Un pied dans le crime - Eugène Labiche - E-Book

Un pied dans le crime E-Book

Eugène Labiche

0,0

Beschreibung

Extrait : "POTEU seul, sortant de la chambre de droite avec un saloir de cuisine à la main. M.Gaudiband prend son bain de pied. Je lui ai mis quatre poignées de sel. (Il pose son saloir sur le buffet à gauche.) Il a toujours le sang à la tête... mais aussi, il n'est pas raisonnable pour un vieux: toute la journée il pense au beau sexe !... Dès qu'il voit une femme, crac !... il lui pince le coude... histoire de badiner... "

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

• Livres rares
• Livres libertins
• Livres d'Histoire
• Poésies
• Première guerre mondiale
• Jeunesse
• Policier

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 91

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



EAN : 9782335091656

©Ligaran 2015

Personnages

GATINAIS.

GAUDIBAND.

EDGARD VERMILLON.

POTEU.

GEINDARD.

MAITRE BAVAY, avocat.

MADAME Gatinais.

LUCETTE.

JULIE.

MARGUERITE.

UNE DAME DE COMPTOIR.

UN GARÇON DE CAFÉ.

 

La scène se passe, au premier acte, à Antony, près Paris, chez Gaudiband. Deuxième et troisième actes, à Paris.

Acte premier

Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales. Porte au fond.

Scène première

Poteu seul, sortant de la chambre de droite avec un saloir de cuisine à la main.

M. Gaudiband prend son bain de pied. Je lui ai mis quatre poignées de sel. Il pose son saloir sur le buffet à gauche. Il a toujours le sang à la tête… mais aussi, il n’est pas raisonnable pour un vieux : toute la journée il pense au beau sexe !… Dès qu’il voit une femme, crac !… il lui pince le coude… histoire de badiner… ça ne va jamais plus loin, à ce que disent les dames d’Antony. C’est égal, il a dû être très gaillard dans son temps… témoin ce petit M. Edgard Vermillon qu’il appelle son filleul. À mon avis, il doit lui être plus que ça… Quand un homme riche a un filleul, il en fait un ébéniste ou un emballeur… mais pas un avocat ! Apercevant Edgard au fond. Justement le voici.

Scène II

Poteu, Edgard ; habit noir, cravate blanche, une serviette d’avocat sous le bras.

EDGARD,vivement, venant du fond.

Bonjour, Poteu. Où est mon parrain ?

POTEU

Monsieur ?… il trempe.

EDGARD

J’apporte du nouveau. Tu ne sais pas ce qu’on vient de me remettre chez le concierge ?

POTEU

Non.

EDGARD

Un papier timbré, un acte extra-judiciaire pour parrain.

POTEU

Ah ! je sais de qui… c’est du voisin, M. de Blancafort !

EDGARD

Ah ! il croit nous faire peur ; nous allons voir.

POTEU

Qu’est-ce qu’il nous veut encore, ce vieux noble ?

EDGARD

Enfin ! voilà la guerre déclarée ; il va pleuvoir des sommations, des significations, des assignations…

POTEU

Mais, pourquoi ?

EDGARD

Mon ami, entre voisins, à la campagne, ça finit toujours par là.

POTEU

Ils étaient si amis autrefois ! ils avaient fait ouvrir une porte de communication dans le mur qui sépare les deux jardins… les domestiques en profitaient…

EDGARD

Maintenant elle est murée.

POTEU

Ils échangeaient des primeurs… des melons… et les domestiques en profitaient.

EDGARD

Maintenant ils échangent par-dessus le mur des trognons de chou et des assiettes cassées. Il paraît qu’ils ont des griefs.

POTEU

Des bêtises ! M. de Blancafort se plaint du chat de M. Gaudiband, qui vagabonde la nuit et se livre à une musique surexcitante… Il nous a priés de le tenir à l’attache.

EDGARD

À quoi parrain a répondu une lettre très sèche… « Monsieur, commencez par museler vos pigeons, qui viennent s’ébattre dans mon potager et picorer mes petits pois… »

POTEU

Les Blancafort se plaignent encore des statues de monsieur.

EDGARD

Ce sont des reproductions de l’antique.

POTEU

Le jardin en est plein… madame de Blancafort dit que ça lui fait l’effet comme si qu’elle aurait sous ses fenêtres une école de natation.

EDGARD

Chacun cultive son jardin comme il l’entend ! Il convient bien à M. de Blancafort de se plaindre, lui qui a un noisetier qui déborde sur le mur mitoyen d’une façon scandaleuse !

POTEU

C’est le mot.

