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"Une femme du monde au pays des Zoulous" est un récit captivant écrit par Lady Barker, une femme audacieuse et aventurière du XIXe siècle. Ce livre nous transporte dans un voyage extraordinaire à travers les terres mystérieuses et fascinantes des Zoulous, une tribu africaine empreinte de traditions et de coutumes ancestrales.
Lady Barker, une femme anglaise courageuse et curieuse, décide de quitter son confortable foyer en Angleterre pour explorer l'Afrique australe. Elle se retrouve ainsi immergée dans un monde totalement différent, où les paysages sauvages et les rencontres avec les autochtones vont bouleverser sa vision du monde.
Au fil des pages, Lady Barker nous fait découvrir les coutumes, les croyances et les modes de vie des Zoulous. Elle nous plonge dans leur quotidien, nous dévoilant les rites de passage, les cérémonies traditionnelles et les relations sociales au sein de cette communauté. Elle nous fait également partager ses rencontres avec des personnages hauts en couleur, des guerriers fiers et courageux, des femmes fortes et déterminées, ainsi que des chefs tribaux charismatiques.
Mais ce livre ne se limite pas à une simple description ethnographique. Lady Barker nous livre également ses propres réflexions et observations sur la condition des femmes dans cette société patriarcale, sur les conflits entre les tribus et sur les enjeux politiques de l'époque. Elle nous offre ainsi une vision nuancée et profonde de cette culture fascinante.
"Une femme du monde au pays des Zoulous" est un témoignage unique et précieux sur une époque révolue, où l'exploration et la découverte étaient encore possibles. Ce récit captivant nous transporte dans un monde lointain et exotique, où l'aventure et l'émerveillement sont au rendez-vous. Une lecture incontournable pour tous les amateurs de voyages, d'histoire et de cultures étrangères.
Extrait : "Après vingt-trois jours passés à bord du Château d'Édimbourg, entre le ciel et l'eau, nous abordons enfin le quai de la ville du cap, par un brouillard qui semble emprunté à l'Écosse..."
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Seitenzahl: 288
Veröffentlichungsjahr: 2015
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Le Zoulouland, ou pays des Zoulous, s’est acquis depuis quelques années une renommée sinistre. Ses jungles sauvages, peuplées de hautes herbes, ont vu la triste mort du prince impérial et les exploits de ce singulier roi Cettiwayo qui, après avoir fait subir aux Anglais de sanglants échecs, vaincu et longtemps prisonnier, a été finalement rendu à ses sujets par la politique de la Grande-Bretagne.
Les Zoulous ne sont qu’une grande tribu de la nation des Cafres, mais tribu supérieure par la constitution physique, l’intelligence et l’esprit guerrier. Ils occupent une vaste étendue de pays, au nord-est de la colonie anglaise du Cap, séparés de la province du Natal par le fleuve Tugela. Leur humeur indépendante étant toujours une menace pour cette province, un gouverneur du Cap, sir Battle Frère, entreprit de les soumettre, comme nous avons été amenés à conquérir le Tonkin pour défendre notre colonie de la Cochinchine contre les entreprises des Annamites. Mais après le désastre d’Isandlwana (10 février 1879), où fut détruite une colonne de l’armée anglaise, avec perte de son artillerie, de ses bagages et d’un drapeau, le gouvernement de la métropole, satisfait d’avoir vengé l’honneur de ses armes, s’est décidé à reconnaître l’indépendance des Zoulous.
Quelques explications sont ici nécessaires pour faire comprendre la présence d’une femme comme lady Barker dans le voisinage de cette sauvage contrée, et pour faciliter l’intelligence générale de cette nouvelle série de lettres.
Tout le monde sait que la colonie du Cap de Bonne-Espérance a été fondée par les Hollandais en 1650. Réduite d’abord à la petite péninsule qui forme la pointe méridionale du continent de l’Afrique, elle s’étendit peu à peu au-delà de ces étroites limites, à mesure que les colons gagnaient du terrain sur la race timide qui occupait le pays. Au bout d’un siècle, la puissance de la Hollande s’étendait depuis l’Océan jusqu’à la limite des montagnes situées vers le trente-deuxième degré de latitude : les Hottentots étaient devenus des serfs.
La ville du Cap, avec sa grande et belle rade à l’entrée de deux mers, est une des stations les plus importantes du globe. Placée sur la route des Indes, elle était faite pour exciter la convoitise des Anglais. Ils saisirent, pour s’en emparer, la première occasion que leur fournit la guerre maritime qu’ils soutenaient si heureusement contre la République française, conquérante de la Hollande. Dès 1705, le Cap et tous les établissements hollandais tombèrent entre leurs mains, et ils n’en sont plus sortis depuis.
