Années 70 - Marc Pasteger - E-Book

Années 70 E-Book

Marc Pasteger

0,0
11,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Parcourez une décennie exceptionnelle, marquée par l'insouciance et la liberté sexuelle !

Ceux qui les ont vécues en ont la nostalgie. Chez les autres, elles font rêver. Les Années 70 commencent dans l’insouciance du lendemain, la légèreté, les paillettes, la liberté sexuelle, la joie de vivre. « Une parenthèse enchantée », selon l’expression de Françoise Giroud. Pour raconter cette décennie de légende, Marc Pasteger a choisi l’angle de l’anecdote amusante. Philippe Bouvard collectionne les canulars. Mike Brant, qui ne comprend pas le français, enregistre son premier tube uniquement grâce à la phonétique. Après Emmanuelle, Sylvia Kristel jure qu’elle ne se déshabillera plus au cinéma… et ment ! Bonus : un quizz de 70 questions.

Plutôt hippie, disco ou punk ? Retrouvez la parenthèse enchantée des Années 70 grâce à ce livre bien documenté, empli d'anecdotes étonnantes et amusantes !

EXTRAIT

Une autre fois, il lance Mike Brant sur ses hordes de fans :
— On me dit que vous êtes de plus en plus traqué par les jolies filles…
— Un peu, oui… Après mon dernier gala, j’en ai même déniché quatre dans mon lit !
Bouvard tient le bon sujet :
— Et qu’est-ce que vous avez fait ?
— J’ai dit : « Excusez-moi, je suis très fatigué ! Je vais dormir ! »
Bouvard a le mot de la fin :
— Nous aurions tous fait comme vous, menteur !
Ton identique dans « RTL non-stop », émission qu’il anime chaque après-midi en direct et en public, dans le même créneau horaire que « Les grosses têtes » qu’il inaugurera en 1977 après avoir présenté et dirigé pendant deux ans le journal de 13 heures de la station.
Il décortique un texte un peu simpliste d’Enrico Macias qui se défend :
— Pour moi, une bonne chanson, c’est celle qu’on peut fredonner le matin dans sa salle de bain en se rasant…
Bouvard riposte :
— Moi, c’est la chanson qui m’a souvent rasé…
Et il envoie le jingle de la séquence suivante sous les rires des spectateurs du grand studio du 22 de la rue Bayard.
Au fil des mois, le meneur de jeu, qui reçoit quotidiennement un ou plusieurs chanteurs (mais entourés de convives venant d’autres horizons) a mis au point une liste de questions dans laquelle il puise. Exemples :
— Croyez-vous que le certificat d’études suffise à un chanteur ?
— Préférez-vous un article erroné à pas d’article du tout ?
— Préférez-vous être le numéro dix en France que le numéro un à l’étranger ?
— Plaignez-vous les chanteurs qui ne connaissent pas la musique ?
— Accepteriez-vous de participer gratuitement à un gala organisé en faveur des organisateurs de galas dans le besoin ?
— Continueriez-vous à chanter si l’on donnait le S.M.I.G. aux artistes ?
— Pensez-vous que le succès de certaines vedettes vient de la surdité précoce d’une partie du public ?
Les sujets personnalisés sont traités avec le même humour, comme l’attestent ces quelques mots adressés à Antoine :
— Avez-vous moins peur des tomates depuis que vous possédez une exploitation agricole ?
Plébiscité par les auditeurs, les téléspectateurs et lecteurs du « Figaro » puis de « France-Soir », Bouvard connaît un triomphe de librairie en 1973 avec « Un oursin dans le caviar »8 dont il vendra, toutes éditions confondues, deux millions d’exemplaires. Et, comme on sait, un oursin, ça manque de douceur…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Journaliste, rédacteur en chef du « Soir mag » de Bruxelles, pour cet ouvrage, Marc Pasteger s’est appuyé sur une vaste documentation dont ses propres chroniques et interviews de presse écrite et de radio.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



© La Boîte à Pandore

Paris

http ://www.laboiteapandore.fr

La Boîte à Pandore est sur Facebook. Venez dialoguer avec nos auteurs, visionner leurs vidéos et partager vos impressions de lecture.

