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Extrait : "Le théâtre représente un carrefour de village. — Au premier plan, à droite, une maison basse, couverte en tuiles ; au-dessus de la porte est une branche de houx. On lit sur le mur : JEAN DENIS, MARCHAND DE VIN, SON ET AVOINE. Devant la porte, des roues, des brancards, des perches, du bois, un noyer, sous lequel est un établi. — Prolongement d'une haie ; un enclos. Au gauche, au premier plan, maison avec un banc de pierre ; à côté, une chaumière."
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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 134
Veröffentlichungsjahr: 2016
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À MONSIEUR TISSERANT
Vous accepterez la dédicace de ce drame, très cher et très excellent artiste, en remerciement des intelligents conseils que vous nous avez donnés et du rare talent dont vous avez fait preuve dans la création du rôle du taupier. Du reste, peu de pièces, nous tenons à le constater, ont eu le bonheur d’être aussi consciencieusement interprétées. Thiron s’est montré, pendant cinq actes, un grand acteur : gestes, diction, costume, tout en lui a été parfait et a révélé ce vis comica qui devient si rare aujourd’hui. Laray, qui avait déjà triomphé cette année des difficultés sans nombre du Marchand malgré lui, a affirmé une fois de plus la souplesse et la consistance de son talent. Guichard a su rendre la physionomie tragique de Deniset, cet Oreste de village. Tous, enfin, Demarsy, en chantant la chanson du quatrième acte, Emmanuel, dans un rôle ingrat, Fréville et Ferrier, dans quelques scènes épisodiques, ont concouru d’une façon remarquable à la réussite de cet ouvrage. Si nous avons jamais regretté de n’avoir pas donné plus de développements aux caractères de femmes, c’est en voyant le jeu fin et naïf de mademoiselle Mosé, toute charmante dans le personnage de Jeanne, l’énergie attendrie de madame Lemaire, et la langueur touchante de mademoiselle Bertin.
Nous tenons encore à remercier avec effusion tous les critiques des grands et des petits journaux, y compris M. de Biéville, dont la désapprobation toujours prévue nous est si chère ! Ses éloges nous eussent jeté dans une grande perplexité. Dieu soit loué ! cette fois encore, nous avons conquis les blâmes de l’auteur de Rêves d’amour
AM. R.– CH.B.
LE TAUPIER : M. TISSERANT.
DENISET : M. GUICHARD.
CHAMOUNIN : M. THIRON
LOUVOT : M. LARAY.
MARTIN : M. DEMARSY.
LE BELGE : M. FERRIER.
ÉLOI : M. FRÉVILLE.
DENIS : M. EMMANUEL.
UN PAYSAN : M. MÉRITTE.
JEANNE : Mme MOSÉ.
LA GRAND-MÈRE : Mme LEMAIRE.
LA DENISE : Mme BERTIN.
LOUIS : Mme Petite VALENTIN.
MM. les directeurs de province qui désireraient monter ce drame peuvent modifier le décor du cinquième acte de la manière suivante :
Une place. – Une église à gauche dont on ne voit que le portail. Deux échelles superposées sont appliquées contre la façade et remplacent l’échafaudage sur lequel doit monter Louvot. Le reste comme à la page 91.
Le théâtre représente un carrefour de village. – Au premier plan, à droite, une maison basse, couverte en tuiles ; au-dessus de la porte est une branche de houx. On lit sur le mur : Jean Denis, Marchand de vin, Son et Avoine. Devant la porte, des roues, des brancards, des perches, du bois, un noyer, sous lequel est un établi. – Prolongement d’une baie ; un enclos. – À gauche, au premier plan, maison avec un banc de pierre ; à côté, une chaumière. – Au fond, la grande route, bordée de peupliers. – À travers leur rideau, on aperçoit au lointain des champs, des veillottes, des meules de foin.
Denise, Deniset, Louvot, Martin.
Au lever du rideau, Denise, sur le pas de la porte du cabaret, regarde Deniset, Louvot et Martin qui portent une longue pièce de bois de charpente.
Va donc, gamin ! ça gêne plus que ça ne sert… Quand il n’est pas à marauder, on l’a toujours dans les jambes, celui-là !
Est-il bourru, ce Louvot ! Ils déposent la pièce de bois le long du mur, près du tas.
Voilà qui est fini, la bourgeoise.
Bien, mes enfants… je vais vous chercher un coup à boire… vous l’avez bien gagné.
Attendez, mère, je vais aller emplir le pot au cellier… pour vous éviter la peine.
Y penses-tu ! Dans l’état où tu es, tu attraperais du mal. Elle entre au cabaret.
C’est qu’il fait si chaud !
Faut pas s’en plaindre ! c’est un bon temps pour les biens de la terre, comme on dit chez nous…
Tout à coup. Et mes bêtes qui ont le soleil sur le dos… Remontant. Je vais les mettre à l’ombre… et je reviens. Il s’éloigne par le fond, et disparaît à droite.
