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« Ubu Roi, ou, les Polonais » est une œuvre théâtrale emblématique écrite par Alfred Jarry en 1896, souvent considérée comme précurseur du théâtre de l'absurde. Le texte, caractérisé par un langage riche, ludique et subversif, dépeint les aventures grotesques du père Ubu, un personnage caricatural et tyrannique prêt à tout pour assouvir ses ambitions. Les thèmes de l'avidité, du pouvoir et de la satire sociale s'entrelacent dans un style qui mêle le burlesque à une critique acerbe de la société et des institutions. Jarry s'inscrit dans un contexte littéraire marqué par le symbolisme, en rompant avec les conventions classiques pour offrir une œuvre audacieuse qui anticipe les révolutions artistiques du XXe siècle. Alfred Jarry, écrivain et dramaturge français, a grandi dans un environnement créatif qui a nourri son imagination fertile. Influencé par des secteurs variés tels que le symbolisme et le mouvement des avant-gardes, Jarry a cherché à remettre en question les normes établies. Sa propre vie, marquée par une fascination pour la philosophie et les sciences, l'a incité à explorer des thèmes comme le non-sens et la dérision. « Ubu Roi » peut donc être vu comme une manifestation de sa révolte contre l'autorité et la tradition, préfigurant un avenir théâtral audacieux. Je recommande chaudement « Ubu Roi » à tout lecteur désireux d'explorer les profondeurs du théâtre moderne et de la satire. Cette pièce, à la fois divertissante et provocante, constitue une réflexion pertinente sur les abus de pouvoir et les travers humains. Jarry encourage une remise en question des paradigmes établis, rendant cette œuvre non seulement pertinente pour son époque, mais également pour notre monde contemporain. Dans cette édition enrichie, nous avons soigneusement créé une valeur ajoutée pour votre expérience de lecture : - Une Introduction succincte situe l'attrait intemporel de l'œuvre et en expose les thèmes. - Le Synopsis présente l'intrigue centrale, en soulignant les développements clés sans révéler les rebondissements critiques. - Un Contexte historique détaillé vous plonge dans les événements et les influences de l'époque qui ont façonné l'écriture. - Une Biographie de l'auteur met en lumière les étapes marquantes de sa vie, éclairant les réflexions personnelles derrière le texte. - Une Analyse approfondie examine symboles, motifs et arcs des personnages afin de révéler les significations sous-jacentes. - Des questions de réflexion vous invitent à vous engager personnellement dans les messages de l'œuvre, en les reliant à la vie moderne. - Des Citations mémorables soigneusement sélectionnées soulignent des moments de pure virtuosité littéraire. - Des notes de bas de page interactives clarifient les références inhabituelles, les allusions historiques et les expressions archaïques pour une lecture plus aisée et mieux informée.
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Veröffentlichungsjahr: 2020
Quand l’appétit brut du pouvoir s’empare d’un corps trop petit pour l’endosser, la scène devient un miroir grimaçant où la bêtise gouverne, la peur obéit et le rire, mal à l’aise, s’interroge sur sa propre complicité, car l’ascension d’un grotesque n’est jamais une fantaisie isolée mais le symptôme d’une époque prête à tolérer l’absurde, et c’est précisément ce renversement des mesures – l’énormité dans le minuscule, l’arbitraire dans l’institution, l’enfantin dans le politique – qui donne à l’œuvre d’Alfred Jarry son pouvoir de scandale, de dévoilement et de jubilation inquiète.
Ubu Roi, ou, les Polonais, est tenu pour un classique parce qu’il a inauguré, en 1896 à Paris, une manière neuve de faire théâtre. Dès son premier mot, une exclamation blasphématoire fit vaciller les conventions et divisa la salle. La violence comique, la langue déformée et le refus de l’illusion réaliste imposèrent une modernité radicale. L’œuvre ne se contente pas d’amuser : elle déplie, sous la farce, une critique des mécanismes du pouvoir. Par sa façon d’attaquer la bienséance et de désarticuler la syntaxe dramatique, elle a ouvert un champ d’expérimentation qui irrigue les esthétiques scéniques du siècle suivant.
