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Extrait : "MATHILDE seule, travaillant au filet. Encore un point, et j'ai fini. (Elle sonne ; un domestique entre.) Est-on venu de chez Janisset ? LE DOMESTIQUE : Non, madame, pas encore. MATHILDE : C'est insupportable ; qu'on y retourne ; dépêchez-vous. (Le domestique sort.) J'aurais dû prendre les premiers glands venus ; il est huit heures ; il est à sa toilette ; je suis sûr qu'il va venir ici avant que tout ne soit prêt. Ce sera encore un jour de retard. (Elle se lève)."À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran : Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : • Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. • Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 47
M. DE CHAVIGNY.
MATHILDE, sa femme.
MADAME DE LÉRY.
(La scène se passe dans la chambre à coucher de Mathilde.)
Encore un point, et j’ai fini. Elle sonne ; un domestique entre. Est-on venu de chez Janisset ?
Non, madame, pas encore.
C’est insupportable ; qu’on y retourne ; dépêchez-vous. Le domestique sort. J’aurais dû prendre les premiers glands venus ; il est huit heures ; il est à sa toilette ; je suis sûr qu’il va venir ici avant que tout ne soit prêt. Ce sera encore un jour de retard. Elle se lève. Faire une bourse en cachette à son mari, cela passerait aux yeux de bien des gens pour un peu plus que romanesque. Après un an de mariage ! Qu’est-ce que madame de Léry, par exemple, en dirait si elle le savait ? Et lui-même, qu’en pensera-t-il ? Bon ! il rira peut-être du mystère, mais il ne rira pas du cadeau. Pourquoi ce mystère, en effet ? Je ne sais ; il me semble que je n’aurais pas travaillé de si bon cœur devant lui ; cela aurait eu l’air de lui dire : « Voyez comme je pense à vous ; » cela ressemblerait à un reproche ; tandis qu’en lui montrant mon petit travail fini, ce sera lui qui se dira que j’ai pensé à lui.
On apporte cela à madame de chez le bijoutier.
Il donne un petit paquet à Mathilde.
Enfin ! Elle se rassoit. Quand M. de Chavigny viendra, prévenez-moi. Le domestique sort. Nous allons donc, ma chère petite bourse, vous faire votre dernière toilette. Voyons si vous serez coquette avec ces glands-là ? Pas mal. Comment serez-vous reçue, maintenant ? Direz-vous tout le plaisir qu’on a eu à vous faire, tout le soin qu’on a pris de votre petite personne ? On ne s’attend pas à vous, mademoiselle. On n’a voulu vous montrer que dans tous vos atours. Aurez-vous un baiser pour votre peine ? Elle baise sa bourse, et s’arrête. Pauvre petite ! tu ne vaux pas grand-chose, on ne te vendrait pas deux louis. Comment se fait-il qu’il me semble triste de me séparer de toi ? N’as-tu pas été commencée pour être finie le plus vite possible ? Ah ! tu as été commencée plus gaiement que je ne l’achève. Il n’y a pourtant que quinze jours de cela ; que quinze jours, est-ce possible ? Non, pas davantage, et que de choses en quinze jours ! Arrivons-nous trop tard, petite ?… Pourquoi de telles idées ? On vient, je crois ; c’est lui ; il m’aime encore.
Voilà M. le comte, madame.
Ah ! mon Dieu ! je n’ai mis qu’un gland et j’ai oublié l’autre. Sotte que je suis ! Je ne pourrai pas encore lui donner aujourd’hui ! Qu’il attende un instant, une minute, au salon ; vite, avant qu’il n’entre…
Le voilà, madame.
Il sort. Mathilde cache sa bourse.
Mathilde, Chavigny.
Bonsoir, ma chère ; est-ce que je vous dérange ?
Il s’assoit.
Moi, Henri ! quelle question !
Vous avez l’air troublé, préoccupé. J’oublie toujours, quand j’entre chez vous, que je suis votre mari, et je pousse la porte trop vite.
Il y a là un peu de méchanceté, mais comme il y a aussi un peu d’amour, je ne vous en embrasserai pas moins. Elle l’embrasse. Qu’est-ce que vous croyez donc être, monsieur, quand vous oubliez que vous êtes mon mari ?
Ton amant, ma belle ; est-ce que je me trompe ?
Amant et ami, tu ne te trompes pas. À part. J’ai envie de lui donner la bourse comme elle est.
Quelle robe as-tu donc ? Tu ne sors pas ?
Non, je voulais… j’espérais que peut-être.
Tous espériez ?… Qu’est-ce que c’est donc ?
Tu vas au bal ? tu es superbe.
Pas trop ; je ne sais si c’est ma faute ou celle du tailleur, mais je n’ai plus ma tournure du régiment.
Inconstant ! vous ne pensez pas à moi, en vous mirant dans cette glace.
Bah ! À qui donc ? Est-ce que je vais au bal pour danser ? Je vous jure bien que c’est une corvée, et que je m’y Irai ne sans savoir pourquoi.
Eh bien ! restez, je vous en supplie. Nous serons seuls, et je vous dirai…
Il me semble que ta pendule avance ; il ne peut pas être si tard.
On ne va pas au bal à cette heure-ci, quoi que puisse dire la pendule. Nous sortons de table il y a un instant.
J’ai dit d’atteler ; j’ai une visite à faire.
Ah ! c’est différent. Je… je ne savais pas… j’avais cru…
Eh bien ?
J’avais supposé… d’après ce que tu disais… Mais la pendule va bien ; il n’est que huit heures. Accordez-moi un petit moment. J’ai une petite surprise à vous faire.
Vous savez, ma chère, que je vous laisse libre et que vous sortez quand il vous plaît. Vous trouverez juste que ce soit réciproque. Quelle surprise me destinez-vous ?
Rien ; je n’ai pas dit ce mot-là, je crois.
Je me trompe donc, j’avais cru l’entendre. Avez-vous là ces valses de Strauss ? Prêtez-les-moi, si vous n’en faites rien.
Les voilà ; les voulez-vous maintenant ?
Mais oui, si cela ne vous gêne pas. On me les a demandées pour un ou deux jours. Je ne vous en priverai pas longtemps.
Est-ce pour madame de Blainville ?
Plaît-il ? Ne parlez-vous pas de madame de Blainville ?
Moi ! non. Je n’ai pas parlé d’elle.
Pour cette fois j’ai bien entendu.