Amours sous les Armes Secrètes d'Hitler - Franz Josef Burghardt - E-Book

Amours sous les Armes Secrètes d'Hitler E-Book

Franz Josef Burghardt

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Le nord de la France était d'une importance capitale pour la stratégie du militaire allemand pendant la Deuxième Guerre mondial à cause des lancements des bombes volantes V1 et des fusées V2. C'est pourquoi le Service de Renseignements (Abwehr) devrait être organiser soigneusement dans cette région. Le personnelle était éduqué d'un niveau très haut parlant le Français couramment, dont plusieurs avaient des conflits avec le partie nazi (NSDAP) avant 1939. Après la guerre les forces anglo-americaines jugeaient l'Abwehr comme l'organisation la plus dangereuse du régime nazi. Au contraire la justice française appréciaient 1947 les actions de l'Abwehr exactement comme celle des services secrètes des autre nations et ne pouvaient pas être sanctionnées. Les relations des sous-officiers de ce service spécial avec des jeunes femmes françaises étaient diverses. Sans doute il y avaient des femmes qui connaissaient la vraie identité de ses amis allemands. Mais quelques fois on ne peut pas dire qu'elles étaient des collaboratrices. Autres femmes ne se rendent pas compte qu'elles faisaient travaillant avec des membres du contre-espionnage allemand prétendant de travailler pour le I.S., le service secret britannique. Edmond Kaiser, fondateur de "Terre des Hommes", était un cas spécial illuminant l'extraordinaire capacité des agents de l'Abwehr qui savaient à feindre et à jouer leur rôle d'agent de l'I.S. comme des acteurs sur scène jusqu'à la fin de la représentation.

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Seitenzahl: 211

Veröffentlichungsjahr: 2021

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À Wilfried et Roger

“J’ai appris l’histoire de la France deux fois, d’abord à l’école, puis une fois de plus et de manière très différente dans les archives”.Un archiviste français en 2010

Table des matières

Préface

Le Nord de la France et les armes secrètes allemandes

V1 et V2 dans le Nord de la France

Position spéciale des départements du Nord et du Pas-de-Calais 1940-1944

Le Service Secret allemand pour la Protection de l’Arme V dans la zone d’opération

L'Abwehr-Nebenstelle de Lille (Nest Lille)

L'Abwehrstelle d'Arras

Les Dirigents d'agents allemands

Egon Mayer et l'Organisation Pi

Erwin Streif et Christine Gorman

Friedrich Topp et son réseau

L'amer chemin vers „Terre des Hommes“

Edmond Kaiser dans la Résistance: le narratif

L’inévitable tragédie: Burnod et Kaiser en prison

Chronologie Elisabeth Burnod / Edmond Kaiser de 1943 à 1952

Épilogue

Annexe

L'Amt Ausland/Abwehr à l'OKW de Berlin

Opposition à Hitler à Nest Lille?

Les Abwehrtrupps (Troupes de Défense) et la Frontaufklärung (Reconnaissance du Front, février 1944 - avril 1945)

Le point de vue de la Justice française sur l’Affaire Topp en 1947

Abréviations

Pseudonymes (noms d'alias)

Sources

Préface

Ils ne se battent pas dans le sang, ni avec des fusils et des chars. Leur arme la plus fiable est la confiance de leurs adversaires, qu’ils ont obtenu par ruse, grâce à un fin tissu de mensonges. Ce sont des acteurs qui exploitent les faiblesses humaines de leurs adversaires.

Ce sont les espions, les petits informateurs, les collaborateurs dans les bars et les maisons closes, les agents de profession honnête, les chefs d’agents appelés aussi résidents avec leurs sens de l’organisation et les Officiers de Renseignement qui analysent, en leur bureau, toutes les nouvelles que leur fournissent les informateurs, les agents et les résidents, puis qui envoient leur Police Secrète pour arrêter les victimes sans méfiance. Des messages, de préférence sur tout et sur tous - stockés dans des boîtes à fiches dans le passé, aujourd’hui mille fois affinés par la collecte de données digitales sur Internet et dans des bases de données commerciales - c’est le matériel de travail des Services Secrets, des "Agences de Renseignements". En Angleterre, on parle de “Intelligence Service”, en France de “Service de Renseignements”. CIA, KGB, MI5, Mossad, BND, ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.