En 1836, un grand nombre de fermiers hollandais ou Boers, mécontents de la domination anglaise, quittèrent la colonie avec leurs familles et leurs troupeaux pour gagner les districts inhabités du Nord, où ils formèrent sur divers points de petites communautés indépendantes. En 1838, une partie d’entre eux, qui avait poussé jusqu’au pays des Zoulous, envoya une députation à Dingaan, leur roi, pour demander la permission de s’établir pacifiquement sur leur territoire. Les Zoulous parurent faire un accueil favorable à ces émigrants ; mais avec la perfidie naturelle aux sauvages, ils les massacrèrent en grande partie pendant une fête donnée en leur honneur. Les survivants repassèrent la chaîne du Drakenberg, et, s’étant fixés dans les environs de la baie appelée Port-Natal, ils fondèrent, en 1840, la ville de Pieter-Maritzburg. Ils arborèrent le drapeau hollandais avec la prétention de former une république indépendante. Mais ce n’était pas le compte des Anglais. En 1842, après un honorable essai de résistance, ils furent contraints de se soumettre par lord Napier, gouverneur du Cap, et en 1845, une proclamation les déclara annexés à la grande colonie, sous le nom de province du Natal.
C’est là que nous retrouvons lady Barker trente ans après, en qualité de femme du secrétaire général du gouvernement de cette province, sir Frédérick Barker. Elle y passa deux ans ; et dans les lettres intimes qu’elle adresse de Maritzbourg à sa famille, elle va nous faire connaître ce pays ignoré, avec la même plume vaillante qui a si bien décrit la vie de colon à la Nouvelle-Zélande. On retrouvera dans cette correspondance lady Barker telle que nous la connaissons déjà. C’est la même énergie à braver les ennuis d’une vie difficile, par le secret de s’intéresser à tout, en vertu d’un esprit supérieur. Travaux publics, marchés, tribunaux, écoles, culte, armée, cette femme virile n’est étrangère à rien. Qu’elle peigne les mœurs, les coutumes, l’esprit des naturels, ou qu’elle décrive les paysages et la flore du pays, c’est toujours la même vivacité de couleurs. Sous un ciel des plus incléments, elle garde le même entrain, mêlé toutefois d’un grain de mélancolie, car dix années ont passé sur la tête de l’aimable femme, et l’on devine que quelques illusions ont été perdues.
Telles sont les considérations qui nous ont amené à faire connaître au public français cette nouvelle série de lettres, dans toute leur saveur anglaise, persuadé qu’elles lui offriront le même intérêt que la première, car cet intérêt dérive de la même source : la personnalité si originale de l’auteur.
Cape-Town, 16 octobre 1875.
Après vingt-trois jours passés à bord du Château d’Édimbourg, entre le ciel et l’eau, nous abordons enfin le quai de la ville du Cap, par un brouillard qui semble emprunté à l’Écosse. En posant le pied sur le sol, je m’attends presque à le voir se dérober, et m’écrierais volontiers avec mon petit garçon : « Comme la terre est solide ! » Quelques heures plus tard, il me demande la permission de sortir de son petit lit blanc, pour avoir le plaisir d’y rentrer. Mes sensations, moins naïvement exprimées, ne diffèrent guère des siennes. Je n’avais jamais encore suffisamment apprécié l’espace et le silence.
Les constructions de la ville du Cap sont si peu resserrées, qu’il est difficile de se former une idée de son étendue réelle. Ses maisons basses paraissent propres, les rues animées et pittoresques, lorsque je les regarde le lendemain matin avec mes yeux de nouvelle arrivée. La population, qui se meut d’un air affairé et sociable, présente toutes les teintes du blanc au noir.
Les Malais portent de grands chapeaux pointus, tandis que leurs femmes entourent leur figure souriante d’un madras aux vives couleurs, et en jettent un autre encore plus voyant sur leurs épaules. Une robe claire, ample et empesée, complète ce costume, qui donne aux rues un air de fête. Des bandes d’enfants courent de tous côtés, montrant leurs dents blanches dans un rire épanoui, je suis frappée de leur air de santé ; ils sont joufflus, solidement membrés et tous, blancs comme noirs, possèdent cet air surprenant d’indépendance particulier aux bébés colons. Personne ne s’occupe d’eux, et rien ne semble leur nuire.
