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Nouvelle discipline, la psychoneurobiologie est fondée à la fois sur la psychologie et sur les neurosciences. Son but est de permettre une compréhension nouvelle du fonctionnement et des dysfonctionnements psychiques de tous ordres afin d'adapter au mieux l'approche thérapeutique. Cet abrégé condense l'enseignement de la psychoneurobiologie inauguré par "Essai d'anatomie psychique basé sur les neurosciences", premier tome d'une série de trois à paraître. Après avoir décrit l'organisation mnésique et l'anatomie d'une psyché dont le « Moi » et le « Je » sont une des parties visibles ce livre aborde le traitement des différentes pathologies psychiques et organiques. Il propose également différentes approches thérapeutiques.
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Seitenzahl: 263
Veröffentlichungsjahr: 2018
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A
mes enfants et petits-enfants
EMDR -
Une révolution thérapeutique -
Desclée De Brouwer – 2004 (1ere édition) - avril 2016 (2
e
édition)
Guérir avec l'EMDR - Traitements - Théorie – Témoignages -
Le Seuil, Janvier 2007 – traduit en espagnol
Curar con el EMDR – Teoria y practica –
Kairos
Découvrir l'EMDR -
InterEditions - Mai 2008
David Servan-Schreiber ou la fureur de guérir -
Indigène – Novembre 2011.
Don d'organes et psychologie
In (ouvrage collectif)
Un don de soi –
Editions Au diable Vauvert – 2011.
Manuel d' EMDR,
Co-Traduction avec Valérie Megevand
de Eye Movement Desensitization and Reprocessing- Basic Principles, Protocols and Procedures
de Francine Shapiro - InterEditions, Paris 2007 –
Psychoneurobiologie Fondement et Prolongement de l'EMDR –
Tome 1
"Essai d'anatomie psychique basé sur les neurosciences" –
BoD – 2015 (3
e
édition) traduit en anglais sous le titre
Psychoneurobiology Origins and extension of EMDR: Psychological Anatomy Based on Neuroscience.
Tome 2 -
Fonctionnement et Dysfonctionnements Psychiques
(à paraitre)
Tome 3 -
Traitement des Dysfonctions Psychiques
(à paraitre)
EMDR
Que Sais-Je ? – PUF – 1
er
juin 2016
"Couples et EMDR - Une thérapie Intégrative - Desclée de Brouwer - 2017"
traduit en italien sous le titre
Coppie e EMDR. Una terapia integrativa
Jacques Roques entre dans le monde Psy en 1963. Formé à la psychanalyse par l'Institut de Psychanalyse de Paris (IPP), et admis à la Société Psychanalytique de Paris, il exerce la profession de psychanalyste de 1973 à 2003, date à laquelle il quitte cette association, dont il juge l'enseignement traditionnel obsolète en raison de ses recherches et de sa pratique issue des neurosciences.
Parallèlement à son activité libérale, il va exercer 22 ans en tant que psychothérapeute dans le service de psychiatrie de l'hôpital de Nîmes. Il intervient en outre durant ce temps ponctuellement à plusieurs reprises dans le service d'hospitalisation lourde de l'hôpital Psychiatrique d'Uzès.
A sa formation initiale, il adjoint dès lors d'autres pratiques, telles que l'Hypnose, le Psychodrame, la Relaxation, la Thérapie systémique. Il est aussi Superviseur et Analyste des Pratiques d'autres thérapeutes, dans plusieurs services, hôpitaux et associations.
Formé à l'EMDR dès 1994, il cherche à expliciter le phénomène de la guérison des Etats de Stress Post Traumatique que cette psychothérapie permet. Il est l'auteur de deux théories psychoneurobiologiques nouvelles du traumatisme psychique ainsi que du mode opératoire de l'EMDR. Ces théories sont rappelées et approfondies dans le présent ouvrage et ses autres écrits. Elles sont étayées par plusieurs travaux de recherche fondamentale sur l'EMDR au CNRS de Marseille, auxquels il a participé.
Avec David Servan-Schreiber et Michel Silvestre il fonde en 2002, l'association EMDR France et intervient dans de nombreuses émissions de télévision (voir Youtube) et de radio, dont une série d'interviews sur radio Aviva qui peuvent être écoutées en podcast sur le site emdrrevue.com.