EDGARD

Nous lui dirons deux mots, à son noisetier…

POTEU

Et à ses noisettes.

Scène III

Les mêmes, Gaudiband.

GAUDIBAND,sortant de la porte de droite, deuxième plan ; à lui-même.

Ces bains de pieds me font un bien incroyable… Ah ! bonjour, Edgard !

EDGARD,l’embrassant.

Parrain…

POTEU,à part.

Ça un filleul ? allons donc !…

GAUDIBAND

Quoi de nouveau, Poteu

POTEU

On a encore volé votre chasselas cette nuit.

GAUDIBAND,à Edgard.

Il y a un gredin qui, toutes les nuits, passe par-dessus le mur et cueille mon raisin à mesure qu’il mûrit !

EDGARD

Il faut le guetter.

GAUDIBAND

Quand on le guette, il ne vient pas… et, dès qu’on ne le guette pas, il vient.

EDGARD

Alors il faut procéder à une enquête.

GAUDIBAND

Comment ça ?

EDGARD

Je m’en charge ! À Poteu. Tu vas prendre deux arrosoirs, tu mouilleras fortement le pied des vignes, afin que la terre soit bien détrempée… et, quand le voleur viendra, nous aurons l’empreinte exacte de ses pas… nous compterons jusqu’aux clous de ses souliers.

GAUDIBAND

Tiens ! c’est très malin.

EDGARD

C’est un garde champêtre qui m’a appris ça.

GAUDIBAND,à Poteu.

Tu entends ?… va mouiller le pied des vignes.

POTEU

Oui, monsieur, À part. Il est éreintant, son moyen !

Il sort par le fond.

EDGARD

Soyez tranquille ; nous pincerons votre voleur.

GAUDIBAND

Si ça pouvait être Blancafort ! je le ferais asseoir au banc de l’infamie.

EDGARD

Oh ! ce n’est pas probable !… ce matin, il vous a envoyé quelque chose.

GAUDIBAND

Un trognon de chou. Je disais aussi : « Voilà bientôt douze heures que je n’ai rien reçu de lui… »

EDGARD

Un papier timbré.

GAUDIBAND

Un papier timbré, à moi !… le misérable !… le… Se calmant. Non, je ne veux pas me mettre en colère, ça me fait monter le sang à la tête… et je passe ma vie à tremper mes pieds dans l’eau… Qu’est-ce qu’il chante, son papier timbré ?

EDGARD

Le voici : Lisant. « Ce 13 septembre 1865, monsieur Ajax Rutile de Blancafort fait sommation au sieur Gaudiband… »

GAUDIBAND

Il m’appelle le sieur Gaudiband ! Se calmant. Non, je ne veux pas me mettre en colère.

EDGARD,lisant.

« Primo… D’avoir à contenir son chat, qui se livre la nuit à des courses folles et malséantes… »

GAUDIBAND

Mon chat est libre… depuis la prise de la Bastille ! Vieux noble !

EDGARD,lisant.

« Secundo… D’avoir à draper ses statues, qui peuvent offenser les regards des dames qui se reposent dans le kiosque dudit monsieur Ajax-Rutile de Blancafort. »

GAUDIBAND

Qu’elles ne regardent pas !

EDGARD,lisant.

« Faute de quoi, il poursuivra le sieur Gaudiband par tous les moyens de droit… »

GAUDIBAND

Toujours le sieur Gaudiband !

EDGARD

« Coût : six francs soixante-quinze centimes. »

GAUDIBAND

Eh bien, veux-tu que je te dise ce que je pense de Blancafort ?… C’est un polisson de la vieille roche !

EDGARD,allant à la table de gauche.

Il faut lui répondre de la même encre et sur papier timbré… Coût : six francs soixante-quinze centimes.

GAUDIBAND

Oui !… Il n’y en pas de plus cher ?

EDGARD

Non… Attendez, nous allons rédiger un modèle de sommation.

GAUDIBAND

Salée !…

EDGARD

Que nous lui ferons porter par le même huissier…

GAUDIBAND

C’est ça ! Écris : Dictant. « Moi, Jean-Paul-Émile-Ernest-Stanislas-Edgard Gaudiband. »

EDGARD

« Band ! »

GAUDIBAND

« Propriétaire, à Antony…, d’une maison qui ne doit rien à personne… »

EDGARD

« Sonne ! »

GAUDIBAND

« Fais sommation au sieur Blancafort… » souligne sieur… « d’avoir… d’avoir… » S’interrompant. Qu’est-ce que nous allons lui demander ?

