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Une visite à Paris E-Book

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Extrait: "C'est à la porte de Neuilly, entre les boulevards Lannes et Gouvion-Saint-Cyr, que, par une belle matinée de mai, fraîche encore, ensoleillée déjà, nous désirons vous rencontrer, chers lecteurs, pour vous souhaiter la bienvenue et commencer avec vous cette série de promenades dont, nous l'espérons, vous conserverez un bon souvenir."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 541

Veröffentlichungsjahr: 2016

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Avertissement

Ce livre a été écrit pour les visiteurs qui ne peuvent faire à Paris qu’un court séjour. S’ils veulent bien suivre l’auteur dans les itinéraires qu’il a tracés, ils économiseront un temps précieux et emporteront un souvenir exact de la capitale.

Nous avons supposé que notre lecteur pourrait consacrer treize jours – les treize jours d’un touriste – à la visite de la Ville, et nous avons divisé notre travail en autant de promenades possibles à faire chacune dans une journée.

Nous ne visiterons donc que les quartiers qui présentent, par leur beauté, leur originalité, la profusion des monuments qu’ils renferment, un véritable attrait pour les étrangers.

Onze plans en couleur avec itinéraires tracés en rouge sur les arrondissements traversés tiennent lieu de guide au touriste. Ils seront consultés sans fatigue en raison de leur clarté. Un plan du bois de Boulogne, un plan du bois de Vincennes, un plan donnant la division de Paris et l’orientation des arrondissements complètent cet ensemble.

Des gravures hors texte rappellent aux visiteurs la physionomie de Paris.

Les Renseignements pratiques, à la fin du volume, indiquent les heures d’ouverture des monuments, musées, bibliothèques, etc.

Nos promenades sont composées de deux parties bien distinctes. La première, imprimée en gros texte, contient l’indication de la marche à suivre, reflète les impressions ressenties, détaille les curiosités qu’on rencontre et les monuments qu’on visite. La seconde, documentaire, imprimée en petit texte, est utile à connaître, mais on peut remettre sa lecture à l’heure où l’on reprendra le livre pour fixer ses souvenirs ; c’est l’histoire des édifices, des institutions, des manufactures qu’on a rencontrés en chemin.

Afin de permettre à ses lecteurs d’apprécier les progrès de tous genres accomplis dans Paris, l’auteur, sous le titre d’Esquisses parisiennes, fait suivre chacune de ses journées de curieuses études historiques qui font connaître les agrandissements successifs de la ville, la délimitation de ses diverses enceintes, ce qu’étaient ses rues, son éclairage, son approvisionnement d’eau au temps passé ; d’autres, traitant des voitures et des foires, révèlent quelques détails des anciennes coutumes parisiennes ; celle-ci raconte les mœurs nouvelles de la butte Montmartre, devenue, grâce à d’habiles industriels et à quelques artistes doublés d’excentriques, une petite ville de plaisir dans la grande ville ; celle-là entretient les lecteurs des ponts qui traversent la Seine ; une autre leur signale les efforts de l’assistance publique pour soulager la misère et passe rapidement en revue les hôpitaux et hospices où sont soignés les malades et reçus les vieillards. Enfin, car tout est à voir à Paris, l’auteur nous conduit dans ses dessous et nous fait visiter le Métropolitain, les égouts et les catacombes, et dans une dernière étude, nous sert de guide à travers les méandres des grandes nécropoles.

On comprend qu’en treize jours on ne saurait songer à visiter Paris tout entier ; aussi conseillons-nous à ceux qui habitent Paris ou qui peuvent y faire un plus long séjour, l’ouvrage du même auteur, édité par notre librairie : Paris, promenades dans les vingt arrondissements, donnant une description absolument complète et méthodique de la capitale.

Première journée

Avenue de la Grande-Armée. – Arc de triomphe. – Avenues Victor-Hugo et Henri-Martin. – La Muette. – Auteuil. – Église Notre-Dame d’Auteuil. – Palais, parc et musées du Trocadéro. – Église Saint-Pierre de Chaillot. – Église russe.

ESQUISSES PARISIENNES.– Les Promenades.

C’est à la porte de Neuilly, entre les boulevards Lannes et Gouvion-Saint-Cyr, que, par une belle matinée de mai, fraîche encore, ensoleillée déjà, nous désirons vous rencontrer, chers lecteurs, pour vous souhaiter la bienvenue et commencer avec vous cette série de promenades dont, nous l’espérons, vous conserverez un bon souvenir.

En allant au-devant de vous, nos regards plongent sur cette belle avenue de Neuilly, dont la ligne droite, large et verdoyante, fuit jusqu’au rond-point de Courbevoie, laissant apercevoir la silhouette imposante d’une belle œuvre de Barrias, le monument de la Défense nationale.

En nous retournant pour vous accompagner, nous avons sous les yeux le développement de l’avenue de la Grande-Armée ; cette superbe voie, large de 70 mètres, est une partie de l’avenue de Neuilly absorbée par la ville en 1860.

Une large chaussée centrale court entre des terre-pleins plantés de deux rangées de beaux arbres et suivis de chaussées plus étroites précédant les trottoirs ; au bout, à plus de 800 mètres, fermant la perspective, se dresse l’arc de triomphe de l’Étoile.

Mais nous ne sommes encore qu’à l’extrémité de l’avenue ; là sont des restaurants accueillants aux noces bourgeoises, des cafés où cyclistes et automobilistes se réunissent, de beaux immeubles de hauteurs diverses, des boutiques occupées en grand nombre par des marchands de vélocipèdes et d’automobiles, négociants dont les enseignes tapageuses font contraste avec celles, fort sobres, des industriels et débitants qui les avoisinent. Il y a ici des carrossiers, des serruriers d’art, des magasins d’approvisionnements, tous très luxueusement installés.

À notre gauche nous apercevons la façade, d’un très pur style ogival, la grande fenêtre à rosace et les trois portes de l’église de l’Étoile, un temple protestant construit, en moins d’une année, sous la direction de l’architecte Hansen.

Ce temple, inauguré le 29 novembre 1874, affecte la forme d’une croix latine ; intérieurement, son aspect est moins froid que ne l’est généralement celui des églises réformées. Dans sa nef et ses annexes, 1 800 personnes peuvent être assises.

À côté de l’église, y attenant et administrée par ses pasteurs, est une école professionnelle de jeunes filles, où l’on enseigne la comptabilité, la couture, le dessin, la peinture sur porcelaine, etc.

Mais, à tout cela on ne prête qu’une attention distraite : le regard et la pensée sont tous deux captivés par la masse grandiose de l’arc de triomphe de l’Étoile.

Rien de mieux compris dans ses proportions, de plus pur dans ses lignes, de plus imposant dans son ensemble que ce magnifique monument ouvrant sur Paris son grand arc traversé d’azur.

Napoléon Ier, dans sa pensée, faisait ériger l’Arc de triomphe pour célébrer la gloire de la Grande Armée et en perpétuer le souvenir ; il posa la première pierre de l’édifice le 15 août 1806. Lors de la chute de l’Empire, en 1814, deux architectes avaient déjà dirigé les travaux : Chalgrin, auteur des plans, mort en 1811, et Goust, qui conduisit la construction jusqu’à l’imposte du grand arc et qui, après dix ans d’inaction forcée, se remit à l’œuvre, en 1824. Quatre ans plus tard, Huyot lui succéda ; il fit terminer le grand entablement et les sculptures de la grande voûte ; puis, le travail, interrompu encore, fut repris par Blouet en 1832. Le monument, enfin terminé et dédié à toutes les armées françaises depuis 1792, fut inauguré le 29 juillet 1836.

Tous les grands sculpteurs du temps ont concouru à la décoration de l’Arc de triomphe : Rude, Étex, Pradier, Cortot, Caillouette, Seurre, Laitié, Lemaire, Feuchères, Chaponnière, Gechter, Marochetti, ont signé les groupes et les bas-reliefs dont les massifs, les frises et les tympans sont décorés.