Psychanalyste et psychothérapeute inscrit sur le registre de l'Agence Régionale de Santé, Jacques Roques est titulaire du certificat européen de psychothérapie depuis 2003. Il est Lauréat du Prix 2010 « EMDR recherche et développement » délivré par le laboratoire de psychologie de la santé de l'université Paul Verlaine de Metz pour l'ensemble de ses travaux.
Figure 1- les différents lobes cérébraux
Figure 2 – Quelques éléments de la structure cérébrale
Figure 3 – le mécanisme psychoneurobiologique fondamental de l'EMDR
Figure 4 le mécanisme curatif de l'EMDR
Figure 5 - Les quatre principales mémoires
Figure 6 - La mémoire de travail selon Baddeley et Hitch
..
Figure 7 - L'illusion du réel
Figure 8 - la voie directe
Figure 9 - les voies directes et indirectes
Figure 10 - La mémoire de Travail
Figure 11 - Moi normal et "Moi" subissant un état de stress post-traumatique
Figure 12 - le traumatisme complexe
Everything should be made as simple as possible, but not simpler
A. Einstein
Assurément il n'existe et ne peut exister au monde qu'une seule psychothérapie : celle qui obéit aux lois du cerveau. Certes, qu'elle soit individuelle ou collective, elle peut se décliner de plusieurs manières : verbale comme la psychodynamique ou gestuelle comme le psychodrame par exemple qui associe une mise en scène à l'énoncé d'une problématique, ou de toute autre façon que ce soit. Quelle que soit la situation, aussi loin que l'on remonte dans le temps, on retrouve un sorcier, un chamane, un guérisseur et aujourd'hui un psychothérapeute qui soulage ou prétend le faire.
Chaque fois qu'une pratique s'accompagne effectivement d'un mieux être, c'est qu'elle a mis en action un système d'auto-guérison interne, qui appartient à notre cerveau. Si cette pratique n'entraîne aucun changement malgré le temps ou pire une augmentation du mal-être, c'est qu'elle ne mobilise aucune fonction cérébrale si ce n'est pour accroître les difficultés.
Plusieurs choses doivent être dites et au besoin répétées :
Une guéris on définitive ne dépend pas vraiment du temps, si ce n'est celui strictement nécessaire à la réparation des dysfonctionnements. Il n'y a donc pas des thérapies brèves ou des thérapies de longue durée réputées plus « profondes ». Il n'y a que des thérapies plus ou moins adaptées au soin à apporter.
Aucun thérapeute ne guérit un malade et n'en a jamais guéri, à l'exception de lui-même peut-être. Pareil au médecin qui nettoie une plaie souillée, il ne fait que permettre la remise en route des processus de guérison naturels. Ceux-ci sont évidents pour ce qui est des plaies physiques et pareillement, pour ce qui est des blessures de l'esprit, il existe aussi un processus naturel de cicatrisation.
A une époque ou la chimie, la biochimie, la chirurgie, l'implantation, la transplantation, etc., tendent à imposer une solution allopathique, il convient de rappeler les ressources originelles dont nous disposons et dire les moyens de les mettre en œuvre. La psychothérapie dont je veux promouvoir la pratique a pour but de redynamiser les ressources internes psychoneurobiologiques du patient et je veux dire comment.
Cet abrégé de psychoneurobiologie et d'EMDR a été conçu comme une sorte de vade-mecum pour le lecteur. Comme chacun le sait sans doute un vade-mecum est un petit livre qu'on porte commodément sur soi, pour se renseigner, pour se diriger. Afin de guider le lecteur au cours de son voyage dans les arcanes du fonctionnement mental, il m'a paru utile de présenter un ouvrage simple de lecture, comme de présentation, placé sous le signe du rasoir d'Occam, mais bien sûr pas simpliste, qui se basant sur les découvertes les plus récentes en matière de psychologie, de neurologie et plus généralement des sciences de l'esprit, puisse l'éclairer, s'il est simple curieux, aider son diagnostic et le traitement si c'est un spécialiste.
