28 Nouvelles Érotiques - Julien Di Giacomo - E-Book

28 Nouvelles Érotiques E-Book

Julien Di Giacomo

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28 histoires érotiques à déguster seul(e) ou à plusieurs. Découvrez le recueil des 28 nouvelles érotiques lauréates du concours "La Boîte à Fantasmes" édition 2023. Sensualité, variété, découvertes et qualité garanties ! Chaque nouvelle se lit séparément pour un plaisir unique à chaque lecture. Nous pensons que plus que jamais le monde a besoin d'enchantement et de joie, et que cela passe aussi par les talents littéraires en matière érotique. Pas vous ? Vous trouverez dans cet ouvrage collaboratif une source d'émoustillement mais aussi de découvertes parfois surprenantes. Découvrez sans attendre le talent de nos 28 lauréats ! Le premier prix est attribué à ApiSens pour sa nouvelle "Sans regret". Le second prix revient à Julien Di Giacomo pour son texte"La fin de l'hiver". Les nouvelles érotiques sélectionnées par le jury : "Les plages de Besançon" de Patrick Pelot "Blind Date" Camille Doucet "Eva à l'heure" Baptiste "Le Viking de la Côte de Nacre" Lilith d'Estrée "Le pommeau de douche" Patxi Brodkey "Invitation numéro Un : Le reflet" Cléiïs Danslesalgues "Vendredi soir" Pascal Hendrix "Lune de laine" Meredith Dayle "Des femmes et des sirènes" Anthony Havret "La délicatesse" Bastien Autuoro "Double Jeu" Sarah Vermot-Gauchy "Hormones glory" Amy Lorens "La musique de l'eau" Dayola P. "Un bisou fugitif" Pascal Labbé "Mon désir me tue" Lou Surya "Aurore boréale" Jean Barraud "À l'abri des regards" Arthur Labarre "L'écritoire" Gilles Eskenazi "La robe rouge et le tire-bouchon" Jean Dufour "Arabian night" Ulysse "La flamme du désir" Zahl "Joëlle" Catherine Saint-Cast "Pièce de théâtre" Jean-Paul Villermé "Prélude impudique" Claire Mayer "Thérapeute sous couverture" James AYC "Une main sous les draps" Mélanie St-Amant

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Seitenzahl: 308

Veröffentlichungsjahr: 2023

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ApiSens

Julien Di Giacomo

Patrick Pelot

Camille Doucet

Baptiste

Lilith d'Estrée

Patxi Brodkey

Cléïs Danslesalgues

Pascal Hendrix

Meredith Dayle

Anthony Havret

Bastien Autuoro

Sarah Vermot-Gauchy

Amy Lorens

Dayola P.

Pascal Labbé

Lou Surya

Jean Barraud

Arthur Labarre

Gilles Eskenazi

Jean Dufour

Ulysse

Zahl

Catherine Saint-Cast

Jean-Paul Villermé

Claire Mayer

James AYC

Mélanie St-Amant

L’idée d’un recueil de nouvelles érotiques nous est venue en discutant entre amies autour d’un bon repas.

Notre constat était évident : l’accès au « porno » est aisé, presque trop facile… Mais finalement l’érotisme, le suggestif, n’existent quasi plus.

Dommage non ?

Alors nous avons souhaité y remédier.

Plus que jamais le monde a besoin d'enchantement et de joie, et cela passe aussi selon nous par le plaisir que nous procurent les talents littéraires en matière érotique.

Nous pensons aussi que la richesse du plaisir vient entre autres de la variété, et quoi de mieux qu’un ouvrage collaboratif réunissant les fantasmes de personnes issues de tous les horizons et aux multiples envies ?

Vous trouverez dans ce recueil une source d’émoustillement mais aussi de découvertes parfois surprenantes.

Et puisque vous trouverez ici votre bonheur, sachez que l’édition 2021 est aussi riche d’érotisme.

BONUS : Chaque nouvelle ouvre à une suite !

Vous êtes invités à voter pour les histoires les plus émoustillantes, celles dont vous souhaiteriez pouvoir lire la suite. Et l’imaginaire fera le reste…

Vous avez eu un coup de chaud ? L’un des textes vous a mis en appétit ? Vous bouillonnez d’envie de pouvoir lire la suite des aventures de l’un des protagonistes ?

Et si c’était possible ?

Rendez-vous ici : www.boiteafantasmes.com

Quelques surprises sont au rendez-vous !

Découvrez la Boîte à Fantasmes !

28 contes croustillants pour titiller vos envies.

28 contes érotiques écrits par 28 auteurs de choix sélectionnés lors du Prix « Boîte à Fantasmes » 2023.

Bonne lecture !

Faites-vous vibrer !

SOMMAIRE

"Sans regret" ApiSens

"La fin de l’hiver" Julien Di Giacomo

"Les plages de Besançon" Patrick Pelot

"Blind Date" Camille Doucet

"Eva à l’heure" Baptiste

"Le Viking de la Côte de Nacre" Lilith d’Estrée

"Le pommeau de douche" Patxi Brodkey

"Invitation numéro Un : Le reflet" Cléïs Danslesalgues

"Vendredi soir" Pascal Hendrix

"Lune de laine" Meredith Dayle

"Des femmes et des sirènes" Anthony Havret

"La délicatesse" Bastien Autuoro

"Double Jeu" Sarah Vermot-Gauchy

"Hormones glory" Amy Lorens

"La musique de l’eau" Dayola P.

