Un projet de décroissance - Collectif - E-Book

Un projet de décroissance E-Book

Collectif

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Beschreibung

Cet ouvrage propose des solutions concrètes pour parvenir à une société plus juste et respectueuse de l'environnement.

Depuis le début des années 2000 a émergé un nouveau mouvement de pensée autour du slogan provocateur « Décroissance ». À travers la critique radicale de la société de croissance et de son impasse, cet OVNI politique a su enrichir les débats et les discussions.

Les réflexions du Parti pour la Décroissance, partie prenante de ce mouvement, ont débouché sur une proposition appelée Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA), couplée à un Revenu Maximum Acceptable.

Ce manifeste pour une DIA part des origines de la Décroissance et propose des pistes, des réflexions susceptibles d’initier une transition sereine et démocratique vers des sociétés écologiquement soutenables et socialement justes. Il représente en cela Un projet de décroissance.

Un ouvrage incontournable pour faire de la politique autrement !

EXTRAIT

« C’est la crise ! ». Depuis les années 1970, la « crise » est régulièrement au centre de toutes les politiques et de tous les discours médiatiques. Comme si une crise pouvait durer aussi longtemps. Comme si ce qui se passe depuis cette période pouvait vraiment s’appeler « crise ». Le terme « crise » n’est-il pas savamment employé pour faire croire à un phénomène naturel auquel nous serions entièrement soumis ? Cette dénomination permet d’occulter les causes réelles, les responsabilités de ceux qui les ont provoquées et même d’en appeler à ces derniers pour nous en protéger et pour nous en sortir. Les caractères naturel et occultant du mot « crise » sous-entendent respectivement que nous ne contrôlons pas cette calamité et que nous n’avons rien d’autre à faire que de nous en protéger, puisque cette protection consiste à « nous adapter aux marchés » (autre phénomène soi-disant naturel !), « à accepter de devenir plus compétitif » ou « à admettre les nécessaires réformes ».

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

La condition pour réussir cette transformation radicale de l'économie est "une forte adhésion de tous et une participation à cette volonté de changement". Pour le moins... Mais il faut bien commencer un jour, et ce petit livre stimulant y contribue incontestablement. - Hervé Kempf, Le Monde

À PROPOS DES AUTEURS

Les auteurs de cet ouvrage sont des objecteurs de croissance qui participent depuis 2008 à la construction du mouvement politique de la Décroissance à travers la relance du Parti Pour La Décroissance (PPLD) en 2008, la campagne Europe-Décroissance 2009, la création de l’AdOC, des luttes unitaires dans une logique de convergence, les Campagnes Décroissance 2012, etc.

Leur ambition : faire de la politique autrement afin de diffuser les idées de la Décroissance pour dénoncer les méfaits du système croissanciste et médiatique afin de promouvoir et construire une transition sereine et démocratique vers de nouveaux modèles de sociétés soutenables et souhaitables.
Vincent Liegey, doctorant sur la Décroissance à l’université d’économie de Budapest (porte-parole du PPLD depuis janvier 2008).
Stéphane Madelaine, professeur de Sciences Industrielles pour l’Ingénieur en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (membre du conseil national du PPLD).
Christophe Ondet, gestionnaire de collège (ancien secrétaire national du PPLD).
Anne-Isabelle Veillot, auxiliaire de vie scolaire

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Travaux réalisés dans le cadre du mouvement politique de la Décroissance, en particulier au sein du Parti Pour La Décroissance, de l’Association d’Objecteurs de Croissance et des campagnes Décroissance 2012.

Remerciements

Serge Latouche, Paul Ariès, Jacques Grinevald, Thomas Avenel, Noémie Candiago, Marie-Caroline Cheminot, Adrien Despoisse, Cynthia Ducau, Gaidig Evenou, Gwendal Evenou, Philippe Huet, Joop Zoetemelk, Daniel Liegey, Géraldine Liegey, Oriane Milekic-Veillot, François Mavré, Anne-Laure Pailloux, Anne Rossignol, Françoise Stocker, Séverine Suster, et Rebeka Szabo.