A l’époque, comme aujourd’hui, les Services Secrets sont l’arme la plus dangereuse de toutes les nations, qu’il s’agisse de dictatures, de monarchies ou de démocraties. Ils frappent secrètement pour défendre les intérêts des élites dirigeantes, que ce soit par le sabotage, les faux rapports ou l’incitation au changement de régime. Les membres des Services Secrets ne sont soumis à aucune Loi. Ils travaillent en dehors de la Loi et sont couverts par leurs mandants - les éminences grises dans l’arrière-chambre du pouvoir. Ils ont de faux passeports et beaucoup d’argent, mais ils vivent en permanence dans le danger d’être reconnus, d’aller en prison ou d’être assassinés. Mais l’adversaire respectif connaît aussi ce "jeu", auquel il tente de résister par le contre-espionnage. Les espions ennemis doivent être traqués et éliminés.

Les Services Secrets allemands le savaient aussi pendant la Seconde Guerre Mondiale, lorsque les ingénieurs Fieseler et von Braun ont mis au point des armes d’un type totalement nouveau : les bombes aériennes et les fusées. Ils devaient détruire Londres et d’autres villes britanniques sans aucune considération pour les victimes civiles, et ce, en représailles aux bombardements des villes allemandes par l’Aviation Royale britannique (Royal Air Force). La protection par le Service Secret sur ces armes à longue portée, de technologie militaire révolutionnaire, était donc une priorité absolue lors de la production, du transport dans le Nord de la France, et plus tard, dans les zones opérationnelles de l’Ouest de l’Allemagne et des Pays-Bas.

Même s’il semble en être autrement, les espions ne sont pas des machines insensibles, ce ne sont pas des drones. Pour leur mission, ils doivent être particulièrement conscients de leurs propres faiblesses humaines ainsi que de celles de leurs collaborateurs et de leurs adversaires. Ils connaissent l’avidité pour l’argent, le sexe et le pouvoir, pour une vie libre et sans attache, mais aussi pour l’amour et la sécurité.

Examinons quelques figures de ce contre-espionnage, avec l’aide duquel l’armée du Reich allemand, le Commandement supérieur de la Wehrmacht (OKW) et les SS ont essayé de protéger leurs armes de représailles VI et V2 dans la zone d’opérations, contre les espions alliés. Ce contre-espionnage allemand, y compris ses nombreux collaborateurs français et belges, a apparemment très bien fait son “travail” car, jusqu’à la fin de la guerre, les puissances victorieuses alliées ne savaient presque rien de ces nouveaux types de bombes aériennes de type V1 et des fusées de type V2.

Cologne, en été 2021

Daniela Topp-Burghardt Franz Josef Burghardt

Chapitre I
Le Nord de la France et les armes secrètes allemandes

1. V1 et V2 dans le Nord de la France

Le butin de guerre le plus précieux de l’armée américaine à la fin de la seconde guerre mondiale fut probablement les armes de type V1 et V2 trouvées en Allemagne. Elles ont constitué la base technologique de tous les missiles de croisières et fusées ultérieurs. Leur importance historique, exceptionnelle dans l’histoire militaire, est encore démontrée de manière impressionnante aujourd’hui dans les musées consacrés à la guerre des deux plus importantes puissances victorieuses, à Washington et Londres.

Imperial War Museum, London (à gauche) et National Air & Space Museum, Washington D.C.

Le développement continu du V2 par son constructeur Wernher von Braun aux Etats-Unis après 1945 jusqu’à Saturn 5, a rendu possible le premier alunissage. A partir du V1 les “Advanced Cruise Missiles” ont été développés aux Etats-Unis et ont été utilisés, comme l’AGM-129 ACM par les Américains avec une technologie de camouflage (peinture basse visibilité pour la furtivité du missile) de même l’AGM 142 Popeyeutilisé par l’armée israélienne pour des frappes militaires ciblées, par exemple en Libye, en Irak et en Syrie.