La Résistance et la Paix, groupes qui regardent l’avenue de la Grande-Armée, sont d’Étex ; le Triomphe, œuvre de Cortot, fait du côté des Champs-Élysées un pendant un peu froid à la fougueuse et entraînante composition de Rude, le Départ, une des plus belles œuvres de la sculpture moderne.

Signalons encore, du côté de l’avenue de la Grande-Armée, le groupe de la Prise d’Alexandrie, signé Chaponnière, où l’on distingue une très belle figure de Kléber blessé, et le Passage du pont d’Arcole, de Feuchères.

Trente boucliers décorent le monument à la hauteur de l’attique, chacun d’eux porte un nom de victoire ; sous les voûtes sont encore inscrits les noms d’une centaine de combats, sièges ou batailles, et ceux aussi d’environ quatre cents hommes de guerre.

La place de l’Étoile, grand cercle dont le rayon n’a pas moins de 120 mètres, est bordée de magnifiques immeubles formant des îlots séparés par douze belles avenues plantées d’arbres.

La plus large est l’avenue des Champs-Élysées, prolongement de celle de la Grande-Armée. Silencieuse à cette heure, à peine sillonnée par les courbes de quelques cycles ou le galop de quelques cavaliers, elle s’étend comme un immense tapis jusqu’à la place de la Concorde. À son extrémité, on voit, fine de forme et toute rose sous le soleil matinal, la pyramide de l’obélisque de Louqsor et, au-delà, les frondaisons du jardin des Tuileries.

Nous ne croyons pas qu’aucune ville puisse se présenter à ses visiteurs par un plus magistral et plus imposant vestibule. Tout est ici réuni pour charmer les regards, faire jaillir des poitrines un long cri d’admiration et donner une haute idée des richesses et de la splendeur de la capitale.

Mais nous aurons l’occasion de revenir sur cette avenue plus tard ; pour l’instant, nous allons visiter les quartiers qui s’étendent au sud de la place entre la Seine et le bois de Boulogne ; ils formaient, avant 1860, les villages de Passy et d’Auteuil ; ils ont eu pendant longtemps l’aspect d’un jardin immense où l’on aurait édifié des villas ; aujourd’hui, les grandes constructions les envahissent.

L’avenue Victor-Hugo, par laquelle nous quittons le rond-point de l’Étoile, était autrefois une route départementale ; après s’être appelée avenue de Saint-Cloud, puis avenue d’Eylau, elle a pris son nom actuel au lendemain de la mort du poète (22 mai 1885).

C’est une voie dont l’aspect change, pour ainsi dire, constamment ; très commerçante à son début, elle devient plus loin d’aspect assez aristocratique et, vers la fin, ses maisons basses et vieillottes, cachant des jardinets, ressemblent à de provinciales habitations.

Au bout de quelques minutes de marche, nous rencontrons la place Victor-Hugo, un cirque de 100 mètres de diamètre autour duquel rayonnent une dizaine de rues et d’avenues ; à son centre est un monument haut de 11 mètres élevé à Victor Hugo par Barrias, Allard et Pascal ; au sud se dresse la façade très simple de l’église Saint-Honoré d’Eylau, construite, en 1855, par l’architecte Debressenne. Elle ne fut d’abord qu’une chapelle ; en 1862, elle devint une succursale de la paroisse de Passy.

L’Institut des bègues, qui, sur l’avenue Victor-Hugo, fait face à une porte ouverte sur le flanc droit de l’église, n’est pas un monument, mais une institution qui caractérise les modernes tendances humanitaires de la science à Paris.

Aujourd’hui subventionné par la Ville, l’institut a été fondé, en 1867, par le docteur Chervin. Sans rien emprunter à la chirurgie ni à la médecine, on y suit une méthode qui corrige non seulement le bégaiement, mais encore tous les autres défauts de prononciation. La maison a des succursales à Bruxelles et dans plusieurs grandes villes de France.

La maison mortuaire de Victor Hugo, petit hôtel qui portait le numéro 124 de l’avenue, a été remplacée en 1907 par une maison de rapport sur laquelle une plaque commémorative a été posée par les soins du Comité des inscriptions parisiennes. C’est là que le grand poète passa les dernières années de sa vie ; c’est de là que partit son cercueil, en mai 1885, pour être exposé sous la grande voûte de l’Arc de triomphe transformée en chapelle ardente.

Nous parlions d’une institution tout à l’heure ; dans le voisinage du lieu où nous sommes, au bout de la rue des Belles-Feuilles, au rond-point Bugeaud, vous pourrez voir la fondation Thiers, maison élevée aux frais de Mlle Dosne en exécution d’une clause du testament du grand homme d’État.

Là sont reçus, logés et nourris pendant trois années, une douzaine de jeunes gens âgés de moins de vingt-sept ans et reconnus aptes à devenir des hommes distingués.

Les constructions, simples, élégantes, agrémentées d’un beau jardin, ont été élevés sur les plans et sous la direction de M. Aldrophe, un artiste dont nous aurons l’occasion de reparler.

Par les rues Spontini et de Longchamp, nous arrivons à celle de la Pompe et nous nous trouvons devant une longue façade ornée de bustes et de statues. Cette façade est celle du lycée Janson de Sailly.

Le lycée Janson de Sailly, fondé par l’État en 1884, a rapidement pris une place prépondérante parmi nos grands centres d’enseignement. On admet là des enfants très jeunes ; il en sort des élèves prêts à passer les examens d’admission aux Écoles polytechnique de Saint-Cyr, centrale, navale, Institut agronomique, grandes écoles commerciales, etc. Les élèves des écoles Gerson et Lacordaire, situées l’une, 31, rue de la Pompe, l’autre, 35, rue Saint-Didier, suivent les cours du lycée Janson de Sailly.

Les bâtiments et les cours plantées d’arbres, qui les séparent, couvrent une superficie de 32 000 mètres. La construction a été dirigée par Laisné, architecte.

Nous voici maintenant sur l’avenue Henri-Martin, une belle voie longue de plus de 1 300 mètres, percée, en 1858, sous le nom d’avenue de l’Empereur, et très fréquentée le matin par les cavaliers élégants.

Ici, simple, mais de grande allure, décorée d’un bas-relief de Lemaire symbolisant le Mariage, se développe une façade encore, celle de la mairie du seizième arrondissement, d’apparence toute neuve, bien que datant de 1877.

L’édifice est de trop engageant aspect pour que nous n’en franchissions pas le seuil. Nous y pourrons admirer les peintures, dont le grand escalier, le vestibule, les salles des fêtes et des mariages ont été décorés par M. Ch. Chauvin, et aussi cinq grandes compositions de M. Émile Lévy. Dans la voûte de la salle des fêtes, l’architecte, M. Godebœuf, a fait inscrire en lettres d’or les noms des nombreux personnages illustres qui ont habité Auteuil et Passy.

Le square Lamartine est tout voisin de la mairie. C’est une place plantée, entourée d’arbres taillés en basses pyramides quadrangulaires ; elle est sillonnée d’allées sablées et décorée d’une statue de Lamartine due au ciseau de M. Marquet de Vasselot. Le poète est représenté assis, rêvant, son lévrier à ses pieds.

Au fond du jardinet, une épaisse touffe de fusains cache aux regards le point d’arrivée de la colonne d’eau du puits artésien de Passy.

Ce puits a été foré en six années, de 1855 à 1861, sous la direction de M. Kind, ingénieur saxon. Profond de 586 mètres, il débite, en vingt-quatre heures, 8 000 mètres cubes d’une eau provenant de la même nappe que celle du puits de Grenelle.

En quittant le square, nous nous trouvons sur le dernier tronçon de l’avenue Victor-Hugo, tout auprès de la Muette et des pelouses du Ranelagh.