"Un bisou fugitif" Pascal Labbé

"Mon désir me tue" Lou Surya

"Aurore boréale" Jean Barraud

"À l’abri des regards" Arthur Labarre

"L’écritoire" Gilles Eskenazi

"La robe rouge et le tire-bouchon" Jean Dufour

"Arabian night" Ulysse

"La flamme du désir" Zahl

"Joëlle" Catherine Saint-Cast

"Pièce de théâtre" Jean-Paul Villermé

"Prélude impudique" Claire Mayer

"Thérapeute sous couverture" James AYC

"Une main sous les draps" Mélanie St-Amant

Sans regret

ApiSens

Lauréat du Premier Prix

Il mit sa main sur mon ventre, embrassant mes secrets, la mer à nos pieds. Il souriait.

J’ai couru, couru à perdre haleine, couru à m’en déchirer les mollets. J’ai couru, hélas jamais aussi vite que l’enchaînement de mes pensées. J’ai eu peur, j’ai douté. Mais rien n’arrête la puissance d’une vie. Ni les doutes ni les peurs, ni les paroles non dites. Pas même les regrets.

En avais-je seulement ?

Regrettais-je mes incursions au camping, ces amis de passage, ces nuits sous les étoiles ?

Regretterais-je jamais ces soirées de jeunesse, ces discussions de rebelles croyait-on, quand le monde se réinventait une chope à la main, le jeans en lambeaux et le cœur grand ouvert ?

C’était son premier été chez nous. Son cousin l’avait convaincu : ce camping en bord de rivière était tranquille, les journées se rythmaient à coup de canne à pêche, de barbecues et – pour les plus courageux – de jolies balades dans les collines alentour. Il n’avait pas parlé des filles du village, pourtant jolies, qui se joignaient aux soirées autour du feu et terminaient parfois dans la tente des plus audacieux. Son cousin n’était pas du genre à soulever les jupes ni à quelques grivoiseries qui font fuir les demoiselles et se retourner les moins farouches. Non, le cousin était plutôt du genre intello-solitaire. Le type qui se sent mieux dans une bibliothèque silencieuse qu’à une table de café.

Celui qui plongeait le nez dans un bouquin dès qu’une jeune fille faisait mine d’approcher. On imaginerait un grand maigre regardant le monde à travers d’épais binocles. Et pourtant, étrangement, ce garçon-là était musclé. Et sans lunettes. À force de persévérance, le cousin l’avait convaincu de se joindre pour deux semaines à l’équipée du camping.

C’est ainsi qu’une chaude journée de juillet, je le vis débarquer avec la joyeuse troupe. Je les regardais monter leurs tentes et l’observais lui particulièrement, ce beau gosse un peu gauche. Les jours suivants, il ne participa pas aux concours de pêche ni à celui de pétanque. Il préférait l’ombre de sa tente et l’univers de ses romans, si bien que je n’eus pas l’occasion de faire sa connaissance.

Jusqu’au soir où, éclairé par le feu qui crépitait et quelques lanternes, je le vis se joindre au cercle joyeux que nous formions. Il ne dit rien. Il s’assit sur le sol entre deux gaillards qu’animait un débat sur les élections américaines. Il fixait les flammes, se contentant d’être là. Je l’observais à la dérobée.

Curieux garçon d’entre deux mondes, au corps harmonieusement musclé, les cheveux en bataille et les yeux toujours sur un bouquin. Et ce silence obstiné de celui qui ne s’intéresse pas aux conversations. Le mystère qui s’en dégageait me titillait. Je devais apprendre plus tard que ce soir-là, l’intello était tombé à court de lecture. Son cousin avait limité les bagages et il était arrivé au bout de toutes les pages emportées.

Laissant mes copines les unes en grande discussion, les autres aux baisers enflammés, je m’approchai du mystérieux cousin.

– Viens, je vais te montrer le plus bel endroit de la nuit, l’invitai-je.

Contre toute attente, je le vis se lever et me suivre. Je ne savais pas encore où je l’emmenais. Je savais juste qu’il m’avait suivie, lui ce garçon atypique dont je ne connaissais pas même la voix.

– Aimes-tu nager ? lui demandai-je.

– J’habite à deux pas d’un lac. J’y nage tous les matins, l’entendis-je me répondre d’un timbre profond.

Voilà d’où lui venait ce profil athlétique ! Nous plongeâmes dans la rivière agréablement fraîche. Nous fîmes la course, il me battit à plate couture. Puis je disparus à sa vue, suffisamment longtemps pour qu’il m’appelle. C’est alors que j’attrapai ses jambes sous l’eau et réussis à le renverser. S’en suivit une bataille où nos corps se touchaient, se poussaient, s’empoignaient, résistaient, vacillaient et sous prétexte d’un interminable combat, se caressaient. D’abord presque par inadvertance puis de plus en plus précises, les caresses s’enhardissaient. Sa peau était fraîche, mes doigts se ridaient de rester dans l’eau. À la lueur de la lune reflétant dans la rivière, je distinguais un regard profond, avec un petit quelque chose de sauvage. Les boucles de ses cheveux mouillés s’affaissaient, découvrant davantage les angles marqués de son visage. Ses lèvres entrouvertes laissaient échapper le souffle d’un désir contenu. Ses gestes, gauches pour monter la tente, se faisaient précis à ma rencontre. Je sentais ses mains sur mes habits mouillés remonter mon dos, arriver aux épaules, hésiter avant de descendre à la rencontre d’un sein. Quand tout s’arrêta.

