Bons baisers de Kaboul - Frank Andriat - E-Book

Bons baisers de Kaboul E-Book

Frank Andriat

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Beschreibung

Age : 13 ans et +  Niveau de lecture : 5e-4e et +

Bazar de Kaboul. En plein jour, Alexia, qui travaille pour Médecins sans frontières, disparaît sans laisser de traces.

Confrontée aux difficultés du terrain sa collègue, Najmah, ne voit d’autre solution que d’appeler Bob à la rescousse. Il n’hésite pas une seconde à s’envoler pour l’Afghanistan où il vivra des aventures pas toujours… roses.

Voici une nouvelle aventure captivante pour Bob Tarlouze !

EXTRAIT

— BOB-JAN ?
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je reconnaîtrais la voix de Najmah entre mille. Ma nounou historique, revenue à Paris ? Je n’en crois pas mes oreilles…
— Bob-jan ? répète-t-elle.
— Najmah, c’est toi ?
Elle éclate de son rire clair qui a ravi tant de mercredis après-midi de mon enfance.
— Bob-jan, je t’appelle de Kaboul. Ça coûte bonbon !
Bon sang, si elle me téléphone d’aussi loin, c’est qu’elle a besoin de moi ! Je retrouve mes esprits et lui demande sans détour quand elle souhaite que je la rejoigne.
Elle éclate à nouveau de rire.
— Ça te coûtera moins cher de m’expliquer sur place pourquoi tu m’appelles.
— Attends, me dit-elle, Kaboul, ce n’est pas la Porte de Versailles ! Je te téléphone parce que j’ai besoin de tes lumières. Une de mes collègues vient de disparaître et ici, la police n’a pas le temps de s’en occuper.
— C’est bien ce que je dis, Najmah : il faut que je vienne ! Maintenant que j’ai ton numéro, je te rappellerai aussitôt que j’aurai trouvé un billet d’avion et obtenu un visa. J’arriverai dès que possible.
Un blanc à l’autre bout du fil. J’imagine Najmah muette de surprise, son joli minois de princesse étonnée et ses yeux fleuris de points d’interrogation. Elle me connaît suffisamment pour savoir que je suis capable de transformer mes paroles en actes. Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir.

CE QU'EN PENSE LA PRESSE 

- "Ce roman socio-policier marque un nouveau jalon dans une œuvre abondante et de qualité de Frank Andriat" - L'Avenir

- "Ce roman frôle le coup de cœur" - D'un livre à l'autre

- "Un héros sympa, en somme, avec lequel on passe quelques heures d'agréable lecture. On ressort du livre le sourire aux lèvres. Merci." - RiveDieu

- "Une aventure pleine d’humour et de rebondissements qui montre aux lecteurs qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Un roman qui devrait plaire aux jeunes de 13 à 113 ans, car tous, adolescents et adultes, verront leur lecture ponctuée de grands éclats de rire." - Vlan

- "Ce personnage très attachant nous montre une nouvelle facette de Frank Andriat. Outre l’enquête policière, ce roman touche à plein d’autres choses : acceptation de la différence, amour de son prochain, respect, bref toutes ces valeurs humanistes que l’auteur défend dans ses autres romans, le plus de celui-ci étant son humour, parfois un peu potache, mais tellement rafraîchissant. Très bien. A partir de 12 ans." - L’ibby lit

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Frank Andriat griffonne ses premiers poèmes dès l'âge de treize ans, encouragé par son professeur, l’écrivain Jacques Crickillon. Depuis lors, devenu professeur à son tour, il n'a cessé d'écrire notamment sur l’importance de l’ouverture au vivant. Tous ses livres sont une manière de témoigner et de rendre hommage à la vie, à l’amour et aux autres, sans qui rien ne serait possible.
Il a publié plus de vingt livres dont notamment la série Bob Tarlouze parue chez Ker Editions.

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Du même auteur

Chez le même éditeur

Les aventures de Bob Tarlouze

Arrête ton baratin !, 2013.

Mise en scène, 2014.

Chez Desclée de Brouwer

Avec l’Intime, 2009

Pont désert, 2010.

Reçois et marche, 2011.

Jolie libraire dans la lumière, 2012.

Le vieil enfant, 2014.

Chez Grasset-Jeunesse

Depuis ta mort, 2004.

Mon pire ami, 2006.

Voleur de vies, 2008.

À moitié vide, 2009.

Je voudr@is que tu…, 2011.

Chez Marabout

Clés pour la paix intérieure, 2014.

Chez Mijade

La remplaçante, 1996.

Rue Josaphat, 1999.

Ado blues, 2002.

Monsieur Bonheur, 2003.

La douce odeur des pommes, 2003.

