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Extrait : "Quiconque a parcouru quelques lieues de pays aime à raconter ce qu'il a vu ; parmi ceux qui ont entendu ses récits, beaucoup se plaisent à les répéter ; et ils trouvent toujours aisément des auditeurs. À plus forte raison les vrais voyageurs, ceux qui ont visité en observateurs, dans un but ou du moins avec une pensée scientifique, des contrées peu ou point connues, ont le droit de se faire écouter ou lire".
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :
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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 471
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Il est peu de sujets sur lesquels on ait autant écrit que sur les voyages. Quiconque a parcouru quelques limes de pays aime à raconter ce qu’il a vu ; parmi ceux qui ont entendu ses récits, beaucoup se plaisent à les répéter ; et ils trouvent toujours aisément des auditeurs. À plus forte raison les vrais voyageurs, ceux qui ont visité en observateurs, dans un but ou du moins avec une pensée scientifique, des contrées peu ou point connues, ont le droit de se faire écouter ou lire. Leurs relations sont recherchées avec curiosité, reproduites, analysées, traduites, commentées en cent façons et dans toutes les langues ; et un livre qui porte sur sa couverture ce mot magique : Voyages, ne manque guère d’acheteurs.
Les relations de voyages constituent donc un genre de publication qui répond, – selon la formule tant de fois redite, – à un besoin général, permanent, et, on le dirait, inné chez l’homme. Ce besoin s’explique aisément : c’est une forme, un mode particulier de celle vive et légitime curiosité qui nous fait désirer de connaître la terre que nous habitons, la nature dont nous avons à conquérir l’empire, et les hommes, nos semblables, nos frères, malgré les différences plus ou moins sensibles que le climat, les habitudes, et bien d’autres causes dont nous n’avons pu pénétrer encore le mystère, ont mises entre les branches disséminées de la grande famille humaine : désir qu’on doit se féliciter de trouver et qu’on ne saurait trop encourager, selon nous, parmi le public et surtout parmi la jeunesse. En effet, la lecture des relations de voyages, – nous parlons, bien entendu, des relations consciencieuses, – est une source inépuisable d’instruction et de moralisation, en même temps que de plaisirs calmes et purs. Elle fait une heureuse et salutaire concurrence à tant de livres futiles ou malsains qui s’adressent, non aux nobles aspirations, mais aux penchants fâcheux, condamnables quelquefois, d’une partie des lecteurs, à des goûts, à des tendances qu’il faudrait combattre, et qu’une déplorable spéculation flatte et encourage, au contraire, en lui offrant un aliment.
« Dis-moi qui tu hantes, dit un proverbe, et je te dirai qui tu es. » On pourrait énoncer avec autant de justesse, en l’appliquant spécialement à la jeunesse, cette autre maxime : Dis-moi ce que tu lis, et je te dirai ce que tu seras. Il est permis de concevoir de l’inquiétude sur les dispositions d’un enfant ou d’un jeune homme qui se complaît dans certaines lectures propres seulement à exciter son imagination, à l’éloigner de l’étude et à lui inspirer du dédain, – sinon de l’aversion, – pour les exemples et les leçons qu’il reçoit de ses parents et de ses maîtres, et pour les saints préceptes qui peuvent seuls le guider dans la voie de la vertu. Mais il n’y a en général que des espérances à concevoir sur l’avenir de celui qui recherche avec prédilection les livres d’histoire les recueils où sont cités les exemples de piété, de charité, de courage, de dévouement, de patriotisme, ou bien les récits de voyages, Grâce à Dieu, nous le répétons, ce dernier genre d’ouvrages est de ceux qui sont toujours assurés de recevoir, dans toutes les classes de la société, parmi les lecteurs de tout âge et surtout de la part des jeunes gens, un accueil Favorable, et desquels on peut se dire en les livrant à la publicité : « Peut-être ne fera-t-il pas grand bien : mais à coup sûr du moins, il ne fera point de mal. »
C’est dans cette pensée qu’ont été conçus le plan et l’exécution du modeste travail qui va suivre. Malgré la difficulté qu’on ne s’est point dissimulée de l’aire sur les voyages quelque chose de nouveau, d’attrayant et d’instructif à la fois, en se renfermant dans de modestes limites, il a semblé que la tâche n’était pas de celles qu’il est permis d’abandonner avant même de les avoir tentées.
L’histoire des voyages anciens, des premières et des plus importantes découvertes des navigateurs européens sur les deux hémisphères, – cette histoire si vaste, tant de fois éditée et rééditée soit in extenso, soit en abrégé, – n’était plus à faire. On s’est donc contenté d’y jeter, dans l’introduction, un rapide coup d’œil, afin d’en rappeler seulement les dates, les noms et les faits les plus saillants, les résultats les plus importants. Les voyages exécutés dans notre siècle sont, pour la plupart, moins généralement connus, et d’ailleurs, comme tous les grands évènements contemporains, ils nous touchent plus directement et excitent davantage notre intérêt. Mais encore un tableau complet de ces voyages, de plus en plus fréquents en raison des facilités que le perfectionnement des moyens de communication offre aux explorateurs, serait-il une tâche bien longue, hérissée de difficultés pour l’auteur, et dont la vaste étendue dépasserait le but qu’on doit se proposer lorsqu’on écrit pour la jeunesse studieuse. Ce que réclame, en effet, à bon droit cette classe de lecteurs, c’est un délassement profitable, mais non un surcroît de travail. Nous avons cru devoir, en conséquence, nous borner à faire, dans les relations des voyageurs contemporains, un choix d’épisodes intéressants et instructifs, et nous avons préféré en restreindre le nombre en donnant à chacun tout le développement qu’il comporte, plutôt que de chercher à les multiplier en les mutilant et en les plaçant, bon gré mal gré, sur un lit de Procuste.
Ce livre n’est donc nullement une histoire abrégée des voyages et des découvertes des navigateurs au XIXe siècle : c’est, si l’on veut, et pour nous servir d’une comparaison classique, un selectæ un recueil de ce qui, dans cette vaste série d’explorations patientes, d’entreprises héroïques, de recherches aventureuses, nous a paru le plus propre à atteindre le but indiqué par le poète Horace :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
L’histoire des voyages ne serait rien de moins qu’une forme de l’histoire universelle, si l’on voulait, à l’exemple de quelques auteurs, considérer comme voyages les migrations des tribus et des peuples, les expéditions militaires et les irruptions des hordes conquérantes, les déplacements des groupes d’hommes qui, en se séparant de la nation dont ils faisaient partie, ont colonisé et peuplé successivement les diverses régions du globe.
Mais évidemment on ne saurait, sans dénaturer le sens des mots, assimiler aux voyages ces grands mouvements des races humaines, dont l’étude constitue à elle seule une vaste science, l’ethnographie. Il y a entre les uns et les autres toute la différence qui sépare les faits particuliers des faits généraux. Sans doute, dans le plus grand nombre des cas, les premiers ont servi à préparer et à faciliter les seconds, en montrant aux émigrants et aux conquérants la route à suivre les obstacles à vaincre, le but à atteindre. Mais ce n’est point là certes un motif de confondre deux ordres de phénomènes sociaux essentiellement distincts. On comprend bien que c’est seulement des plus simples, c’est-à-dire des voyages proprement dits, qu’il sera parlé dans cette introduction. Encore n’avons-nous point dessein de remonter à une haute antiquité.