Et aussi les ami-e-s : du PPLD, de l’AdOC, du MOC, de Research & Degrowth, d’Entropia, du Collectif parisien pour la Décroissance, du ChOC, de l’AlterTour, de CsigaHaz et de l’Ekotopia bike tour, collectif Yvelines-Décroissance.

Avant-propos

Les notions de revenu inconditionnel d’existence, de revenu maximum acceptable, d’extension des sphères de la gratuité, de renchérissement du mésusage, de monnaies locales, de relocalisation ouverte, de transition, mais aussi les questions de stratégies politiques et d’organisation du mouvement ont été, ces dernières années, au centre des discussions et des débats au sein des composantes du mouvement de la Décroissance.

Depuis quelques mois, certaines thématiques ont été approfondies, notamment sur la politique à adopter face à la dette ou à la création monétaire, sur l’après-pétrole, sur la façon de sortir du capitalisme et du productivisme ou encore sur la manière de repolitiser la société.

Ces discussions ont abouti, pour une grande partie d’Objectrices et d’Objecteurs de croissance (OC), à la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA) couplée à un Revenu Maximum Acceptable (RMA), devenus un chapeau de mesures économiques et sociales susceptibles d’enclencher des cercles vertueux pour tendre vers une Décroissance soutenable, sereine et conviviale.

À travers ce manifeste, nous souhaitons ouvrir un débat constructif, afin que ce projet de transition soit discuté, expérimenté et adapté ici et là de manière progressive. Sans être pour autant un outil clef en main, cette DIA est un levier pour sortir de l’impasse dans laquelle nous amène toujours plus vite la société de croissance.

Ce manifeste s’inscrit également dans notre stratégie de convergence des gauches anticapitalistes vers l’antiproductivisme et dans la volonté de continuer ce travail de réflexion et de débat initié depuis quelques années en France, mais aussi partout dans le monde.

Les auteurs de cet ouvrage sont des objecteurs de croissance qui participent depuis 2008 à la construction du mouvement politique de la Décroissance à travers la relance du Parti Pour La Décroissance (PPLD) en 2008, la campagne Europe-Décroissance 2009, la création de l’AdOC, des luttes unitaires dans une logique de convergence, les Campagnes Décroissance 2012, etc.

Leur ambition : faire de la politique autrement afin de diffuser les idées de la Décroissance pour dénoncer les méfaits du système croissanciste et médiatique afin de promouvoir et construire une transition sereine et démocratique vers de nouveaux modèles de sociétés soutenables et souhaitables.

– Vincent Liegey, doctorant sur la Décroissance à l’université d’économie de Budapest (porte-parole du PPLD depuis janvier 2008).

– Stéphane Madelaine, professeur de Sciences Industrielles pour l’Ingénieur en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (membre du conseil national du PPLD).

– Christophe Ondet, gestionnaire de collège (ancien secrétaire national du PPLD).

– Anne-Isabelle Veillot, auxiliaire de vie scolaire (secrétaire nationale du PPLD).

Pour retrouver plus de liens, articles, textes, vidéos, références et discussions autour du livre : www.projet-decroissance.net.

Contact : [email protected]

Préface

Notre société capitaliste et productiviste du « toujours plus » est en crise… Nous ne devons pas cependant attendre que ce système s’écroule de lui-même et que de ses ruines encore fumantes surgisse spontanément un monde meilleur. J’appartiens à ceux qui préfèrent chanter au présent plutôt qu’à de lointains lendemains qui chantent. C’est dès maintenant que nous devons commencer à trouver des issues. Nous avons une bonne nouvelle à apporter à l’humanité : la société des humains est déjà assez riche pour permettre à plus de sept milliards d’humains de bien vivre…

Nous n’avons donc pas à courber l’échine devant les politiques de récession sociale mais nous devons, bien au contraire, affirmer qu’être fidèles aux combats émancipateurs de nos anciens, c’est être aujourd’hui encore plus exigeants, c’est donc imposer un nouveau pacte de droits sociaux qui ne soit pas en retrait, c’est imaginer un nouveau pacte qui ne nous conduise pas à défendre un système qui nous tue, mais qui nous permette de commencer à changer véritablement de société.