Alfred Jarry (1873–1907), écrivain français, compose cette pièce à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Adolescents, lui et ses camarades bricolent une farce scolaire dont émerge la figure d’Ubu ; l’auteur la retravaille ensuite, jusqu’à sa publication et sa création scénique en 1896. Le sous-titre parfois associé, « ou, les Polonais », renvoie à l’origine parodique et à un cadre imaginé plus qu’historique. Jarry, qui développera plus tard la ‘pataphysique, inscrit déjà ici une pensée du décalage et de l’absurde méthodique, tout en s’appuyant sur les ressources de la farce et du théâtre de marionnettes.
La prémisse tient dans une situation simple et explosive : dans un royaume vaguement polonais, un personnage vorace, flanqué d’une épouse d’une détermination redoutable, se met en tête d’accéder aux plus hautes fonctions. La pièce suit l’onde de choc que provoquent l’ambition, la lâcheté et l’appétit dès qu’ils rencontrent les rouages de l’État. Sans détailler l’intrigue, on peut dire que l’essentiel réside dans l’observation satirique des comportements et dans la manière dont le langage, les simulacres et la bêtise organisée transforment un désir individuel en désordre collectif.
La langue de Jarry est un laboratoire : néologismes, tournures volontairement bancales, énormités savantes et balourdises enfantines s’y heurtent pour faire surgir un comique à la fois libérateur et inquiétant. En brisant la diction noble et en sabotant les habitudes réalistes, l’auteur ouvre au théâtre une possibilité de parler autrement de politique, d’autorité et de morale. Le rire devient une arme qui dénude les discours, exhibe les ficelles et montre que les institutions peuvent tenir sur des mots, des cris, des tics : un babil monstrueux où se négocient la peur, l’obéissance et la force.
Inscrite dans l’héritage du burlesque rabelaisien et des tréteaux populaires, la pièce détourne aussi les codes de la tragédie et du drame historique. Elle inverse les hiérarchies, mêle le haut et le bas, transforme la pompe officielle en parade carnavalesque. Cette hybridation sape les illusions de vérité et rappelle que le théâtre n’est pas un substitut du réel, mais une machine à en révéler les dessous. En ridiculisant la solennité, Jarry fait ressortir la dimension performative des rites du pouvoir, qui ne tiennent qu’aussi longtemps que l’on y consent collectivement.
Si l’œuvre demeure actuelle, c’est qu’elle ne s’attaque pas à un contexte unique, mais à des ressorts humains persistants : la fascination pour la force, la complaisance devant la vulgarité efficace, l’opportunisme qui habille la cupidité d’arguments moraux. Jarry met à nu la fabrication du consentement : par la peur, par l’avantage immédiat, par la répétition de slogans. Il observe comment la loi se reconfigure au gré d’un caprice et comment la lâcheté ordinaire, additionnée, devient un système. Cette radiographie, sous le masque du bouffon, traverse les époques sans perdre en netteté.
La construction scénique épouse cette logique d’attaque : rythme heurté, numéros pantomimiques, adresses au public, ruptures de ton et simplification volontaire des mobiles. La pièce avance par secousses, comme si chaque scène arrachait un voile. Ce refus de l’enrobage naturaliste a fait école, en montrant que l’efficacité dramatique peut naître de la collision plutôt que de la continuité. La théâtralité est assumée : le jeu montre ses coutures, les situations exagèrent leur propre artifice, et c’est justement cette ostentation qui permet de dénuder ce que la représentation courante a tendance à recouvrir.
Ubu Roi a bouleversé durablement l’imaginaire littéraire et scénique. Des mouvements d’avant-garde du XXe siècle aux courants regroupés sous l’étiquette du théâtre de l’absurde, beaucoup ont reconnu en Jarry un éclaireur. Son audace de langage et sa caricature métaphysique du pouvoir ont légitimé l’irrévérence comme outil d’analyse. Metteurs en scène et écrivains ont puisé dans cette leçon une liberté de formes : fragmentation, montage, recours au masque, à la marionnette, au collage verbal. L’influence se mesure moins à des filiations directes qu’à une autorisation donnée à l’incongru de faire sens.