Les anciens voyageaient peu dans le sens que nous attribuons à ce mot, et qui s’applique exclusivement aux explorations lointaines entreprises dans le but d’étudier les mœurs des peuples, le climat et les productions des différents pays, et de déterminer scientifiquement les distances, l’étendue, la position respective des mers, des îles et des continents. Cela s’explique aisément : ils étaient retenus dans une sorte de cercle vicieux qui ne devait être franchi que peu à peu, au fur et à mesure de l’accroissement des populations, et sous l’aiguillon des nécessités qu’engendre cet accroissement.
D’une part, en effet, l’ignorance où ils étaient de la constitution géographique du globe, de la nature des êtres répandus sur la terre ferme ou dans les profondeurs de l’Océan, de la distribution des climats et de bien d’autres choses dont il était impossible qu’ils se formassent a priori aucune idée, les empêchait de s’aventurer loin des contrées où ils avaient une fois fixé leurs demeures. D’autre part, ce n’était qu’en explorant le monde qu’ils pouvaient en pénétrer les mystères. Aussi, Dieu sait avec quelle lenteur, au prix de quels efforts et de quels sacrifices une faible portion de l’humanité est enfin parvenue, après tant de siècles, à construire cette magnifique science de la géographie, encore incomplète pourtant, même chez les peuples les plus éclairés et les plus entreprenants !
Sur terre, l’homme d’autrefois avait à craindre la faim et la soif, les maladies, le froid et la chaleur, les intempéries de l’air, les animaux malfaisants, et, trop souvent aussi, d’autres hommes, stupides, ombrageux et cruels. Sur mer, il redoutait la fureur des flots et des vents, l’isolement entre le ciel et l’eau, et, plus que tout le reste peut-être, l’inconnu qui l’attendait au terme du voyage, – si toutefois il lui était donné d’y atteindre à travers tant de périls, – et auquel son imagination troublée prêtait les couleurs et les formes les plus fantastiques, les plus étranges et quelquefois les plus monstrueuses.
Si même aujourd’hui, après les immenses progrès accomplis dans l’art nautique, il y a du courage à affronter, sur les magnifiques et solides vaisseaux que construisent nos ingénieurs, les hasards des vents et de la mer, quelle fût l’audace des hommes qui, sur de frêles et grossiers esquifs, osèrent les premiers braver les puissances de ces éléments capricieux et perlides, l’air et l’eau !
Quels furent les premiers navigateurs dignes de ce nom ? Les Phéniciens, selon toute probabilité. On sait que la célèbre Tyr, leur capitale, fût, tant qu’elle subsista, le principal port de commerce de l’ancien monde ; et incontestablement la science de la navigation est née de ce génie commercial dont il faut sans doute déplorer les écarts, mais qui fut de tout temps, on ne saurait non plus le méconnaître sans injustice, un énergique agent de civilisation, qui établit et entretient les relations pacifiques entre les États, qui a relié entre eux les pays les plus éloignés, les plus différents de caractère, de mœurs et de langage, et inspiré tant d’entreprises hardies et fécondes.
Aux Phéniciens succédèrent, dans la suprématie maritime, les Carthaginois, qui n’étaient, dans l’origine, on le sait, que des émigrés phéniciens. Les navigateurs de Tyr avaient exploré une grande partie du littoral de la Méditerranée ; ils dépassèrent même plus d’une fois les colonnes d’Hercule, et naviguèrent le long de la côte occidentale d’Afrique, on ne saurait dire jusqu’à quelle latitude. Hérodote savait que l’Afrique est une immense presqu’île que l’isthme de Suez rattache seul à l’Asie, et il parle d’un voyage exécuté deux siècles avant lui autour de cette presqu’île par des navigateurs phéniciens, d’après les ordres du roi d’Égypte Néchos. La plupart des géographes ne croient pas à la possibilité d’un pareil voyage à une époque aussi reculée, et il faut admettre alors qu’Hérodote avançait au hasard, relativement à l’Afrique, un fait dont il n’avait point la preuve, et que les découvertes modernes ont confirmé. Quoi qu’il en soit, le célèbre historien ajoute qu’au retour de leur voyage les Phéniciens racontèrent « que, lorsqu’ils eurent tourné la Libye, ils avaient le soleil à leur droite. » D’où il faut conclure qu’ils avaient dépassé la ligne.
Hérodote ne parle point des Carthaginois Hannon et Himilcon, qui vivaient bien avant son siècle et qui explorèrent les côtes d’Afrique jusqu’à une très grande distance. La relation authentique du fameux périple d’Hannon nous est heureusement parvenue, et il prouve que ce fameux marin s’avança au moins jusqu’au Gabon, où il rencontra les grands singes, actuellement connus sous le nom de gorilles, que lui-même leur avait donné. Hannon avait pris ces singes pour des hommes sauvages, ce qui ne l’empêcha pas de tuer et d’écorcher trois de leurs femelles dont il rapporta les peaux à Carthage.
L’Égypte grâce à sa situation privilégiée avait servi, pour ainsi dire, de trait d’union entre les deux mers qui baignent ses rivages : la Méditerranée et la mer Érythrée. Par le nord elle communiquait avec l’Asie Mineure l’Archipel, la Grèce l’Italie et l’Espagne : par l’est, avec l’Arabie ; et ses navires, dépassant la mer Rouge, purent s’avancer dans le golfe Persique, dans l’océan Indien, et côtoyer l’Arabie, la Perse et l’Hindoustan. Sous les Ptolémées, les communications régulières établies par Alexandre entre l’Égypte et l’Inde prirent un développement considérable. Des vaisseaux chargés des produits de ce lointain pays venaient débarquer à Bérénice sur la mer Rouge, leurs cargaisons, que des caravanes transportaient de là à Coplos, sur le Nil, et qui descendaient ensuite ce fleuve jusqu’à Alexandrie. Cette ville, devenue l’entrepôt du commerce de l’Orient, fût bientôt aussi le foyer le plus brillant des lettres, des sciences et des arts.
Parmi les savants, les érudits, les philosophes, les écrivains dont elle pouvait à bon droit s’enorgueillir, les géographes occupent un rang distingué. Nommons entre autres Timosthène, Philostéphane et surtout Ératosthène, que ses contemporains surnommèrent l’Inspecteur de la terre, et qui est l’auteur du premier système de géographie fondé sur des bases mathématiques.
Cependant Thalès de Milet, Pythagore, Aristote, avaient démontré, longtemps avant Ératosthène, la forme sphérique de la terre, et Aristote, partant de cette donnée, avait conclu, dix-huit siècles avant Colomb, à la possibilité de voyages à travers l’océan Atlantique. Alexandre le Grand, son élève, voulut ajouter à la gloire conquise sur les champs de bataille de l’Asie celle de découvertes utiles et de fondations durables. On sait qu’il entreprit la conquête de l’Inde, mais que, parvenu aux bords de l’Hyphasis, il dut revenir en arrière, ses soldats refusant de le suivre plus loin. Ce fut alors qu’il résolut d’explorer le cours de l’Indus et les côtes de la Perse. Une flotte commandée par Néarque appareilla à Nicæa, ville située sur l’Hydaspe, dont elle descendit le cours, protégée par l’armée, divisée en deux corps marchant sur chaque rive du fleuve. Après quatre mois de navigation, la flotte atteignit l’embouchure de l’Indus. Alexandre prit alors la route de terre, pour revenir à travers la Gédrasie et la Carmanie, provinces méridionales de la Perse, tandis que Néarque gagnait par mer l’embouchure de l’Euphrate, au fond du golfe Persique. Le roi menait avec lui des géographes, qui décrivirent, dit-on, avec soin les contrées traversées par les Macédoniens ; mais leurs écrits ne nous sont point parvenus, et il ne reste d’autre monument de cette expédition que quelques fragments de Journal de Néarque, cités par des écrivains postérieurs.