Ci-dessus: position de la rampe de lancement V1 dans le Nord de la France en été 1944. Indication: MGFI (Hg.) Le Reich allemand et la seconde guerre mondiale (bande 7, page 387) Ci-dessous: V1 sur une rampe de lancement (musée “Le Blockhaus” à Watten, Nord)

Pour la première fois les bombes volantes de type V1 (Vergeltungswaffe 1, arme de représailles) ont été utilisés le 12 juin 1944 et envoyés, de la côte du Nord de la France en direction de Londres ainsi qu’en direction d’autres objectifs dans le Sud de l’Angleterre. Les rampes de lancement de V1 se trouvaient en effet presque partout, près de la côte de Cherbourg à l’Ouest jusqu’à Calais à l’Est. Cependant les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais étaient, pour le Reich allemand, d’une grande importance stratégique militaire car de là, le Sud de l’Angleterre et Londres étaient accessibles aux armes à longue distance, l’éloignement de ces objectifs étant le plus faible.

La région du Nord-Pas-de-Calais représentait également, pour le Reich allemand, une grande importance économique et géopolitique. Les riches ressources de la région Lilloise avec ses mines de charbon et son industrie textile constituaient une base économique appropriée pour une Belgique étendue à la Somme, un état satellite allemand en devenir, comme il l‘était également envisagé par la propagande nationaliste flamande. Par ailleurs pour la Wehrmacht l‘importance géostratégique du Nord de la France était au centre des préoccupations, tant pour la préparation d‘une attaque sur l‘Angleterre en 1940/1941 que pour les mesures de défense contre une invasion des forces alliées laquelle était attendue depuis le début de 1943. Importance géostratégique également pour l‘utilisation de l‘arme V en 1944, dont l’utilisation aurait pu permettre la destruction de Londres et favoriser ainsi l‘obtention d’une paix plus favorable pour l‘Allemagne. Il était donc compréhensible que, particulièrement dans le Nord et le Pas-de-Calais, on trouvait une forte densité d‘aérodromes destinés à l‘Armée de l‘Air ainsi que des rampes de lancement pour les bombes volantes V1.

V1 sur une rampe de lancement (musée „Le Blockhaus“ à Watten, département du Nord)

Les trois bunkers pour la première utilisation des fusées de type V2 sont également situés dans le Nord de la France: les bunkers, construits hors sol, à Brix, près de Cherbourg et dans la forêt d‘Eperlecques („Le Blockhaus“) près de Watten au Nord de St. Omer. On y trouve également le bunker construit, en grande partie sous terre, à Wizernes („La Coupole“) au Sud de St. Omer. Mais le lancement d‘une fusée de type V2 n'a jamais pu avoir lieu dans le Nord de la France, car si les bunkers de Brix et Eperlecques ont été rendus inutilisables par des bombardements alliés de grande envergure, des troupes canadiennes se sont rendues maître du bunker construit pour le lancement des V2 „la Coupole“ près de Wizernes juste avant qu‘il ne soit prêt à être utilisé.

Au dessus: un modèle du bunker de lancement de V2 dans la forêt près d‘Eperlecques (modèle au musée „Le Blockhaus“). En dessous: état actuel des ruines d‘Eperlecques

Le grand nombre de rampes de lancement de V1 et la situation des deux bunkers de lancement de V2 dans le Nord-Pas-de Calais ont entraîné, au cours de la guerre, et à cause des bombardements massifs de la R.A.F. britannique, des destructions toujours plus importantes et, par le biais des dommages collatéraux, de nombreux morts et blessés dans les villages et les villes de la région. Comme Raymond Dufay l‘a souligné de façon impressionnante en 1990, l’Audomarois, région autour de St. Omer, a été particulièrement touché. Même après le raid aérien destructeur de la R.A.F. du 13 mai 1943, qui a fait plus de 100 morts, St Omer a été touchée à maintes reprises par des bombardements semblables, c‘est pourquoi qu‘Elisabeth Burnod l‘a décrite dans son roman „Le miracle des violettes" (Chapitre IV) en février 1944, comme une "ville morte". Les 23000 bombes larguées sur la Coupole ont tellement frappé Wizernes que l‘endroit a été complètement anéanti.

Bunker de lancement de V2 près de Wizernes (aujourd‘hui le musée „La coupole“).