EDGARD

Laissez-moi faire, ça me connaît ! Écrivant. « Primo… D’avoir à contenir ses pigeons, qui viennent, sans mon autorisation, s’ébattre sur ma pelouse… »

GAUDIBAND,dictant.

« Et s’y livrent à des voltiges folles et malséantes… »

EDGARD,écrivant.

« Faute quoi, monsieur Gaudiband… »

GAUDIBAND

« Jean-Paul-Émile… »

EDGARD,écrivant.

« Se fera justice par tous les moyens de droit que lui donne la loi du 3 prairial an V… »

GAUDIBAND

« 3 prairial an v !… » Ah ! Edgard, je ne regrette pas l’argent que m’ont coûté tes examens !

EDGARD

Ce n’est pas fini. Écrivant. « Secundo. Fais, en outre, sommation audit sieur Blancafort… »

GAUDIBAND

Souligne sieur !

EDGARD,écrivant.

« D’avoir à élaguer son noisetier, qui déborde… »

GAUDIBAND,dictant.

« D’une façon cavalière et impertinente… »

EDGARD,écrivant.

« Sur le mur mitoyen… Faute de quoi, il procédera lui-même, hic et nunc… »

GAUDIBAND

Du latin !… il n’en a pas mis, lui ! C’est un âne !

EDGARD,écrivant.

« Hic et nunc, à l’élagage dudit… »

GAUDIBAND

« Sieur de Blancafort… »

EDGARD

Non… « Dudit noisetier ! conformément aux dispositions de la loi du 9 ventôse an VII… »

GAUDIBAND

Bravo ! j’ose dire que c’est tapé !

EDGARD,se levant.

Je cours porter cela chez l’huissier.

GAUDIBAND

Et reviens vite. J’attends aujourd’hui la famille Gatinais, père, mère et fille.

EDGARD,descendant la scène.

Mademoiselle Julie, dont vous m’avez parlé !

GAUDIBAND,au milieu de la scène.

Voyons, franchement, l’aimes-tu ?

EDGARD

Mais je ne l’ai jamais vue.

GAUDIBAND

Je vais te la dépeindre. Son père est un ancien marchand de fil de fer galvanisé… la mère est une femme ravissante, qu’on ne peut regarder sans être profondément troublé… elle n’a que six ans de plus que sa fille.

EDGARD

Comment, six ans ?… C’est une créole ?

GAUDIBAND

Non, elle est de Bougival… Gatinais a eu sa fille d’un premier mariage…

EDGARD

Et comment est-elle ?

GAUDIBAND

Mais c’est une demoiselle… très bien… qui joue du piano… Le père racle du violon… L’autre jour, il m’a un peu embarrassé… il m’a demandé ce que tu faisais.

EDGARD

Je suis avocat.

GAUDIBAND

Oui, mais tu ne plaides jamais.

EDGARD

J’ai d’autres visées… plus hautes… J’ai l’espoir d’être nommé un jour secrétaire du secrétaire du parquet.

GAUDIBAND

Tu le connais ?

EDGARD

Non… c’est-à-dire… je l’ai rencontré dans le monde… l’ai même eu dernièrement l’honneur de faire son wisth… Alors, quand il se commet un petit crime, un petit délit… je me permets de lui envoyer des notes, dont il ne se sert pas toujours… mais cela me pose… cela m’affirme…

GAUDIBAND

Quel drôle d’état ! Je n’ai jamais songé à m’affirmer.

EDGARD

Que voulez-vous !… c’est ma vocation… j’aime à conclure ; j’adore faire une enquête, traquer le vice et défendre la société.

GAUDIBAND

Cher enfant ! Il l’embrasse avec émotion. Va… va vite chez l’huissier.

EDGARD

J’y cours !

Il sort par le fond.

Scène IV

Gaudiband, puis Poteu.

GAUDIBAND,seul.

C’est plus fort que moi… Chaque fois que je l’embrasse, je sens une larme.

POTEU,entrant.

Voilà encore les pigeons dans le jardin !

GAUDIBAND

C’est trop fort !… malgré ma sommation ! Il est vrai qu’il ne l’a pas encore reçue… N’importe ! Charge le fusil et tire dessus… Je suis dans mon droit… 3 prairial an V !

POTEU,chargeant le fusil.

Je leur mets du plomb à lièvre.

GAUDIBAND

Et, dès que tu les auras massacrés… tu prendras une serpe et tu iras couper le noisetier… 9 ventôse an VII.

POTEU

Je viens de le gauler, son noisetier… J’attendais que les noisettes soient mûres… Les voilà !… En voulez-vous ?