Cependant, tandis que les Carthaginois, les Égyptiens et les Macédoniens visitaient les mers, les continents et les îles du côté du sud et de l’est, les Phocéens de Marseille poussaient des reconnaissances hardies vers l’orient et le nord. La première expédition mémorable qu’ils accomplirent fut celle de Pythéas, dont l’époque précise est inconnue, et dont le récit ne parvint en Grèce qu’au temps d’Alexandre. Sorti des colonnes d’Hercule, le navigateur marseillais longea les côtes d’Espagne et de la Gaule, atteignit la Grande-Bretagne, puis le Jutland, auquel il donna le nom de Thulé. Il pénétra ensuite dans la Baltique, et toucha la côte septentrionale d’un pays « où la mer jetait une grande quantité d’ambre jaune ». Il est évident que ce pays n’était autre que la Prusse actuelle, d’où le commerce tire encore aujourd’hui la presque totalité de l’ambre jaune ou succin employé dans les arts.
Nous n’avons rien à dire des voyages exécutés par les Romains. On sait qu’ils portèrent leurs armes presque partout, jusqu’aux dernières limites du monde connu des anciens, et que, si leurs conquêtes ne reculèrent pas sensiblement ces limites, elles eurent du moins pour résultat de renverser les barrières et d’aplanir les obstacles qui s’opposaient aux communications des peuples entre eux. À l’époque où commençait la décadence du vaste empire conquis par leurs légions, parut le célèbre astronome et géographe Ptolémée, qui donna le premier à la science géographique une unité à laquelle elle n’avait point encore pu parvenir. L’ouvrage qu’il écrivit sous le titre de Σύνταξις, et la carte dressée par lui d’après les documents qu’il put rassembler résument ce que l’on croyait ou savait de son temps (IIe siècle de l’ère chrétienne) touchant le système de l’univers, l’étendue et la configuration des terres et des mers sur notre hémisphère. Inutile de dire que de nombreuses et graves erreurs se mêlaient, dans sa géographie, à des notions exactes et à de grandes idées. Contrairement à l’opinion de Pythagore, qui avait enseigné et expliqué les deux mouvements de la terre, l’un de rotation sur elle-même, l’autre de translation autour du soleil, Ptolémée supposait la terre immobile dans l’espace et le soleil, la lune et les planètes tournant autour d’elle. En fait de géographie, il n’était guère plus instruit que ses devanciers, notamment en ce qui concernait l’Europe, puisqu’il plaçait au nord de la Chersonèse cimbrique (Jutland) quatre îles dont la plus éloignée, nommée par lui Seanie, était probablement une portion de la Suède, et qu’il faisait de l’Europe la plus étendue des trois parties du monde, en lui donnant pour bornes, au couchant, l’Océan ; au levant, le fleuve Tanaïs, et au Sud, la Méditerrané. La limite septentrionale n’était pas exactement tracée, les connaissances certaines s’arrêtant aux bords de l’océan Germanique (mer du Nord) et de l’océan Sarmatique (mer Baltique).
Le nord de l’Asie était aussi peu connu de Ptolémée et de ses contemporains que le nord de l’Europe. On confondait sous les noms de Sevthes et d’Hyperboréens les nombreuses peuplades sans cesse en mouvement qui occupaient les contrées au-delà du Pont-Euxin, de la Colchide, de la mer Hyrcanienne ou Caspienne, et des grands fleuves qui se jettent dans le lac Aral, Relativement à l’extrême Orient, les notions positives ne dépassaient pas les monts Imaüs et les bouches du Gange. On n’avait qu’une vague idée du vaste empire chinois, dont les mystérieux habitants étaient appelés Seres ou Sines. L’Arabie avait été, ainsi que l’Inde, très imparfaitement explorée. L’île de Ceylan, qu’on désignait sous le nom de Taprobane, était encore moins connue, et les autres des îles l’océan Indien ne l’étaient nullement.
En Afrique, il n’y avait de bien connues que l’Égypte, la côte septentrionale, et la lisière comprise entre la Méditerranée et la chaîne de l’Atlas. Les Grecs et les Latins désignaient vaguement le reste de l’Afrique par les noms d’Éthiopie et de Libye intérieures, et leurs navires n’avaient jamais dépassé à l’ouest le Sinus Hespericus (golfe de Guinée), à l’est le Sinus Barbaricus (canal de Mozambique).
Au temps de Ptolémée, on semblait avoir renoncé depuis bien des années à tenter aucune excursion, soit par terre, soit par mer, au-delà des limites que nous venons d’indiquer, et qu’on croyait généralement être celles du monde accessible à l’homme. Il faut franchir un intervalle de plusieurs siècles pour arriver à une époque où, les peuples commençant enfin à se remettre des longues et violentes secousses causées par l’immense écroulement de l’empire romain, purent reprendre leur marche, si longtemps interrompue, dans la voie du progrès intellectuel et matériel, et rendre aux sciences, aux arts, à l’industrie et au commerce la part qu’ils doivent occuper dans le mouvement des sociétés. Chaque nation alors manifestant le génie et les tendances qui lui étaient propres, on en vit quelques-unes s’adonner avec ardeur au commerce, à la grande pêche, à la navigation, aux voyages lointains. L’exemple de ce genre d’entreprises paraît être venu, vers le VIIIe siècle, des Arabes, qui, après avoir conquis, sous Mahomet et ses successeurs, une partie de l’Asie, de l’Europe et de l’Afrique, et jeté l’épouvante dans la chrétienté par leurs invasions rapides et par leurs sanglants exploits, cultivèrent, non sans succès, durant une courte période, les sciences naturelles, la médecine, les mathématiques, l’astronomie et la géographie. Leurs caravanes parcoururent et firent connaître le centre de l’Asie et une grande partie de l’Afrique intérieure. En même temps leurs navires, croisant dans toutes les directions, sur la Méditerranée, sur la mer Rouge, sur le golfe Persique et sur l’océan Indien, allaient échanger des marchandises dans les ports de la Grèce, de l’Espagne, de l’Égypte, de la Barbarie, de l’Abyssinie, et jusque dans les îles de Madagascar, Sumatra, Bornéo, Andaman et Laquedives.
Dès le Xe siècle, l’Afrique orientale était fréquentée par les Arabes, depuis l’Égypte jusqu’au cap Corrientes. Mais l’océan Atlantique, qu’ils nommaient la Mer des Ténèbres, leur * était peu connue et leur * inspirait une terreur superstitieuse. Cependant on lit dans un de leurs géographes, Al-Drisi, qu’au temps de la domination maure au Portugal (vers le milieu du XIIe siècle) huit habitants de Lisbonne entreprirent un voyage pour connaître ce qui se trouvait à l’extrémité de l’Océan. Après avoir navigué onze jours à l’ouest, puis douze jours au sud, ils virent plusieurs îles et abordèrent à l’une d’elles, où ils trouvèrent une multitude de moutons ; mais la chair de ces animaux était si amère, qu’ils ne purent en manger. Ayant renouvelé leur provision d’eau, ils se remirent en route, et, après douze jours encore, ils rencontrèrent une autre île où on leur dit que l’Océan était encore navigable trente journées plus loin, mais qu’au-delà d’épaisses ténèbres empêchaient d’avancer ; sur quoi les navigateurs revinrent à Lisbonne, où, pour conserver le souvenir de leur audacieuse entreprise, on donna à l’une des rues de la ville le nom de Rue des Aventuriers, qui se conserva jusqu’au milieu du XIVe siècle. Si ce récit est exact, il y a tout lieu de croire que les îles reconnues par ces aventuriers n’étaient autres que les Canaries.