Le statut de classique vient aussi de la plasticité du texte, qui supporte des relectures infinies. Chaque époque y cherche son tyran domestique, son opportunisme public, sa rhétorique débridée. Les traductions et les reprises abondent, signe d’une vitalité qui excède le contexte d’origine. L’œuvre est enseignée, commentée, débattue, non parce qu’elle aurait fixé une doctrine, mais parce qu’elle expose un mécanisme. Elle se prête à la satire politique comme à l’exploration du comique, à l’étude de la langue comme à l’analyse des formes scéniques.
Lire Ubu Roi aujourd’hui, c’est mesurer la modernité d’un théâtre qui a compris que les mots gouvernent autant que les sabres. Dans un monde sensible à l’outrance, à l’invective calculée, à la spectacularisation des conflits, la pièce agit comme un révélateur. Elle montre comment l’indécence peut devenir une ressource de pouvoir et comment la protestation, prise au piège du rire, hésite entre complicité et distance critique. En cela, elle parle aux lecteurs contemporains, habitués à des discours tapageurs et à des fictions politiques où la scène médiatique tient lieu d’arène.
Au seuil de cette lecture, on retiendra que Jarry n’offre ni leçon édifiante ni miroir fidèle, mais un instrument de déconstruction jubilatoire. En transformant un grotesque en figure de gouvernement, il nous met au défi de penser le langage, l’autorité et la responsabilité. La force du livre tient à son paradoxe : plus il s’éloigne du réalisme, plus il atteint le réel. C’est pourquoi Ubu Roi, ou, les Polonais, demeure pertinent : parce qu’il convertit la farce en diagnostic, et que ce diagnostic, à chaque reprise, éclaire nos propres manies, nos cécités et nos tentations.
Publié en 1896, Ubu Roi, ou, les Polonais d’Alfred Jarry met en scène une farce politique située dans une Pologne imaginaire. L’œuvre introduit le Père Ubu, personnage grossier et opportuniste, et la Mère Ubu, compagne ambitieuse et calculatrice. Dès les premières scènes, le couple s’oppose à l’ordre établi et nourrit une appétence vorace pour les privilèges du pouvoir. Dans une atmosphère volontairement outrancière, la pièce pose ses enjeux: la conquête du trône par des moyens expéditifs, la corruption des institutions et la dérision des codes dramatiques, tout en préparant une séquence d’événements où l’avidité guide l’action et déforme l’autorité.
La Mère Ubu pousse le Père Ubu à viser la couronne, transformant sa veulerie en programme. Elle formule un raisonnement pragmatique: pour régner, il faut frapper vite et fort. Le Père Ubu hésite, craignant le châtiment, mais sa convoitise et sa paralysie morale l’emportent. Le couple noue des complicités opportunes, exploite les routines de la cour et le mécontentement latent. L’idée d’un renversement s’installe comme une évidence tactique. La pièce, sans s’attarder sur la psychologie, expose un mécanisme de prise de pouvoir brutale, où l’argument de l’efficacité supplante tout principe, et où la caricature révèle l’ampleur du cynisme.
Le coup de force advient avec une soudaineté qui confirme la logique de la pièce: l’assaut réduit la royauté en cible vulnérable et désorganise les repères ordinaires. Par le massacre et la terreur, les conspirateurs s’ouvrent la voie vers le trône. La violence ne se limite pas à l’exécution du plan: elle s’étend à l’entourage du pouvoir, frappe dignitaires et officiers, et installe une panique durable. Dans le chaos, un héritier parvient cependant à échapper au sort réservé aux siens, amorçant une dynamique de résistance discrète et résolue, alors que le nouveau régime s’impose par l’excès plutôt que par la légitimité.
Devenu souverain, le Père Ubu gouverne par décrets arbitraires, taxes confiscatoires et justice sommaire. La pièce exhibe l’avidité transformée en programme d’État: l’impulsion privée dicte les lois, la peur remplace le droit, et l’injure tient lieu de langage politique. Les institutions sont vidées de leur sens, les normes renversées, et la cour ploie sous un mélange d’obéissance forcée et de rancœur. Cette tyrannie d’opérette, tout en provoquant le rire par son outrance, met à nu l’attrait du pouvoir sans contrepoids et les dégâts d’une gouvernance réduite à la prédation, préparant des fissures que rien ne comble durablement.