Pour intéressant qu'ils soient dans quelques cas, les ouvrages sur le sujet manquent souvent d'ordre dans leur exposé, de clarté quant aux contenus, ou surtout sont trop spécialisés dans la description d'un fonctionnement psychique ou la présentation d'un mode de traitement. Par ailleurs certaines erreurs sont répétées à l'envie. Par exemple « Personne ne sait comment fonctionne l'EMDR » (ou d'autres thérapies), ce qui est faux, comme nous allons le démontrer. Ce n'est pas parce que des recherches se poursuivent sur le sujet ou sur celui du traumatisme psychique, qu'on ne sait rien, qu'on n'a aucune connaissance théorique en la matière. Celui qui tient de tels propos montre qu'il ne connaît pas bien la question. Francine Shapiro a dès le début émis des hypothèses très pertinentes. Je m'y appuie pour partie. Je démontrerai ainsi les grandes lignes directrices qui soutiennent la théorie psychoneurobiologique1, basée sur les travaux princeps de l'inventrice de l'EMDR et sur d'autres enseignements actuels.
Ce livre s'appuie sur 55 années passées dans le monde psy, en tant que patient d'abord, puis de psychanalyste – psychothérapeute hospitalier et libéral ensuite. Co-fondateur d'EMDR France, co-traducteur de l'ouvrage fondateur de l'EMDR par Francine Shapiro, ayant écrit une dizaine d'ouvrages sur ce même sujet, créateur d'une discipline nouvelle, la Psychoneurobiologie et d'un mode de traitement original de thérapie des couples, je n'ai jamais cessé de porter un intérêt permanent à l'EMDR depuis ma formation en septembre 1994. Le but de ce vade-mecum n'est toutefois pas d'étaler des connaissances, mais d'éclairer les arcanes du fonctionnement psychique2, en explicitant le plus simplement possible, ce que la vie et l'expérience m'ont appris. En cela j'essaierai d'être fidèle à Boileau pour qui «ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément». Ce livre s'adresse à tout public, ai-je dit, ainsi qu'aux thérapeutes. Mais qu'est-ce qui fait un thérapeute ... une thérapie ? Et d'abord qu'est-ce que la psychoneurobiologie ?
Après quelques généralités d'usage pour le présenter, ce livre veut mettre en évidence le fondement du fonctionnement psychique, avec un arrêt particulier sur image pour présenter une grande découverte récente, celle de Stephen Porges sur le fonctionnement vagal. Nous verrons ensuite comment s'articulent les différents systèmes mnésiques et comment ils éclairent les mécanismes psychiques. Ceci nous permettra de présenter diverses pathologies et le mode logique de traitement qui en ressort.
1 Voir "Essai d'anatomie psychique basé sur les neurosciences" tome 1 de "Psychoneurobiologie - Fondement et prolongements de l'EMDR".
2 Les références figurent dans mes précédents ouvrages rappelés dans la bibliographie.
La plupart des gens ont entendu parler de la neuropsychologie. L'encyclopédie Wikipédia en donne la définition suivante : « C'est une discipline scientifique et clinique qui étudie les fonctions mentales supérieures dans leurs rapports avec les structures cérébrales au moyen d'observations menées auprès de patients présentant des lésions cérébrales accidentelles, congénitales ou chirurgicales ». Partant de là une définition possible de la psychoneurobiologie serait « La psychoneurobiologie est une discipline scientifique qui à partir d'hypothèses sur l'organisation psychique veut rendre compte, en accord avec l'observation clinique, la neuropsychologie et la biologie, du fonctionnement général de la psyché, des phénomènes mnésiques, de la pensée, et des émotions ainsi que des dysfonctionnements psychiques et somatiques».
Le changement de dénomination souligne essentiellement le déplacement de l'accent de la neurologie en direction de la psychologie. On pourrait dire qu'il s'agit de considérer le même objet autrement, littéralement d'un autre point de vue. L'EMDR et la psychoneurobiologie sont liées. Née d'un constat heureux, mais empirique, vérifiable scientifiquement, la psychoneurobiologie fournit à l'EMDR l'assise théorique solide qui lui fait défaut.
Je reprendrai une définition que j'ai déjà donnée3 : une thérapie, c'est simplement la rencontre entre un être humain et un autre être humain dont le cursus de vie est différent, avec toutes les facultés et, hélas les fixations pathologiques aussi, dont chacun dispose. C'est aussi la rencontre entre 4 cerveaux, 2 cognitifs et 2 émotionnels en perpétuelle interaction. Le praticien doit être suffisamment solide pour que le patient puisse auprès de lui venir panser ses blessures en toute sécurité, mais il doit pouvoir aussi savoir que sa thérapie reste ouverte sur l'extérieur et qu'il pourra librement et à loisir un jour s'en évader. Une évidence ensuite : de même que la médecine se doit de respecter la physiologie, toute thérapie est soumise au fonctionnement psychoneurobiologique de l'esprit. Les manières de le mettre en action sont diverses, mais toutes ont la même base.