ISBN : 978-2-39009-353-4 – EAN : 9782390093534

Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

Marc Pasteger

Années 70

Quand la France riait, chantait et se dévergondait

À Jacques Pessis, en témoignage d’une amitié rare

née dans les années 70.

M.P.

Entre le rêve et la réalité

Le 1er janvier 1970, la France vit plutôt très bien. Sur la lancée des golden sixties et entendant profiter du vent de liberté qui a soufflé au mois de mai 68, elle se permet même de traverser une période « peace and love » où, à en croire les hippies, tout le monde serait beau et gentil.

Quelques mois plus tôt, après la démission du général de Gaulle, Georges Pompidou a été élu deuxième président de la Ve République avec 58,21 % des voix battant nettement un autre homme de droite, Alain Poher.

La gauche, elle, a été éliminée dès le premier tour : le communiste Jacques Duclos a sauvé l’honneur avec 21,3 %, ce qui ne fut pas le cas du socialiste Gaston Defferre qui dut se contenter de 5 %.

La personnalité du chef de l’État rassure. L’écrivain Jean d’Ormesson a d’ailleurs ces mots à propos de Pompidou : « C’est un artisan du bonheur. » Et, alors ministre de l’Intérieur quand Pompidou occupait Matignon, Christian Fouchet expliqua : « Inégalable dans l’art d’étouffer les incidents, de réconcilier les rivaux brouillés, d’arrondir les angles, de dépouiller les faux problèmes… Il protège contre les ennuis inutiles. » Atypique ce Pompidou : issu de la France profonde, attaché à sa terre du Cantal, brillant étudiant, intellectuel, poète, proche des artistes, homme d’une seule femme, Claude, chaleureux, autoritaire quand il le faut, curieux du monde et des autres, arrivé en politique par le hasard qui porte un nom, de Gaulle, et au poste de premier ministre (qu’il occupa six ans) sans avoir affronté le suffrage universel et appartenu à aucun gouvernement !

Le président se montrait accessible et non dépourvu d’humour. Comme l’atteste l’anecdote rapportée par l’animateur Maurice Favières1.

En vacances au fort de Brégançon, Georges Pompidou se baignait. À la sortie de l’eau, des enfants s’approchèrent de lui et l’un d’eux lui demanda un autographe.

Le président accepta et signa. Puis le gamin en réclama un second :

— C’est pour ton petit frère ou ta petite soeur ?, interrogea Pompidou.

— Non, non, mais, à l’école, avec deux Pompidou, on a un Hallyday !

Il semble bien que cet homme-là offrait le profil idéal pour incarner une époque unique dont le souvenir fait encore rêver. Les années Pompidou commencent le 15 juin 1969 et s’achèvent le 2 avril 1974. Vaincu par la maladie, le président ne peut aller au bout de son septennat.

Lucide et visionnaire, et malgré un contexte économique favorable, il a osé employer le mot « crise ». Avant même le premier choc pétrolier (1973) et ses conséquences sur le plan international, Pompidou comprit que, désormais, nous ne vivions plus dans le monde d’avant.

« L’essor de l’Europe semblait compromis par la récession américaine, sensible dès 1967, notait l’historien Pierre Miquel12. En 1971, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole imposa des ajustements de prix, puis décida leur quadruplement en 1973. L’économie européenne, comme la japonaise, fut condamnée à une révision drastique de la consommation en jouant sur concentration et productivité. Construire en France une république industrielle dans ces conditions relevait de la gageure. (…) La mondialisation de l’économie française date de ce tournant. » La présidence de Pompidou fut courte, mais dense.

Citons entre autres faits marquants le développement très important de l’automobile et des réseaux routiers, la construction du tunnel de Fourvière à Lyon ou l’achèvement de celle du périphérique autour de Paris.

Une seule autoroute relia désormais Lille à Marseille (968 km). Pompidou fit dessiner Beaubourg, inaugurer (par Pierre Messmer, son premier ministre d’alors) l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy… La télévision en couleurs se généralisa et la vente des récepteurs continua à grimper.

Entre 1969 et 1974, en Europe, la France put se targuer de la plus forte croissance. Et le niveau de vie y augmenta de 25 %.