La Muette, belle propriété privée, séparée de la voie publique par un saut de loup et destinée à une prochaine disparition, fut un rendez-vous de chasse au temps de Charles IX et, plus tard, une résidence royale. Marie-Antoinette y logea lors de son arrivée en France et Louis XVI y passa avec elle les premiers temps de son règne.

Le Ranelagh est de moins noble origine. Il fut créé en 1774 par un certain Morisan, garde de la porte de Passy. C’était un bal avec café, restaurant, salle de spectacle, etc., une imitation de l’établissement que lord Ranelagh venait de fonder à Chelsea, près Londres. La jeune reine ayant assisté à l’une des fêtes qu’on y donnait, la plus brillante société ne tarda pas à s’y rendre. Elle en fit alors les beaux jours. Fermé pendant la Terreur, le Ranelagh rouvrit sous le Directoire ; les muscadins, les incroyables, les merveilleuses, lui fournirent alors une clientèle assidue. Sous l’Empire, la vogue ne l’abandonna pas : on y rencontrait alors ces reines de la mode qui s’appelaient Mmes Tallien et Récamier. Bivouac pour les alliés en 1814, ambulance en 1815, le Ranelagh connut encore des jours prospères sous la Restauration. En ce temps, on vit passer dans ses jardins, suivie de sa cour d’aimables femmes, la toute jeune et toute gracieuse duchesse de Berry.

De tout ceci, il ne reste plus que le souvenir.

Ces pelouses sont devenues une agréable promenade, que ne dédaignent, ni les désœuvrés qui y rencontrent un café, ni les mélomanes qui se groupent le dimanche et le jeudi autour du kiosque qu’un orchestre occupe, ni les enfants qui trouvent là leur Comédie françaises : un théâtre de Guignol. Quant aux simples promeneurs, leur vue est réjouie par l’aspect de ce jardin, par ses beaux arbres, ses allées douces au pas, son voisinage de gaies villas, et aussi par les belles œuvres sculpturales qui le décorent. Il y a là le Fugit amor, de Damé ; la Biblis changée en source, de Leenhoff ; la Méditation, de Tony Noel ; le Pêcheur ramenant dans ses filets la tête d’Orphée, de Longepied ; le Caïn, de Caillé ; puis, enfin, le monument de La Fontaine, buste du fabuliste souriant du haut de son piédestal à quelques-uns des animaux qu’il a si spirituellement fait parler, jolie œuvre du sculpteur Dumilâtre.

Le Chemin de fer de Ceinture passe au nord de la promenade et la station de Passy est à deux pas du monument de La Fontaine ; nous avons marché pendant longtemps déjà, sautons dans un train et, dans sept ou huit minutes, ayant suivi les boulevards Beauséjour, de Montmorency et Exelmans, nous nous arrêterons en gare du Point-du-Jour, presque à l’extrémité de ce qui fut autrefois le village d’Auteuil.

Au Point-du-Jour stoppent les bateaux qui font la montée et la descente de la Seine ; la berge est un large quai bordé de guinguettes joyeuses. Là on déjeune, on dîne, on tourne sur des chevaux de bois au son de l’orgue de Barbarie ; on danse entraîné par des orchestres plus bruyants qu’harmonieux ; on prouve son adresse au tir, sa hardiesse sur la balançoire, sa science de vélocipédiste sur des cycles de tous modèles. Le Point-du-Jour est un endroit exceptionnellement et constamment joyeux.

C’est là que prend naissance le magnifique viaduc d’Auteuil, une de ces œuvres qui, dans deux mille ans, exciteront chez les curieux une admiration égale à celle que nous éprouvons pour les constructions romaines.

Long de 175 mètres, large de 30, le viaduc est tout à la fois un pont pour les piétons et les voitures et, pour le chemin de fer, une voie aérienne traversant hardiment la Seine. Élégant dans sa forme, il est percé d’arcades éclairant des galeries de circulation. C’est, en ce genre, un des plus beaux ouvrages que nous connaissions. Il a été construit en 1865 par M. de Bassompierre, ingénieur en chef du Chemin de fer de Ceinture.

Auteuil, où nous entrons, appartint jadis à l’abbaye du Bec, puis à celle de Sainte-Geneviève de Paris ; le vin que produisaient ses vignes jouissait d’une grande réputation.

Au dix-septième siècle, les vignes disparaissent, les grands arbres se multiplient, les maisons de campagne se groupent à leur ombre ; le médecin Hubert constate les vertus curatives d’une source d’eau ferrugineuse qu’on vient de découvrir dans le pays. Auteuil sort de l’oubli. Des hommes, dont la célébrité, universelle maintenant, ne dépassait pas alors le cercle restreint de la cour et des lettrés, y plantent leur tente aujourd’hui Boileau, demain Molière ; le charmant village devient très fréquenté. Au dix-huitième siècle, il y a à Auteuil un bal aussi célèbre que le fut le bal d’Asnières sous le second Empire. Plus tard, Gendron, médecin du régent, habite ici la maison de Boileau, Voltaire le visite et chante son logis en un assez banal quatrain. Vers 1772, la veuve d’Helvétius, une demoiselle de Ligne-ville, s’y retire et groupe autour d’elle une foule de gens distingués ; elle en forme un cénacle philosophique, la Société d’Auteuil, qui, plus tard, sous l’Empire, devint un foyer d’opposition dont la raillerie spirituelle inquiéta souvent Napoléon Ier.

Croisant, à l’est du hameau Boileau, les rues Jouvenet, Lancret, de Musset, nous arrivons à la villa de la Réunion, plus connue sous le nom d’institution de Sainte-Périne.

Sainte-Périne est une maison de repos pour les vieillards des deux sexes à qui leurs ressources permettent de payer pension. L’institution, dont la première pensée appartient à M. de Chamoussel, maître des comptes, mort en 1773, ne fut réellement organisée qu’en 1804 par Duchayla et Gloux, que protégeait l’impératrice Joséphine ; elle s’installa alors dans les bâtiments désaffectés du couvent de Sainte-Périne, rue de Chaillot, qui, lorsqu’on perça l’avenue Joséphine, furent atteints par l’expropriation.

Alors et sous la direction de M. Ponthieu s’élevèrent, dans un vaste parc, les belles constructions qui abritent aujourd’hui environ 300 pensionnaires, hommes et femmes, tous gens de bonne éducation, de passé sans tache ; ils ont chacun leur chambre et, en ce qui concerne les visites et les sorties, jouissent d’une liberté complète.

La maison de retraite Chardon-Lagache est toute voisine de Sainte-Périne et peut être considérée comme son annexe ; elle a le même directeur, le même service médical, une organisation identique, mais les prix de la pension sont moins élevés.

M. et Mme Chardon-Lagache ont fondé cet établissement en 1861, et, par acte authentique, assuré son entretien. Les bâtiments, réguliers et de bel aspect, se sont élevés sous la direction de M. Véra assez rapidement pour que la maison pût être ouverte au mois de juillet 1865. Elle peut recevoir 150 pensionnaires.

Plus moderne et de caractère plus spécial est la maison de retraite Rossini, inaugurée au mois de janvier 1888.

Elle a été construite aussi par Véra ; elle est dirigée par l’administration de Sainte-Périne et exclusivement destinée à recevoir, sans rétribution, les chanteurs et chanteuses français et italiens. Chaque pensionnaire a là sa chambre donnant sur un beau jardin.

Mais nous voici sur la place d’Auteuil ; empruntée, en 1753, au territoire d’un cimetière, elle s’est originairement appelée place d’Aguesseau, sans doute parce que, de toutes les tombes de la nécropole, on en avait conservé une, celle qui renferme les restes du chancelier et de sa femme, Anne Lefèvre d’Ormesson.

Cette tombe est debout encore ; c’est un obélisque de marbre rouge reposant sur un piédestal de marbre blanc.

À l’angle nord de la place naît la rue d’Auteuil. Son premier immeuble du côté pair occupe l’emplacement de la maison de campagne de Molière.