Nous avons un débat entre nous sur la bonne façon de nommer ce nouveau pacte : revenu social, Dotation Inconditionnelle d’Autonomie, revenu universel ou de citoyenneté, salaire socialisé, dividende social, peu importe finalement le terme. L’essentiel c’est que les adeptes d’un revenu garanti inconditionnel se disent tous convaincus qu’il ne s’agit pas d’être moins disant socialement mais mieux disant… L’essentiel c’est que nous soyons tous convaincus que cette Dotation Inconditionnelle d’Autonomie est un composant essentiel de ce nouveau pacte social qui permettra d’avancer vers plus d’autonomie et d’en finir, au plus vite, avec la centralité du travail dans nos vies.

Les débats sur les formes que prendra ce revenu social doivent se poursuivre. Nous avons tout à gagner à ne pas cultiver ce qui nous différencie, mais à chercher une convergence qui tienne compte de notre histoire sociale, politique et culturelle. Nous devons en finir avec plus de vingt ans d’échec du combat en faveur de ce revenu social, nous ne devons pas davantage être dupes lorsque nos adversaires comme Alain Madelin, Christine Boutin ou Dominique de Villepin parlent de « dividende social ». Ce qui nous oppose à la droite ce n’est pas seulement le montant du revenu garanti, ce n’est pas uniquement son caractère universel ou pas, inconditionnel ou pas, c’est la place qu’occupe ce revenu garanti universel et inconditionnel comme instrument de sortie du capitalisme et du productivisme. Pour le dire autrement : la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie n’est en rien un simple revenu de survie ! Il est lié à la notion de don, de gratuité, donc à la construction de « communs »…

J’ai toujours dit ma préférence pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie qui prendrait plusieurs formes : une partie sous forme de monnaie nationale (en euros), une autre partie importante sous forme de monnaie locale à inventer (afin de faciliter notamment la relocalisation de biens socialement et écologiquement responsables) et une partie, essentielle à mes yeux, distribuée sous forme de droits d’accès aux biens communs (gratuité de l’eau vitale, des transports en commun, bouclier énergétique, etc.). Je suis convaincu que notre combat pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie doit prendre avant tout la forme de la défense et de l’extension de la sphère de la gratuité (libre accès à certains biens et services).

Ce Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA) ouvre un grand chantier, celui d’une décroissance économique qui profite d’abord aux plus pauvres, celui d’une décroissance qui, se refusant à réclamer plus d’austérité encore à « Hollandréou », cherche à inventer ce que pourrait être une politique du Buen vivir à la française !

PAUL ARIÈSDirecteur de La vie est à nous ! / Le sarkophage.Rédacteur en chef de la revue les Z’indigné-e-s.

1.Pourquoi la Décroissance ?

À travers ce premier chapitre, nous souhaitons introduire et expliquer les critiques et réflexions qui nous ont amené à réfléchir et à soutenir une Dotation1 Inconditionnelle d’Autonomie2 (DIA) couplée à un Revenu Maximum Acceptable (RMA)3. Nous allons essayer de présenter les grandes lignes de ce que pourrait être une DIA, ses objectifs et son contenu et en quoi elle représente un outil susceptible de nous faire sortir de la religion de la Croissance4 et d’initier une transition vers des sociétés soutenables et souhaitables basées sur la Décroissance5.

Le problème, c’est la Croissance !