Une main à la naissance de mon sein, l’autre sur mes reins, il ne bougeait plus. Je sentais son sexe durci contre ma hanche. Il s’en aperçut et s’écarta légèrement. Sa bouche se referma, ses yeux s’arquèrent en un curieux point d’interrogation. Il attendait. Il n’était pas comme les gars de son âge. Il ne relevait pas les jupes des filles, ne sifflait jamais à leur passage, n’avait pas de mot vulgaire pour les désigner. Il était là, si près de moi, brûlant de désir et ne bougeait plus.

L’air grave, il dit :

– C’est toi qui décides.

À quoi je répondis :

– Comment t’appelles-tu ?

– Grégoire.

Je n’hésitai pas longtemps.

– Viens, Grégoire, et je le tirai par la main.

Je l’emmenai dans les herbes hautes de l’Ile aux Cygnes. Bien au sec, je me plaçai de biais à la lune, face à Grégoire et son regard sauvage et ôtai mes chaussures. Lentement, je me redressai, il me regardait, je déboutonnai mon chemisier. Je dégrafai mon soutien-gorge. J’ouvris le bouton de mon jeans délavé et me tortillai pour me libérer du vêtement mouillé.

Puis vint le tour de la petite culotte, que je défis avec lenteur et envoyai valser du bout du pied. J’étais nue dans l’air chaud d’une nuit d’été. L’éclat de la lune faisait des ombres sous ma poitrine et entre mes jambes. Quelques gouttes de rivière ruisselaient de mes cheveux sur mon dos, passaient le rebondi de ma fesse, dévalaient ma jambe pour terminer dans l’herbe foulée.

Je laissai le regard de Grégoire chercher d’autres gouttelettes, s’attarder sur le sein que la lune éclairait, mes hanches, mes cuisses, puis tendis la main :

– C’est oui.

Il ne prit pas mes doigts. À son tour, il se déchaussa puis déboutonna sa chemise, découvrant la couleur un peu pâle de son torse. Il défit son pantalon de toile (ce n’était vraiment pas un garçon comme les autres), ôta son caleçon américain que l’eau rendait moulant et se redressa, exhibant sans gêne un sexe tendu et luisant que le clair de lune rendait brillant. Où était passé le garçon pataud qui se cachait dans les bouquins ? J’avais devant moi un homme puissant exhalant l’assurance de ce qu’il était.

Il s’empara de mes doigts, les déposa sur sa hanche tandis que s’approchant, il prit mon visage entre ses mains et m’embrassa. Ses lèvres étaient charnues, sa langue pointue. Elle joua avec la mienne, exigeante et généreuse. Elle s’échappa, s’aventura dans mon cou, mon épaule, la naissance d’un bras. Elle se faufila entre mes seins, en fit le tour, vint titiller le mamelon qui durcit, le mordilla gentiment. Puis la langue poursuivit l’exploration de mes secrets. Elle passa sur mon ventre, savoura une hanche, l’autre, longea la fesse. Elle sillonna ma cuisse, le genou, lécha son creux, descendit sur le mollet, la plante du pied, happa mon gros orteil.

Elle sauta de jambe, la remonta, lécha l’intérieur tendre de ma cuisse, doucement, lentement. Mon souffle s’accélérait, la langue ralentissait. Elle prenait son temps, goûtait chaque parcelle de peau, éveillait le désir, l’impatience. Petit à petit, elle remonta jusqu’à mon triangle. Dans les boucles de ma toison, un souffle chaud. La langue se fit pointue. Elle chercha. Et puis il fut là : mon bouton de rose. La langue appuya sur cet interrupteur, joua avec lui, l’émoustilla, déclencha des frissons, mon corps se cabra, la langue s’arrêta. Elle se fit chaude et large, elle descendit l’alignement, vint recouvrir mes lèvres, s’y attarder un moment, gouta le miel, remonta sur mon bouton et quitta ce triangle brûlant. La langue repassa sur mes mamelons en érection, mes seins gonflés de désir, retrouva ma bouche, scella mes lèvres.

Grégoire fut contre moi. Je le voulus, impérieusement, là, tout de suite et il me prit, debout, sauvagement. Ses coups de butoir étaient à mille lieues de la délicatesse avec laquelle il avait parcouru mon corps et j’y répondis. Il mit sa puissance à la hauteur de mon désir : violente, sans appel. Ses mains pétrissaient mes seins, ses hanches claquaient contre les miennes, son sexe me transperçait le ventre. Alors que mon plaisir montait et s’apprêtait à éclater, il se retira soudainement. Je ne m’en tirerais pas comme ça, il n’en avait pas fini avec moi. Il me tourna et me fit plier les genoux. Me voici à quatre pattes dans les grandes herbes. Je n’eus pas le temps de réagir qu’il me prit par derrière. D’abord brutalement puis il ralentit la cadence. Une main arrimée à mes hanches, l’autre cherchant mon sein, il allait et venait à une lenteur insupportable m’arrachant des gémissements. Quand ils se firent grognements, il me fit pivoter sur son sexe, passant souplement ma jambe de l’autre côté, me tint assise sur ses cuisses.