Au bord d’une pièce d’eau sont assis deux philosophes de trois ans environ, vêtus chacun d’un unique vêtement et coiffés d’un chapeau pointu, ils sont très affairés à fixer une épingle au bout d’une ficelle ; mais qui prend soin d’eux, et pourquoi ne tombent-ils pas à l’eau ? Ils sont gras comme des ortolans et nous sourient de l’air le plus amical.
Nous sommes dans la meilleure saison pour voir le Cap. Le temps froid a mis des roses aux joues des enfants, et les pluies d’hiver ont répandu la teinte verte la plus fraîche sur les prés et sur les arbres. Après les vents desséchants de l’été, la végétation se réfugiera dans quelque pli abrité de la montagne.
Lorsque les Hollandais débarquèrent dans le pays, il y a environ deux cents ans, ils s’emparèrent de ce point de la côte et le nommèrent Hollande, puis ils refoulèrent les Hottentots derrière la chaîne de montagnes voisine en leur disant que le pays d’au-delà serait leur Hollande, nom qu’il garde encore aujourd’hui. Cette division arbitraire du sol paraît avoir troublé la conscience des envahisseurs, car ils établirent sur le revers de la montagne nombre de singulières petites maisons carrées appelées blockhaus, d’où ils pouvaient surveiller l’ennemi du côté de la Hollande hottentote. L’ennemi ne vint pas, les murailles et les toits des blockhaus tombèrent graduellement en ruine, et de vieux canons rouillés gisent encore au milieu d’un fouillis de géraniums sauvages, de bruyères et de lis. Sur l’un d’eux je lus une date vieille d’un siècle.
Les fameuses vignes de Constance sont la richesse et la grande curiosité de la colonie. Tout étranger qui vient au Cap les visite ; je me gardai bien de faire exception. Par une belle après-midi, un break attelé de quatre chevaux nous prit à la porte de mes hôtes, et nous partîmes. Notre route s’élevait lentement, contournant le flanc d’une haute montagne. Deux rangées de chênes magnifiques la bordaient, tandis que des forêts en miniature de pin noirâtres alternaient sur le flanc de la montagne avec des bouquets de l’arbre d’argent. La branche et la feuille en est d’un blanc métallique, et vus à distance, éclairés par un rayon de soleil, le contraste avec la verdure des vignes et des bois est vraiment fantastique.
Les vignes de Constance furent ainsi nommées à l’origine d’après la fille d’un des premiers gouverneurs hollandais, mais avec le temps c’est devenu une appellation générique. Sur les grands portails de pierre des exploitations, on voit écrit : « Constance-Cloete, Constance-Reybeck. » C’est vers la première de ces Constance que nous nous dirigeons. Il me sembla en arrivant être subitement transportée par un pouvoir magique sur la scène d’une histoire de Washington Irving. La maison, bâtie depuis plus de deux cents ans, a l’air de pouvoir durer éternellement, tant elle paraît solide avec ses tours massives, son intérieur frais et confortable. Le salon, si ce n’est pas profaner cette salle imposante que de lui donner ce nom moderne, est vaste et élevé. Le plafond se compose de longues poutrelles de cèdre. Les larges fenêtres qui éclairent la pièce soutiennent chacune plusieurs centaines de petits losanges de verre. Le mobilier comprend des trésors de vieille porcelaine et de faïence de Delft. Les plats les plus fragiles sont placés sur de curieux supports sculptés. Une profusion de fleurs et de fougères et les gracieux visages des jeunes filles animent l’imposante vieille salle où l’on s’oublierait volontiers, s’il ne restait pas tant de choses à voir au-dehors.
D’abord, nous nous rendons au cellier, comme on l’appelle improprement, car il n’est pas au-dessous du sol. C’est un vaste bâtiment de pierre au fronton curieusement sculpté, qui rappelle ce qu’on nomme à Bordeaux un chai.
Là sont rangées des tonnes gigantesques formant une sombre avenue que nous traversons pour nous rendre à une pièce centrale encombrée d’objets bizarres et curieux : arcs de sauvages, longs fouets de cuir d’hippopotame, vieux mousquets et sabres rouillés. Notre attention est principalement attirée sur une carte d’Afrique dessinée en 1620. Elle est suspendue à la muraille, et ne pourrait être touchée, car la peinture s’écaille au moindre souffle. C’est une merveille d’exactitude et de science géographique : elle est beaucoup mieux remplie que celles des atlas les plus modernes. Toutes les découvertes du pauvre Livingstone y sont marquées comme connues ou devinées depuis longtemps déjà. Il a été impossible de reproduire cette curieuse carte par la photographie. La teinte sombre répandue par le temps sur le vernis jaune original s’y oppose, mais un tracé fidèle en a été fait et envoyé, je crois, à la Société géographique de Londres.