Je dirai d'abord son humanité, son empathie. De tout temps des hommes capables d'aider les autres ont existé. Aucune université ne délivre un diplôme d'humanité ou d'empathie. Elle certifie par contre l'intérêt qu'une personne manifeste pour une discipline, les théories auxquelles elle a été formée et le cas échéant les techniques de soins pour lesquelles un groupe de pairs reconnaît sa qualification. Concrètement son cursus atteste du niveau de sa potentialité pratique. Et ce n'est pas rien.
Savoir le parcours de la personne à laquelle on va se confier dans l'espoir qu'elle nous aide à dépasser les difficultés qui nous assaillent est important. Tout thérapeute devrait se présenter à son patient dès la première séance afin que celui-ci puisse donner un consentement éclairé à la proposition de soin qui lui est faite. Se contenter d'une plaque professionnelle est insuffisant. Tout patient devrait se sentir libre ainsi d'accepter ou de refuser une thérapie s'il ne se sent pas en confiance. Je donne à tous ceux qui consultent le conseil suivant : «Si dès le premier entretien, vous n'avez pas le sentiment que le courant passe, partez et allez voir ailleurs. Ça ne s'arrangera pas avec le temps. »
Commençons par énoncer quelques principes de base :
- Comprendre est indispensable si on veut sortir de la simple répétition du geste.
- Le vivant n'est jamais compliqué. Par contre, il est complexe, infiniment complexe, c'est-à-dire pluri-paramétré. C'est en retrouvant les fils logiques initiaux que l'on peut changer les points de vue, éclairer d'une manière différente et simple, ce qui paraissait jusque là abscons et compliqué. Ainsi Copernic permit de sortir de la théorie compliquée des épicycliques en décentrant l'univers de la terre au soleil. Avec Planck et la théorie des quantas, on résolut l'apparente difficulté théorique du rayonnement du corps noir, il suffisait de comprendre que le rayonnement était fractionné en petites quantités élémentaires. Grâce à la découverte des lois de l'oxydoréduction Lavoisier permit le développement de la chimie et de sortir notamment de la conception du phlogistique pour expliquer la combustion de certains corps et de pas d'autres. Les exemples sont nombreux. Je ne saurai les multiplier.
- Il en va de même quand on essaie de comprendre le traumatisme psychique et l'EMDR. Ce n'est pas bien difficile, à condition de partir d'un champ de réflexion élargi et d'intégrer l'indéfectible collusion du corps et de l'esprit, comme nous l'enseigne Antonio Damasio4. Oui le fonctionnement psychique est très simple à saisir ... dans ces grandes lignes bien sûr. Il suffit de mettre les choses dans l'ordre et donc pour cela de connaître la notice. C'est comme le rubicube. Mon petit–fils peut le mettre à l'endroit en deux temps trois mouvements, ce dont je suis bien incapable. Ce que je vous transmets n'est après tout que le mode d'emploi d'un rubicube mental.
- Tout être pour rester vivant doit maintenir dynamiquement en place sa structure. Ceci suppose deux phases : une d'action sur le milieu (la prédation, la défense), donc une incorporation d'éléments extérieurs à assimiler. C'est une phase active, sympathicotonique5. La deuxième phase complémentaire est une phase de repos et de digestion des éléments acquis au cours de la première phase (elle porte aussi bien sur des aliments, que sur les données sensorielles). Elle est appelée vagotonique (parce que sous l'influence du nerf vague) ou parasympathique. Deux phases essentielles donc sont à l'œuvre et caractérisent le vivant : la relation avec le milieu externe et une relation interne, autocentrée.
- Les éléments incorporés ne doivent bien sûr jamais remettre en question l'intégrité de l'organisme. Comme pour ce qui est d'un repas, ils ne doivent pas être toxiques, mais pouvoir être digérés, donc s'ils ne le sont pas vraiment digestes dès le départ, ils doivent trouver dans l'organisme un processus leur permettant de le devenir. Pour cela la nature a prévu un mécanisme essentiel : la vagotonie au cours de la phase de repos, de détente.
- Chez les mammifères, les êtres humains en particulier, ces deux phases action et digestion, sont articulées successivement par le système orthosympathique et par le système parasympathique. Classiquement on présente le premier comme un accélérateur et le deuxième comme le frein de notre organisme. Ce dernier va tout particulièrement nous intéresser. Nous verrons avec Stephen Porges que le système vagal est un peu plus complexe que sa présentation habituelle laisse présager.