Les temps de construction et d‘exploitation des V1 et des V2 peuvent être décrits en 4 phases

Phase 1: de juin à décembre 1943 dans le Nord de la France: construction des rampes de lancement de V1 et des bunkers pour le V2.

Phase 2: de janvier à mai 1944 dans le Nord de la France: nouvelle construction des rampes de lancement de V1 et construction du bunker pour le V2 „ La Coupole.“

Phase 3: de juin à août 1944 dans le Nord de la France: utilisation de V1 contre l‘Angleterre

Phase 4: de novembre 1943 à avril 1945: dans l‘Allemagne de l‘Ouest et la Hollande: utilisation de V1 et de V2 contre des cibles en Belgique et en Angleterre, surtout contre Anvers, Liège et Londres.

Domaine d’application du V2 (A4) 1944 (d’après Hölsken, page 224)

Domaine d’application prévu du V2 (A4) 1943/44 (d’après Hölsken, page 223)

2. Position spéciale des départements du Nord et du Pas-de-Calais 1940-1944

L’importance particulière du Nord de la France dans le contexte du Commandement de la guerre du Reich allemand s’exprime également dans la position administrative particulière de cette région après son occupation par la Wehrmacht. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais n’ont pas été placés, comme le reste de la France occupée, sous l’autorité du Militärbefehlshaber Frankreich (MBF, Commandant militaire de la France) basé à Paris mais plutôt sous le Militätbefehlshaber Belgien und Nordfrankreich (MBB, Commandant militaire de la Belgique et du Nord de la France) Alexander von Falkenhausen (1878-1966) basé à Bruxelles. Un passage à travers la ligne de démarcation, fortifiée et gardée, à la frontière Sud des deux départements, la “zone rattachée” n’était possible qu’avec un laissezpasser de l’occupant, délivré par le Sonderführer (dirigeant spécifique) Friedrich Topp dans son bureau de la Feldkommandantur Lille.

Cependant, le Nord et le Pas-de-Calais, jusqu’au retrait de la Wehrmacht, n’ont pas été séparés de la France et annexés à la Belgique par un acte officiel du Gouvernement du Reich. La vieille frontière francobelge est restée, en outre, une frontière douanière, et le Préfet Fernand Carles a pu participer régulièrement aux conférences des Préfets à Paris à partir de 1942. Ces deux faits s'expriment dans la déclaration de Alexander von Falkenhausen du 26 juin 1940, que les deux départements devaient être traités, économiquement et administrativement comme s’ils appartenaient à la France. Néanmoins, le bureau de Oberfeldkommandantur 670 (OFK, Commandement supérieur) à Lille, responsable pour le Nord-Pas-de-Calais, était d'un point de vue formel, sous le commandement du Militärverwaltungschef (chef de l’Administration militaire) Eggert Reeder à Bruxelles, comme les autres

Siège de l’Administration militaire allemande à Lille en 1940-44: Bureau de Commandement supérieur (Oberfeldkommandantur) (OFK) à la Place du Théâtre

Bureau de Commandement (Feldkommandantur) (FK) boulevard de la Liberté

OFK dans le domaine du MBB.

En outre Alexander von Falkenhausen avait transféré sa compétence législative au Commandant supérieur de Lille:

De juin 1940 à janvier 1943 : au général Heinrich Niehoff,

De janvier à juin 1943 : au général Wilhelm Daser

De juin 1943 à août 1944 : au général Georg Bertram

Le nombre des bureaux de Kreiskommandanturen (KK, Commandements de District) également appelés bureaux des Ortskommandanturen (OK, Commandement Local) à Arras, Avesnes, Béthune, Boulogne-Desvres, Cambrai, Douai, Dunkerque-Cassel, Montreuil, St. Omer, Valenciennes sous l'ordre de la OFK 670 était exceptionnellement élevé. En outre, dans le domaine de MBB, seule l’OFK 670 avait son propre bureau de Feldkommandantur (FK, Commandement). Le but suprême de tous les bureaux de Commandement était l’établissement et la préservation du calme et de l’ordre.