On ne s’étonnera donc plus que ceux qui bénéficièrent de cette ère pompidolienne en éprouvent la nostalgie.

Les années 70 commençaient bien ; elles se terminèrent sensiblement plus mal.

Valéry Giscard d’Estaing, qui devança d’une courte tête François Miterrand dans la course à l’Élysée en 1974 (50,80 %) eut beau maîtriser comme personne l’art de la communication et imposer des lois ou des réformes essentielles dans l’évolution de la société (liberté d’avorter, majorité à dix-huit ans, revalorisation des bas salaires, soutien aux familles nombreuses, aide aux handicapés, création d’un secrétariat à la Condition féminine, notamment), il ne put rien contre le fléau du chômage qui, progressivement, mina le moral des Français.

En 1977, par exemple, la hausse des prix était de 9 %, celle du chômage de 13 % et le déficit budgétaire s’élevait à 16 milliards de francs. L’année suivante, les problèmes s’aggravèrent : 11 % de hausse des prix, 16 % d’augmentation de chômage, 34,7 milliards de francs de déficit.

Du coup, le second premier ministre de Giscard, Raymond Barre, se mit à parler de rigueur.

Non, les années 70 ne furent pas toujours formidables ! Elles constituent un mélange de la fin de l’insouciance des années 60 et une sorte de bande-annonce géante des gros soucis qui pourriraient les années 80.

Alors pourquoi voue-t-on aujourd’hui un culte à cette décennie-là ? D’abord parce que nous avons presque naturellement tendance à enjoliver les souvenirs et que se réfugier dans un passé, a fortiori embelli, peut réconforter ceux en ayant besoin. Ensuite, parce que sur le plan de la chanson, de l’humour ou de l’audiovisuel – domaines qui vont nous occuper essentiellement dans cet ouvrage –, on a énormément créé, tout et n’importe quoi, certes, mais, dans le lot, des artistes ont marqué. Enfin, parce que le début de la deuxième décennie de ce XXIe siècle montre tellement souvent ses limites, il est vrai, vite atteintes en matière d’inspiration artistique et de saine rigolade que certains petits airs et grosses blagues d’il y a quarante ans divertissent encore.

Ainsi, au moment où paraît cet ouvrage, fleurissent au fronton des théâtres parisiens des comédies musicales construites autour des répertoires de Joe Dassin, de Mike Brant et du groupe Abba.

Pour raconter ces anecdotes, j’ai fait défiler – au hasard de mes notes, rencontres, lectures, et de façon totalement subjective – des vedettes, comme l’on disait à l’époque, de tous poils, des vraies stars et autant d’étoiles filantes. Au total, une galerie de héros. Certains sont toujours vaillants. D’autres sont morts ou ont déjà un pied dans la légende…

M.P.

1. Maurice Favières (avec Michel Leblanc) – Matin, pas chagrin – Presses de la Cité – 1979

2. Pierre Miquel – Les rois de l’Élysée – Fayard – 2001

Première partie : Riez, ils font le reste !

Durant les premières heures de 1970, Philippe Bouvard entame un billet d’humeur par ces mots : « Qu’ils soient remerciés ici tous ceux qui, durant douze mois, m’ont appelé inlassablement afin que je dise du bien d’eux ou que j’écrive du mal des autres. » Pour égratigner ses contemporains, Philippe Bouvard n’a vraiment besoin d’aucune injonction. Ses chroniques du « Figaro », ses interviews à la radio et à la télévision lui ont en effet taillé une réputation d’ironie et de causticité.

Bien plus tard, il avouera :

— C’est Pierre Brisson, mon premier patron au « Figaro » et mon père spirituel qui m’avait donné ce conseil : « Si on veut être connu et faire son trou, il faut asticoter les gens sans arrêt ! “Mais, me considérant comme un journaliste, et non comme un justicier ou un policier, je ne blessais pas, et ne posais aucune question grave. Les entretiens demeuraient courtois et souriants.