Nous débouchons de nouveau dans une longue galerie meublée de tonnes d’une solennelle rotondité. Là se garde le Constance blanc, le Constance rouge, jeune, d’âge moyen, ou si vieux qu’il devient une liqueur sans prix. Lorsque le vin a atteint un certain âge, la douceur qui le distingue ordinairement devient à peine perceptible.
Une personne de la société ouvre une porte, et nous nous trouvons, comme par enchantement, au-dessus d’un vallon boisé, à travers lequel court un petit ruisseau. Sur les cailloux brillants qui forment la rive, une blanchisseuse négresse étend son linge. Les tourterelles roucoulent dans les arbres ; on se croirait transporté sur la côte ouest de l’Écosse. Mais quelqu’un s’écrie : « Regardez les autruches ! » Elles s’avancent avec leur démarche cadencée, balançant leur long cou et leur tête de serpent, de côté et d’autre. Leurs ailes sont légèrement soulevées, et leur longue frange de plumes blanches s’agitent doucement, tandis qu’elles viennent vers nous de leur trot gracieux. Ce sont de jeunes mâles. Dans quelques mois, leur plumage, qui ressemble à celui du dindon, sera d’un noir de jais, sauf les longues plumes des ailes. Quelques gouttes de pluie nous font regagner à la hâte nos voitures abritées sous de magnifiques chênes, et nous regagnons la ville de toute la vitesse de nos chevaux.
19 octobre.
Il a été décidé que je devais faire une course dans un char du Cap. En conséquence, aussitôt après déjeuner, un élégant et solide véhicule, traîné par deux beaux chevaux gris de fer, est conduit devant le perron. Il y a de fort beaux chevaux au Cap, mais ils atteignent un prix élevé, et pareil attelage trouverait aisément acquéreur à quatre mille francs. On m’avertit honnêtement de ne pas juger tous les équipages du pays par l’échantillon que j’ai sous les yeux.
Le but de notre excursion est une visite à l’ancien chef Langalibalele et à son fils Malanibulé. Ils sont internés à Uitabugl, à quatre milles de la ville. Le vieux chef, habitué à vivre dans une hutte de roseaux, ne doit pas se trouver trop malheureux dans cette espèce de ferme où il a une maison confortable et un terrain considérable à son entière disposition.
La route, dans tout autre pays, serait impossible à parcourir en voiture. Tantôt je n’aperçois que l’extrémité de la flèche dont le bout d’argent brille au soleil. L’instant d’après, la croupe des chevaux est seule visible ; enfin, Dieu merci, nous atteignons la « Location », et voici Langalibalele accroupi sous la véranda, prenant du tabac. L’étiquette paraît être de ne pas faire attention à lui avant d’entrer dans le salon, où les dignitaires chargés de ce soin s’assurent que nous sommes en règle. Alors seulement, le vieux chef entre, soulève son chapeau de feutre mou, et s’assied avec calme dans un grand fauteuil de paille. Il est extraordinairement laid. Mais quand on se souvient qu’il a soixante-dix ans, on trouve qu’il a l’air fort jeune. C’est un homme grand et fort, dont toute la personne respire une tranquille satisfaction, ce qui se comprend à merveille. Un seul de ses fils, noir comme l’ébène, mais à l’air doux et intelligent, est près de lui.