Louvot, Deniset, puis Chamounin.
Elle a donc peur de t’enrhumer, ta mère ?
Qu’est-ce que ça te fait à toi ?
Fainéant, va ! Il va s’asseoir dans un coin sur une poutre.
Ah ! ah ! il paraît que ça va ici, la besogne ?
Pour moi, ça va toujours !
Bonjour, Louvot ! bonjour, petiot !
Tiens ! c’est le père Chamounin ! Ça va bien, père Chamounin ? Remarquant son panier. Où donc allez-vous avec votre panier… c’est-il en vendange ?
Eh ! eh ! ni oui, ni non. Je vais faire ma petite récolte d’habitude…
Ah ! oui… sur la grande route… pour fumer vos plates-bandes.
C’est encore ce qui leur réussit le mieux.
Et puis, ça n’est pas cher.
Dame ! quand on n’est pas riche !…
Laissez donc ! si vous portez de sa paille dans vos sabots, ce n’est pas faute d’avoir assez de foin dans vos prés… pour en mettre un peu dans vos bottes !
Hum ! tu la dis aussi, cette bêtise-là ! te voilà comme les autres ! parce qu’on a quelques arpents de bien, ce n’est pas une raison : la terre c’est si ingrat !
Peut-être bien que plus on en a, plus on est pauvre ?
Alors, pourquoi que chacun dit que vous êtes un gros richard ! Et que c’est une horreur du bon Dieu quand on a de quoi, de laisser une grande fille de l’âge de Jeanne traîner dans le pays habillée à coups de serpe.
Jeanne est comme elle est, et ça ne regarde personne ! Est-ce point ceux qui parlent qui payeront ? chacun fait comme il veut, pas vrai ?
On sait bien que ce n’est pas votre fille, mon Dieu ! mais c’est tout de même dur pour une jeunesse qui travaille ni plus ni moins qu’un pauvre chien du matin au soir, de ne pas avoir tant seulement un fichu neuf le dimanche !…
Voilà tout de même du fameux bois ! Il va tâter les poutres. du vrai cœur de chêne, da ! Eh ! eh ! le compère Denis ne jase pas… mais je parierais qu’il fait de bonnes affaires. Se retournant vers Louvot. Pas vrai, Louvot ?
Peut-être bien ! Après ça, il ne m’en revient pas plus !
Quoique ça, quand je suis venu habiter le pays, il y a sept ans, il n’était encore que cabaretier ; le voilà charron, à cette heure… et charpentier encore ! Eh ! eh ! je crois bien qu’il a son petit grain d’ambition… mais ce n’est pas un crime quand on est honnête et qu’on a du cœur à l’ouvrage. Se retournant vers Louvot. Dame !
Peut-être bien !
Voyons, père Chamounin, un simple fichu !
Et ma petite récolte… que j’oublie ! Il se dirige vers le fond.
Seulement une pauvre petite robe de cotonnade ! Chamounin disparaît.
Les mêmes, moins Chamounin, puis Denise et Martin.
Ah ! ah ! tu vois bien qu’il est sourd !
Ça te fait rire, toi ! Oh ! quand je serai un homme ! je les ferai bien taire, moi les rieurs.
Voyez-vous ! et comment ça ?
Je les battrai, donc !
Gare là-dessous, voilà Monsieur qui tape !
Voilà, mes enfants ! Tout en versant. Je vous ai fait attendre, c’est qu’il y avait une pratique à servir… dans la grande salle, et… les pratiques avant tout. Tiens ! mon petit homme ! Elle baise Deniset au front.
À votre santé, la bonne dame
Vous êtes bien honnête ! À Louvot, qui boit silencieusement. Vous êtes malade, Louvot ?
Moi ? non… peut-être bien !
Alors, il faut retourner à l’ouvrage, afin que Denis ne trouve rien à redire en revenant. – Allez, mon ami !
Oh ! mon ami ! mon ami ! Drôle d’amitié ! je sais bien qu’il n’est pas encore onze heures ! Il va se mettre en rechignant à l’établi, dans le fond du théâtre.
Et toi aussi ! Allons ! on a déjà passé la matinée à souhaiter la tête de ton père, la besogne presse pour ce soir. Deniset s’éloigne vers l’établi.
Notre maître, le marchand de bois, m’a chargé comme ça de vous dire qu’il serait aux Trois-Bornes, au tournant de la grand-route, sur le coup de deux heures, et que ça lui ferait bien plaisir si M. Denis lui apportait le montant de la dernière livraison.
Je l’attends d’un moment à l’autre, soyez tranquille !
À la revoyure, madame Denis ! Il s’éloigne.
Au revoir ! À Deniset, qui travaille au fond. Ah ! Niset ! cours chercher ton père, il doit être à la mairie ! Elle rentre dans le cabaret ; sur le seuil. Et ne va pas muser par le bois, surtout !