Sur les petits écrans, on n’avait pratiqué que l’interview de complaisance. Alors, évidemment, chez moi, d’aucuns étaient parfois surpris3. »

Philippe Bouvard, l’oursin dans le caviar, se nourrit de canulars. Du temps de l’ORTF, avec « Samedi soir », Bouvard impose le premier talk-show. Modeste, il constate aujourd’hui :

— J’étais forcé d’innover puisque rien n’avait été inventé au préalable. L’idée que je revendique avec « Samedi soir » est d’avoir planté mes caméras chez « Maxim’s », le restaurant le plus célèbre du monde pour flatter et susciter le rêve chez les provinciaux. Et ça a marché !

Le rendez-vous a lieu en direct, ce qui peut réserver des surprises. Comme le soir où, la prise d’antenne s’effectuant en retard, les invités patientent en buvant.

Roger Hanin a avalé cinq whiskies quand l’animateur lui pose la première question. Le comédien le regarde vaguement, se met à sangloter et bredouille :

— Mon pauvre Philippe, pourquoi fais-tu ce métier-là ?

Une autre fois, l’écrivain Bernard Franck, dans le même état, laisse s’égarer sa main sur la cuisse de sa voisine, une jolie mannequin… Tous les « clients » de Bouvard ne plongent pas dans l’alcool avant leur passage à « Samedi soir ». Il reste que se livrer face à lui constitue donc un exercice redouté par beaucoup.

Le 16 décembre 1972, par exemple, Darry Cowl vient parler de « Duo sur canapé » de Marc Camoletti qu’il crée au Théâtre Michel. Jean Carmet et Francis Blanche, également de la partie, se sont déjà exprimés.

Quand son tour arrive, Darry Cowl tortille le fil du micro et dit :

— J’ai le trac ! Allez-y, mon petit Bouvard ! C’est maintenant la boucherie !

Le journaliste pince-sans-rire corrige :

— Pas du tout ! Nous sommes ici pour saluer votre retour sur les planches.

Mais ajoute :

— Et vous êtes ici pour dire tout le bien de la pièce que vous allez jouer…

Darry Cowl ne semble pas à l’aise ; son sens de l’humour compense. Lorsque Bouvard lui demande s’il est seul à l’affiche, il répond :

— Non, pensez donc ! Il y a Richard Burton, Liz Taylor, Jean Lecanuet4 et, le comique, c’est Georges Marchais5 !

Contrairement à ce que d’aucuns affirment, Bouvard n’est pas méchant. En revanche, sa rapidité d’esprit et son sens de la repartie, autant que ses remarques quelquefois perfides et ses questions abruptes ou farfelues, décontenancent bon nombre de ses interlocuteurs.

Le 5 juin 1971, toujours dans « Samedi soir », Claude François se laisse aller à des confidences :

— Quand je rencontre Bruno Coquatrix6, régulièrement, nous évoquons la mort. Chez lui comme chez moi, il s’agit d’une obsession. C’est laid et ça marque la fin irrémédiable…

Bouvard passe au deuxième degré :

— Et, à force d’en parler, vous trouvez une solution ?

Cloclo demeure au premier :

— Non, on n’en trouve pas…

Quelques semaines plus tôt, Philippe bavarde avec Joe Dassin. Il le laisse s’exprimer sur sa jeune carrière alors pleine de promesses et ses disques d’or. Bouvard l’interrompt alors :

— Les disques d’or, on vous les donne vraiment, ou on les reprend le lendemain pour d’autres ?

Surpris, Dassin n’a pas la réplique qui ferait mouche :

— Jusqu’à présent, non, mais ça pourrait arriver…

Une autre fois, il lance Mike Brant sur ses hordes de fans :

— On me dit que vous êtes de plus en plus traqué par les jolies filles…

— Un peu, oui… Après mon dernier gala, j’en ai même déniché quatre dans mon lit !

Bouvard tient le bon sujet :

— Et qu’est-ce que vous avez fait ?

— J’ai dit : « Excusez-moi, je suis très fatigué ! Je vais dormir ! »

Bouvard a le mot de la fin :

— Nous aurions tous fait comme vous, menteur !

Ton identique dans « RTL non-stop », émission qu’il anime chaque après-midi en direct et en public, dans le même créneau horaire que « Les grosses têtes » qu’il inaugurera en 1977 après avoir présenté et dirigé pendant deux ans le journal de 13 heures de la station.