L’église Notre-Dame d’Auteuil, dont la haute et maigre tour se dresse ici devant nous, remplace, depuis 1877, un édifice qui remontait au douzième siècle. C’est une œuvre de l’architecte Vaudremer, dont toutes les parties ne sont pas également réussies, mais qui, néanmoins, mérite une visite. Le petit porche et la porte qu’il encadre forment une très engageante entrée ; le regard s’arrête avec plaisir sur la jolie Vierge de Maniglier dont elle est décorée. À l’intérieur, dont la disposition est fort heureuse, on remarque une Mater dolorosa, buste en plâtre de Carpeaux, donné par la veuve de l’artiste, les verrières de la chapelle de la Vierge, exécutées, d’après les cartons de Th. Maillot, par Roussel, de Beauvais, et dans la crypte, le tombeau de Mme Ternaux, morte en 1817, qui décorait l’ancienne église. C’est un beau morceau de sculpture.

Le grand industriel a habité Auteuil. À quelques pas de l’église, rue du Point-du-Jour, on vous montrera son ancienne teinturerie connue sous le nom de château Ternaux. Depuis le 1er janvier 1873, cet immeuble est occupé par l’école Jean-Baptiste Say.

L’école Say est une institution primaire supérieure orientée vers les carrières commerciales, sans exclusion de l’enseignement littéraire ; elle prépare avec succès les jeunes gens à l’École de Châlons et accepte des boursiers présentés par le département de la Seine. Les vieux bâtiments ont été reconstruits, agrandis, embellis par M. Salard, architecte. Une inauguration solennelle a eu lieu au mois de mars 1900.

Tout auprès de l’école Say, mais ayant son entrée rue Molitor, vous verrez l’École normale primaire d’instituteurs, construite en 4878 par Salleron ; là se perfectionnent les professeurs qui se destinent à la carrière de l’enseignement primaire.

Nous sommes au nord du hameau Boileau, un coin charmant, un jardin traversé par la rue Boileau et coupé par une ramification d’avenues et d’impasses, pittoresquement disposées, bordées de villas, ombragées de feuillages, parfumées de fleurs.

C’est au numéro 26 de la rue Boileau que se trouvait la maison de campagne du satirique ; le 71 a été habité par le grand sculpteur Carpeaux.

Plus haut, d’un aspect plus aristocratique, mais d’une topographie semblable, est la villa Montmorency, où, parmi les peupliers et les tilleuls, de riches cottages dressent leurs façades originales.

On montre, dans la villa, l’orangerie de la maison de campagne de Mme de Boufflers et, au numéro 72 du boulevard de Montmorency, la maison où Jules de Goncourt est mort, en 1870, et son frère Edmond en 1895.

La rue La Fontaine, qui existait à l’état de chemin dès le commencement du dix-huitième siècle et devint plus tard une route départementale, longe, au sud-est, le quartier de Boulainvilliers, ainsi nommé en souvenir du marquis de Boulainvilliers, dernier seigneur de Passy.

Nous y rencontrons, à l’angle de la rue Gros, les Magasins de la ville de Paris, qui formaient l’ancien Musée de ses collections artistiques, organisé, en 1888, par M. A. Renaud inspecteur en chef des beaux-arts.

Ce musée a été transporté depuis 1902 dans le Petit-Palais de l’avenue Alexandra III, mais on conserve encore dans ces magasins une foule d’œuvres provenant de commandes aux artistes ou d’acquisitions aux salons annuels ; de nombreuses maquettes de statues décorant nos places publiques et des esquisses de tableaux ornant l’intérieur de nos monuments ; des vues d’édifices et de quartiers disparus, des reproductions de scènes historiques, etc., tout cela signé des noms les plus aimés dans l’art français. C’est dans une de ses salles que se font les tirages des emprunts de la Ville de Paris.

Rue de l’Assomption, autrefois chemin des Tombereaux, nous voyons l’ancien château de la Tuilerie, qu’habitèrent Talleyrand, Thiers et Mlle Rachel. Il fut ensuite converti en un couvent qu’occupèrent jusqu’à ces dernières années les Dames de l’Assomption. Vis-à-vis de cet édifice, l’architecte Vaudremer a construit un bâtiment où, depuis 1888, est installé le lycée Molière, institution de jeunes filles.

Il y a non loin de là un dépôt de la Compagnie des Tramways. Ceci n’a rien de curieux, certes, et nous ne le signalerions pas si ses écuries et ses magasins ne renfermaient la source ferrugineuseque l’on peut voir rue de la Cuve.

Rentrons dans Passy, non dans le Passy riche, verdoyant que nous avons vu au début de notre promenade, mais dans le Passy un peu triste, indolemment commerçant, que limitent d’un côté les rues Mozart et de la Pompe, et des autres les rues de la Tour, Raynouard et de l’Assomption.

À l’angle des rues Raynouard et Singer, à l’endroit où s’élevait jadis l’hôtel Valentinois, une Vierge encastrée dans un mur décorait le vaste établissement anciennement dirigé par les Frères de Passy, et aujourd’hui remplacé par des immeubles de rapport.

Cette institution, fondée en 1837, occupa originairement un immeuble situé au faubourg Saint-Martin. En 1839, l’architecte Desplans agença pour elle les maisons qu’elle occupa jusqu’en 1905, et auxquelles avait été adjoint un bâtiment portant le numéro 72, affecté maintenant à un nouveau pensionnat.

Presqu’en face de la rue de l’Annonciation, au n° 47, une inscription nous apprend que dans cette maison Honoré de Balzac vécut de 1842 à 1848.

Revenant sur nos pas, nous trouvons dans la rue Berton, qui descend jusqu’au quai de Passy, des sources d’eaux minérales et la maison de santé du docteur Blanche.

Cette dernière, ouverte à Montmartre en 1821, a été, un peu plus tard, transférée dans cette propriété qui fut la maison de plaisance de la princesse de Lamballe. On traite ici les déments ; la beauté des jardins, l’heureuse situation de l’établissement, contribuent à rendre efficaces les soins qui leur sont donnés.

Dirigeons-nous vers la droite, entrons dans la silencieuse rue de l’Annonciation, puis arrêtons-nous devant un petit porche décoré d’un assez joli bas-relief de Gumery ; ce porche donne accès à l’église paroissiale Notre-Dame de Grâce.

C’est un modeste édifice construit au dix-septième siècle aux frais de Claude de Chahu, propriétaire, en ce temps, du petit port de Passy ; en 1846, l’église a été sensiblement agrandie et le clocher surélevé par Debressenne, alors architecte de la commune ; plus tard, elle s’est enrichie d’une Vierge en marbre d’Étex et de vitraux signés Laurent Gsell.

Continuant à suivre la rue de l’Annonciation, nous arrivons bientôt à la place de Passy, point d’arrêt des omnibus qui viennent de la Bourse.

De forme irrégulière, cette place est à peu près au milieu de la rue de Passy, dont l’aspect rappelle ici celui des anciennes voies commerçantes de la capitale ; c’est la principale rue de l’ancien village.

Au bout de la rue de Passy s’ouvre la rue Franklin.

Laissons derrière nous la rue Vineuse, descendons un escalier et nous nous trouverons sur la partie circulaire de la place du Trocadéro, originairement place du roi de Rome ; les avenues Henri-Martin, d’Eylau, de Malakoff, Kléber, du Trocadéro, forment autour d’elle un rayonnement de longues et vertes perspectives.

Au sud-est de la place apparaît l’entrée du palais du Trocadéro.

Place du Roi-de-Rome, Trocadéro, ces noms paraissent étranges aujourd’hui ; nous allons expliquer leur origine.

La hauteur où nous sommes dominant la Seine et le Champ-de-Mars était, avant les transformations que Paris a subies sous le dernier Empire, un coin calme, désert, herbu, feuillu, un coin de forêt agréable aux promeneurs. Cela avait-il un nom officiel au dix-huitième siècle ? Nous ne savons ; nous croyons qu’on appelait le lieu montagne de Chaillot. Napoléon Ier trouva la situation belle pour y faire bâtir une demeure destinée à son fils ; les fondations du palais du roi de Rome furent ébauchées en 1813, puis l’heure des revers sonna et les travaux furent suspendus.