Ainsi empalée, il me souleva et me descendit doucement, régulièrement, tandis que mes mains griffaient son dos, que mes dents entamaient sa chair.

Après maints allers-retours, le sexe toujours planté dans mon ventre, il me déposa sur le sol. À bout de souffle et torturée de plaisir, je me demandais ce qu’il cherchait encore à extraire de mon corps extasié. Léchant et mordillant seins et tétons, il cadença un va-et-vient rassurant. Mes mains empoignèrent ses fesses, accompagnant les mouvements de son bassin. Bientôt mon dos se cabra, mes jambes se serrèrent sur le cri qui jaillit de ma bouche, ses mouvements s’accélérèrent et enfin, je sentis la bascule de son bassin et son corps qui se tendait dans l’ultime assaut. Un hurlement déchira la nuit tandis que Grégoire s’affaissait sur moi. Quand il eut récupéré suffisamment de souffle, je l’entendis me murmurer à l’oreille :

– Tu as raison, c’est le plus bel endroit de la nuit.

Doucement, il libéra son épée de mon fourreau. Je vins embrasser l’arme au repos, lécher le goût de notre rencontre et je souris au valeureux guerrier.

Les jours suivants, je devais le revoir à l’ombre de sa tente, gauche, agrippé aux bouquins que je lui avais prêtés. Mais la nuit tombée, mon intello-musclé redevenait l’amant merveilleux que je regretterais longtemps.

Les deux semaines passèrent vite, beaucoup trop vite. Il rentra près de son lac et, peut-être, d’une petite-amie qui l’attendait.

À la fin de l’été, je dus me rendre à l’évidence : la vie avait germé. Malgré tout, je repris le chemin de l’école.

Au fur et à mesure que j’avançais dans ma rhéto, mon ventre grossissait. Je n’allai pas jusqu’au diplôme, une petite tête bouclée me fit interrompre mes études aux vacances de Pâques. Grégoire avait eu 18 ans, était parti étudier, ne revint pas au camping l’été suivant.

Les années qui suivirent furent nourries de petits boulots, de maladies d’enfance et de quelques corps d’hommes. Aucun ne me donna le plaisir de l’Ile aux Cygnes. Jusqu’à l’été de ses cinq ans.

Il était bouclé, avait quelque chose de sauvage dans le regard et me souriait sur une plage de vacances.

– Maman, viens voir mon château de sable !

– Après mon chéri, laisse-moi terminer mon bouquin.

J’allais replonger dans la romance quand un corps musclé tout juste sorti des flots s’avança vers moi. Ses épaules un peu pâles luisaient au soleil, ses cheveux mouillés laissaient apparaître les angles de son visage.

Sa démarche était souple, se dégageait de lui quelque chose qui me titilla. Arrivé à ma hauteur, il demanda d’un timbre profond

– Que lisez-vous qui fasse attendre un château de sable ?

Soudain, mes mains furent moites, le paysage devint flou, je me sentis vaciller. Il s’agenouilla à mon côté, m’aida à reprendre mes esprits. C’est alors que ses yeux s’arquèrent en ce curieux point d’interrogation et que j’éclatai de rire. Un rire profond, immense, un rire de plusieurs années.

Ce soir-là et tous les soirs de ces trop courtes vacances, mon fils endormi dans la tente, je partis sous les étoiles à la rencontre de Grégoire.

La fin de l'hiver

Julien Di Giacomo

Lauréat du Second Prix

Il ne faisait pas si froid, mais elle n’arrêtait pas de frissonner. Les mains serrées sur sa tasse de café, elle tenta de se calmer. Quelle merde, d’ailleurs, ce café. Cher, mauvais et vaguement méprisant. Très français, quoi. Une raison de plus de regretter l’Australie. Avait-elle bien fait de revenir ? Ça faisait un bail qu’elle ne s’était pas jetée à l’eau comme ça, ou plutôt, qu’elle n’avait pas eu autant la frousse avant de se jeter à l’eau. Des années, même. Depuis cette nuit derrière l’hôpital St-Dié, sûrement. Brûleuse de ponts forcenée, elle s’était efforcée, à l’autre bout du monde, de ne pas regarder en arrière. Et souvent, elle y était parvenue. Une fois les connards filtrés – et c’était du boulot –, et à condition d’aimer aller à la pêche, il y avait de quoi rassasier bien des fringales, sur les sites de rencontres. Mais si les chansons sont des tatouages, les souvenirs sont des cicatrices : impossible de jamais s’en débarrasser vraiment, surtout s’ils ont le goût amer des rendez-vous ratés… et de la trahison. Elle frissonna de nouveau et but une gorgée de son double expresso.

Remontée comme elle l’était déjà, elle aurait dû y aller mollo sur la caféine. Mais Doreen n’avait jamais été du genre raisonnable.