Il décortique un texte un peu simpliste d’Enrico Macias qui se défend :

— Pour moi, une bonne chanson, c’est celle qu’on peut fredonner le matin dans sa salle de bain en se rasant…

Bouvard riposte :

— Moi, c’est la chanson qui m’a souvent rasé…

Et il envoie le jingle de la séquence suivante sous les rires des spectateurs du grand studio du 22 de la rue Bayard.

Au fil des mois, le meneur de jeu, qui reçoit quotidiennement un ou plusieurs chanteurs (mais entourés de convives venant d’autres horizons) a mis au point une liste de questions dans laquelle il puise. Exemples :

— Croyez-vous que le certificat d’études suffise à un chanteur ?

— Préférez-vous un article erroné à pas d’article du tout ?

— Préférez-vous être le numéro dix en France que le numéro un à l’étranger ?

— Plaignez-vous les chanteurs qui ne connaissent pas la musique ?

— Accepteriez-vous de participer gratuitement à un gala organisé en faveur des organisateurs de galas dans le besoin ?

— Continueriez-vous à chanter si l’on donnait le S.M.I.G. aux artistes ?

— Pensez-vous que le succès de certaines vedettes vient de la surdité précoce d’une partie du public ?

Les sujets personnalisés sont traités avec le même humour, comme l’attestent ces quelques mots adressés à Antoine :

— Avez-vous moins peur des tomates depuis que vous possédez une exploitation agricole ?7

Plébiscité par les auditeurs, les téléspectateurs et lecteurs du « Figaro » puis de « France-Soir », Bouvard connaît un triomphe de librairie en 1973 avec « Un oursin dans le caviar »8 dont il vendra, toutes éditions confondues, deux millions d’exemplaires. Et, comme on sait, un oursin, ça manque de douceur… Quelques preuves….

À propos de Tino Rossi, il écrit : « La sympathie qu’il éprouve à l’égard de sa propre personne finit par être contagieuse et l’on ne peut faire autrement que de s’y associer. » Deux pages plus loin, on lit : « Pendant quinze ans, j’ai été fâché à mort avec Maurice Chevalier. Il ne me pardonnait guère les piques incessantes que je lui lançais et moi, de mon côté, j’avais fini par lui en vouloir du mal que je disais de lui. » Ou encore, ce souvenir des premiers pas professionnels de l’interprète de « Tombe la neige » :

« J’ai connu Adamo à ses débuts, c’est-à-dire lorsqu’il avait encore ses cheveux, des illusions, pas de femme, pas d’enfant et qu’il ignorait à quoi pouvait servir un couteau à poisson. » Roi de l’interview, Bouvard peut aussi revendiquer une couronne au royaume des farces et canulars.

Lorsqu’il a démarré au « Figaro » (le 1er février 1952), les amateurs de rigolade étaient aussi bien vus que les bons journalistes. Bouvard ne s’est donc pas trompé de porte.

Il a, certes, toujours aimé faire rire, mais a pu être aussi la victime de plaisantins. Flash-back.

Philippe vient à peine d’entrer dans l’âge adulte.

Sensible au beau sexe, mais dépourvu des moyens qui pourraient, à cet égard, lui fournir quelques facilités, il considère comme du pain béni ce qu’un ami plus âgé lui apprend : rue Saint-Honoré, une femme tient une boutique d’antiquités. Et, dans le même établissement, elle organise des rencontres entre des dames de la bonne société en quête d’aventures avec de jeunes gens.

Il existe un rituel précis pour pénétrer dans ce cercle très privé. Les jours où la gent féminine attend, la tôlière place dans son étalage un casse-noisettes en bois d’olivier.

Il convient alors de pousser la porte, de cligner de l’oeil droit en affirmant :

— Bonjour, madame, je viens pour le casse-noisettes.

Mais si elle ne réagit pas tout de suite, il ne faut pas s’arrêter à son mutisme. Il suffit de gagner le premier étage. C’est là que les ravissantes créatures guettent le mâle. Tout en montant les escaliers, il est impératif de continuer à répéter :

— J’adore les casse-noisettes !