- Attention au sens des mots que l'on emploie. Le mot « information » doit être réservé à la sémantique, aux messages, à un système de signaux utilisé par des êtres vivants à des fins de communication. C'est d'ailleurs par abus de langage qu'on a parlé à propos des travaux de Claude Shannon de « théorie de l'information». Il s'agit en fait d'une «théorie mathématique de la communication de l'information », ce qui est très différent. De ce fait je réserve le mot « information » au cadre sémantique strict. Il est fait de concepts. Dès lors pour être davantage sémantiquement rigoureux plutôt que de Traitement Adaptatif de l'Information (TAI), je parlerai de traitement adaptatif des données (TAD) ou de contenus potentiellement informatifs (TACPI).
- La sémantique ou l'étude du sens, est celle des liens qui font passer d'un concept à un autre. La sémantique peut métaphoriquement être assimilée à un écoulement. Le mot « lien » (« bindung » en allemand) lui est corollaire, comme le notait déjà Freud qui en soulignait déjà l'importance capitale.
3 Voir "Guérir avec l'EMDR - Traitements - Théorie - Témoignages, le Seuil, janvier 2007"
4 Voir notamment A. Damasio L'erreur de Descartes – Odile Jacob
5 Nous verrons plus loin et dans le glossaire ce que signifie ce mot et comment il doit être intégré dans la présentation élargie que fait Stephen Porges.
A tout moment nous recevons une quantité de données de la part de notre organisme à laquelle s'ajoutent toutes celles en provenance de l'environnement quand nous sommes éveillés. Nos sens nous informent aussi bien, sur ce qui se passe dans notre corps, s'il est douloureux ou confortable, que sur le milieu dans lequel nous nous trouvons. Ainsi nous percevons le monde avec nos cinq sens.
Il est classique de dire que nous disposons en permanence d'un accélérateur le système orthosympathique et d'un frein le système parasympathique. Le premier booste notre organisme quand nous devons agir, par le biais de neurotransmetteurs, comme la noradrénaline cérébrale sécrétée par le locus cœruleus, l'adrénaline et le cortisol, par les corticosurrénales, le deuxième ralentit les opérations grâce à un neurotransmetteur : l'acétylcholine. D'autres neurotransmetteurs, comme l'ocytocine, sont également utiles.
Ceci est la vision simple d'un mécanisme que la théorie polyvagale de Stephen Porges va venir complexifier, mais aussi préciser. Nous y consacrerons ultérieurement un chapitre.
Nous savons que les données sensorielles contenant potentiellement des informations sont toujours associées avec les émotions qui existaient au moment où elles ont été reçues. Le niveau émotionnel est donc le principal facteur modifiant, colorant et souvent bloquant l'assimilation de nos percepts et notre fonctionnement mental. Généralement notre attention est fixée sur les conséquences psychiques d'une situation de peur. Mais il en va de même quelle que soit l'émotion. Si une émotion prévaut elle modifie le comportement et empêche son adaptation.
Ainsi en va-t-il d'une recherche permanente et à tout prix du plaisir. Cette recherche a pour conséquence d'obnubiler, d'orienter et d'empêcher une saine fluidité de la pensée. A terme elle a un effet toxique. L'anamnèse des traumatismes psychiques montre généralement, elle, le pouvoir désorganisateur d'un autre type majeur d'émotion, je veux parler bien sûr de la peur associée à une situation de menace. Maintenir la vie prime pour tout être vivant. C'est un réflexe premier. Une situation périlleuse impose une attention vigile de sauvegarde et non pas mise sur la beauté éventuelle du paysage environnant. Son souvenir ne s'efface pas facilement. Pour que les percepts puissent être digérés, mis à disposition de la personne comme un souvenir nutritif dicible, présentable et être appréciés, le niveau émotionnel doit baisser.