Pour faire prévaloir cet objectif, trois formations de police allemande étaient à leur disposition en tant que pouvoirs exécutifs, notamment la Gendarmerie (Feldgendarmerie) (FK) forte de 300 à 425 hommes, divisée en 16 Groupes dont deux étaient subordonnés à l’OFK et trois au FK. En outre le Commandant supérieur et le chef de l’Administration militaire de l’OFK pouvaient missionner, pour des sujets de défense et de sécurité, le Groupe 3 de la Geheimen Feldpolizei (GFP, Sûreté aux Armées) qui était en poste à Lille et se composait d'un groupe nominal de 50 hommes. Ce Groupe 3 du GFP était sous la juridiction du directeur de la GFP (Feldpolizeidirektor) du MBB à Bruxelles.

Pour soutenir ce Groupe 3, le Groupe 737 a été actif dans le département du Pas-de-Calais jusqu’en septembre 1943. L’OFK 670 ne possédait aucun droit d'accès sur le groupe GPF 716 en poste à Arras depuis la fin de 1943, et qui faisait partie du Commandement Général LXV AK z.b.V. (voir annexe) en tant que bras armé de ce qu’on appelait l’Abwehrstelle d’Arras.

Jusqu’en 1943, la mission de la police de sécurité dirigée par le SS (Sicherheitspolizei/Sipo) qui était en poste à Lille n’avait probablement qu’une importance mineure. Cela était principalement dû à la réussite de l’opposition du chef de l’Administration militaire Eggert Reeder, jusqu’au milieu de l’année 1944, à la mise en place d’un SS supérieur et d’un chef de police (HSSPF) à Bruxelles; entre autres, cela a également empêché un affaiblissement de la position dominante de l’OFK 670 dans le Nord de la France.

Le pouvoir exécutif du OFK 670 est souligné par le fait qu'il avait la disposition sur les formations de police, qui étaient subordonnées au chef de l'Administration Militaire de Lille. En plus du Pouvoir Législatif déjà mentionné, le chef de OFK 670 à Lille avec ses tribunaux de guerre avait également la compétence juridique de l’Administration militaire allemande dans le Nord de la France. Outre le tribunal de guerre de l’OFK, le bureau de Commandement et la Flotte Aérienne à Lille avaient leurs propres tribunaux de guerre.

En raison de la situation géostratégique exceptionnelle du Nord et du Pas-de-Calais, le Renseignement militaire était également d’une importance particulière. Il n’est donc pas surprenant que, immédiatement après l’occupation des deux départements du Nord, l’Abwehrstelle en Belgique, un bureau sous la direction de l'Amt Ausland/Abwehr à Berlin (voir chapitre II), avait créé deux Antennes, le Nest Lille et le Nest Boulogne-sur-Mer. Après l’abandon du plan d’attaque contre l’Angleterre, le contre-espionnage a été le point central pour découvrir les réseaux de Résistance, qui aurait pu, soit par l'espionnage soit par le manœuvre des pilotes ennemis abattus, préparer à l’avance un éventuel débarquement des Alliés. Enfin, depuis le milieu de l’année 1943 tout espionnage dans la zone d’opérations des armes V, pour le compte des Alliés, devait être empêché.

“L'asperge de Rommel”, les vestiges de la ligne de défense dans le nord

Chapitre II
Le Service Secret allemand pour la Protection de l’Arme V dans la zone d’opération

1. L'Abwehr-Nebenstelle de Lille (Nest Lille)

Les vastes mesures de construction en préparation pour la mission des Armes V dans le Nord de la France étaient classées “ top secrètes ”. Le plus grand danger qui a été perçu par le Commandement Général chargé de l’opération en 1943 résidait dans :

Les espions

qui révélaient à l’Angleterre les positions des rampes de lancement de V1 et des bunkers pour V2, afin que les attaques aériennes précises des Alliés deviennent possibles,

Les groupes de Résistance

qui commettaient des actes de sabotage dans la zone

d’opération,

Les réseaux d’infiltration

de la Résistance qui faisaient sortir du pays les aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus.

D’un point de vue allemand, ce danger devait être évité par un bon contre-espionnage. Jusqu’en décembre 1943, les allemands comptaient dans le Nord et le Pas-de Calais sur les coopérateurs expérimentés depuis juin 1940, de l'Abwehr-Nebenstelle Lille, une division du Poste de l’Abwehrstelle Belgien à Bruxelles, responsable du secteur MBB.