Philippe juge bien entendu le plan alléchant et, quotidiennement, passe devant le magasin aux promesses enchanteresses. Pendant une semaine, il y manque le sésame, c’est-à-dire le casse-noisettes. Puis, un jour, il apparaît enfin.

Philippe Bouvard n’hésite pas une seconde. Et, comme convenu, annonce le but de sa visite :

— Je viens pour le casse-noisettes !

La commerçante s’empare du fameux objet dont elle indique le prix à son client. Celui-ci n’écoute guère, d’autant qu’il vient de se rendre compte qu’il a omis le clignement de l’oeil droit ôtant ainsi à la phrase prévue son côté magique. Philippe recommence.

Mais son copain l’ayant informé de la méfiance naturelle de la tenancière, le visiteur se précipite vers les marches le séparant du septième ciel tout en n’oubliant pas de clamer haut et fort son faible pour les casse-noisettes !

Quelques minutes plus tard, Philippe a réalisé que l’étage où il se trouve n’est celui d’aucune volupté….

Police secours le fit redescendre à la fois au rez-de-chaussée et sur terre. Et ne crut pas un traître mot de cette invraisemblable histoire de casse-noisettes…

Travailleur acharné, Bouvard trouve toujours du temps pour rigoler. Directeur des services parisiens du « Figaro », il s’amuse aux dépens d’une jeune collaboratrice à peine sortie du couvent où elle a achevé ses études et dotée d’une très grande naïveté. Ainsi lui demande-t- il de se procurer une photo du plus beau clocher de la ville de Bruges. Et précise :

— En flamand, on l’appelle un godemichet… La demoiselle passe des dizaines de coups de fil, à la recherche du célèbre objet en s’étonnant à peine des rires qu’elle peut susciter… Dans la foulée, Bouvard l’envoie à une conférence de presse « importante » donnée par un certain M. Depasse, propriétaire d’un hôtel.

— Je n’ai pas l’adresse, précise le blagueur, mais dans le quartier de La Chapelle, l’Hôtel Depasse est très connu… La fille obéit, se renseigne, rentre bredouille et mécontente d’avoir reçu des propositions malhonnêtes de la plupart des hommes auprès desquels elle s’est renseignée…

Dans un autre registre, Bouvard compose une fausse chronique de François Mauriac que le secrétaire de rédaction chargé de la relecture expédie à la composition sans sourciller ! Le coupable rattrape l’objet de son délit juste avant le bouclage… Avec des complices déguisés en médecins ou en infirmiers, il organise des visites médicales bidon destinées à accueillir les nouveaux venus dans la rédaction… Pour la première de « RTL non-stop », l’animateur a droit à un baptême d’un genre particulier. Alors qu’il vient de souhaiter la bienvenue aux auditeurs, Philippe voit ses notes enflammées par l’un de ses collaborateurs.

Parallèlement, un deuxième lui retire chaussures et chaussettes et lui plonge les pieds dans une bassine d’eau froide. Pendant qu’un troisième s’installe face à lui, baisse son pantalon et lui montre ses fesses !

Quand on résiste à autant d’assauts, on peut ensuite faire face à toutes les situations… Bouvard n’est jamais en retard, ni à ses rendez-vous, ni d’un canular. Un jour, il apprend que la baronne de Rothschild a égaré un bracelet à Longchamps et qu’elle a publié une annonce promettant une récompense à qui le retrouvera. À l’antenne, il fait téléphoner Gilbert Bécaud prenant un accent nord-africain et affirmant être en possession du bijou… La dame ne prendra pas bien la plaisanterie qui, pourtant, a diverti le public.

À la télévision, pour les débuts d’Antenne 2, en janvier 1975, le journaliste-animateur se lance dans les variétés, le vendredi à 20 h 30. « Bouvard en liberté » n’a rien d’un défilé promotionnel comme ceux organisés chez Guy Lux. Celui qui passe pour un « affreux jojo » continue à mettre ses invités sur le gril. Ainsi obtient-il de Serge Gainsbourg – qui n’a pas été prévenu – qu’il se rase devant les caméras… Dès septembre 1975, Bouvard revient au talk-show du samedi soir qu’il baptise « Dix de der ». C’est dans le cadre de cette émission qu’il suscite la colère de Jacques Chirac, alors premier ministre.