« C’est la crise ! ». Depuis les années 1970, la « crise » est régulièrement au centre de toutes les politiques et de tous les discours médiatiques. Comme si une crise pouvait durer aussi longtemps. Comme si ce qui se passe depuis cette période pouvait vraiment s’appeler « crise ». Le terme « crise » n’est-il pas savamment employé pour faire croire à un phénomène naturel auquel nous serions entièrement soumis ? Cette dénomination permet d’occulter les causes réelles, les responsabilités de ceux qui les ont provoquées et même d’en appeler à ces derniers pour nous en protéger et pour nous en sortir. Les caractères naturel et occultant du mot « crise » sous-entendent respectivement que nous ne contrôlons pas cette calamité et que nous n’avons rien d’autre à faire que de nous en protéger, puisque cette protection consiste à « nous adapter aux marchés » (autre phénomène soi-disant naturel !), « à accepter de devenir plus compétitif » ou « à admettre les nécessaires réformes ». Ce terme cache le vrai problème, qui n’est en aucun cas un phénomène indépendant de la main de l’homme.

Nous vivons dans une société de Croissance, c’est-à-dire que notre société est condamnée à croître ou à mourir. Cette société, perfusée au pétrole, se heurte aux limites finies de notre monde. La « crise », c’est la société de Croissance qui est incapable d’imaginer d’autres solutions que le productivisme et le capitalisme, causes de cette même « crise ». Le problème, c’est cette croissance qui accumule dramatiquement toutes les crises, bien réelles celles-ci : environnementales, énergétiques, économiques, financières, politiques, démocratiques, sociales, culturelles et sociétales.

Le productivisme se caractérise par un tirage toujours plus fort sur les ressources naturelles. Nous assistons à la déplétion des énergies, des métaux et de la biodiversité. Le productivisme nous fait dépasser les capacités d’auto-régénération de la planète.

C’est un fait, le capitalisme augmente les inégalités. Les pays du nord s’enrichissent en exploitant les ressources des pays du sud et les asservissent par une dette financière écrasante supposée financer un développement illusoire. Au sein même de chaque pays, les écarts de revenus augmentent constamment, avec des situations sociales de plus en plus précaires. La Croissance est toujours présentée comme seul horizon, à tel point qu’elle phagocyte le fonctionnement de nos institutions et galvaude encore davantage la démocratie. Vivons-nous en démocratie, tant nos institutions sont dépendantes de la croissance ?

Quand bien même les périls sociaux et environnementaux ne menaceraient pas, il s’agit de retrouver le sens de nos vies en nous libérant des outils d’asservissement à l’économie reine. Ces outils sont la concurrence, la compétitivité, la marchandisation du monde, l’addiction à la consommation entretenue par la publicité6, l’adaptation au techno-scientisme, l’aliénation au travail salarié, etc. L’humanité ne doit pas être au service de l’économie.

Le problème, c’est cette Croissance ; et pourtant, depuis quarante ans, et plus que jamais en 2013, la « Croissance » s’est imposée comme la solution à tous nos problèmes. Cette croyance s’est construite lors de cette parenthèse dorée que représentent les « 30 glorieuses ». Cette période de forte croissance et de prospérité économique a marqué l’imaginaire de plusieurs générations. Mais il s’agit bien d’une exception historique, que seule une minorité a connue. Nous étions dans l’après-guerre et donc dans une période de reconstruction intense, s’appuyant sur les importations massives de matières premières de nos colonies mais aussi d’une main-d’œuvre corvéable. Cette période nous a fait oublier les limites de la planète et construire cette croyance dans le développement économique comme seul vecteur de bien-être.

De même, la mythologie de la « Croissance » veut que l’augmentation du Produit Intérieur Brut (PIB) fasse baisser le chômage. Mais, depuis quarante ans, si le PIB a augmenté régulièrement, le taux de chômage s’est accru pour stagner autour de 10 %. Un volant de chômage est même nécessaire au bon fonctionnement du capitalisme afin que le travail reste une valeur marchande négociable pour l’employeur. La croissance qui assure le plein-emploi est donc bien un mythe dont la croyance reste ancrée dans nos imaginaires.

Et ce n’est qu’un exemple des innombrables idées reçues véhiculées par le capitalisme.

Pourquoi cette croyance est-elle si implantée ? Sur quoi s’appuie-t-elle ? Quelle est donc cette « Croissance » dont nous entendons parler inlassablement ?

Le terme de croissance a plusieurs sens. C’est à la fois un indice mathématique, un imaginaire et un système.