En 1940/1941 le Chef de l'Abwehr-Nebenstelle Lille, appelée brièvement “Nest Lille” avec le numéro de Poste Militaire 331, était le lieutenant Fritz Naumann, suivi du lieutenant autrichien Josef Höpflinger et du Lieutenant Hubert Pfannenstiel de Basse-Bavière en 1943-1944. Ces Chefs de Nest n’avaient apparemment qu’une fonction exclusivement administrative car ils n’apparaissaient presque jamais, contrairement à leurs Chefs de Section, dans les actes et dans les comptes-rendus.

Lieutenant Hubert Pfannenstiel Chef de Nest Lille en 1943/1944

Les coopérateurs allemands de la Nest de Lille étaient des groupes de personnes très différentes ; on y trouvait :

des soldats

de tout rang du Caporal au Lieutenant,

des agents

(principalement des Allemands vivant à l’étranger; par exemple Bruno Luig, voir Chapitre III.1),

des informateurs

(coopérateurs informels de l’administration et de l’économie, par exemple Friedrich Topp jusqu’au début de 1944, voir Chapitre III.3),

des employés de la Wehrmacht

(par exemple Louise Stiefelhagen, secrétaire du Dr. Karl Hegener, voir en-dessous).

Parmi les coopérateurs non allemands on trouvait

des hommes de confiance

(“les gens V”, enregistrés avec un numéro P sur une liste de l’Abwehr; par exemple Ernest Boussac, voir chapitre III.2),

des domestiques

, comme chauffeurs, interprètes et concierges

des indicateurs

, qui travaillaient contre rémunération ou autre avantage (par exemple Pierre Bedet et son groupe avant la formation de “L’Organisation Pi”, voir chapitre III.1).

Chef de Section III L Commandant Römmele (par exemple Armand et Annie Nissen, voir chapitre III.3),

La Nest de Lille (antenne de l’Abwehr) se composait en grande partie uniquement des sections suivantes pour le Contre-Espionnage:

III C1 sous les ordres d’ Ernst v. Heydebrand und der Lasa (1941-1944),

III C2 sous les ordres du Docteur en Droit Ernst Pantell (1943-1944),

III F sous les ordres de Rudolf Schneeweiß (1940), du Docteur en Droit Karl Hegener (de 1941 - jusqu’à la fin de 1943) et d’Otto Fischer (1944),

III H sous les ordres de N. Schwarz (?) et de Hans Mae tschke (1943),

III L sous les ordres de Karl Reinlein (1940/1941?), d’Erwin Römmele (de 1941 jusqu’à la fin de 1943) et de Willy Leberecht (à la fin de 1943, jusqu’à août 1944),

III Rü sous les ordres de Max Cuypers (1942) et du Docteur en Droit Friedrich Staab (1943/44).

Chef de Section III C1 Commandant v. Heydebrand

On sait très peu de chose sur le travail des Sections IIIC1, H, L et Rü. Elles apparaissent très rarement dans les actes et la littérature. Hans Maetschke (III H), gravement blessé à la guerre, était probablement principalement occupé par des cours de formation dans différentes divisons de l’Armée de Terre, ainsi que ses enfants l’ont déclaré ultérieurement. Erwin Römmele (III L) avait peu à faire et pouvait se consacrer à des activités sportives. Les exigences relatives aux sections des deux juristes le Dr. Ernst Pantell (III C2) et le Dr. Karl Hegener (III F) étaient très différentes. Leurs domaines d’activité n’étaient pas toujours clairement séparés dans la pratique. Par exemple III C2 était principalement responsable pour la divulgation des réseaux d’infiltration de la Résistance, IIIF dans ce contexte, pour l’infiltration des agents anglais ou pour les aviateurs dont les avions avaient été abattus; comme il en était de même pour le travail de IIIH, L et Rü, le bureau du Dr. Karl Hegener avait pris une position centrale à la Nest Lille.