Récit par Bouvard :

— Un brave type nommé André Fosset, sénateur, était ministre de la Qualité de la Vie. Il inaugurait le portefeuille. J’ai chargé un de mes collaborateurs de préparer une documentation afin d’étayer mes questions. J’ai découvert deux lignes précisant que notre homme était extrêmement économe et que, non content d’éteindre l’électricité quand il quittait son bureau, il ramassait les trombones ayant glissé par terre… Avant le démarrage de l’émission, je lui ai expliqué à quel point je jugeais ce geste formidable, mais que si je me contentais de le relever, ce serait banal. En plus, on risquerait de ne pas me croire ! Je lui ai proposé de visualiser le geste.

À un moment, j’expulserais les attaches métalliques des papiers que j’aurais à la main, elles tomberaient, le ministre les récupérerait et me les tendrait en me signifiant qu’il convient de ne pas déjeter ces petits objets !

Fausset, qui n’a pas vu malice, a accepté ! Le lendemain, tout le monde rigolait de l’avoir vu à quatre pattes devant moi pour cette raison-là ! À la suite de cette péripétie, Jacques Chirac est intervenu et a interdit à ses ministres de répondre désormais à mes invitations… Dans le cadre de « Dix de der », Philippe Bouvard se sert habilement de la caméra cachée. En compagnie de Jean Herbert (futur Popeck) et de Rosette Young (ancienne Miss France), il a monté toutes sortes de numéros.

— Avec des moyens financiers appréciables et la bénédiction de nos supérieurs, nous avons créé le « Musée du gouvernement ». En plein centre de Paris, nous avions installé une grande tente remplie d’objets divers gardés par de faux gardes républicains. L’endroit était ouvert à tous et truffé de caméras et de micros dissimulés. Ainsi pouvait-on notamment admirer le crâne de Valéry Giscard d’Estaing enfant… Ou encore une assiette contenant des restes de viande collés et une étiquette : « Entrecôte que Jean-Jacques Servan-Schreiber était en train de manger lorsqu’on vint lui apprendre après onze jours de ministère qu’il était démissionné… » Et les braves gens disaient : « Tu vois, il n’a même pas eu le temps de finir son repas ! » Rosette Young tient les rôles les plus variés.

— Nous avions loué une roulotte installée à la Foire du Trône et déguisé Rosette en gitane. À l’entrée – gratuite –, une pancarte indiquait : « Divination par la confituromancie » ! Les clients mettaient la main d’abord dans une énorme assiette de confiture et ensuite sur une feuille de papier blanc ! Et, enfin, Rosette leur révélait leur avenir… J’ai découvert bien après qu’il existe un test sérieux consistant à plonger une main dans l’encre pour décrire le caractère. C’était donc un peu prémonitoire !

Tout autre registre… – Rosette jouait une prostituée, et Jean Herbert, un vieux monsieur à peu près aveugle, qui s’approchait d’une dame promenant son chien. Il expliquait à cette dernière qu’il devait retrouver une jeune femme, mais que, voyant mal, il n’était pas sûr de la reconnaître.

Il précisait qu’elle était jolie et portait une jupe très courte. La dame l’identifiait et le vieux lui proposait d’aller la trouver en lui indiquant que son rendez-vous était arrivé. Sans s’en rendre compte, la passante servait alors d’intermédiaire dans un dialogue entre personnes parlant la même langue ! Car le bonhomme était certes aveugle, mais ni sourd, ni muet ! Cela donnait ceci :

L’aveugle : Demandez-lui combien elle prend.

La dame : Le Monsieur veut connaître le tarif…

La prostituée fixait son prix.

L’aveugle : Dites-lui que c’est très cher !

La dame : Il dit que c’est très cher !

La prostituée : Oui, mais, précisez bien que je lui ferais plein de trucs !

La dame (très sérieusement) : Oui, mais elle vous fera plein de trucs !

Au bout d’un moment, ils s’accordaient. Le vieux s’apprêtait à s’en aller avec la ravissante créature quand il se retournait vers la passante :

— On va à l’hôtel ! Vous ne viendrez pas avec nous ? Et, toujours au premier degré, elle répondait :

— Ce serait avec plaisir, mais je ne peux pas, j’ai le chien !