En 1824, quand le duc d’Angoulême revint d’Espagne et entra triomphalement dans Paris en passant avec son armée sous l’Arc de triomphe inachevé, on donna une grande fête militaire – assez médiocrement réussie – où la montagne de Chaillot fut employée à figurer le fort du Trocadéro et à se rendre aux violentes attaques dirigées contre elle par des batteries échelonnées sur le Champ-de-Mars ; il fut même question alors d’élever, en ce lieu, un monument commémoratif de la campagne de 1823 ; le projet fut oublié ou abandonné. Les travaux entrepris à Paris sous le second Empire commencèrent à modifier l’aspect du quartier. En 1878, lors de l’Exposition universelle, le palais fut construit sous la direction des architectes Davioud et Bourdais, le parc fut planté, et l’ensemble devint ce que nous le voyons.

À l’origine, le principal attrait du palais fut sa belle salle des Fêtes, haute de 30 mètres, couronnée par un dôme, et dans ses 130 mètres de circonférence, dans ses loges, ses baignoires, ses gradins, pouvant contenir 5 000 personnes.

Aujourd’hui, la salle des Fêtes est employée pour des solennités, des concerts, de grandes assemblées, mais le palais offre aux visiteurs des attractions plus puissantes.

Voici d’abord, occupant, au rez-de-chaussée, les deux ailes du palais, le musée de sculpture comparée, organisé en 1882 par Geoffroy-Dechaume, qui en resta le conservateur pendant les dix dernières années de sa vie. Le grand artiste a réuni ici des moulages d’une irréprochable exécution ; il a placé dans l’ordre chronologique des reproductions d’œuvres qui permettent d’étudier les caractères de la sculpture monumentale chez tous les peuples, et de constater leurs progrès depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à nos jours.

Fort intéressant pour les professionnels et les amateurs de grand art, ce musée n’est jamais envahi par la foule ; aussi l’étude dans le silence y est-elle facile et les résultats d’une visite très appréciables.

La solitude est moins grande au musée ethnographique. Ici la curiosité du public est excitée par l’originalité de certains objets exposés, la bizarrerie de quelques autres, la couleur de ceux-ci, la forme de ceux-là ; il fait avec plaisir et par la pensée une sorte de voyage sur le globe, il passe un examen rapide des races humaines, de leurs goûts simples ou luxueux. Il voit les hommes ici dans les logis qu’ils habitent, là devant les dieux qu’ils prient. Le berceau de l’enfant, les parures de la femme, les outils de l’artisan, les armes du guerrier, le tombeau du mort, tout cela nous apparaît tour à tour et nous est présenté dans un ordre parfait, chaque partie du monde ayant sa galerie particulière, chaque genre de curiosité ayant sa vitrine.

Descendons maintenant dans le parc.

Du temps de sa création, il reste encore l’aquarium, curiosité à son début, aujourd’hui établissement scientifique auquel est annexé un enseignement de pisciculture.

L’aquarium est une sorte de caverne faite de rochers factices encadrant les bassins fermés de glaces où sont élevés, dans l’eau de la Vanne, les types principaux de nos poissons d’eau douce. Le saumon de Californie est ici l’objet de soins particuliers ; le spectateur peut suivre son développement progressif depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte, moment où les sujets sont transportés dans les affluents de la Seine.

Le palais forme de ce côté un hémicycle composé de deux galeries superposées ; en retrait se dessine le dôme de la salle des Fêtes surmonté d’une colossale statue de Mercié représentant la Renommée, et sur les flancs se dressent deux tours carrées hautes de 70 mètres (on accède au sommet de l’une d’elles par un ascenseur).

Au-dessous de la salle des Fêtes, formant une heureuse et artistique décoration, on voit la fontaine monumentale ornée de statues représentant les diverses parties du monde, par Schœnewerk, Falguière, Delaplanche, Hiolle, Millet et Moreau. De chaque côté de la cascade, placées dans des niches, deux autres statues, l’une de Cavelier, l’autre de Jules Thomas, symbolisent l’Air et l’Eau.

En sortant du parc par son extrémité nord-est, nous verrons, rue Magdebourg, une jolie construction carrée ornée d’une loggia que décore une grande carte de France et flanquée d’une tour supportant un phare lenticulaire ; c’est ici qu’est établi le dépôt des phares.

Faisons quelques pas encore et nous nous trouverons sur la place d’Iéna, qui est ornée d’une statue de Washington, par D. French, et devant un édifice de style néo-grec où sont réunies les collections du musée Guimet.

L’ensemble des collections formées par M. Guimet, à Lyon d’abord et transférées à Paris en 1889, pourrait s’appeler musée des religions. Vous y verrez, outre les idoles chinoises, japonaises, égyptiennes, grecques, italiennes, gauloises, etc., des reproductions très exactes et très pittoresques des cérémonies de tous les cultes et de toutes les sectes, des peintures de Félix Régamey, donnant une idée très précise des costumes portés par les prêtres de Bouddha et de Schin-Tô, par les bonzes, les génies et les héros. Une bibliothèque toute spéciale et renfermant plus de 13000 volumes est à la disposition des travailleurs.

De l’autre côté de la place, à l’angle des rues Pierre-Charron et Galliera, entouré d’un jardin qu’une grille sépare de la voie publique, s’élève un palais à l’italienne construit par l’architecte Ginain, orné de sculptures par Chapu, Thomas et Cavelier. Destiné à recevoir les collections léguées à la Ville par la duchesse de Galliera, cet édifice porte officiellement le nom de musée Brignole-Galliera. On peut y voir une fort remarquable collection de tapisseries anciennes de la duchesse, des marbres de valeur et une exposition permanente d’objets d’art industriel à vendre.

En quittant le musée, nous suivons l’avenue du Trocadéro jusqu’à la place de l’Alma, où, sur l’emplacement de l’ancienne pompe à feu de Chaillot, nous trouvons de belles constructions modernes.

Cette pompe, la première de ce genre qui ait été construite à Paris, fut, en 1778, établie par les frères Périer, qui avaient rapporté de Londres une machine à vapeur récemment découverte pour l’élévation de l’eau. Comme vous le pensez, l’installation primitive et la machinerie, fort admirées en ce temps, furent bien modifiées depuis ; les derniers travaux, exécutés en 1857, furent une réédification à peu près complète. L’ancienne pompe possédait deux machines de la force de 175 chevaux. Chacune d’elles pouvait élever 19000 mètres cubes d’eau par vingt-quatre heures.

Tout à côté, sur le quai Debilly, où l’on voyait jadis la manufacture de tapisseries dite de la Savonnerie, depuis réunie aux Gobelins, s’élèvent les vastes bâtiments de la Manutention militaire.

Ces bâtiments ont été reconstruits après un grand incendie qui les dévora en 1855. Il y a là un moulin renfermant vingt et une paires de meules, quatre boulangeries fort bien agencées et d’immenses magasins où s’entassent les blés et les farines. Ne vous promenez pas devant l’établissement un cigare aux lèvres, la sentinelle vous crierait : « Passez au large ! »

 

Sur l’avenue de l’Alma, nous voyons un édifice de style gothique aux vastes proportions ; c’est l’église épiscopale américaine. Faisons un détour à gauche, et, arrivé sur l’avenue Marceau, plantée d’arbres et bordée d’immeubles à l’aristocratique allure, nous rencontrerons sur notre droite une sortie de l’église Saint-Pierre de Chaillot. La partie de l’édifice qui se présente ici à nos yeux est une chapelle Notre-Dame des Victoires que M. Marbeau ajouta, en 1887, à l’ancienne paroisse du village.