Le grand souci du chef, c’est qu’aucune de ses femmes n’a voulu le rejoindre : en vain a-t-il commandé et imploré tour à tour. Ces brunes princesses ont refusé obstinément de venir partager sa solitude, donnant pour raison qu’elles travaillaient pour un autre, car, hélas ! leur présence n’est désirée que pour qu’elles cultivent les terres placées à la disposition du vieux chef. Aucun de ses robustes fils n’aurait l’idée de manier la bêche ou la pioche, mais si les dames de la famille pouvaient être amenées à comprendre leur devoir, on vendrait du fourrage et du grain pour une bonne somme. Je donne au chef un gros paquet de bonbons. Il s’en saisit avec une joie enfantine et le cache avec les mêmes gestes que les grands singes du Jardin zoologique. Malanibulé fait semblant de vouloir s’emparer des bonbons, et nous sommes assourdis par les cris et les rires que provoquent ces jeux. À ce moment, un des gentlemen de la société présente un paquet d’excellent tabac ; le vieux chef abandonne aussitôt les douceurs à son fils, et se met à cacher son nouveau trésor. Il était habillé exactement comme un ministre dissident et nous déclara, par l’organe de l’interprète, qu’il se trouvait parfaitement satisfait. L’opinion générale ici est que ce vieil intrigant, toujours disposé à faire le mal, doit se regarder comme fort heureux de s’être tiré du guêpier où il s’était mis. Nous profitons des dernières heures du jour pour visiter au retour une charmante maison de campagne, enfoncée dans le feuillage, et précédée d’une magnifique avenue de pins italiens. Vers Noël le pays ne sera qu’une masse de fleurs, mais je ne serai plus là pour l’admirer. Mes trois jours de grâce sont expirés. Ce soir même il faut reprendre la mer, laissant bien des choses intéressantes sans les visiter et quittant des amis qui, il y a trois jours, m’étaient étrangers, mais dont le souvenir restera confondu dans ma mémoire avec celui des heures qu’ils m’ont rendues si charmantes.
23 octobre 1875.
Nous avons quitté il y a deux jours la baie de la Table par une après-midi brumeuse, pareille à celle par laquelle nous y étions entrés. Mais à peine en mer, le temps s’est élevé, et depuis, il nous a semblé faire une agréable excursion d’été. Cette partie de la côte est fort bien éclairée, et nous nous félicitons chaque nuit de voir briller, tous les quatre-vingts milles, la lueur adoucie d’un phare dans la nuit étoilée. Une de ces tours solitaires a plus de huit cents pieds au-dessus du niveau de la mer, et détourne les vaisseaux du terrible écueil du cap d’Agulhas. Nous avons jeté l’ancre ce matin à un mille du rivage où est bâti Port-Élisabeth. La baie d’Algoa n’offre guère d’abri, et à chaque moment un coup de vent du sud peut forcer le navire à regagner le large pour éviter le sort qui nous menace sous la forme de plusieurs grands squelettes de vaisseaux abandonnés. Mais aujourd’hui le vent, la terre et le ciel semblent rivaliser pour nous montrer à son avantage la petite cité naissante étendue devant nous sur le sable.
On m’assure que Port-Élisabeth est une station commerciale importante. En effet, en débarquant, on me montre un magasin qui me pétrifie d’admiration. Tout s’y trouve dans le plus grand ordre : dés à coudre et charrues, eau de Cologne, fourneaux américains, robes de toile aux dessins les plus bizarres pour plaire aux dames hollandaises, harmoniums et fers à repasser. La laine est la partie sérieuse du commerce de ce grand établissement. Il en renferme des balles de toute qualité et de toute forme. Bien que leur vue me fasse battre le cœur en souvenir de ma chère Nouvelle-Zélande, je ne suis pas censée m’y connaître, et l’on me fait sortir promptement pour rejoindre une immense voiture découverte conduite par un cocher nègre, qui doit nous mener à une charmante villa bâtie sur le penchant d’une colline de sable. Dès que je ne suis plus sous l’influence de l’admiration causée par le magnifique magasin, l’impression que Port-Élisabeth doit être une ville morne, me revient malgré moi. Le parc est encore à l’état d’enfance, le jardin botanique lutte péniblement contre la chaleur et le manque d’eau. Des constructions nouvelles, fort modestes il est vrai, s’élèvent de toutes parts. Elles sont en bois ou en maçonnerie grossière avec des toits de zinc peints en couleurs vives. Les gens paraissent bien portants mais ennuyés, et je ne suis pas fort étonnée d’apprendre que si la ville renferme beaucoup d’habitants, la société y est nulle.
Nous rejoignons le navire rendu presque désert par le départ d’un grand nombre de passagers. En me promenant sur le pont de notre maison flottante, je découvris tout à coup sur le rivage une courte et massive pyramide dominant de bien peu les maisons basses au milieu desquelles elle est placée. Si elle eût été rouge au lieu de grise, elle aurait pu passer pour le modèle de la marque de Bass sur les bouteilles de bière. Je pressens une histoire, et l’on me conte en effet que ce peu poétique monument fut érigé, il y a longtemps, par un gouverneur du pays en mémoire des vertus et des perfections de sa défunte femme que l’inscription, entre autres louanges, dit avoir été « la plus parfaite des femmes ». Si l’on en croit ce monument, vieux de près de cent ans, il est le témoignage d’un grand amour et d’un profond chagrin, et l’on peut envier l’un et plaindre l’autre, en regardant cette étrange construction, tout comme si l’on était au seuil de marbre blanc de cette merveille appelée Taj Mahal, à Agra. On y lit aussi que dans sa grâce et sa beauté, il fut érigé « en mémoire d’un amour immortel ».