Certaines célébrités pouvaient faire les frais des scénarios élaborés par Philippe Bouvard. Frédéric François, par exemple :

— On avait expliqué à ce chanteur encore jeune qu’il avait été choisi pour laisser l’empreinte de son pied dans ce qui allait devenir à Nogent-sur-Marne le « Grand boulevard des vedettes ». Il en avait été flatté et était venu le jour dit. On l’avait prié de retirer sa chaussure et de poser le pied dans un seau de ciment. Un peu plus tard, un machiniste avait crié : « Eh ! les gars, il est midi, on a une heure de pause ! » Toute l’équipe était partie, tandis qu’une caméra continuait à filmer à son insu Frédéric François et que le ciment commençait à prendre… Un grand moment ! Mais l’intéressé m’en veut toujours…

3. Interview réalisée par l’auteur en 2008.

4. À l’époque, maire de Rouen et sénateur. En 1965, il s’était présenté contre De Gaulle à l’élection présidentielle. Il deviendra ministre de la Justice en 1974 lorsque Valéry Giscard d’Estaing sera élu président de la République.

5. Secrétaire général du Parti communiste.

6. Patron de l’Olympia.

7. Questions citées par Philippe Bouvard dans « Comment devenir animateur de radio sans se fatiguer » – Édition de la Pensée Moderne – 1969

8. Éditions Stock

Michel Audiard projette de placer de vraies bombes dans un faux lupanar

Je veux devenir un jeune metteur en scène des années 70 parce que j’en ai marre d’être un vieux dialoguiste des années 50.

Après avoir prêté (lisez « vendu », et très cher) sa plume à des films comme « Le rouge est mis » de Gilles Grangier, « Maigret tend un piège » de Jean Delannoy, « Le Président » d’Henri Verneuil, « Les Tontons flingueurs » de Georges Lautner, « 100 000 dollars au soleil » d’Henri Verneuil ou « La grande sauterelle » de Georges Lautner, le génial Michel Audiard décide d’ajouter une corde à son arc.

Avec des bonheurs divers, et souvent assassiné par beaucoup de critiques n’appréciant pas son talent et supportant encore moins son succès, il signe « Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages », « Une veuve en or », « Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas… mais elle cause », « Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques », « Le Drapeau noir flotte sur la marmite », « Elle cause plus… elle flingue », « Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard », « Bons baisers à lundi ».

Au fil de ses expériences de réalisateur, Michel Audiard admet qu’il n’y trouve pas le bonheur espéré.

Il gèle à pierre fendre durant l’hiver 1973-1974, époque du tournage de « Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard ». Le thermomètre affiche moins six degrés de moyenne !

Dépité, Michel Audiard regrette publiquement sa bifurcation :

— Je crois que ça a été une erreur, déclare-t-il. J’avais le métier le plus agréable du monde… Maintenant, je me tape huit heures de tournage par jour dans le froid et l’inconfort, et je me rends compte que je ne suis pas fait pour ça du tout9.

Audiard bouclera encore un long-métrage après celui-là, « Bons baisers… à lundi », puis se consacrera à nouveau exclusivement à l’écriture.

« Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard » (avec Jean Carmet, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Jane Birkin, Évelyne Buyle, Stéphane Audran, Daniel Prévost, Robert Dalban) sort dans les salles obscures le 19 juin 1974. À cette période-là, la France se passionne surtout… pour la Coupe du Monde de football !

Michel Audiard n’apprécie pas cette redoutable concurrence et ne se gêne pas pour le faire savoir :

— Le football, j’ai jamais tellement apprécié. Aujourd’hui, je me sens férocement contre. Avec des matches retransmis à la télé, ça en fait des gens qui désertent le cinoche et restent devant leur poste. Ce n’est pas le moment… Pour la sortie de « Elle cause plus…, elle flingue », j’ai déjà pris les jeux Olympiques dans la gueule, alors ce coup-ci, je me sens méfiant.

À Paris, « Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard » restera quinze semaines à l’affiche et attirera 265 681 spectateurs.