L’entrée principale de l’église est rue de Chaillot, une étroite voie à l’aspect faubourien contrastant violemment avec celui de l’avenue qui la traverse.

L’église existait déjà au onzième siècle et dépendait de Saint-Martin des Champs ; elle a été rebâtie plus tard dans le style ogival, mais les modifications qu’elle a subies aux dix-septième et dix-huitième siècles ont tout à fait dénaturé son caractère.

À quelques pas de là, rue Georges-Bizet, malheureusement un peu étouffée par les constructions voisines, vous verrez l’église grecque construite sur les plans de M. Vaudremer. Un dôme, surmonté d’une croix en fer, couronne ce monument.

Au numéro 23 de cette même rue est la maison de santé des sœurs du Très Saint-Sauveur fondée vers 1889 ; elle reçoit spécialement les malades dont l’état nécessite des opérations chirurgicales ; ils y sont entourés de soins intelligents.

Notre promenade touche à son terme, nous ne sommes plus qu’à une très faible distance de notre point de départ ; en nous acheminant vers lui, si nous entrons dans la rue Auguste-Vacquerie, autrefois rue des Bassins, nous y verrons une église encore, l’église Victoria.

Cet édifice, consacré au culte protestant, a été élevé par M. Sanson, architecte, sur l’initiative et aux frais de la colonie anglaise résidant à Paris. L’édifice est bâti dans le style roman. Il ne couvre pas une grande superficie ; mais ses proportions sont bien comprises et son ensemble est d’un bon caractère.

Il ne nous reste plus qu’à remonter pendant quelques instants la belle avenue d’Iéna pour regagner la place de l’Étoile.

Douze avenues, nous l’avons dit, commencent ou finissent autour de la place de l’Étoile ; plusieurs nous sont connues déjà, d’autres seront visitées dans nos prochaines promenades ; nous allons vous dire quelques mots de celles que nous ne vous ferons pas parcourir.

L’avenue Kléber aboutit à la place du Trocadéro ; un bel hôtel actuellement en construction y remplacera l’hôtel Basilewski, princière construction habitée jadis par l’ex-reine d’Espagne Isabelle ; à quelques pas à l’est, sur la place des États-Unis, se dresse au milieu des arbres le beau groupe de Bartholdi offert à la ville de Paris par la colonie américaine et représentant Lafayette et Washington.

L’avenue Carnot, originairement avenue d’Essling, est longue d’environ 300 mètres et conduit tout auprès de l’église Saint-Ferdinand.

Saint-Ferdinand est un modeste édifice construit en 1844 par Lequeux, agrandi depuis et portant le nom du fils aîné de Louis-Philippe, qui péril si malheureusement sur la route de la Révolte. Cette église est la paroisse du quartier des Ternes, ancien village, dont la principale voie, aujourd’hui avenue des Ternes, est la vieille route de Saint-Germain.

L’avenue Mac-Mahon est calme et silencieuse ; sa voisine, l’avenue de Wagram, ancien chemin de ronde du Roule, est animée et à certaines heures, bruyante même ; à son extrémité, près la place de l’Étoile, est la tête d’une ligne de tramways qui dessert les anciens boulevards extérieurs ; à droite, parmi des boutiques et des magasins divers, une grande arcade s’ouvre et donne accès à un dépôt appartenant à la Compagnie des Omnibus ; à gauche, on voit plusieurs cafés-concerts et la haute marquise de la salle Wagram.

Là se donnent des bals, des concerts ; là se tiennent des réunions publiques et se font des repas de corps. L’établissement est fort ancien ; c’était, au commencement du siècle dernier, un bal public très fréquenté par la classe ouvrière du temps, le bal Dourlens.

L’avenue Hoche, originairement boulevard de Monceau, puis, de 1857 à 1879, avenue de la Reine-Hortense, trace une ligne bordée d’arbres et de belles constructions qui réunit la place où nous sommes à l’une des entrées du parc de Monceau.

Au milieu de son parcours, on croise la rue du Faubourg-Saint-Honoré et l’on se trouve tout auprès de l’église russe.

Ce monument, de style byzantin moscovite, est l’un des plus originaux de la capitale ; il a été construit de 1859 à 1861, au moyen d’une souscription ouverte dans la colonie russe et dont le chiffre atteignit 1 200 000 francs ; les dessins ont été fournis par Krouzmine et les travaux conduits par Strohm, tous deux architectes russes.

L’église a, dans son plan, la forme d’une croix grecque ; sa façade, richement peinte et surmontée de cinq dômes dorés, se développe au fond d’un petit parvis au bout de la rue Daru. Le vestibule, la nef, le sanctuaire, tous de belles proportions, sont décorés de peintures sur fond d’or ; le sanctuaire, surélevé de trois marches, est séparé de l’église par un iconostase à sept travées d’une magnifique ordonnance et d’une richesse inouïe. Dans ce milieu ruisselant de couleurs, rutilant d’or, inondé de lumière par les cierges et les lampes, les cérémonies très pompeuses du culte grec – assistiez, si vous le pouvez, à un mariage – prennent un caractère très imposant.

Il nous reste à vous parler de l’avenue de Friedland, où vous pourrez entrer dans la jolie et riche chapelle du Corpus Christi. C’est un oratoire fondé, en 1874, par une mission espagnole, agrandi depuis et composé d’une nef et d’un chœur, l’une très simple, l’autre fort richement orné.

Au début de notre prochaine promenade, nous visiterons l’avenue des Champs-Élysées.

Esquisses parisiennes
Les promenades

Grâce à leur verdoyant aspect, au caractère de gaie campagne qu’ils avaient avant 1860 et qu’ils n’ont pas encore complètement perdu, les quartiers que nous venons de parcourir ont pu passer aux yeux des étrangers pour une de ces promenades parisiennes dont ils ont certainement entendu vanter les charmes.

Il n’en est rien pourtant, mais l’une de ces promenades, et la plus merveilleuse, continue à l’ouest de la ville et jusqu’à la Seine les verdures d’Auteuil et de Passy et confond presque ses frondaisons avec celles du magnifique parc de Saint-Cloud.

Cette promenade, c’est le BOIS DE BOULOGNE.

On s’y rend généralement par la splendide avenue qui porte son nom et conduit en ligne droite du rond-point de l’Étoile à la porte Dauphine.

Large de 120 mètres, longue de 1 300, cette avenue se compose d’une chaussée centrale où circulent les voitures, de deux contre-allées réservées, l’une aux cavaliers et cyclistes, l’autre aux piétons, de deux autres converties en pelouses plantées et enfin de deux rues bordées de maisons d’habitation et de luxueux hôtels.

L’un de ces hôtels, celui qui porte le numéro 59, fut la demeure du célèbre dramaturge Adolphe Dennery ; sa femme y avait réuni et déjà placé dans des vitrines de curieux spécimens des arts japonais et chinois, des représentations de divinités de l’Extrême-Orient, des vases, des bronzes, des jades, etc., etc. Léguées à l’État en 1899, ces collections forment aujourd’hui le musée Dennery, intéressant à parcourir et qui tient dignement sa place entre les musées Guimet et Cernuschi.

Mais revenons au bois de Boulogne.

Le bois de Boulogne

Le bois de Boulogne, minime partie de l’immense, sombre et dangereuse forêt du Rouvre, a été cédé à la ville de Paris par la liste civile en 1852. À travers ses épaisses futaies, sur une superficie d’environ 874 hectares, Alphand a embelli, régularisé, créé une centaine de routes, d’allées, de carrefours et d’avenues ; il a enrichi son œuvre de rivières, de lacs, d’îles, de cascades, de rochers artificiels ; des restaurants, des cafés, des vacheries-laiteries se sont installés à l’ombre de ses arbres.