On peut considérer comme plus authentique le voyage du cheik Ibn-Batuta, qui, parti de Tanger, sa ville natale, vers 1325, pour faire le pèlerinage de la Mecque, visita la Perse, l’Inde et la Chine, puis revint à Alexandrie, se rendit de là dans le Soudan, et rentra enfin dans ses foyers après vingt ans d’absence. Ibn-Batuta n’était pas, du reste, le premier de sa race qui eût pénétré dans ces lointaines contrées. Au VIIIe siècle déjà des marchands et des ambassadeurs arabes avaient été reçus en Chine. Sous le règne du calife Valid (704-713), des envoyés de ce prince s’y étaient rendus par le Kachgar et les plaines de la Tartarie. Dans le siècle suivant, deux autres voyageurs, Wahab et Abu-Zeïd, parcoururent et décrivirent des régions de l’Asie réputées jusqu’alors inaccessibles. Ce fut sans doute dans leurs relations, plus suivies qu’on ne le croit généralement, avec, les Chinois, que les Arabes eurent connaissance des découvertes dont les habitants du Céleste Empire étaient en possession depuis plusieurs siècles, et qui, à la suite des croisades, se répandirent lentement en Europe. Nous voulons parler des feux de guerre, de la poudre à tirer, et surtout de la boussole, ce merveilleux instrument qui seul permet au navigateur de se guider à travers l’immensité des océans.
Tandis que les Arabes pénétraient jusqu’aux extrémités de l’Orient, les navigateurs scandinaves et normands accomplissaient dans le Nord des découvertes non moins importantes.
Vers la fin du IXe siècle, les Normands occupèrent les Hébrides ; un peu plus tard, ils s’emparèrent des îles Shetland et soumirent une grande partie du nord de l’Écosse, où l’on retrouve encore de leurs monuments. Vers la fin du Xe siècle, un certain Éric le Rouge découvrit le Groenland, et le premier s’y établit. Une fois que les peuples du Nord eurent franchi les mers orageuses qui les séparaient de l’Islande et du Groënland, ils ne tardèrent pas à étendre leurs explorations du côté de l’Occident. Vers l’an 1001, un Islandais nommé Biorn, étant parti pour aller rejoindre son père établi au Groënland, fut jeté par une tempête loin de sa route et aperçut vers le sud-ouest une contrée couverte de bois. Lorsqu’il fut de retour au Groenland, son récit excita au plus haut point la curiosité d’un certain Leif, fils de ce même Éric le Rouge qui avait fondé au Groënland la première colonie. Biorn consentit à s’embarquer de nouveau avec Leif, et tous deux, reprenant la direction où le premier avait été naguère emporté malgré lui, abordèrent à plusieurs îles, et entrèrent enfin dans l’embouchure d’un grand fleuve très poissonneux, dont les rivages étaient bordés d’arbres fruitiers, et entre autres de vignes, dont un de leurs compagnons, Allemand de naissance, leur indiqua l’usage. Ils nommèrent en conséquence Vinland ce pays, dont les habitants étaient des hommes très petits avec lesquels les Groënlandais établirent des relations commerciales très suivies. Ils leur achetaient principalement des fourrures.
Quel était ce pays ? Sans doute une partie du continent américain septentrional : le pays des Esquimaux, le Labrador ou quelque autre des terres qui bordent la baie d’Hudson.
Environ trois cents ans plus tard, deux Vénitiens, les frères Zeni, entrés au service du souverain des îles Færoé et Shetland, entreprirent une expédition qui les conduisit bien au-delà des points précédemment abordés par les Groënlandais. C’est au moins en qu’il est permis de croire d’après la relation obscure et entremêlée de fables qui fut publiée à Venise beaucoup plus tard par un descendant de Nicolo Zeno, l’un des deux frères. Quelques auteurs ont même admis, en s’appuyant sur cette relation, que les Zeni et leurs compagnons avaient abordé, non seulement à Terre-Neuve et aux côtes de la Nouvelle-Écosse et de la Nouvelle-Angleterre, mais qu’ils avaient bien pu pénétrer jusqu’à la Louisiane, à la Floride et au Mexique.
Sans partager cette opinion exagérée, on ne peut nier que les peuples du nord de l’Europe, excellents et hardis marins, n’aient dû, en effet, bien avant ce qu’on peut appeler la découverte officielle du nouveau monde, aborder plus d’une fois, volontairement ou d’autre façon, à l’île de Terre-Neuve et aux côtes de l’Amérique septentrionale, dont ils n’étaient séparés en réalité que par une assez faible distance. Bien plus, il paraît démontré aujourd’hui que ces Européens du Nord ne furent point les seuls qui, bien avant Christophe Colomb, eurent connaissance du vaste continent situé au-delà de l’océan Atlantique. Au XIVe et au XVe siècle, les Basques, qui se livraient avec ardeur à la pêche de la baleine, et qui pendant longtemps avaient trouvé cet animal en assez grande abondance dans le golfe de Gascogne, lui firent une guerre tellement acharnée, que peu à peu il leur fallut le suivre vers le nord et le nord-ouest, et qu’ils finirent par le pourchasser jusque dans les parages du Canada et du Groenland.
Quoi qu’il en soit, on peut dire que l’ère des véritables découvertes outre-mer (et nous entendons par véritables découvertes celles qui furent dues, non plus au hasard, mais à des recherches inspirées par le génie et guidées par le raisonnement scientifique), date seulement des premières années du XVe siècle.
Ce fut, en effet, en 1415 que le roi de Portugal Juan Ier, au retour d’une expédition victorieuse contre les Maures d’Afrique, voulant récompenser son fils Don Henri du courage et de l’habileté qu’il avait déployés dans cette guerre, lui conféra le duché de Viseu, et le gouvernement des nouvelles conquêtes.
Or Don Henri n’était pas seulement un brave guerrier, c’était aussi, assure-t-on, l’un des hommes les plus instruits de son temps. Il était surtout passionné pour les entreprises maritimes, et il s’empressa de consacrer à la satisfaction de ce goût dominant la faveur de son père, l’autorité et les richesses dont cette faveur le mettait en possession. Sous ses auspices, les navigateurs portugais accomplirent des prodiges, et dès lors fut ouverte la voie glorieuse où tant d’hommes illustres, héros de la science, apôtres du christianisme et de la civilisation, devaient, par la suite, se signaler.
Trouver une route vers l’Inde par mer, en passant au sud du continent africain, telle était la tâche grandiose proposée par Don Henri aux marins portugais.