Le couple royal improvisé se déchire à propos du butin et du contrôle du trésor. La Mère Ubu, soucieuse de sécuriser les richesses, conçoit des manœuvres parallèles et nourrit sa propre ambition. Cette discorde creuse l’écart entre l’image du pouvoir et sa réalité: chacun cherche à maximiser son profit immédiat au détriment de l’autre et des institutions. En contrepoint, la résistance trouve un point de ralliement autour de l’héritier rescapé et de partisans restés fidèles à l’ordre légitime. Le conflit s’organise ainsi sur deux fronts: une lutte interne pour l’argent et une lutte politique pour la souveraineté.
Face aux murmures de révolte et aux menaces extérieures, le Père Ubu s’emploie à consolider sa position par la force. Il mobilise des troupes, joue de l’intimidation et mise sur l’ampleur des moyens coercitifs pour imposer sa loi. Cependant, son commandement révèle des contradictions: bravade et prudence excessive alternent, décisions improvisées et revirements se succèdent. La guerre devient un théâtre où l’autorité se mesure autant à l’efficacité militaire qu’à l’aptitude à maintenir l’adhésion des proches. La pièce superpose ainsi affrontement politique et mascarade stratégique, laissant ouverte la question de l’issue des combats.
Parallèlement, la Mère Ubu poursuit une intrigue centrée sur le trésor, qui la conduit hors de la sphère cérémonielle vers des lieux plus exposés. Son parcours est jalonné d’obstacles burlesques et de périls concrets, révélant la fragilité d’un pouvoir fondé sur l’avidité dès qu’il s’aventure sans escorte ni légitimité. Sa trajectoire croise celle de forces qui la surveillent, tandis que le régime chancelle sous l’effet combiné des manœuvres ennemies et des faiblesses internes. Cette ligne d’action double l’intrigue principale et met en évidence la dimension matérielle, triviale et déterminante de la lutte pour la domination.
Les affrontements gagnent en intensité: d’un côté, les partisans de la restauration d’un ordre ébranlé; de l’autre, un pouvoir accroché à ses prérogatives, prêt à tout pour durer. La pièce redouble d’épisodes de poursuite, de renversements et de confrontations, où l’excès comique confine à la sauvagerie. Sans s’attarder sur les détails tactiques, elle souligne le glissement du conflit politique vers une épreuve de survie. Les circonvolutions scéniques entretiennent l’incertitude et donnent à voir un terrain mouvant, où l’erreur, l’emportement et la peur sont autant de forces que la stratégie, sans livrer de révélation décisive.
Au-delà de sa fable, Ubu Roi, ou, les Polonais propose une satire de l’autoritarisme, de la cupidité et des faux-semblants sociaux. Par la démesure, la langue volontairement dégradée et le mélange du grotesque et du tragique, Jarry interroge la légitimité, l’obéissance et la responsabilité des gouvernants et des gouvernés. L’œuvre, souvent lue comme une rupture avec les conventions dramatiques de son temps, a durablement marqué l’imaginaire théâtral moderne. Son impact tient autant à ses images scandaleuses qu’à la clarté de sa cible: les mécanismes du pouvoir lorsqu’ils ne répondent plus à d’autre principe que leur propre conservation.
Ubu Roi paraît à la fin du XIXe siècle, au cœur de la Troisième République française, dans un Paris où la vie théâtrale est foisonnante et conflictuelle. Les institutions majeures, de la Comédie-Française aux scènes privées, coexistent avec des troupes d’avant-garde qui contestent le naturalisme dominant. La capitale, modernisée depuis le Second Empire, attire artistes, critiques et publics avides de nouveautés. Dans cet environnement urbain, l’autorité de l’État républicain, la bureaucratie et la bourgeoisie forment le cadre social que la satire de Jarry malmène. La pièce s’inscrit ainsi dans une époque de stabilité relative, mais constamment travaillée par des tensions idéologiques et esthétiques.
La Troisième République a refaçonné l’école et la citoyenneté. Les lois Ferry des années 1880 rendent l’instruction primaire gratuite, laïque et obligatoire, et la culture des lycées imprime à la jeunesse un sens aigu de la discipline, du mérite et du respect hiérarchique. Cette école républicaine produit aussi ses excès autoritaires et ses ridicules, perceptibles dans certaines pratiques pédagogiques. L’arrière-plan scolaire d’Ubu Roi, issu d’une caricature d’enseignant, prend sens dans ce contexte d’institutions éducatives puissantes, où la transmission des savoirs s’accompagne d’un modèle d’obéissance civique, parfois dénoncé par la satire littéraire et dramatique de la fin de siècle.