Au nord, le Jardin d’acclimatation a groupé ses chenils, ses volières, ses autruches, ses éléphants, ses otaries et ses serres pleines de couleurs et de parfums ; à l’ouest, l’Hippodrome de Longchamp a édifié de luxueuses tribunes et tracé ses pistes magnifiques. La Ville a choisi le bois de Boulogne pour établir son Fleuriste et sa Pépinière d’arbres ; le Collège de France y a placé sa Station physiologique ; le Racing-Club s’est fixé sur les pelouses de la Croix Catelan ; un grand espace est réservé aux joueurs de polo près du champ d’entraînement ; à l’est, s’étend le Champ de courses d’Auteuil, où les steeple-chases sont suivis par la société la plus select. Enfin, on a respecté tout ce qu’on pouvait rencontrer de souvenirs du passé ; un moulin, seul reste de l’abbaye de Longchamp fondée par la sœur de Louis IX ; la croix Catelan, rappelant un assassinat commis au quatorzième siècle ; Bagatelle, une partie de la folie d’Artois, où passèrent toutes les mondaines du siècle dernier ; devant le café-restaurant du Château de Madrid, qui occupe l’emplacement d’une maison royale de plaisance bâtie au seizième siècle, on voit un chêne qui, dit-on, a été planté par François Ier.

Le bois de Boulogne est devenu un parc absolument unique en Europe, la promenade aristocratique par excellence. Chaque après-midi, dans la belle saison, ce qu’on est convenu d’appeler le tout-Paris fait en voiture sa promenade au Bois.

La curieuse journée annuelle du bois de Boulogne est celle où le Grand Prix de Paris se dispute sur l’hippodrome de Longchamp. Tout Paris est là, le chef de l’État et ses ministres dans la tribune d’honneur, piétons et cavaliers envahissent le bois, breacks, landaus, calèches font crier le sable des allées, les toilettes estivales s’exhibent dans tout l’éclat de leur fraîcheur et la nouveauté de leur coupe, les hourras traversent l’air, les bouchons de Champagne sautent en éclatant comme une fusillade. Les Anglais ont franchi la Manche et les Allemands le Rhin pour assister à cette solennité hippique. Le nom du vainqueur devient le nom le plus célèbre du monde… pendant un soir. Le retour des courses est, à lui seul, un des spectacles dont les Parisiens se montrent les plus friands. C’est aussi dans la plaine de Longchamp que se passent les grandes revues, solennités militaires dont le prestigieux éclat est toujours rehaussé par l’enthousiasme de la foule.

Tel que vous le voyez, le bois de Boulogne est, nous l’avons dit, la création d’Alphand ; un légitime hommage lui a été rendu. À la fin de l’année 1899, on lui a élevé sur l’avenue, à la hauteur de la rue Chalgrin, un monument de grande et belle allure. Le sculpteur Dalou en est l’auteur ; il a conçu son œuvre sur un plan nouveau et l’a exécutée de grande verve. Un hémicycle, orné de bas-reliefs représentant des ouvriers et des jardiniers se livrant à leurs travaux, entoure un groupe de personnages paraissant recevoir les ordres ou demander des conseils à Alphand, dont la statue, debout sur un haut piédestal, domine l’ensemble de la composition. Le fameux directeur des travaux de Paris est représenté dans l’attitude simple et familière qui était la sienne. Ici point de pose, rien d’officiel, mais un rendu très scrupuleusement exact, très vivant, de la physionomie et de la tournure du grand travailleur. Ses collaborateurs, parfaitement reconnaissables, sont l’ingénieur Huet, le peintre Roll, l’architecte Bouvard, et enfin, en blouse de travail, sorte de signature de l’œuvre, Dalou lui-même, son marteau à la main. La partie architecturale est l’œuvre de Formigé.

Transportons-nous à l’est, au Bois DE VINCENNES.

Le bois de Vincennes

En allant au bois de Boulogne, vous avez admiré une œuvre de Dalou ; en vous rendant à Vincennes, vous ne manquerez pas d’en contempler une autre due au même artiste. Celle-ci fut, en 1879, jugée trop monumentale pour orner la place de la République, à laquelle elle était destinée ; on l’a édifiée sur la place de la Nation, où elle a été inaugurée le 19 novembre 1899.

C’est une composition symbolique représentant le Triomphe de la République ; une figure principale domine l’œuvre, c’est la République ; elle est debout sur une sphère que porte un char conduit par le Génie de la Liberté, traîné par des lions et accompagné des figures du Travail, de la Justice et de l’Abondance.

Tout cela, magistralement conçu et exécuté, forme un ensemble aussi imposant que décoratif.

Le bois de Vincennes est, lui aussi, le reste d’une épaisse forêt ; parc de chasse sous Philippe-Auguste, lieu choisi dans le même temps pour bâtir ce manoir royal qu’affectionna saint Louis et dont Olivier le Daim obtint la conciergerie sous Louis XI ; il a été remanié au dix-huitième siècle et complètement transformé par Alphand de 1857 à 1860.

L’œuvre accomplie n’est pas moins remarquable ici qu’au bois de Boulogne, mais elle n’a pas obtenu le même succès auprès du grand monde ; le bois de Vincennes n’est pas sillonné de brillants équipages ; son champ de courses jouit d’une faveur moindre que ceux de Longchamp et d’Auteuil ; son lac et ses îles ne s’animent un peu que le dimanche, jour où le bois de Boulogne, le Bois – on ne l’appelle guère qu’ainsi – est délaissé par ses habitués. À Boulogne, en semaine, on rencontre une foule de noces bourgeoises un peu gourmées filant vers la cascade en landaus ; à Vincennes, on voit des noces aussi, mais elles entassent leurs invités à la joie bruyante dans des fiacres, dans des chars à bancs, dans des tapissières ; sur les larges avenues, vous rencontrez plus de fervents de la pédale que de cavaliers, dans les sentiers plus d’ouvriers et de soldats que d’artistes ou de financiers. Vincennes, vu le mouvement qui nous pousse vers l’ouest, semble destiné à rester la promenade du peuple, mais son parcours n’en est pas moins fort intéressant pour le public.

D’abord, vous y visiterez le Château, ancienne prison d’État célèbre par les détenus qu’elle a renfermés, depuis le duc de Beaufort jusqu’à Latude, depuis le maréchal d’Ornano jusqu’à Diderot, depuis Mirabeau jusqu’au malheureux duc d’Enghien, sans compter des députés arrêtés au 2 décembre 1851. Vous y visiterez aussi la chapelle, un chef-d’œuvre d’architecture.

Outre le Nouveau Fort, le Champ de manœuvres, le lac Daumesnil et ses deux îles où l’on a transporté le pavillon des forêts de l’Exposition de 1889 pour installer un musée forestier, vous verrez l’École pratique d’arboriculture de la ville de Paris, un Établissement de pisciculture, l’Asile national, réservé aux convalescents sortant de nos hôpitaux ; la ferme de la Faisanderie, institut agronomique ; le lac de Gravelle, vaste réservoir placé à 40 mètres au-dessus du niveau de la Marne, alimentant toutes les rivières et ruisseaux du bois ; le lac des Minimes, le restaurant de la Porte-Jaune, et enfin plusieurs redoutes. Tout cela en passant par une succession de belles avenues, de routes ombreuses, de sentiers mystérieux et de clairières ensoleillées où festinent le dimanche sur l’herbe les habitants du faubourg et aussi quelques familles venues des jolis villages voisins.

Le PARC DE MONCEAU, que nous visiterons dans notre deuxième promenade, a pour pendant, au nord-est de Paris, le PARC DES BUTTES-CHAUMONT. Comme les deux grands bois, les deux parcs diffèrent de caractère.