Vidéo poisse, 2007.

Le coupable rêvé, avec André-Paul Duchâteau, 2007.

Tabou, 2008.

Journal de Jamila, 2008.

L’amour à boire, 2008.

Aurore barbare, 2008

Rose bonbon, noir goudron, 2009.

Rose afghane, 2012.

La forêt plénitude, 2013.

Le stylo, 2014.

Je t’enverrai des fleurs de Damas, 2014.

À la Renaissance du Livre

L’arbre à frites, 2011.

Bart chez les Flamands, 2012.

Les profs au feu et l’école au milieu, 2013.

Moi, ministre de l’Enseignement, 2014.

Le site de l’auteur

www.andriat.fr

à Chekeba et aux collaborateursd’Afghanistan Libre.

La Chance, ici, c’est Inch Allah,si Dieu le veut, tout peut arriver,le meilleur, comme le pire…

Hadja Lahbib

Allô et je me jette à l’eau

— Bob-jan1 ?

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je reconnaîtrais la voix de Najmah entre mille. Ma nounou historique, revenue à Paris ? Je n’en crois pas mes oreilles…

— Bob-jan ? répète-t-elle.

— Najmah, c’est toi ?

Elle éclate de son rire clair qui a ravi tant de mercredis après-midi de mon enfance.

— Bob-jan, je t’appelle de Kaboul. Ça coûte bonbon !

Bon sang, si elle me téléphone d’aussi loin, c’est qu’elle a besoin de moi ! Je retrouve mes esprits et lui demande sans détour quand elle souhaite que je la rejoigne.

Elle éclate à nouveau de rire.

— Ça te coûtera moins cher de m’expliquer sur place pourquoi tu m’appelles.

— Attends, me dit-elle, Kaboul, ce n’est pas la Porte de Versailles ! Je te téléphone parce que j’ai besoin de tes lumières. Une de mes collègues vient de disparaître et ici, la police n’a pas le temps de s’en occuper.

— C’est bien ce que je dis, Najmah : il faut que je vienne ! Maintenant que j’ai ton numéro, je te rappellerai aussitôt que j’aurai trouvé un billet d’avion et obtenu un visa. J’arriverai dès que possible.

Un blanc à l’autre bout du fil. J’imagine Najmah muette de surprise, son joli minois de princesse étonnée et ses yeux fleuris de points d’interrogation. Elle me connaît suffisamment pour savoir que je suis capable de transformer mes paroles en actes. Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir.

— J’avais justement besoin de prendre l’air. Ne dis pas non, impossible de retrouver une disparue par téléphone, je serai plus efficace sur place. Je te rappelle dans quelques jours.

— Bob-jan, Kaboul n’est pas un lieu de villégiature !

— Si tu y vis, Najmah, c’est la plus belle ville du monde !

Malgré le temps qui a passé, je n’ai jamais perdu le contact avec elle. Les treize années qui nous séparent se sont rétrécies depuis que j’ai grandi. Lorsque j’en avais six et qu’elle en avait dix-neuf, même si j’étais un peu en avance pour mon âge, le gouffre de la réalité nous séparait. Aujourd’hui, je suis adulte comme elle, qui semble rajeunir au fil de nos rencontres. Lorsqu’elle sourit, ses trente-quatre ans s’effacent et le collier de barbe que je me suis laissé pousser pour mieux ressembler à ma panthère d’amour me donne un air viril qui ajoute quelques rides à mes vingt et un ans. Najmah la courageuse… En voilà une qui a réalisé ses rêves : après avoir réussi ses études de médecine et avoir obtenu un poste d’urgentiste dans un hôpital lyonnais, elle s’est proposée chez Médecins sans frontières. Son objectif ultime, dont elle me parlait déjà lorsqu’elle faisait le ménage chez nous, il y a plus de dix ans. Ils ont fini par l’envoyer en Afghanistan, son pays. Rien d’étonnant à cela : n’en parlait-elle pas la langue ? N’en connaissait-elle pas les coutumes ?

Chaque fois que je songe à elle, mon cœur part en vrille. Najmah, ses yeux d’un vert tendre et sa peau ambrée, Najmah et sa délicatesse, Najmah et sa justesse. Cela m’a fait tant de mal lorsqu’elle nous a quittés pour vivre ses aventures. J’avais dix ans et soudain, le monde s’écroulait. Afin de marquer son dernier jour de travail à la maison, mes parents l’avaient invitée à dîner. Pour que la fête soit complète, j’avais décrété qu’on mangerait un boudin compote. Najmah avait souri, reconnaissant mon enthousiasme pour ce plat et m’avait gentiment précisé qu’étant musulmane, le boudin noir et elle, cela faisait deux.

