrement de l’avant vers l’arrière en signe de réaction, puis je retourne à grandes enjambées dans mon bureau, tant pis pour mon café, je ferai sans pour une fois.

Soudain, ce gars frappe à ma porte puis l’ouvre tout en jubilant.

⎯ Vous voulez que j’apporte votre chemisier au pressing ?

Tout à coup, la colère monte, mon cœur s’accélère, je lui tourne le dos avant que les paroles ne dépassent ma pensée et que je finisse par regretter. Je décide de rester face à la baie vitrée. Je l’entends fermer la porte, puis ses pas s’éloignent dans le couloir pendant qu’il rit.

Non, mais il n’est pas sérieux. Il se fout de moi ! Pour qui me prend-il ? Je ne vais pas me pavaner en soutien-gorge dans le bureau, le temps que « MONSIEUR » exhibe mon chemisier.

Je me pince la lèvre inférieure de contrariété. Je maudis les hommes et leurs jugements à deux balles ! Et lui en particulier aurait droit à une belle grosse médaille du roi des bouffons !

Je suis furax, j’attends qu’il soit enfin midi, puis j’envoie un rapide message à Nadine.

Moi : Je te déteste !

Elle me répond dans la seconde.

Nadine : Tu peux sortir de ta cachette, ça fait un bon moment qu’il a disparu !

Je grimace en écrivant.

Moi : Je suis morte de rire, espèce de prévaricatrice2. Tu es une vraie morue.

Je me hais d’être aussi perfectionniste. Je n’attire que des jaloux et des jalouses… Il ne faut pas s’étonner de me voir détaler quand l’un de mes collègues se pointe avec une moquerie à mon égard. Je déteste le regard que chacun d’eux pose sur moi, comme si je devais mon augmentation ou même ma future promotion à mon physique. Eh bien, non, mesdames et messieurs ! Je possède aussi un cerveau, ce qui a dû leur échapper à un moment.

Qu’est-ce que j’ai pu entendre des conneries se dire dans mon dos… « Elle a dû y aller avec le patron pour être désignée à ce poste » ou « tu as vu sa jupe, elle est sacrément courte, je suis sûr que c’est pour amadouer le boss »…

Ils sont ignobles et ça me donne la nausée, si bien que je n’ai aucune envie de communiquer avec eux. Ma future nomination à cette nouvelle fonction me paralyse. Oh mon Dieu ! ça va être la catastrophe pour moi.

Je me retrouve dans le couloir et rejoins Nadine face à la machine à café. À croire que l’on y passe plus de temps que dans notre bureau. Elle me tend un tee-shirt.

⎯ Tiens ! La tornade de Conrad est allée prendre ça rapidement au troisième étage pour que tu puisses emmener ton chemisier au pressing. Il a joint son numéro de téléphone afin que tu lui transmettes la facture.

⎯ Encore un tordu ! Laisse tomber. Je vais me débrouiller. Je n’ai pas besoin de lui pour ça, rétorqué-je du tac au tac.

⎯ N’importe quoi…

Malgré tout, Nadine insiste.

⎯ Je t’assure, Candice, il avait l’air vraiment sérieux.

Je hausse les épaules en guise de réponse. J’ai déjà eu affaire à ce style de type et ce sont les pires. Dans le genre « je me prends pour Don Juan », « j’ai sauvé la demoiselle en détresse », c’est la catégorie de gars qui attire trop l’attention, toutes les filles s’intéressent plus ou moins à lui.

Nadine va m’annoncer qu’il est célibataire… comme si j’allais avaler qu’avec son joli petit minois, il avait du mal à conclure. Moi, je dis qu’à travers toutes ses mimiques, il nous prend toutes pour des bécasses. Je ne suis pas dupe ! Le mec est juste un gros prétentieux de première, un petit con égocentrique qui croit que l’entreprise de papa demeure un parfait terrain de jeu sur lequel il peut régner. Moi, il ne m’aura pas.

****

Le lendemain, à 6 h 30.

Je me réveille avec une souffrance atroce dans l’épaule. Je me lève et me dirige dans la salle de bains et je constate dans le miroir l’hématome qui recouvre celle-ci. Il est vrai que je marque très rapidement, mais la douleur qui l’accompagne est infernale.