Sous ses auspices, et, pour ainsi dire, sous sa direction, s’ouvrit une série de découvertes auxquelles le Portugal dut une gloire et une puissance qu’il n’avait point encore atteintes jusque-là, et qui furent, hélas ! de courte durée. En 1418, ce fut la découverte des îles de Porto-Santo et de Madère ; puis le cap Non, si longtemps réputé infranchissable, fût doublé ; puis le cap Bojador, plus redoutable encore. À la même époque (1433) furent reconnues les îles Açores. Huit ans après, Nuno Tristan s’avançait jusqu’au cap Blanc, à cent cinquante lieues du cap Bojador, et ramenait à Lisbonne les premiers individus de la race nègre que l’on eût vus en Europe. En 1445, les Portugais atteignirent le Sénégal, et en 1450 ils signalèrent les îles du Cap-Vert.
En 1456, le Vénitien Aloysio de Gada-Morte, enrôlé au service du Portugal, poussa jusqu’à la Gambie, et bientôt après Pedro de Cintra atteignait la côte de Guinée. Déjà l’inclinaison marquée de la côte d’Afrique vers l’est permettait d’espérer qu’on touchait à la réalisation des espérances conçues par Don Henri, lorsque ce prince illustre mourut, en 1463.
Sa mort suspendit pour un temps l’activité des expéditions maritimes, qui ne furent reprises qu’en 1481, à l’avènement de Jean II. Ce monarque ordonna en 1486, d’une part, à Pedro de Covilham et à Alphonse de Peyra de se rendre aux Indes en traversant l’Afrique et l’Asie ; d’autre part, à Barthélemy Diaz de reprendre sur mer les recherches que, deux ans auparavant, Diégo Camon-Cano avait poussées jusqu’à l’embouchure du fleuve Zaïre, sur la côte du Congo.
Tandis que les deux premiers accomplissaient par terre leur difficile mission, recueillaient sur l’intérieur de l’Afrique et sur l’île de Madagascar de précieux renseignements, et annonçaient comme déjà frayée par les navigateurs arabes et indiens la route maritime que ceux d’Occident n’avaient pas encore trouvée, Barthélemy Diaz était poussé, à son insu, par des tempêtes, bien au-delà de ce même promontoire, but de tant d’héroïques efforts. À son retour seulement il reconnut qu’il avait doublé la pointe méridionale de l’Afrique, et en souvenir des violents orages qu’il avait essuyés à ses abords, il l’appela le Cap des Tempêtes. Ce nom de sinistre augure fut changé, par le roi Jean II, en celui de Cap de Bonne-Espérance.
Barthélemy Diaz rentra dans le port de Lisbonne à la fin de 1487. Onze années encore devaient s’écouler avant que, sous le règne d’Emmanuel, le célèbre Vasco de Gama accomplit enfin le grand périple, et allât débarquer (le 20 mai 1498) à Calicul, sur la côte du Malabar, après une navigation de dix mois.
Mais, dans cet intervalle, un autre évènement à jamais mémorable s’était accompli. Dans la nuit du 11 octobre 1492, Christophe Colomb avait abordé à l’île de Guanahani (archipel Bahama), qu’il nomma San-Salvador. Le nouveau monde était découvert, et, grâce au génie audacieux de Colomb, l’Espagne n’avait rien à envier au Portugal. À celui-ci Gama, et après lui Alvarez Cabral, Almeyda, Albuquerque, donnèrent pour un temps l’Inde, que perdirent leurs successeurs. À l’Espagne, à l’Europe entière, Christophe Colomb ouvrait les portes d’un monde dont l’immense étendue et l’incomparable richesse dépassaient de beaucoup tout ce que l’imagination la plus féconde aurait pu rêver. Et ce monde est devenu, en moins de quatre siècles, une nouvelle. Europe, peuplée d’Espagnols, de Portugais, d’Anglais, de Hollandais, d’Allemands, de Français, qui font fleurir dans ces contrées jadis sauvages et presque désertes le christianisme, les sciences, les lettres, les arts et le commerce.
Nous n’avons point à raconter la conquête de l’Inde par les Portugais, ni celle de l’Amérique par les Espagnols. On ne sait que trop quels actes de cruauté, quelles scènes affreuses d’extermination déshonorèrent la gloire des héros de cette sanglante épopée. Aux Diaz, aux Vasco de Gama, aux Christophe Colomb, aux Vespucci, à ces hommes pieux et dévoués qui n’avaient en vue que la propagation de la foi chrétienne et la gloire de leur pays, succédèrent des aventuriers impitoyables en qui la soif de l’or éteignait tout autre sentiment. Mais, grâce à Dieu, l’Europe devait produire encore plus d’un héroïque marin, fidèle à la glorieuse tradition, et désireux de concourir à la grande œuvre commencée par don Henri, la conquête pacifique des mers, la recherche et la colonisation des terres inconnues.
À partir du commencement du XVIe siècle, les entreprises tentées dans ce but se succèdent et se multiplient de toutes parts. Tous les peuples rivalisent d’ardeur dans cette immense arène ouverte aux nobles ambitions.
Vasco de Gama avait frayé une route vers l’Inde par le sud de l’Afrique. La découverte du nouveau monde offrait aux navigateurs un autre problème à résoudre : il s’agissait d’arriver aux Indes en doublant un autre cap des Tempêtes, qui sans doute terminait aussi vers le sud la nouvelle Afrique, c’est-à-dire l’Amérique méridionale.
Solis, qui le tenta le premier, périt après avoir reconnu le Rio de la Plata. Après lui Magelhaëns, que nous appelons Magellan, arriva, après avoir longé la côte de Patagonie, au redoutable détroit qui porte son nom, et pénétra, le 28 mai 1520, dans ce vaste océan, auquel on a donné, sans doute par antiphrase, le nom d’océan Pacifique. Poursuivant ensuite sa route, il parvint au bout de trois mois aux îles Philippines, où il mourut. Son lieutenant, Sébastien del Cano, reprit le commandement de l’expédition, arriva aux Moluques, et de là put retourner en Espagne par le cap de Bonne-Espérance. Ainsi s’accomplit le premier voyage autour du monde.
Cependant, dès les dernières années du siècle précédent, l’attention des navigateurs s’était portée vers l’extrême nord. Par là aussi on espérait trouver un passage vers les Indes, et c’est aux Anglais que revient l’honneur d’avoir les premiers dirigés leurs recherches dans ces régions glacées où l’horreur du climat ajoutait encore aux dangers inséparables d’une pareille entreprise. Le roi Henri VII, qui avait été assez aveugle pour rejeter les offres de Christophe Colomb, n’avait pas tardé à s’en repentir ; aussi accueillit-il avec empressement un marin vénitien, Giovanni Gavotta, connu sous le nom de Jean Cabot, qui lui offrit, en 1496, de diriger une expédition vers le nord-ouest. Gavotta croyait arriver par là en Chine et aux Indes. Mais il rencontra le continent américain, dont il longea les côtes jusqu’à la Floride ; après quoi, les provisions lui manquant, il regagna l’Angleterre. Les découvertes de Gavotta donnèrent l’éveil aux Portugais, qui se rappelèrent alors que, longtemps avant lui, un des leurs, Jean Cortereal, avait reconnu l’île de Bacalhaos ou de la Morue (Terre-Neuve). Un des fils de ce Cortereal, nommé Gamar, partit de Lisbonne en 1500, atteignit sans peine l’île de Terre-Neuve ; puis, ayant pénétré dans la baie d’Hudson, il se hâta de revenir annoncer à ses compatriotes qu’il avait découvert un passage vers l’Inde au-dessus du continent américain. Sur la foi de cette affirmation, il obtint aisément l’ordre de faire un second voyage ; il partit, et ne revint plus. Son frère Miquel Cortereal, étant allé à sa recherche, ne reparut pas non plus. Enfin un troisième et dernier Cortereal, Vasco Eanez, voulut se sacrifier à son tour pour la gloire de son pays et le salut de ses frères ; mais le roi, sagement, ne le lui permit point.