Dès dix heures du matin, nous devons être à bord de la Florence, petit steamer pareil à un yacht, qui peut s’avancer plus près de la côte sablonneuse. C’est avec le cœur gros que nous disons adieu à notre Château d’Édimbourg où j’ai passé tant d’heures heureuses et formé de si agréables relations. Un navire est la vraie serre chaude de l’amitié. Ceux qui n’ont pas fait de voyage en mer ne peuvent comprendre avec quelle rapidité, sous l’aimable influence du ciel et de la mer, une simple connaissance devient un ami. Avec la même courtoisie chevaleresque qu’il a mise à veiller à notre bien-être, depuis le départ de Dartmouth, notre capitaine veut absolument présider à notre installation à bord de la Florence, et dans nos cabines, grandes comme une maison de poupée. La Florence s’élance dans la baie comme une hirondelle, et en un instant nous perdons de vue le Château d’Édimbourg qui nous salue de son pavillon.
En vingt-quatre heures, nous atteignons un autre petit port appelé Est-Londres. Les navires d’un tirant de plus de quatre ou cinq pieds d’eau ne peuvent y aborder. Le débarquement des marchandises doit être fait par des chalands qui ne se pressent pas d’apparaître. Le ciel est pur et brillant, mais le roulis ne cesse pas un instant de nous secouer ; tout le monde à bord est malade, bien que ce soit, prétend-on, un jour calme. Mon petit Georges s’évanouit presque de douleur, quoiqu’il ait supporté sans souffrances nos précédentes traversées. J’apprends avec joie la présence du bateau de sauvetage. Le bon capitaine de la Florence m’offre de débarquer les enfants, la bonne et moi, et de nous épargner ainsi huit ou dix heures de tortures. Dans mon heureuse ignorance de ce qu’est un débarquement à Est-Londres avec une barre à franchir, j’accepte volontiers. On nous entasse dans le grand bateau, et un remorqueur nous entraîne. Au début, tout alla bien, mais près du rivage les difficultés commencèrent. La rapidité du courant força le remorqueur à nous lâcher, et nous dûmes nous tirer d’affaire tout seuls. J’entends notre capitaine qui s’est assis près de moi et du pauvre petit Georges évanoui dans mes bras, échanger un adieu avec le capitaine du remorqueur. La minute d’après il me crie « Attention ! » et donne rapidement des ordres. Je vois d’un côté le sable que la vague en se retirant a laissé à nu, et dans lequel le bateau semble chercher à s’enfouir comme un serpent ; de l’autre, s’élève au-dessus de nous une immense vague verte frangée de blanc et recourbée, qui fond sur nous comme un monstre dévorant. Si cette lame se brise dans la barque, nous serons à coup sûr tous précipités. Je regarde, pour la dernière fois dans ma pensée, la bonne toute pâle tenant sur ses genoux le baby qui tète tranquillement son biberon. Je vois deux marins la saisir avec l’enfant et les tenir d’une main, tandis que de l’autre ils s’accrochent désespérément au banc des rameurs. Un énorme matelot pèse de tout son poids sur Georges et sur moi. J’entends des cris mêlés au mugissement de l’eau, et nous sommes jetés juste contre le débarcadère, toujours dans le bateau, mais tout trempés et terriblement effrayés. En revenant sur mes impressions, je vois que ce n’est pas la vague suspendue au-dessus de nos têtes qui m’a causé le plus de frayeur, mais le sable brillant d’un éclat cruel qui nous aspirait silencieusement et graduellement. Nous étions tous si tremblants qu’il ne nous était guère plus facile de nous tenir debout sur le sol que sur l’eau. Et ce fut avec une démarche de gens ivres qu’à travers une rue creusée dans le sable, nous atteignîmes un hôtel d’aspect peu engageant. Il me fallut un effort de courage pour déposer le pauvre petit Georges sur un sofa extrêmement sale. Mais la maîtresse de la maison avait bonne apparence, et à la fin d’un excellent déjeuner, nous nous trouvâmes remis et en disposition de rire de nos danger passés. Au-dehors, des pigeons privés roucoulaient au milieu de charmants arbustes tout fleuris, et il régnait une douceur et une fraîcheur délicieuses dans l’air ensoleillé.