À travers la vitre, elle inspecta du regard la façade de l’immeuble sur le trottoir d’en face. Un petit cœur brisé rose ornait le mur à côté de la fenêtre du deuxième étage. Elle ricana doucement en repensant à la tête qu’avait faite le chauffeur de taxi lorsqu’il l’avait vue grimper là-haut, de balcon en balcon, pour aller y tagger ce petit gribouillis ridicule. Foncedée comme elle l’était alors, elle aurait bien pu se casser quelque chose, voire finir en belle place sur la liste des morts les plus connes de l’année. Mais elle avait survécu, s’était miraculeusement démerdée pour ne faire que se fouler la cheville, et était remontée en voiture comme si de rien n’était, direction l’aéroport. Elle se commanda un nouveau café.

– On peut fumer, ici ?

– Non, mademoiselle, on ne peut pas. Je parie même qu’à votre naissance, on ne pouvait déjà plus fumer dans les cafés, d’ailleurs.

Connard. Tous des connards, les cafetiers citadins.

Mais tout de même, ce cœur brisé rose, quelle angoisse.

Elle en avait un peu honte, aujourd’hui. Enfin, il avait au moins le mérite d’être toujours là. Elle se demanda si Jonah le regardait, le matin, en ouvrant ses volets. Ou lorsqu’il allait respirer un peu d’air frais après avoir tiré son coup avec Véra dans la chambre à coucher. Une normie comme Véra, on ne pouvait la tirer que dans la chambre à coucher. Et dans un lit. Peut-être un canapé, à la limite, si elle se sentait d’humeur fofolle, mais sûrement rien d’autre. Et encore, à condition qu’ils niquent encore, parce qu’il n’était pas dit qu’elle ait conservé son intérêt pour la chose, une fois proprement maquée. À tous les coups, elle avait arrêté de le sucer au bout de deux mois. Les filles comme ça ne sucent que par intérêt, jamais par plaisir. Doreen se lécha les lèvres et sirota son café. Dire que cette conne avait été sa première amie, lorsqu’elle avait débarqué dans la région. Elle l’avait rencontrée en s’inscrivant au club d’escrime local, puis c’est Véra qui lui avait fait visiter la ville, Véra qui l’avait intégrée à sa bande de potes, et Véra, encore, qui lui avait demandé d’arrêter de flirter avec Jonah, pour qui elle avait le béguin depuis toujours.

Doreen n’avait jamais été très romantique, ou en tout cas pas au sens classique du terme, et ses rêves de voyage lui interdisaient de tomber amoureuse, mais elle avait reconnu en Jonah un indicible qui l’avait pénétrée.

Sa note bleue à elle. Les sentiments l’avaient prise peu après qu’elle avait décroché son visa vacances travaillées pour l’Australie, date à partir de laquelle elle avait un an pour passer la frontière. Niquer, ou ne pas niquer ? Telle avait alors été la question. Et, incapable de la trancher, elle avait passé l’année à envoyer des signaux contradictoires, selon qu’elle craigne de s’engluer dans une histoire susceptible de la condamner à la fixité ou qu’elle se laisse tenter à croquer la vie à pleines dents. Finalement, c’est l’intervention de Véra qui l’avait aidée à trancher. Puisque les deux amies s’étaient découvertes rivales et que ni l’une ni l’autre n’était disposée à s’éclipser sans faire d’esclandre, elles avaient décidé de régler leur différend au cours du tournoi d’escrime à venir… La gagnante serait libre de faire ce qu’elle voulait de Jonah, et la perdante devrait disparaître.

Doreen finit son café. De l’autre côté de la rue, elle vit Véra sortir de l’immeuble et prendre la direction du métro. Celle-là, c’était une romantique à l’ancienne, victorienne, qui passe plus de temps à se morfondre qu’à se bouger le cul. En privé, elle s’était prétendue intéressée par Jonah, mais il était facile de comprendre que le pauvre ne s’en soit même pas rendu compte.

Quoique… S’ils habitaient maintenant ensemble, c’était bien que Véra avait fini par passer à la vitesse supérieure une fois la concurrence écartée. Doreen, elle, se targuait d’être plus pragmatique, et donc directe. Aucun mec sur lequel elle avait des vues ne pouvait avoir le moindre doute sur ses intentions. Elle ne croyait pas au grand amour, mais au fil des rencontres et des expériences, elle s’était plus d’une fois trouvée coupable d’une interrogation qui ne lui ressemblait guère : à quoi ce quotidien ressemblerait-il si Jonah était là pour le partager avec elle ? Ce qui l’avait séduite, c’était cette tension entre la Jane Austen et le Corto Maltese en lui, cette sensibilité née de la friction constante entre deux idéaux irréconciliables.

Un duel d’escrime dont il ignorait tout l’avait précipité d’un côté de la barrière, mais il aurait tout aussi bien pu s’épanouir à l’opposé, elle en était certaine. Si Doreen avait gagné le combat, elle lui aurait proposé de plier bagages pour la suivre à l’autre bout du monde, et il aurait accepté. Elle l’avait entendu dans ses soupirs lorsqu’il l’avait baisée derrière l’hôpital St-Dié la veille de son départ, en ignorant qu’elle était alors sur le point de sortir de sa vie.

Ç’avait été son dernier doigt d’honneur à Véra, et au cours des années suivantes, elle l’avait parfois regretté.