Les efforts tentés pour trouver un passage par le nord-ouest n’ayant abouti, comme on vient de le voir, qu’à des catastrophes, on songea naturellement à diriger les recherches vers le côté opposé. Le roi d’Angleterre prit encore l’initiative de cette nouvelle série de tentatives, qui devaient aussi, hélas ! amener tant de mystérieux désastres ! Le premier héros et la première victime, sir Hugh Willoughby, envoyé par Henri VIII à la recherche du passage nord-est, périt sur la côte de Laponie. Un second, d’abord plus heureux, Richard Chancelor, navigua si loin vers le nord, qu’il parvint, dit-il, dans une zone où il n’y avait plus de nuit ; il aborda au fond d’une baie où les habitants lui apprirent qu’ils étaient Moscovites, et que leur prince, Jean Wasiliewitz, résidait à quinze cents milles de là. Chancelor débarqua et se rendit à Moscou ; il fut bien accueilli par le grand prince Ivan, et revint en Angleterre par Arkhangel. Au retour d’un second voyage dans la mer Glaciale, Chancelor périt sur les côtes d’Écosse. Après lui, les Hollandais Barentz et Hemskerk essayèrent de franchir le terrible passage : le premier périt ; le second ne revit sa patrie qu’après avoir enduré à la Nouvelle-Zemble des souffrances inouïes.
Les Anglais, découragés par l’insuccès de Willough-by et de Chancelor, s’étaient de nouveau tournés vers le nord-ouest, mais avec plus de circonspection. Forbisher découvrit la partie méridionale du Groënland, et sir Humphrey Gilbert prit, au nom de la reine Élisabeth, possession de l’île de Terre-Neuve.
Sous le même règne, Francis Drake, après avoir, à l’autre bout du monde, découvert l’archipel de la Terre de Feu, conçut le projet téméraire de revenir en Europe par le nord-est, et remonta, en effet, jusqu’au 48° degré ; mais là l’intensité du froid le contraignit de rebrousser chemin. Après avoir donné au pays qui s’étend du 38e au 40e degré de latitude le nom de Nouvelle-Albion, il prit la route des Moluques, traversa la mer des Indes, doubla le cap de Bonne-Espérance, et revint en Angleterre, après une absence de deux ans, ayant fait, lui aussi, le tour du monde.
Au commencement du siècle suivant, l’Espagnol Alvaro Mendana, traversant le grand Océan, découvre les îles Salomon ; un autre, Fernand de Quiros, qui avait rêvé un continent austral, partit de Lima, à la recherche de ce continent, pour gagner, dit un historien, « des âmes au Ciel et des royaumes à l’Espagne. » Il découvrit seulement un assez grand nombre d’îles, et s’en alla jeter l’ancre dans un bassin spacieux, en vue d’une côte qu’il crut être celle du continent austral, et qu’il nomma pour cette raison Australia del Espiritu-Santo. Ce n’était pourtant, selon toute probabilité, qu’une des grandes Cyclades de Bougainville, ou des Nouvelles-Hébrides de Cook. Quiros, séparé de sa flotte par une tempête, retourna en Amérique. Son lieutenant, Vaz de Torres, continuant sa route au sud-ouest, reconnut d’abord que la prétendue Australie n’était point un continent, et toucha la côte nord de la Nouvelle-Guinée, dont il suivit la côte méridionale jusqu’aux Moluques ; il franchit ainsi le détroit auquel il a donné son nom, et put apercevoir la côte nord de la véritable Australie, c’est-à-dire de la Nouvelle-Hollande.
Des Hollandais accomplirent vers le même temps une découverte non moins importante. Isaac Lemaire, riche négociant d’Amsterdam, et un marin expérimenté, Cornelis Schouten de Horn, s’avisèrent qu’il devait être possible de tourner la pointe méridionale de l’Amérique par une autre voie que le détroit de Magellan. Dans cette pensée, Schouten partit avec Jacob Lemaire, fils d’Isaac, et il eut la gloire de déterminer la position de la Terre des États et celle du détroit de Lemaire, et de doubler le cap Horn, dernière limite de la terre dans ces parages. Il fut ainsi démontré que, comme le génie des deux célèbres Hollandais le leur avait fait conjecturer, le détroit de Magellan n’était pas la seule entrée de l’océan Pacifique, et que la Terre de Feu était une île et non une portion de continent.
En 1642, deux navires hollandais partirent de batavia, par ordre de Van-Diemen, gouverneur de cette colonie, et sous les ordres de l’amiral Tasman. Après deux mois et demi de navigation, ils arrivèrent, par 42° 25’ latitude S. et 136° 50’ longitude O., à une grande terre où Tasman planta le pavillon hollandais et qu’il appela la Terre de Van-Diémen, mais qui a reçu depuis le nom de Tasmanie. Il reconnut ensuite la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Guinée, et rentra à Batavia au mois de juin 1643. L’année suivante, l’amiral hollandais fit un second voyage dans lequel il reconnut avec soin une grande partie des côtes de l’île immense qu’on désignait avant lui sous le nom assez vague de Terres Australes, et qui depuis fut appelée Nouvelle-Hollande. À ce dernier nom les Anglais ont substitué celui d’Australie, qui a prévalu. De nouveaux détails sur cette cinquième partie du monde furent recueillis, de 1683 à 1701, par le célèbre William Dampier, ancien chef de flibustiers, à qui le gouvernement britannique avait confié le commandement d’une expédition que son expérience et son audace le rendaient plus que personne capable de bien diriger.
Aux voyages de Dampier se rattachent les aventures du malheureux Alexandre Selkirk, lieutenant à bord de l’un des navires que commandait Dampier. À la suite d’une altercation avec le capitaine Straddling, son chef immédiat, Selkirk fut abandonné dans une île déserte, celle de Juan-Fernandez, où il vécut seul quatre ans et quatre mois, et dont il fut tiré par un autre vaisseau anglais, en 1708. Ce vaisseau faisait partie de l’expédition de Woodes Rogers, et Dampier y remplissait les fonctions de pilote. C’est l’histoire de ce Selkirk qui, selon quelques auteurs, a fourni à Daniel de Foe le thème de son livre de Robinson Crusoe. Mais d’autres commentateurs croient, au contraire, que Robinson Kreutznaër est un personnage réel dont les aventures, analogues à celles de Selkirk, ont été seulement dramatisées et développée par le célèbre écrivain anglais.