Une heure après, Capitaine Florence, comme Georges appelle notre nouveau commandant, vient nous chercher pour nous faire visiter la ville. Il nous mène d’abord en traversant la rivière à l’endroit où un nouveau chemin de fer se construit rapidement. Une locomotive toute neuve est sous vapeur. Nous sommes reçus par l’énergique surveillant des travaux. Après m’avoir expliqué quelle grande distance dans l’intérieur des terres le nouveau chemin de fer était destiné à parcourir, et avec quelle rapidité il progressait, considérant les difficultés que l’on rencontre dans l’Afrique du Sud aussi bien pour construire un chemin de fer que pour blanchir un mouchoir de poche, il offre de nous faire parcourir sur la machine toute la voie terminée. Je n’ai jamais passé dix minutes plus ravissantes que celles employées à traverser comme un trait ce pays qui semble un grand parc. Je m’aperçois que mes jupons de serge commencent à sentir le roussi, je vois devant moi des morceaux de rails peu rassurants, mais je suis trop transportée pour songer au danger ou aux petits désagréments, et je suis tentée de me faire l’écho de mon fils, qui crie « encore ! » lorsqu’arrivés au bout il nous faut descendre. Nous nous consolons un peu en admirant la machine qui broie les roches comme si elles étaient des morceaux de sucre, et la future station qui promet d’être jolie et commode. Vous êtes si accoutumés à parcourir selon votre caprice toutes les parties du monde civilisé, que vous ne pouvez-vous faire une idée juste du bienfait d’une première ligne de chemin de fer dans un pays neuf ; et cela, non seulement pour les voyageurs, mais surtout pour le transport des marchandises, et la liberté rendue ainsi à des milliers de bêtes de somme et de conducteurs, dont le concours est nécessaire pour d’autres services.
L’effet de l’ouverture d’une ligne se fait rapidement sentir dans les districts les plus éloignés. La main-d’œuvre est la grande difficulté de ce pays et on a besoin de toute sa patience pour regarder travailler les Cafres ou les Coolies. Le blanc ne peut ou ne veut travailler de ses mains. Les matelots même sont des nègres efflanqués, à l’air indolent qui soupirent et gémissent beaucoup plus qu’ils ne travaillent.
Après un goûter dans la charmante petite maison pompéienne du directeur des travaux (car, ici, on mange toutes les deux heures), deux jolis chars du Cap nous mènent visiter le jardin d’un Hollandais qui a toute la passion de ses compatriotes pour les fleurs. Il cultive aussi les fruits. Les ananas vivent côte à côte avec le jasmin, les fraises avec le chèvrefeuille. Les orangers, les bambous et les gommiers forment la clôture du jardin. Au milieu se trouve une double plate-forme à laquelle on accède par une échelle raide. On domine de là un paysage légèrement ondulé, borné à l’horizon par la ligne d’un bleu profond de la mer dont les vagues frangées de blanc viennent se briser sur la barre.
On rencontre dans ce pays-ci fort peu d’animaux et leur absence m’attriste. Les quelques chiens qui errent dans les rues sont d’espèce abâtardie. Les beaux chiens, me dit-on, ne prospèrent pas ici. Ils sont sujets à une espèce particulière de maladie : les tiquets les piquent, la perte de leur sang les rend anémiques ; enfin ils dégénèrent invariablement. Les chevaux et les bœufs sont malingres, chers d’achat et de nourriture, et difficiles à conserver. Je ne rencontre que peu de chats et un oiseau privé est une rareté. Pourtant, comme j’étais sur la plate-forme, je vis voler au-dessus de ma tête un bel oiseau de la grosseur d’un corbeau ; ses ailes étendues avaient au soleil les couleurs de l’arc-en-ciel : à l’ombre elles semblaient être en velours noir. Je demande son nom à notre hôte qui me répond vaguement « c’est une sorte de corbeau. » Sur ce renseignement précis, nous quittons la plate-forme et chargés de fleurs nous remontons dans nos chars du Cap. Je remarque que les cochers font arrêter leurs chevaux immédiatement en sifflant doucement. Nous gagnons par un chemin exécrable le bord de la rivière Buffalo, que nous traversons sur un ponton.