Jusqu’à il y a deux semaines, lorsqu’une amie lui avait envoyé un lien vers un article de la presse locale. Un simple entrefilet, coincé entre une nécrologie sommaire, un erratum et un lapsus politique : « Scandale en escrime régionale ! ». On y apprenait comment une championne du cru avait été déchue de tous ses titres pour avoir utilisé en compétition officielle une épée d’Onishschenko, qui permet de simuler des touches inexistantes. Il était impossible de savoir, concluait l’article, depuis quand la tricheuse utilisait l’arme en question, ce qui jetait le doute sur l’issue réelle de l’intégralité de ses combats passés. Le sang de Doreen s’était mis à bouillir, et sa température n’avait fait que monter depuis lors. À présent, c’était de la lave en fusion qui coulait dans ses veines. Le cafetier avait plutôt intérêt à ne pas trop la faire chier. Elle n’avait pas eu de plan en tête en achetant son billet d’avion, ni en retrouvant cette ville où elle pensait ne plus jamais remettre les pieds, mais elle était sûre de devoir prendre les devants. Restait à décider de sa première action : arracher les yeux de Véra, ou arracher la chemise de Jonah ? Après tout ce temps, dur de savoir comment il prendrait son retour… Mais elle avait la foi, et elle aimait les paris. Celui-ci serait le plus important de sa vie.

Doreen se leva, paya ses cafés et traversa la rue. Elle entra dans l’immeuble, gravit les marches et prit une grande inspiration avant de frapper à la porte. Jonah et elle avaient du temps perdu à rattraper.

***

Nulle parole n’avait été échangée, mais ces deux-là n’avaient pas besoin de leur voix pour vibrer au diapason. À peine la porte ouverte, Doreen s’était jetée sur Jonah. Pour ne pas se laisser fléchir, pour ne pas le laisser réfléchir. Précaution inutile : depuis son départ, et de nuit comme de jour, il ne fait que rêver d’elle. Et s’il l’enlaça alors avec autant de force, c’était par peur qu’elle ne s’envole à nouveau, mais aussi pour se convaincre de la réalité matérielle de cette apparition miraculeuse. Il passa la main dans ses cheveux, caressa sa nuque, apprécia la courbe de ses épaules et le creux de ses reins, saisit pleinement ses fesses, et retrouva partout ces sensations dont il n’avait que trop douloureusement été privé. Oui, c’était bien elle qui pressait ses seins contre son torse, qui fermait sa porte d’un coup de bottine, qui serrait son corps contre le sien en retour, qui mêlait goulument sa langue à la sienne.

Comme dans ses souvenirs, elle sentait la cigarette, le café, le patchouli, la délivrance et l’hédonisme.

Combien de temps ce nouveau premier baiser dura-t-il ? Le temps qu’il fallait, sans doute, et il aurait duré jusqu’à la fin des temps si, dans leurs virevoltes, Doreen ne s’était pas brusquement retrouvée le dos plaqué contre la porte d’entrée. Soudain revenu sur la terre ferme, Jonah se recula un instant, bien qu’il ne pût se résoudre à lui lâcher la taille. Haletants tous les deux, ils se dévisageaient fixement, les yeux dans les yeux, une fièvre répondant à l’autre. Il avait la tête pleine de questions, mais n’aurait pas su par où commencer, et toute réflexion, de toute manière, était instantanément dévorée par des flammes qu’il n’avait pas senties crépiter en lui depuis une éternité… Et dont il ne pouvait rien cacher. Initialement parti pour passer la journée à bosser à domicile, il n’était vêtu que d’un vieux T-shirt taché de peinture et d’un caleçon impudique.

– Doreen…, commença-t-il.

Mais sa phrase se perdit dans un râle lorsque Doreen serra la main sur son pénis à travers la toile de son caleçon. Jonah parlait et réfléchissait trop, et si c’était une belle part de son charme, elle n’avait jamais pu résister à la tentation de le faire taire. Avant son départ, avant qu’ils ne niquent pour la première fois, elle aimait à lui faire perdre ses moyens au milieu d’une tirade ou d’une de ses fameuses théories fumeuses. Le jeu était trop facile, mais elle ne s’en lassait pas.

Réajuster son soutif sans avoir l’air d’y toucher, lécher une cuillère avec juste une pincée d’enthousiasme excessif… Tout ce qui a trait à la bouche relève du classique, mais si la recette a fait ses preuves, pourquoi se priver de l’utiliser ? Son coup préféré : une fois, alors qu’elle consultait nonchalamment ses photos sur son téléphone pendant une conversation, elle avait fait mine de tomber par hasard sur un cliché d’elle à poil...

Quoi que Jonah eût été en train de raconter ce jour-là, c’est une histoire qui attend toujours d’être finie. Mais s’il était facilement décontenancé ou pris au dépourvu, il n’en était pas innocent pour autant. Elle savait où aller le chercher, comment le provoquer, et ce qu’il était capable de déchaîner lorsqu’il s’abandonnait.

Deux semaines après son départ pour l’Australie, elle avait encore sur le corps quelques marques de morsures à chérir. Et elle en voulait de nouvelles.