4, Rue du Jardin Botanique à Lille-La Madeleine, le siège de la Section IIIF de Nest Lille

Les Chefs de Section devaient recueillir et analyser les informations reçues par les agents, les informateurs, les coopérateurs informels, les amies, la police etc. sur les activités des ennemis. Ils devaient ensuite rédiger des rapports sur le sujet pour le Bureau central de l’Abwehr (Amt Ausland/Abwehr) situé à Berlin. A partir de mars 1942, ils ont dû également transmettre leurs rapports au SD (Service de Sécurité). Le Dr. Karl Hegener était soutenu dans son travail par plusieurs coopérateurs consciencieux: son officier d'ordonnance, le sergent Josef Kanehl, ses sergents-chefs Egon Mayer et Erwin Streif ainsi que par sa secrétaire, Louise Stiefelhagen. Par contre le Dr. Ernst Pantell ne disposait seulement que d’un sergent, le Dr. Otto Niehoff, et d’un adjudant.

La décision de savoir si la police avait accès à des individus ou à des réseaux de la Résistance revenait au Chef de Section (Referatsleiter) concerné, qui devait confier cet accès à la GFP (Sûreté aux Armées), et plus tard au SD-Sipo (Police du Service de Sécurité du SS), les membres de l’Abwehr ne disposant pas de pouvoir exécutif. Que les Chefs de Section aient pu retarder l’accès, pendant une période plus ou moins longue afin d’obtenir le plus d’informations possible sur une personne ou sur un réseau, est une évidence. Les cas dans lesquels l’accès aux personnes suspectes a été délibérément et définitivement supprimé par un Chef de Section, n’ont toutefois jamais été éclaircis.

Il n’y a que des preuves peu fiables pour suggérer que le Dr. Karl Hegener ait refusé l’arrestation de l’écrivain roubaisien Maxence van der Meersch par respect pour ses œuvres littéraires ainsi que l’arrestation du très influent Carlo Schmid, probablement exigée par le SD (Service de Sécurité de SS) ), et qui était actif au sein du bureau de Commandement Supérieur de Lille en tant qu’Administrateur de Guerre. On ignore également dans quelles mesures les petites amies françaises de membres allemands ou belges de l’Abwehr ont transmis des informations à des parents et des connaissances par le biais d’indiscrétions ciblées de la part de leurs partenaires, afin de pouvoir entrer dans la clandestinité en temps voulu.

Chef de Section IIIF Capitaine Dr. Karl Hegener

La personnalité exceptionnelle du Nest Lille était le juriste, Docteur en Droit, Karl Hegener, chef de la section III F. Il a incarné l’Abwehr dans le sens classique, influencé par l’Amiral Canaris, en fort contraste avec le SD et Sipo de SS. Il avait une excellente maîtrise de la langue française et il était également considéré comme un interlocuteur courtois dans les milieux de la Résistance. Qui plus est, toute forme d’arbitraire lui était étrangère. Cela ne doit cependant pas cacher le fait qu’il faisait partie d’un système d’occupation répressif et que, pendant la guerre, il était de plus en plus contraint de transmettre les informations recueillies par l'état-major de sa section à la Police de Sécurité de SS (Sipo), qui était connue pour ses méthodes brutales.

Karl Hegener, Docteur en Droit, est né à Duisbourg en 1894. Son père, le Docteur Wilhelm Hegener, Magistrat prussien, était avocat, notaire et propriétaire d’un cabinet d’avocats important à Duisbourg ayant des liens commerciaux avec l’Industrie Lourde dans l’ouest de la région de la Ruhr. La mère de Karl Hegener était issue d’une famille de fonctionnaire de Sauerland et elle était, selon les idiomes de l’idéologie raciale NS, un “quart juive”, ce dont son fils n’aurait pas eu connaissance avant 1934. Karl Hegener a bénéficié d’une excellente éducation dans la grande bourgeoisie. Dès son enfance une Française lui a été assignée comme gouvernante, et au lieu de fréquenter l’école publique élémentaire il a fréquenté l’école préparatoire du Lycée Municipal. Après avoir obtenu son Baccalauréat au Lycée Royal il a fait des études de Droit International avec des séjours à Genève et à Oxford, études interrompues par son départ, en tant que volontaire, pour la guerre en France avec le grade de Sous-Lieutenant. En avril 1917 il a été gravement blessé par balle à l’avant-bras droit. En 1919, il a obtenu son Doctorat à Greifswald et en 1922 il est devenu associé dans le cabinet d’avocats de son père.