Avant de quitter Est-Londres, il nous reste à voir les plans de la nouvelle rade chez le surintendant des travaux. Mètre par mètre le sable apporté par la rivière Buffalo sera enlevé ; deux grandes jetées de maçonnerie s’étendront au-delà des écueils et le lit de la rivière sera tellement rétréci, que le courant entraînera les sables au large au lieu de les laisser former une barre comme maintenant. On construira des phares, et dans un temps assez proche, Est-Londres deviendra le port le plus sûr de toute la côte. Le chemin de fer une fois prolongé selon les projets à 200 milles dans les terres, Est-Londres sera réellement une ville florissante ; maintenant même, les travaux entrepris lui donnent un aspect des plus animés. Ces grandes entreprises sont entre les mains d’hommes aussi intelligents qu’énergiques. Il me faut courir à l’hôtel, payer une note fort modérée, mais surtout implorer de l’hôtesse une demi-bouteille de lait pour faire déjeuner Georges demain matin, car il ne supporte pas le lait conservé. Le beurre et le lait sont parmi les principales difficultés matérielles d’une famille en voyage ; l’un et l’autre sont rares et mauvais, et le beurre salé d’Irlande en tonneau est un objet de grand luxe.
Nous voici de nouveau sur le pont du remorqueur. Capitaine Florence nous a assuré qu’il n’y avait cette fois aucun danger à franchir la barre. Il tient sa parole, mais nous sommes encore violemment secoués. Les vagues nous recouvrent entièrement. Georges et moi sommes mouillés jusqu’aux os, mais nous nous secouons comme des chiens de Terre-Neuve et nous sommes prêts à recommencer, tant cette agitation nous amuse. Il s’agit d’aborder la Florence dont une des embarcations est envoyée à notre rencontre. Ce n’est pas une entreprise facile que de grimper à l’échelle du navire. Capitaine Florence montre une grande décision ; personne ne doit bouger qu’à l’appel de son nom, mais alors ils doivent obéir sans hésitation.
« Passez le baby » est le premier ordre donné, et cet étonnant baby est passé de main en main par les plis de sa petite robe bleue. Quand j’atteins enfin le pont du navire je retrouve baby dans les bras du maître charpentier tirant d’une main la barbe du pauvre homme, et de l’autre essayant de saisir la lueur qui brille dans son joyeux œil bleu. Le matelot débonnaire n’est pas fâché de me restituer son fardeau.
On lève l’ancre, et le lendemain matin, je suis appelée sur le pont pour admirer les Portes de Saint-Jean. Ce sont de grandes roches granitiques qui s’avancent dans la mer à l’embouchure de la rivière Umzimoubu. J’avais tant entendu vanter la beauté de cette côte que je la trouve fort au-dessous de sa réputation. Pourtant l’aspect est plus riant à mesure que nous approchons de la belle terre de Natal. Les collines s’élèvent de distance en distance ; nous distinguons à la lorgnette des espèces de meules de foin. Ce sont en réalité des huttes cafres. Il est difficile de savoir de quoi les habitants subsistent car on ne découvre nulle trace de culture. Pourtant, à la limite de la terre de personne et du Natal, les habitations deviennent plus nombreuses et l’on voit sortir, en rampant, des ouvertures basses qui servent de porte aux huttes, des enfants nus, gras comme de petits loirs. Ils vivent, me dit-on, de petit lait, car un palais cafre n’apprécie que le goût du lait aigre ; et d’une sorte de bouillie faite de mealics ou maïs concassé : c’est la principale nourriture des hôtes et des gens.
Nous voici devant un point fort reconnaissable par un éboulis de roches aux couleurs étranges et les restes d’une grande chaudière de fer. C’est là qu’il y a plus de cent ans le magnifique clipper Grosvenor vint se briser. On raconte une terrible histoire sur ce naufrage. Les hommes périrent ou furent massacrés ; quelques femmes portées sur la côte, furent conduites dans les kraals des chefs cafres. Quels maris furent ces robustes guerriers pour leurs épouses involontaires, la tradition est muette à cet égard. Mais le fait est que leurs descendants sont presque tous fous ou idiots.
À mesure que le soir s’avance un brouillard épais me cache la côte, et malgré mon désir de voir la lumière du port de Durban, il faut me réfugier dans ma petite cabine.
Vers minuit le bruit des chaînes de l’ancre et le changement de mouvement du navire nous apprennent que nous sommes devant la barre. Il nous faut encore attendre le remorqueur, mais hélas ! il faut abandonner l’espoir de déjeuner à terre. Le remorqueur, vu l’état de la mer, ne peut prendre que les dépêches ; les passagers, me dit-on, ne débarqueront pas avant l’après-midi. Mais le temps, je dois reconnaître, passa pour moi plus vite que je ne l’espérais, car malgré le vent et la pluie un petit bateau de pêche amena Frédéric à bord. Nous avions tant à dire, que selon l’expression de Georges, « il fut après-midi tout de suite