Pendant la cours du XVIIIe siècle, les grandes expéditions maritimes deviennent tellement nombreuses, que nous devons renoncer à les passer en revue. Cette période de l’histoire des voyages est, du reste, bien connue, et nous ne pourrions donner qu’une sèche analyse des relations originales ou des nombreux résumés qui sont entre les mains de tout le monde. Nous nous bornerons donc à faire remarquer qu’à l’époque où nous sommes arrivés, l’Espagne et le Portugal ont vu décroître singulièrement leur activité. L’esprit aventureux qui animait leurs premiers navigateurs semble presque entièrement éteint, et c’est à peine si, dans les lointains parages dont ils ont les premiers frayé la route, on rencontre encore çà et là quelques-uns de leurs vaisseaux à la recherche des terres inconnues. Les Hollandais aussi, après avoir rendu à la science géographique des services signalés, demeurent à peu près étrangers au grand mouvement que l’Angleterre continue avec une énergie extraordinaire et une rare intelligence à partir des dernières années du XVIIe siècle, et auquel la France vient tardivement prendre une part glorieuse dans la seconde moitié du XVIIIe et la première de XIXe siècle. En effet, l’histoire contemporaine des voyages de circumnavigation n’offre guère que des noms anglais et français, dont quelques-uns brillent d’un éclat presque égal à celui des Diaz, des Colomb, des Gama, des Magelhaëns. Qui ne connaît ces héros de la civilisation, ces conquérants de la mer : George Anson, Byron, Carteret, Bougainville, Cook, Surville, Marion-Dufresne, la Pérouse, Vancouver, d’Entrecasteaux ?… Pour la France surtout, notre siècle n’a rien à envier à son aîné, et l’on peut dire sans vaine gloriole que, si nos marins n’ont point égalé les œuvres de leurs prédécesseurs, c’est que ceux-ci, ayant eu le bonheur de les devancer dans le champ des grandes découvertes, ne leur ont, pour ainsi dire, laissé qu’à glaner.
Les pages qui vont suivre ne suffiront qu’à donner une faible idée des travaux accomplis par les voyageurs qui depuis un demi-siècle ont franchi les mers et parcouru le monde. Nous espérons néanmoins que nos lecteurs y pourront trouver quelque intérêt et puiser quelque instruction. Dans une mine aussi riche, il suffit de frapper au hasard pour dévoiler aux regards des filons précieux.
(1800-1803)
Mission confiée au capitaine Baudin par le premier consul. – Itinéraire du Havre à la Nouvelle-Hollande et à l’île de France. – Mort de Baudin. – Retour de l’expédition. – La Nouvelle-Hollande. – Régions visitées par les navires le Géographe et le Naturaliste. – Terre de Nuyts et Port-du-Roi-Georges. – Climat et saisons. – Aspect des habitants. – Leur costume ; leur tatouage ; leurs armes. – Leur manière de vivre ; leurs mœurs. – Les Mulgaradocks. – Terre de Leuwin. – Terre d’Edel et Rivière des Cygnes. – Baie des Chiens-Marins. – Terres de Witt et d’Arnheim.
C’est un navigateur français qui ouvre la série des grands voyages de découvertes accomplis au XIXe siècle. Le capitaine Baudin fut chargé par le premier consul d’explorer les côtes de la Nouvelle-Hollande et les grandes îles groupées au nord, à l’est et au sud-est de cette Terre Australe que son immense étendue peut faire, à bon droit, regarder comme un continent.
Les deux corvettes le Géographe et le Naturaliste partirent du Havre, le 17 octobre 1800, sous le commandement de cet officier, qu’une mort prématurée devait, hélas ! arrêter au début de sa brillante carrière. Baudin avait pour compagnons l’enseigne de Freycinet qui, un peu plus tard, dirigea à son tour une autre expédition dans l’Océanie, et le naturaliste Péron, chargé de recueillir toutes les observations relatives aux populations, à la flore et à la faune des contrées qu’on allait visiter. C’est principalement grâce à ces observations, faites avec un soin minutieux et une rare sagacité, que le voyage de Baudin offre de l’intérêt, car il ne fut signalé par aucun incident digne de remarque.
Du Havre, les deux corvettes firent voile vers l’île de France, et de là vers les Moluques. Le 21 septembre, elles mouillèrent en vue de l’île de Timor, après avoir exploré une partie de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Hollande. Elles se dirigèrent ensuite sur la côte sud-est, et firent une seconde halte au Port-Jackson, qui était alors le principal établissement des Anglais dans la Nouvelle-Galles du Sud. S’étant ravitaillées en cet endroit, elles se dirigèrent vers la Terre de Van-Diémen, qu’elles atteignirent le 13 janvier 1802. Puis elles doublèrent le cap Sud, pour aller jeter l’ancre dans l’est de l’île aux Perdrix, à l’entrée du détroit d’Entrecasteaux
On quitta ce mouillage le 17 février, pour aller jeter l’ancre devant l’île Maria, à l’entrée de la baie des Huîtres. Après avoir reconnu le Port-Frédérik-Hendrik de Tasman et les îles Schouten, on découvrit plusieurs îles auxquelles Baudin donna des noms français, dès longtemps supprimés par les Anglais, qui y ont substitué des noms britanniques. La même chose a eu lieu pour les diverses régions explorées sur les côtes sud et sud-ouest de la Nouvelle-Hollande par notre compatriote, qu’un misérable sentiment de jalousie nationale a privé ainsi d’une gloire bien légitimement acquise par ses travaux, et payée de sa vie.
En quittant la baie des Huîtres, Baudin traversa de l’est à l’ouest le détroit de Bass, large de deux cents kilomètres, qui sépare l’île Van-Diémen de la Nouvelle-Hollande, et explora la côte méridionale, jusque-là inconnue, de ce continent. Cette exploration dura jusqu’à la fin du mois d’avril 1802, et s’accomplit laborieusement au milieu de dangers sans cesse renaissants. À l’entrée du mois de mai, les équipages étaient tellement épuisés de fatigue, qu’il fallut renoncer à pousser plus loin les reconnaissances. Baudin se décida à retourner vers l’est pour relâcher à Botany-Bay. Mais il voulut encore utiliser sa retraite, et, au lieu de reprendre la route qu’il avait déjà suivie et qui était la plus courte, il redescendit vers le sud, afin de trouver l’extrémité méridionale de la Terre de Van-Diemen. Le 20 mai, on reconnut l’entrée de la baie de l’Aventure et les colonnes du cap Cannelé, en avant duquel se projette l’île aux Pingouins. Les Français admirèrent l’aspect riche et grandiose de cette pittoresque et fertile contrée, arrosée de nombreuses rivières et couverte d’une éternelle verdure. Le 22, ou doubla par le sud l’île Maria, et l’on s’engagea dans l’archipel Schouten. Mais ici les marins eurent de nouveau tant à souffrir du mauvais temps et des maladies, qu’il fallut se hâter de remonter vers le nord. On arriva heureusement, le 20 juin, au Port-Jackson, où l’on séjourna cinq mois. Ce temps fut employé à radouber les navires, à renouveler les provisions et surtout à soigner les malades, qui étaient très nombreux.
On remit à la voile, le 2 janvier 1803, pour aller explorer derechef la région à laquelle on avait donné le nom de Terre Napoléon, et poursuivre la série des découvertes commencées l’année précédente. On longea ainsi toute la côte sud-sud-ouest, ouest et nord-ouest de la Nouvelle-Hollande ; on reconnut l’île des Kangourous, le golfe de Spencer, la Terre de Nuyts, l’archipel de la Recherche. On doubla les caps d’Entrecasteaux et Leuwin ; on longea la Terre d’Edel et la Terre d’Endracht ; puis on remonta jusqu’à l’archipel de Dampier, qu’on avait appelé l’archipel Bonaparte, et l’on mouilla, le 24 mars, en vue de l’île Cassini. Ici l’on fut encore obligé de suspendre les opérations, et de cingler vers l’île Timor, où l’on parvint le 6 mai 1803, après une relâche d’un mois à Coupang, port principal de l’île, situé au fond de la baie de ce nom ; on repartit, et l’on fit route vers le sud-ouest pour reprendre les explorations au point où on les avait laissées. On était, le 12 juin, par 13° 26’ de latitude S. et 124° de longitude E. On cingla alors directement vers le sud, et l’on aperçut bientôt le continent ; mais on ne trouva point d’endroit favorable pour le débarquement. La mousson, qui régnait alors, s’opposait d’ailleurs à ce qu’on pût longer la côte vers le nord-est. On ne mit pas moins de six jours à avancer de vingt-cinq lieues dans ce sens.