Elle avait soif, elle avait faim. Mais, surtout, elle avait chaud. Son jean était une insulte à leurs retrouvailles, son cuir une armure devenue superflue. C’était l’appartement de Jonah, elle était chez lui, mais en sa compagnie, elle se serait sentie partout chez elle. Ce sentiment, dont elle avait soupçonné l’existence sans oser y croire au cours de son voyage, elle le goûtait enfin avec un sens absolu de l’évidence. Ici, à moins d’un mètre de lui, prisonnière de ses bras, elle était libre comme jamais. Libre, avant tout, d’être elle-même. Mais elle pouvait se rapprocher encore. Tout en continuant à masser doucement le chibre brûlant de Jonah, elle entreprit de défaire un à un, avec des gestes lents et mesurés, les boutons de son chemisier, comme si chacun d’eux avait le pouvoir d’ôter une année à leur exil l’un de l’autre. Ainsi, quand elle eut fini, l’interminable parenthèse qui les avait séparés s’était évaporée. Elle plongea son regard dans le sien et, avec un sourire espiègle, souffla une mèche de cheveux qui lui était tombée devant le visage. Savait-elle seulement à quel point elle était irrésistible ? Probablement. Il fit glisser de ses épaules son cuir et son chemisier, révélant ses tatouages, comme les cendres du temps étalées sur ses bras, et se débarrassa de son propre T-shirt pour l’enlacer de plus belle. Elle avait bien fait de le couper quand il avait tenté de parler, car l’émotion l’aurait empêché d’aller bien loin. Péchait-il par excès de sentimentalisme ? Peut-être, mais à en croire la chair de poule dont se parait Doreen à son contact, le sentiment était partagé. Leurs corps parlaient pour eux, et c’était un langage qui ne laissait aucune place au mensonge.

Doreen défit l’agrafe de son soutien-gorge et s’en sépara avec précipitation, désireuse de n’être plus que chair et pulsions face à Jonah. Elle s’était lassée très tôt de l’attrait exercée par sa poitrine sur la gent masculine, affligée d’une fascination qu’elle avait tendance à trouver démesurée, voire pathétique ; les hommes trop souvent la perdaient de vue lorsqu’ils accédaient à leur graal, mais c’était entière qu’elle voulait s’offrir à Jonah, et lui seul pourrait faire d’elle ce qu’il voudrait.

C’est donc d’un plaisir sincère qu’elle frissonna quand il soupesa et pétrit doucement ses seins en inondant son cou de mille baisers gourmands qui lui inspiraient des gémissements suaves. Il avait entrepris de caresser de ses lèvres toute la peau qu’il avait en face de lui, mordillant ici et là quelques zones sensibles – la base de sa gorge, le creux de son coude, son flanc – pour lui donner un aperçu de la famine qu’il avait eu à supporter en son absence. À genoux devant elle comme un pèlerin face à la divinité, il lui embrassa le ventre en défaisant les boutons de son jean, qu’il fit lentement glisser, avec sa petite culotte, le long de ses cuisses. Le souffle coupé devant tant de beauté, ainsi que devant la solennité de cet instant suspendu, il approcha son visage de la chatte de Doreen et plongea sa langue entre ses deux lèvres chaudes et gonflées de désir, pour la laper de bas en haut avec une ample délectation, les mains serrées sur ses fesses rebondies. Ce fut à son tour, à elle, de perdre ses moyens. Elle laissa échapper un râle de délice, se pinça le téton pour accentuer la délectable tension qui s’emparait d’elle, et posa une main sur la tête de Jonah pour guider son rythme.

Elle fut la première surprise de la vitesse à laquelle elle vint. Elle sentit la jouissance monter en elle, l’envahir de sa douce chaleur, et tenta, comme elle le faisait toujours, de s’y abandonner pour l’embrasser sans retenue. Mais, contrairement à son habitude, elle ne sentit cette fois-ci aucune barrière la retenir, aucun doute, aucune gêne, aucune hésitation ne put l’empêcher de sombrer, et c’est en chute libre qu’elle dégringola, ou plutôt qu’elle s’envola, vers l’orgasme.

C’était cet orgasme qu’elle avait si longtemps attendu, qu’elle avait traqué chez tant d’autres mecs qui, compétents ou non, n’auraient jamais pu lui offrir ce qu’elle cherchait réellement. Il est des domaines dans lesquels on ne peut bel et bien accepter aucun substitut.

Cet orgasme avait le goût d’une ligne d’arrivée, d’une fin du monde dans un gémissement, comme aurait dit le poète. Il la traversa longuement, et elle l’accueillit avec force tremblements, alors que Jonah continuait à la laper pour prolonger son extase aussi loin qu’elle le voudrait. Quand ce fut plus qu’elle n’en put supporter, elle repoussa doucement sa tête et, encore agitée de secousses, se laissa tomber au sol, comme au ralenti.

Rappelée à la réalité par la fraîcheur du carrelage dans son dos, elle partit d’un rire léger. La fin d’un monde appelait l’avènement de son successeur, il en était ainsi.

Toujours à genoux, les lèvres et la barbe brillantes, le caleçon à deux doigts de se déchirer, Jonah lui retira ses bottines et la libéra enfin complètement de son jean et de sa culotte. Enfin nue au sol, uniquement vêtue de bijoux et de tatouages, elle était un fantasme fait chair, une pin-up jaillie du papier glacé, un vœu contre toute attente exaucé. Ils s’étaient retrouvés, et rien ne pourrait plus les séparer. Elle le voulait et, plus que tout, elle voulait que son ardeur soit réciproque.