Fort heureusement, à l'instar des sucs gastriques pour permettre la digestion, comme nous venons de l'écrire, le neurotransmetteur propre au système parasympathique : l'acétylcholine a pour fonction d'apporter physiologiquement de l'apaisement. Il accompagne le sommeil et va intéresser la sensorialité. La nature encore une fois fait bien les choses. Grâce aux mouvements oculaires durant le sommeil lent et durant la phase REM du sommeil paradoxal, une réponse de relâchement peut physiologiquement s'opérer (Wilson et al, 1995), et le matériel de la journée trouve ainsi naturellement sa place dans notre cerveau. Quand le matériel est un peu dur à digérer l'organisme accélère les mouvements oculaires. C'est ce qui se passe durant le nystagmus associé aux représentations du rêve. Nous y reviendrons plus tard quand nous aborderons le mécanisme de la mémoire de travail.
Non il n'y a pas que l'organe de la vue qui est concerné. David Servan-Schreiber6 nous rappelait que le système auditif est lui aussi stimulé pendant
le sommeil et qu'on observe aussi des contractions musculaires involontaires au niveau superficiel de la peau ... et il y a de grandes chances pour que tous nos sens soient de même ainsi saisis. N'oublions pas non plus chez l'homme la manifestation possible d'une érection pénienne qui apparaît précisément pendant la phase parasympathique. Que le corps accélère la sensorialité pour aider une digestion événementielle difficile est logique. Toute stimulation sensorielle génère de ce fait en retour, comme dans le rêve, une baisse de tension émotionnelle et permet ainsi l'assimilation des contenus informatifs. Le rapprochement du processus du rêve avec celui de l'EMDR, ainsi que le rôle du parasympathique ont fait partie des premières hypothèses émise par Francine Shapiro. Ce sont des hypothèses fondamentales.
Mais que se passe-t-il quand la digestion est impossible ? Physiologiquement le mets inconsidérément avalé, reste où il est, là où il a été introduit, en attente. Il pèse sur l'estomac, ne « passe pas » et génère des réflexes de vomissement pour s'en débarrasser. Quand un percept est trop chargé émotionnellement d'une manière négative il en va à peu près de même. La victime pense sans cesse à s'en défaire. Sauf que les efforts pour s'en débarrasser, le vomir, sont tout à fait inopérants. Et s'il s'agit d'une émotion positive le sujet est habité par une compulsion de répétition et pour le moins hanté par l'idée de la reproduire. Dans les deux cas, que ce soit attractif ou repoussant on peut dire que la situation qui en est à l'origine constitue un traumatisme psychique.
Notre métaphore digestive nous permet de mieux comprendre ce qui se passe dans un tel cas. En 1998, j'exposais dans un cadre restreint, devant quelques collègues réunis dans une salle de l'hôpital de Montpellier, cette théorie du traumatisme psychique que je n'ai toujours pas abandonnée. Elle peut se résumer ainsi : quand des données sont associées à de trop fortes émotions, elles ne peuvent être digérées. Elles demeurent dans l'état de leur enregistrement, comme une empreinte en attente d'un traitement de leur contenu informatif. D'où des efforts automatiquement répétés pour y parvenir. C'est le fameux mécanisme de répétition déjà noté par Freud.
Notez bien que l'événement reste en l'état, comme un témoignage de ce qui s'est passé. C'est analogue à une empreinte laissée par un pied dans la boue d'un marais, il y a très longtemps. Certains auteurs affirment parfois que l'événement traumatique est dysfonctionnellement stocké. Comprenez bien que cette dysfonctionnalité résulte tout simplement de l'empêchement de toute résolution, pas d'un déplacement dans un lieu de stockage spécial. Il n'existe pas de poubelle mentale. L'événement est inscrit là où il a été perçu, pas plus7. Il est dysfonctionnel parce qu'il n'est pas devenu disponible pour le « Moi » du sujet. Ce n'est pas une information, un savoir, une cognition quant à l'événement. C'est un fait... à l'état brut. C'est une donnée, un contenu potentiellement informatif.
Plus loin, quand nous reviendrons sur cette question nous distinguerons plusieurs sortes de traumatismes. Il serait plus juste de parler de fixations. Nous avons parlé d'émotions, de cognitions, mais qu'est-ce au juste ?
Figure 1- les différents lobes cérébraux
On peut remplacer le mot cognition dans le langage courant par celui de savoir, de connaissance. C'est-à-dire un contenu qui peut être conceptualisé, se dire, être partagé entre semblables. Les connaissances appartiennent au « Moi ». Comme elles reposent sur la confiance en laquelle on les tient nous verrons que ce mot est très proche de celui de conviction et par delà de fantasmes. Les cognitions occupent l'aire cérébrale du Cortex Préfrontal (CPF), afférent à la pensée, à la réflexion, au calcul et bien sûr sont associées aux aires de Broca pour ce qui est de leur expression langagière et de Wemicke pour ce qui est de leur sens, ce qui est primordial.