Les Buttes-Chaumont

Les Buttes-Chaumont, où la bataille fut ardente le 30 mars 1814, étaient, avant 1866, un lieu accidenté, pittoresque, herbu ici, là creusé de carrières à plâtre. En un an, coup de baguette féerique, la montagne a été transformée. Deux ruisseaux artificiels ont été créés ; une grotte, œuvre d’artistes en rocailles, ornée de stalactites artificielles, a remplacé l’entrée d’une ancienne carrière ; elle reçoit une cascade qui tombe de plus de 30 mètres de hauteur. Un lac, d’une superficie de 2 hectares, a été creusé ; une île, faite de rochers à pic, s’est reliée aux avenues par deux ponts, l’un d’une seule arche, l’autre suspendu, passerelle dont le tremblement rappelle celui du pont de Constantine, aujourd’hui disparu ; au centre de cette île, on a placé une reproduction du temple de la Sibylle à Tivoli. Derrière la grotte, une grande balustrade en pierre a été installée ; elle ferme le parc et permet aux promeneurs de s’accouder pour contempler le splendide panorama que forment ici Paris et ses environs. De ci, de là, dans le parc, reposant la vue et charmant le regard, vous verrez de coquettes maisons de garde et aussi des statues et des groupes : le Gué de Camille Lefebvre, le Chasseur d’aigles de Desca, Sauvé ! de Rolard, le Pilleur de mer d’Ogé, etc., etc.

Ouverte le 1er mai 1867, cette promenade a été un bienfait pour la population ouvrière de ces quartiers ; elle y a apporté un peu de gaieté et les salutaires émanations de sa superbe flore.

Une création semblable a été faite au midi de la Ville entre les années 1875 et 1878, c’est le PARC DE MONTSOURIS.

Le parc de Montsouris

Malheureusement coupé en deux par le chemin de fer de Limours, il couvre, à l’extrémité du quatorzième arrondissement, une superficie de 16 hectares. Sa décoration est moins factice que celle du parc des Buttes-Chaumont ; s’il offre de moins attrayants points de vue, il possède en compensation des sites d’un charme plus pénétrant et plus intime. Sur l’une de ses pelouses, au bord de son lac, car Montsouris à son lac et sa cascade, on a reconstruite, en lui donnant un but utile, le Bardo, palais du bey de Tunis, qui figurait à l’Exposition de 1867. C’est aujourd’hui un observatoire météorologique, une école d’astronomie nautique, une école pratique de géodésie. Non loin de lui, un pavillon de coquette allure abrite les Sociétés d’apiculture et d’entomologie.

Ceci est le côté scientifique.

Comme curiosité, on y voit une mire de l’Observatoire de Paris posée en 1806, la seule après celle de la butte Montmartre, une pyramide élevée en 1882 à la mémoire du colonel Flatters et de ses compagnons et, parmi les sculptures, quelques-unes qui méritent d’être signalées, telles 1789, par Paris, Bâton de vieillesse, par Escoula, un groupe de Cain, etc.

Ce parc, malgré sa beauté réelle, mais à cause de son éloignement du centre parisien, n’est fréquenté que par de rares promeneurs et les jeunes mères du quartier qui viennent y faire respirer à leurs enfants un air vivifiant et salubre.

Outre ses boulevards et ses avenues plantés d’arbres et souvent agrémentés de parterres, Paris possède une grande quantité de squares : nous aurons l’occasion de nous arrêter dans les plus remarquables d’entre eux. Quant aux jardins des Plantes, des Tuileries, du Luxembourg, etc., ils seront parcourus au cours des promenades qui vont suivre.

Deuxième journée

Champs-Élysées. – Église Saint-Philippe du Roule. – Parc de Monceau. – Chemin de fer de l’Ouest. – Église Saint-Augustin. – La Madeleine. – Faubourg Saint-Honoré. – Élysée.

ESQUISSES PARISIENNES.– Les Rues.

En quelque quartier qu’il soit donné de le voir, le réveil de Paris est un des plus curieux spectacles dont puissent jouir les admirateurs de la capitale. Si, placé à une haute altitude, l’œil à la longue vue, il était possible de l’embrasser dans son ensemble et aussi d’en saisir les multiples détails, on verrait un kaléidoscope, original, pittoresque, mouvementé, un panorama changeant d’aspect à tous ses plans. Un peu partout, sautillant de candélabre en candélabre, des hommes armés de perches éteignent les flammes pâlissantes du gaz ; en même temps, l’armée des balayeurs et arroseurs s’empare des voies publiques : la grande ville fait son ménage. Bientôt les faubourgs s’emplissent d’une foule houleuse se dirigeant vers les usines et les ateliers. Ici, les boutiques s’ouvrent et s’encombrent ; là, les fenêtres et les grandes portes demeurent closes, et l’on n’aperçoit que le glissement silencieux et discret des fournisseurs frappant aux entrées de service ; soudain le tableau s’illumine de toutes les couleurs et s’emplit de tous les bruits, nos regards se sont arrêtés sur le quartier des Halles ; un moment après, l’éclat joyeux d’un clairon frappe notre oreille, on sonne la diane à l’École Militaire ; quelques fumées courent sur la Seine, les bateaux ont commencé leur va-et-vient d’Auteuil à Charenton et, comme deux yeux qui s’ouvrent, le dôme des Invalides et la colonne de Juillet s’enflamment d’un point d’or.

Dans ce grand ensemble, il est un côté particulièrement merveilleux ; c’est celui par lequel nous allons commencer cette promenade.

Tournant le dos à l’arc de triomphe de l’Étoile, nous avons devant nous la longue perspective de l’avenue des Champs-Élysées ; elle aboutit à la place de la Concorde dont l’obélisque, point d’admiration rose, marque le centre.

L’endroit, peu fréquenté aux premières heures du jour, a toute la grandeur et toute la majesté du calme parfait ; à peine le coup de trompe d’un cycliste rapidement disparu trouble-t-il de temps à autre le silence ; à peine un cavalier correct ou une élégante amazone passent-ils çà et là se dirigeant vers le bois ; quant aux promeneurs, ils sont rares, marchent à pas lents, respirent à pleins poumons un air sain et vivifiant dans des allées larges, bien tracées et ombragées par des arbres magnifiques.

Ici, comme en bien d’autres lieux de la capitale, les Parisiens du seizième siècles ne connurent que des champs en culture. La première promenade créée en ce quartier est celle qui longe la Seine et qu’aujourd’hui encore on appelle le cours la Reine, en souvenir de Marie de Médicis qui la fit tracer et planter en 1616.

Quant à l’avenue où nous sommes, elle ne fut créée qu’en 1670, demeura pendant longtemps un lieu désert et même dangereux le soir venu ; puis, vers la fin du siècle dernier, quand le village du Roule devint un faubourg de Paris, les premières constructions s’élevèrent ; en même temps s’ouvraient les avenues de Marigny, de Matignon et l’allée des Veuves, aujourd’hui avenue Montaigne ; l’établissement de la Folie-Beaujon augmenta l’animation du quartier, et les Champs-Élysées devinrent la promenade favorite des Parisiens.

En descendant l’avenue, nous laissons à notre droite l’ancien quartier de Chaillot, et nous ne manquons pas de remarquer à l’angle de la rue Galilée la longue façade de l’Élysée Palace, un de ces luxueux hôtels modernes où l’étranger retrouve tout le confort du chez-soi. L’architecte, M. Chédame, a répandu là avec prodigalité, mais non sans goût, les frontons, les balcons et les colonnes ; des guirlandes courent sur les trumeaux, des cartouches sculptés dans le goût du dix-huitième siècle ornent le sommet des fenêtres du rez-de-chaussée, à travers les vitres desquelles on aperçoit de superbes salons.

En face, à notre gauche, s’étend le quartier du faubourg Saint-Honoré ; dans la rue de Berri, qui le traverse, s’élève une chapelle américaine de bon style ; la rue du Colisée, que nous croisons plus loin, nous rappelle le nom d’un lieu de divertissement fondé en 1769, qui ne réussit pas à conquérir la faveur du public et disparut en 1780.

Le rond-point, créé comme l’avenue en 1670, est maintenant entouré d’arbres, de jardins et orné de fontaines.

À droite du rond-point, un triangle limité par les avenues Montagne, d’Antin et le cours la Reine, forme le paisible quartier François Ier. Dans la rue Jean-Goujon, on a élevé une chapelle