Taquine par nature, elle ne pourrait s’empêcher de jouer avec lui, de l’agacer, de le malmener, mais seulement à condition qu’il en profite aussi, fût-ce à son corps défendant. Elle crevait d’envie de le frustrer, de l’exciter tellement qu’il suffirait d’un coup de langue mutin sur le frein de sa bite en supplice pour qu’il explose dans sa bouche… Elle se lécha les lèvres sans même y réfléchir, satisfaite néanmoins de provoquer ainsi un soupir langoureux chez l’objet de son désir. Elle se massa les seins pour attiser les braises, et caressa de son pied nu le membre de Jonah à travers son caleçon. Oui, elle le pousserait à bout, mais plus tard. Ils en auraient tout le temps, elle le savait désormais. Alors, pour la première fois depuis qu’ils s’étaient retrouvés, elle s’adressa à lui, de deux petits mots simples :

– Prends-moi.

***

Jonah avait lutté pour ne pas sombrer dans le sommeil, mais sa nuit avait été courte, et ses intenses retrouvailles avec Doreen l’avaient achevé. Après qu’ils avaient fait l’amour, car c’était bien de cela qu’il s’était agi, elle ne lui avait rien expliqué, exigeant simplement qu’il la serre contre lui. Abandonnant leurs habits là où ils les avaient jetés, ils s’étaient allongés dans son lit et étaient restés là en silence jusqu’à ce qu’il s’endorme, bercé par le souffle régulier de Doreen et la myriade de questions sans réponse qu’elle avait ramenée avec elle. À son réveil, elle avait disparu.

Encore. Mais pour la première fois depuis une éternité, Jonah avait l’esprit clair. Aucun doute, il la reverrait.

L’hiver était fini.

Les plages de Besançon

Patrick Pelot

Paris, quatorze avril, ma vie est un exil, j'envie tes jours tranquilles, à Clichy. C'était une journée aride et ensoleillée. Les tee-shirts étaient secs à peine trempés et l'eau aussitôt bue s'évaporait. Le ciel, chape de plomb, était par-dessus les toits et, sous les combles, c'était l'étuve. Dans la chambre de bonne où je logeais, c'était l'horreur. Assis à ma table, je m'escrimais sur un article que je ne parvenais pas à finir. Mes doigts ripaient sur le clavier, moites. La sueur perlait sur mon front. Mon torse dégoulinait, rendait ma peau luisante et lustrée. Vautré sur mon lit, Vincent, l'ami de toujours, exhibait sa poitrine musclée, finement sculptée, émaillée de longs poils noirs et soyeux. Il me regardait d'un air goguenard. Henry, volcan velours, bandit au souffle court, j'écris la nuit le jour, tout mon amour, mon amour, là, dans mon journal. À bientôt trente ans, je n'avais rien fait de ma vie. Nourri du lait de ma province comme un Rubempré, j'étais monté conquérir Paris comme un Rastignac. Deux ans plus tard, l'illustre écrivain que je croyais être n'était qu'un simple surveillant dans un lycée, un « petit chose », qui faisait des piges dans une feuille de chou pour boucler ses fins de mois. Pas de potes hormis Vincent, de rares sorties, beaucoup de travail et, pour enfoncer le clou, pas de petite amie. La dèche sociale et affective. Ce jour-là, je devais boucler un article sur deux écrivains renommés qui avaient écumé les nuits parisiennes et entretenu une liaison torride dans les années 30, Henry Miller et Anaïs Nin… a le diable au cœur, la douleur assassine… – T'en as pas marre d'écouter cette chanson en boucle ? demanda Vincent avec un sourire narquois.

Il s'agissait évidemment du duo de Romane Serda et Renaud, Anaïs Nin, que je mettais en musique de fond pour m'inspirer.

– Si tu crois que ça m'amuse, maugréai-je. Je dois terminer ce papier sur ces deux géants de la littérature et je ne comprends rien à leur relation.

– Si tu veux vraiment savoir qui ils étaient, dit Vincent plus sérieusement, j'ai mieux qu'une chanson.

– Ah oui ? ironisai-je, sceptique. Et quoi ?

– Suis-moi !

J'ai obtempéré. Vincent et moi étions des amis inséparables. Nous allions toujours par deux, comme des marins en virée. Les cheveux couleur champ de blé, les yeux noirs étincelants comme un vol de corbeaux, Vincent était un Van Gogh à lui tout seul. Avec mes cheveux roux et ébouriffés, mes prunelles rondes et noisette, j'étais plutôt un écureuil couvant une noiseraie.

J'étais grand et mince, infiniment moins musculeux que lui. Nous marchions au fil des rues, dans la chaleur suffocante, suant le désir, transpirant le plaisir, en quête d'aventure…

Il n'y a pas grand monde dehors avec cette canicule. Un immeuble cossu, place d'Auteuil. Une porte cochère avec un loquet. Vincent frappe trois coups. Un judas s'ouvre, une tête apparaît. Dès que le vigile le reconnaît, il nous fait entrer.