Quant aux émotions leur origine est éthologiquement bien plus ancienne, surtout pour ce qui est de la peur. Si on en croit les travaux d'Antonio Damasio leur localisation cérébrale peut être distinguée selon qu'elles sont primaires – elles intéressent l'amygdale cérébrale, ou secondaires – on les retrouve dans le cortex frontal. Et puis, on le sait bien, il y a émotion et émotion. Certaines sont agréables et bien sûr on ne les fuit pas, ce qui ne va pas parfois sans problèmes8 quand on ne peut plus s'en passer. D'autres sont d'une telle pénibilité que le sujet reste sidéré, comme paralysé ou peut même perdre conscience. Toute fixation émotionnelle, quelle qu'elle soit, génère un comportement soit d'évitement et de blocage, soit d'appétence irrépressible. Mais heureusement ce n'est pas la généralité. Bien que certaines soient désagréables et psychologiquement ingérables, ce n'est pas le cas de toutes. Heureusement beaucoup n'ont pas cet effet. Nous verrons le rôle de certaines dans la pathologie.
Elle n'est pas très longue. Simplifions l'exposé. Nous le complexifierons si nécessaire ultérieurement. Commençons par la surprise. Qu'est-ce qui arrive ? On ne s'y attendait pas. De quel côté allons-nous nous diriger ? Si c'est une bonne surprise, le plaisir sera au rendez-vous et la dopamine qui favorise l'envie et le désir, sera diffusée à profusion par une région du cerveau appelée noyau accumbens. Le dit noyau produit en même temps un autre neurotransmetteur très important : la sérotonine pour compenser les effets de la dopamine. Mais s'il s'agit d'un plaisir et d'une personne qui ne peut s'en passer, disons un drogué, il n'aura que faire de « satiété et d'inhibition ». Il veut plus de dopamine, encore de la dopamine, toujours plus de dopamine et n'aura que faire de la sérotonine. Ceci explique pour partie au passage les rapports des addictions avec la dépression.
Figure 2 – Quelques éléments de la structure cérébrale
Mais la surprise peut être une mauvaise surprise. Auquel cas la peur est au rendez-vous. Et la situation peut être d'emblée si menaçante, qu'elle ne laisse d'ailleurs aucune place à la surprise. La peur est l'émotion la plus archaïque qui soit. On la retrouve chez tous les êtres vivants, pas forcément bien sûr sous l'aspect émotionnel que nous nous connaissons en tant qu'êtres humains, mas sous celui physique de l'évitement d'un danger qui en est la première manifestation physique observable. Et qui dit peur, dit, suivant son intensité, soit un effondrement vagal (nous allons en parler) avec évanouissement dans les cas les plus graves, soit d'une manière plus générale la production de naradrénaline, d'adrénaline et de cortisol.
Ces neurotransmetteurs peuvent aussi être utilisés par une autre émotion : la colère. Rappelez-vous qu'un chien qui a peur, montre les dents. Pareillement un sujet peut se mettre en colère. C'est une autre solution utilisant les mêmes neurotransmetteurs typiques de la stimulation du système orthosympathique. Mais cette fois-ci ce n'est pas pour éviter le danger et partir en courant, mas pour lui faire face.
Encore faut-il que ces neurotransmetteurs puissent être utilisés. Ce n'est pas toujours le cas. La situation, les automatismes de la «raison» peuvent complètement bloquer le système ortho sympathique. Les neurotransmetteurs n'ont pas disparu pour autant. Ils retournent leurs effets sur le sujet lui-même. C'est ce qu'on appelle un état dépressif. Nous verrons plus loin les différents statuts de la dépression. Ainsi « C'est vrai - me dit ce patient dépressif – mes parents me terrorisaient enfant et je leur en ai tellement voulu, mais maintenant qu'est-ce que vous voulez que je leur dise. Ils sont vieux. Ils ne comprennent rien et mon père est sur le point de mourir. Je suis triste à en mourir moi aussi ». Comment lui donner tort ? La raison du point de vue de la dynamique neurologique est un piège. Quand la colère ne peut s'exprimer vers l'extérieur, elle se retourne vers l'intérieur. De plus le cortisol attaque les récepteurs sérotoninergiques. Apparaît alors un état dépressif.