La croissance est un indice mathématique qui mesure l’augmentation continuelle de la production de biens, de services et d’échanges dans une économie. Cette production est mesurée par le PIB. Ce dernier ne tient compte ni de la qualité ni du contenu des productions : une économie qui soigne au lieu de prévenir est en croissance. Le nettoyage d’une marée noire ou une guerre participe à la croissance de la même façon que la construction d’une école.

La Croissance est un imaginaire puisque la Croissance, c’est le progrès, c’est du mieux. Une plante croît. Un enfant grandit. La croissance, c’est positif. La croissance apporte le bonheur… la croissance est la condition du bien-être des populations. La croissance est synonyme d’emplois. Dans l’imaginaire collectif, la croissance est la bonne direction que doivent suivre nos sociétés développementistes et progressistes… Vouloir la croissance, c’est donc vouloir notre bien.

La croissance incarne le système capitaliste. Un productivisme redoutablement efficace pour faire croître le PIB. Ce système s’appuie sur la technologie, voire le techno-scientisme, sur la centralité de la valeur travail, l’esprit de concurrence, le devoir de compétitivité et les inégalités. L’obsolescence programmée7, la dette et la publicité sont les indispensables outils permettant au système de ne jamais s’arrêter.

L’idéologie de la Croissance consiste à faire l’amalgame entre ces trois sens, afin de produire un dogme que seuls des « fous » pourraient remettre en cause. C’est ainsi qu’une certaine oligarchie s’appuie sur un indice, apparemment objectif, pour conforter le système et ses « bienfaits », en promettant l’imaginaire lié à cette croissance. La promesse du bonheur au service d’un système. Une croyance qui relève de la pensée magique… une religion.

De plus, dans nos sociétés capitalistes, cette religion contraint les États d’un point de vue budgétaire. En effet, les recettes fiscales de l’État sont indexées sur le taux de croissance. Donc, plus il y a de croissance, plus le budget de l’État est élevé. De cette façon, nos gouvernants ont plus de facilité à guider les destinées du pays, d’autant plus qu’en l’absence de croissance, ils ont recours à l’emprunt. Cette contrainte a, par ailleurs, pour conséquence de phagocyter le fonctionnement démocratique de nos institutions. Nous voyons bien que même du point de vue d’élus qui seraient pragmatiques, l’asservissement au PIB va au-delà de la mythologie croissanciste, puisqu’elle est aussi technique. Cette dimension technique est un obstacle important à surmonter pour espérer ébranler l’idéologie de la Croissance, car notre dépendance à la croissance économique est aussi systémique.

Notre modèle économique est condamné à croître ou à mourir si ce n’est à croître puis à mourir.

Le problème, c’est cette Croissance ! Il est important de marteler qu’il ne s’agit pas de choisir entre « Croissance » ou « Décroissance » mais bien entre une « Décroissance volontaire et démocratique » ou une « récession subie et oligarchique »8. Il n’y a rien de pire qu’un taux de croissance négatif dans une société de Croissance. Il n’y a qu’une seule solution pour que la récession ne s’apparente pas à la barbarie, c’est de faire un « pas de côté », de changer de paradigme, de décoloniser nos imaginaires et de sortir de notre dépendance à la Croissance, que ce soit d’un point de vue psychologique, culturel, institutionnel, économique ou social.

Penser autrement pour faire un pas de côté, les chemins de la Décroissance

Aux origines de la Décroissance

Il est tout aussi absurde de vouloir la décroissance pour la décroissance que de vouloir la croissance pour la croissance. La Décroissance n’est pas la décroissance de tout pour tous, ni un retour en arrière vers un pseudo-bonheur perdu. Il n’est pas question de demander à la population, et notamment à nos anciens qui ont connu leurs mises en place, de renoncer à l’eau qui coule du robinet ; à la lumière qui s’allume en appuyant sur un bouton ; aux toilettes à l’intérieur du logement, à la chaleur ; etc. La préservation de ces éléments de confort ne dépend plus, depuis les années 70, d’une perpétuelle augmentation de la Croissance. À cette époque, le gouvernement partait de « presque rien » et la société n’était pas encore saturée de biens de consommation. La société de Croissance n’est aujourd’hui plus synonyme de bien-être et encore moins de bonheur. Elle est simplement synonyme de superflus destructeurs. La Décroissance propose ainsi de réévaluer notre vision moderne du confort. La Décroissance est bien un virage, une bifurcation, que nous devons prendre afin de sortir de l’engrenage destructeur de la société de Croissance.