La genèse d’Ubu remonte à la fin des années 1880, lorsque Alfred Jarry, lycéen à Rennes, participe avec des camarades à des parodies scolaires jouées sous forme de farces et de marionnettes. De ces moqueries naît la figure démesurée d’un potentat grotesque, d’abord rattachée à un canevas intitulé Les Polonais. Au fil de réécritures dans les premières années 1890, le matériau bouffon se charge d’ambition littéraire. Jarry transforme la caricature en mythe théâtral, codifiant langage, gestes et univers. Ubu Roi n’est donc pas un surgissement isolé, mais l’aboutissement d’un long jeu d’appropriation et de distorsion des pratiques scéniques et satiriques scolaires.
Le sous-titre ou, les Polonais renvoie à une Pologne envisagée comme lointain évoqué plutôt que comme réalité historique. Depuis la fin du XVIIIe siècle, la Pologne a été partagée entre puissances voisines, et les insurrections du XIXe siècle, notamment en 1830 et 1863, ont nourri en France une solidarité romantique. Jarry détourne cet horizon pour le transformer en nulle part comique, propice à la fable politique. Le pays de la pièce n’obéit pas aux dynasties, frontières ou événements réels. Cette distance garantit la liberté allégorique, tout en rappelant qu’une géographie supposée exotique sert souvent, en littérature, d’écran pour critiquer le proche et le présent.
Dans les années 1890, le naturalisme, porté par Émile Zola au roman et par André Antoine au théâtre, rencontre une opposition symboliste. Fondé en 1893 par Lugné-Poe, le Théâtre de l’Œuvre devient un foyer d’expérimentation hostile au réalisme d’observation. On y privilégie la stylisation, la diction incantatoire, l’éclairage suggestif, la scénographie allusive. Les dramaturges cherchent une scène de l’idée plus qu’une imitation du quotidien. Ubu Roi s’inscrit dans cette mouvance anti-naturaliste, radicalisant la convention théâtrale, l’artifice et le grotesque au point de scandaliser un public habitué aux codes moraux et esthétiques du drame psychologique et de la comédie de mœurs.
La première d’Ubu Roi a lieu à Paris en décembre 1896 au Théâtre de l’Œuvre. Dès le premier mot, la salle se divise entre rires, huées et stupeur. La provocation verbale, la syntaxe déréglée, les néologismes et l’insolence envers les bienséances déclenchent une querelle immédiate. La presse s’empare de l’affaire, oscillant entre dénonciation d’une atteinte au bon goût et défense d’une avant-garde légitime. La représentation ne s’installe pas durablement, mais la polémique fait date. Ce scandale s’inscrit dans une série de débats fin-de-siècle sur le langage, la censure, la morale et la mission du théâtre en société.
Au moment de la première, l’Affaire Dreyfus fracture l’opinion française. L’arrestation de Dreyfus en 1894, sa condamnation, puis les remous qui s’amplifient à partir de 1897-1898 opposent légalistes, militaristes, antisémites et défenseurs des droits. Cette crise révèle les tensions entre raison d’État, justice et presse. Sans traiter directement de l’Affaire, Ubu Roi expose la logique de l’autorité arbitraire, de la bêtise triomphante et de la violence administrative. La pièce, en exacerbant l’absurde, fait résonner la défiance grandissante envers les institutions, montrant comment la langue et les rituels du pouvoir peuvent masquer l’injustice et l’irrationalité.
La France a connu, au début des années 1890, une vague d’attentats anarchistes et une réponse répressive avec les lois dites scélérates de 1893-1894, qui restreignent notamment la propagande et surveillent la presse. Cette atmosphère de peur, alimentée par quelques actes spectaculaires, infuse la sensibilisation du public aux rapports entre ordre et liberté. Ubu Roi, en caricaturant un pouvoir poltron et brutal, parle à une époque où la demande de sécurité justifie parfois l’excès d’autorité. La farce souligne la facilité avec laquelle des dirigeants médiocres instrumentalisent la menace pour gouverner par l’arbitraire et l’intimidation.