Le capitaine Baudin, voyant bien qu’il fallait renoncer à reconnaître la Terre d’Arnheim, contiguë à celle de Witt, se décida enfin à gagner le large pour tâcher d’atteindre l’extrémité sud-ouest de la Nouvelle-Guinée. Cependant il lui restait encore près de deux cents myriamètres de côtes à explorer, tant de la Terre d’Arnheim que de celle de Carpentarie, qui borde le golfe de ce nom. Mais on n’avait plus de vivres que pour vingt jours, et il en eût fallu au moins trois fois autant pour entreprendre une aussi longue navigation. La santé du chef de l’expédition était en outre gravement altérée. Abandonnant donc les côtes de la Nouvelle-Hollande, les deux corvettes voguèrent pour la troisième fois vers l’île de Timor, qu’elles revirent le 13 juillet 1803. Le 14, elles doublèrent l’extrémité sud de l’île Savon, et le 7 août elles rentraient dans le port de l’île de France.
Ce fut là que le capitaine Baudin mourut, le 2 septembre suivant. Après ce triste évènement, le capitaine Milvius, qui remplaça Baudin, ne crut pas devoir reprendre, sans instructions nouvelles du gouvernement, la suite des travaux qui avaient été spécialement confiés à son prédécesseur. Il se contenta de ramener en France les deux corvettes, et rentra dans le port de Lorient, le 25 mars 1804, après une absence de trois ans et cinq mois, pendant laquelle on avait parcouru plus de dix-sept mille lieues marines, soit environ quatre-vingt-quatre mille kilomètres.
Les observations nautiques et géographiques recueillies pendant cette expédition furent mises en ordre par M. de Freycinet. Quant aux observations relatives à l’ethnographie et aux sciences naturelles, nous avons dit qu’elles avaient été faites par le savant Péron, qui consacra le reste de sa vie à les classer et à les rédiger, et mourut, le 14 décembre 1810, sans avoir pu achever entièrement ce long travail. Nous allons en extraire quelques détails sur les habitants et sur les productions des contrées visitées par l’expédition, et particulièrement des côtes de la Nouvelle-Hollande et des petites îles qui l’avoisinent.
La Nouvelle-Hollande, on le sait, est appelée souvent, surtout depuis quelques années, Australie ; et ce nom s’applique également à celle des trois grandes divisions de l’Océanie dont elle constitue la partie continentale. Elle est, à la vérité, entourée d’eau de toutes parts ; mais il en est de même de ces vastes terres qui forment l’ancien et le nouveau Monde. Bien plus, l’Afrique et l’Amérique septentrionale, lorsqu’on aura percé les isthmes de Suez et de Panama, seront aussi baignées de tous côtés par les eaux de l’Océan, et n’en demeureront pas moins, en raison de leur étendue, des continents. C’est aussi par ses dimensions presque égales à celles de l’Europe, que la Nouvelle-Hollande a mérité et conservé la qualification de Continent Austral. Que recèle en son contre ce continent, dont le littoral est seul connu des européens ? L’avenir, sans doute, l’apprendra à nos descendants ; mais pour nous, l’intérieur de l’Australie est bien plus mystérieux et plus impénétrable que l’intérieur de l’Afrique, ou tant de courageux investigateurs ont déjà péri, victimes de leur zèle pour la science. Tandis que l’Angleterre, sur la côte sud-est, a fondé des colonies pénitentiaires et bâti de grandes et florissantes cités, et que, poussés par l’appât de l’or, des milliers d’émigrants accourent de tous les pays du monde, et vont porter dans cette lointaine province de l’empire britannique leur intelligence, leurs bras, leur industrie, le reste du continent australien demeure défendu contre les envahissements de la race anglo-saxonne par son insalubrité, par ses forêts, ses marécages et son immensité même.
Les régions du littoral de la Nouvelle-Hollande visitées par les corvettes le Géographe et le Naturaliste sont :
1° Au sud, la terre que Baudin appela Terre Napoléon : elle commence au promontoire du Capitaine-Wilson, sur le détroit de Bass, vers le 144e degré de longitude orientale, et se prolonge jusqu’au cap des Adieux, vers le 130e degré de la même longitude : on l’a partagée depuis en Terre de Grant, Terre Baudin et Terre Flinders ;
2° La Terre de Nuyts, qui commence au cap des Adieux, s’élève jusqu’à la Terre de Leuwin, et comprend le Port-du-Roi-Georges, découvert en 1791 par Vancouver ;
3° La Terre de Leuwin, qui comprend l’extrémité sud-ouest de la Nouvelle-Hollande, terminée par le cap d’Entrecasteaux ;
4° À l’ouest du continent et au nord de la Terre de Nuyts, la Terre d’Edel, qui se termine, au nord, à la baie des Chiens-Marins ;
5° La Terre d’Endracht, dont la limite septentrionale est à la hauteur des îles Dampier ;
6° Au nord, la Terre d’Arnheim, qui comprend celle de Diémen, située au fond de la baie du même nom ; cette terre borne à l’ouest celle de Carpentarie, que Baudin ne put reconnaître, et après laquelle on arrive à la Nouvelle-Galles du Sud. Celle-ci occupe tout l’est du continent, dont elle est la partie la mieux connue et la plus peuplée.
La Terre Napoléon, ou, pour nous servir des dénominations qui ont prévalu, les Terres de Grant, de Baudin et de Flinders, n’offrant rien de remarquable, soit dans leur aspect, soit dans leurs productions, nous arrivons à la Terre de Nuyts, dont la partie occidentale a pris le nom de Terre du Roi-Georges.
L’aspect général de cette contrée est triste, mais ne manque pas de pittoresque. La végétation, sur la côte même, est pauvre et chétive ; mais derrière cet aride rivage s’élèvent des montagnes bien boisées, séparées par des gorges abruptes et sauvages. Les vents et les saisons, dans ces parages, n’ont point de cours périodique et régulier. Cependant le vent d’est commence à souffler, le plus ordinairement, au mois de décembre, et règne jusqu’à latin de février. La période comprise entre le mois de janvier et celui de mai peut être considérée comme formant l’été de cette région. Au début, le vent d’est est violent et accompagné de pluie ; mais peu à peu le vent du nord se montre et amène la chaleur, qui dure avec assez d’intensité jusqu’au milieu de mai. Pendant les mois de mars et d’avril, le thermomètre Fahrenheit marque souvent 98°, ce qui équivaut à peu près à 37° centigrades. Les vents d’ouest prennent au mois de juin et durent jusqu’à la fin de juillet, où commencent les vents de sud et de sud-est, qui amènent une température plus basse et des pluies abondantes : somme toute, le climat est assez beau. Toutefois les orages avec éclairs et tonnerre sont fréquents, et le vent chaud du nord, dont on se plaint tant à Sidney, ne laisse pas de se faire sentir aussi de temps en temps au Port-du-Roi-Georges.