J’y cours, mère. Il ôte son tablier. – Voix de Martin à la cantonade. Oh ! hue ! dia ! On entend le claquement d’un fouet et le roulement d’une voiture qui s’éloigne.
Jeanne, Denise, Louvot, travaillant.
Au moment où Deniset va pour sortir, il se trouve nez à nez avec Jeanne ; elle porte sur la tête un paquet d’herbes qu’elle soutient d’une main. Elle a une marmotte, un fichu bleu, une jupe grise et courte rayée de noir, des bas bleus et de gros souliers.
Bonjour, Jeanne !
Bonjour, Niset !
Est-ce qu’on t’a battue, te voilà toute défaite ? Et d’où reviens-tu, à cette heure ?
De faire de l’herbe pour mes lapins.
C’est donc en te baissant que tu as fait cet accroc à ta jupe ?
Un accroc ! C’est-il vrai, hein !
Regarde !
Qu’est-ce que va dire MM. Chamounin ? Ah ! mon Dieu !
Il est donc bien méchant, le père Chamounin ?
Dame !
Pourquoi rester avec lui, alors ?
Et où est-ce que j’irais ? Je n’ai personne.
Tu trouverais de l’ouvrage, donc ! Te voilà assez grande pour gagner ta vie à cette heure ! Tu n’es pas sa fille, après tout, et puisqu’il te maltraite…
Le chapitre des bons conseils !
Oh ! non, ce serait mal ! Sans lui, je serais morte de faim. Je n’ai jamais connu ni père ni mère, Niset. Mon père, ruiné, réduit à la misère, est parti bien loin pour chercher sa vie, et ma mère est morte à la peine six mois après ; si bien que, sans M. Chamounin… – il a eu pitié de moi, cet homme ! – J’avais dix ans, j’étais déjà forte…
Et tu es devenue sa servante ?
Oh ! non, Niset, il m’a toujours dit : « C’est ta maison que tu soignes, tu n’es pas une servante, ici ! »
Et la preuve, c’est qu’il ne t’a jamais payé de gages.
C’est ta maison que tu soignes… Tiens, tiens, tiens !
Mais comment l’as-tu fait, ce malheur-là ?
C’est tout à l’heure, en passant par le bois des Ormes ! Je suis montée dans un arbre pour dénicher un nid ; mais je n’étais pas plus tôt montée que j’ai entendu un bruit de pas ; j’ai cru que c’était le garde ; la frayeur m’a prise, et je suis dégringolée en m’arrachant, comme tu vois. Avec enthousiasme. Un bien beau nid, va !
Un nid de quoi ?
Oh ! je ne sais pas, je n’ai pas eu le temps de voir dedans. – Tiens, c’est là-bas, près du carrefour de la Croix, sur un gros frêne, à côté du bouquet de bouleaux. – Vas-y, dis !
C’est que mon père m’envoie à la mairie, et j’ai déjà perdu un quart d’heure.
C’est si près !
Ça te ferait bien plaisir ?
Oh ! oui ! nous partagerons les petits, hein ? va !
Eh bien ! j’y vais… tant pis ! Il s’éloigne en courant. Je rattraperai le temps en courant toujours. Jeanne le regarde les mains dans les poches de son tablier.
Oh ! il le dénichera bien, lui ; il est si habile !
Jeanne, Louvot, à son établi.
Eh ! la mal peignée ! depuis quand est-ce le métier des filles d’aller dénicher des nids ?
Depuis que ça leur fait plaisir, donc !
Te voilà-t-il pas bien coquettement requinquée pour une grande fille de seize ans passés ?
Eh bien ! qu’est-ce que cela vous fait, après tout ?
Oh ! ce que je t’en dis, c’est pour l’histoire de t’apprendre seulement que ce n’est pas le moyen d’attirer les épouseurs.
Qui vous dit que j’en cherche ! Je sais bien que je ne suis pas belle, puisque tout le monde me le répète.
Dis donc, la Jeanne ?
Après ?
Tout de même, si tu voulais, je serais bien ton homme, moi !
Vous, Louvot ?
Peut-être bien ! est-ce que je n’en vaux pas un autre ?
Je ne dis pas non, puisque je ne sais si les autres valent mieux que vous.
Ça pourrait bien avoir signifiance que je ne vaux pas grand-chose ?
Je n’ai pas parlé de ça ; mais pourquoi voulez-vous m’épouser, puisque je suis laide ?
Parce que… parce que tu es une bonne fille dans le fond, et que ça me fait de la peine de te voir traîner en loques par le village.
Grand merci, Louvot ; mais est-elle bien vraie, cette menterie-là ?
Pourquoi veux-tu que ce soit, alors ?
Est-ce que je sais ? Quelquefois que vous sachiez aussi dénicher des nids, vous ! Elle s’éloigne.
Hein ? tu dis ? écouté donc un peu, Jeanne ! Jeanneton !
Je n’ai pas le temps, il faut que j’aille donner à manger à mes bêtes. Elle rentre.