Le terme même de Décroissance renvoie à une nouvelle pensée multidimensionnelle s’appuyant sur deux approches diverses mais complémentaires9, qui se sont imposées contre les limites physiques et culturelles d’une croissance infinie dans un monde fini :

Approche physique : la Décroissance alerte sur l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini. Elle s’appuie sur les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen, considéré comme le père de la Décroissance, et en particulier sur ses travaux au sujet de la dimension entropique des processus économiques, mais aussi sur ceux du Club de Rome et du rapport Meadows, sur les théories du pic de pétrole et du « peak everything »10, sur des études sur l’effondrement de la biodiversité, des dérèglements climatiques, de l’appauvrissement des terres11 ou encore des effets sur nos sociétés de la pollution chimique qui viennent renforcer l’idée de l’insoutenabilité de la croissance.

La Décroissance propose des pistes pour vivre avec moins sans pour autant augmenter les inégalités : comment donner accès à tous à la quantité vitale de ressources limitées et sans les gaspiller ?

Quand bien même une croissance infinie dans un monde fini était possible, ne faudrait-il pas questionner le sens du toujours plus ?

Approche culturelle : la Décroissance développe également une critique culturelle ou anthropologique de la société de croissance et de manière générale de la société occidentale. Cette critique s’appuie notamment sur les travaux d’Ivan Illich et ses réflexions sur la convivialité, l’école, la santé, la société techno-scientiste ; de Jacques Ellul et de Bernard Charbonneau avec leurs critiques de la modernité, de la religion des sciences et des technologies ; de François Partant et de Serge Latouche avec leurs critiques du développement ; de Majid Rahnema sur la distinction entre pauvreté et misère ; d’André Gorz, l’un des pères de l’écologie politique, et sa critique du capitalisme et en particulier du travail ; de Cornelius Castoriadis et ses travaux sur la démocratie, en particulier le concept d’autonomie ; de Ernst Schumacher et son « Small is beautiful » ; de Guy Debord avec sa « Société du spectacle » ; de Gandhi et la simplicité volontaire, la non-violence ainsi que la désobéissance civile ; et la notion de décolonisation de l’imaginaire, etc.

Cette liste est évidemment non exhaustive car la Décroissance s’enracine dans un corpus hétéroclite, tant sa dimension est plurielle et complexe, autant que le système qu’elle critique. S’arrêter seulement à une de ces approches est insuffisant et risque même de nous enfermer dans une vision simpliste voire dogmatique et dangereuse. Nous tenons à souligner l’importance fondamentale de cette diversité et de cette radicalité12 qui donnent à la Décroissance sa cohérence.

Plus récemment, la Décroissance est aussi devenue un champ de recherche académique13, en particulier au sein de l’économie de l’écologie. Un réseau de chercheurs internationaux se structure, Research and Degrowth14. La troisième conférence internationale sur la Décroissance a eu lieu à Venise en septembre 201215, après celles de Paris en 2008 et de Barcelone en 2010. Les Amériques, également, voient ce concept s’imposer dans le champ universitaire et une conférence a eu lieu au mois de mai 2012 à Montréal.

La transdisciplinarité, c’est-à-dire une approche interdisciplinaire intégrant la société civile, en particulier les alternatives concrètes et les expériences de structuration de mouvements politiques centrées sur les thématiques de la Décroissance, rendent ces travaux novateurs et réconcilient le monde académique avec la politique, entendue dans son sens de participation à la vie de la Cité. À Barcelone, le dogme de la Croissance a été ébranlé, allant jusqu’à permettre à l’économiste Juan Martinez-Alier d’affirmer que «