— Pour une fois, Najmah, allez ! Allah n’en saura rien !

— Même s’Il ferme les yeux, moi, je le saurai, Bob-jan. Je crois que tu peux comprendre que cela me dérange.

Comme toujours, elle avait raison. Il restait trois jours avant le repas de départ et je ne voulais pas qu’il fût manqué. J’ai filé dans la cuisine en disant à ma mère qu’au fond, nous avions mangé du boudin la semaine précédente et que je préférais qu’elle prépare des côtes d’agneau avec de la purée de carotte. Elle a souri silencieusement mais Johnny, mon raffiné père qui passait par là pour prendre une cannette dans le frigo, m’a entendu et a cru bon de déclarer :

— Tu ne veux pas qu’on lui mijote plutôt un couscous, à ton Arabe ?

Ma mère a eu une mimique outrée et moi, malgré mes dix ans et le respect que j’étais censé avoir pour cette outre, j’ai crié :

— Quel con, mais quel con ! Elle travaille ici depuis des années et tu ne sais pas encore la différence entre Arabe et Afghan !

J’étais très fâché. Najmah, on ne la critiquait pas, surtout pas ce gros lourd qui confondait sa vie avec un ballon.

— Je suis ton père ! a-t-il hurlé. Et je plaisantais, petit homme rose, je plaisantais… a-t-il conclu d’un ton fade.

Ma mère et moi l’avons laissé rejoindre le salon sans réagir. Cela valait mieux : avec lui, le ton monte toujours très vite. Surtout que, dès qu’il est mal luné, il cesse de se contrôler, se noie dans un océan de bêtise, devient obscène et est prêt à repeindre la France en bleu marine rien que pour m’ennuyer.

Le repas d’adieu s’est bien déroulé. Johnny a fait bonne figure et a même posé quelques questions à Najmah sur ses projets de futur médecin. Les côtes d’agneau n’étaient pas trop cuites, juste joliment rosées, tendres à souhait. Si je n’avais songé sans cesse que ce mercredi soir était le dernier où Najmah et moi partagerions un moment ensemble, j’en aurais profité.

Dans mon cerveau rose, tout tournait fou. À dix ans, j’étais plus proche des émotions de l’enfance que du raisonnement de l’âge adulte. Je perdais une fée, mon inspiratrice. C’était un peu comme si on m’avait dit que la panthère rose n’avait jamais existé. Un séisme de niveau 9 sur l’échelle de mes artères ! Alors que j’avais déjà trop mangé, j’ai redemandé du dessert afin de prolonger le repas. Cela a fait plaisir à Johnny qui y a trouvé un prétexte pour se servir une troisième fois.

— Voilà un domaine où je me reconnais père de ce petit ! Il a mon appétit !

— Je mange pour ne pas pleurer, ai-je dit. Je ne veux pas que Najmah quitte ma vie.

— Nous ne nous quitterons pas, Bob-jan. Nous resterons l’un près de l’autre dans la mémoire de nos cœurs.

— Allez, allez, allez ! a crié Johnny, comme il le fait lorsqu’il pense que le ballon va trouver le chemin des filets. On se croirait au festival du film d’amour !

Najmah et moi l’avons regardé comme s’il était un zombie, un être vivant pas tout à fait vrai, et ça l’a instantanément calmé. Mais j’ai vu dans ses yeux que cela l’énervait qu’une « Arabe », même future médecin, le scanne avec ce qu’il a sûrement pris pour du mépris.

Quand, après le café, Najmah s’est levée et nous a remerciés pour notre gentillesse durant toutes ces années, je ne me suis plus retenu, j’ai éclaté en sanglots. Elle s’est approchée de moi, m’a serré dans ses bras, m’a soufflé à l’oreille qu’elle me donnerait de ses nouvelles et qu’elle ne m’oublierait jamais.

— Jamais, Bob-jan ! a-t-elle répété en s’écartant lentement de moi et en me regardant dans les yeux.

Je me suis rendu compte que mes larmes m’empêchaient de la voir et j’ai séché mes yeux.

— Je t’aimerai toujours, Najmah, ai-je dit et j’ai vu dans son regard l’émotion qui passait comme un héron dans un ciel paisible.

— Moi aussi, a-t-elle dit.

Ma mère et Johnny n’existaient plus. C’était probablement la première fois qu’ils prenaient conscience de la proximité qui nous unissait, Najmah et moi. Je perdais l’amour de ma vie à l’aube de l’adolescence. Najmah s’est écartée de moi, a enfilé sa veste, nous a adressé un signe de la main et un sourire et s’est dirigée vers la porte. Bon sang de bon sang ! L’image s’inscrivait dans mon cœur au ralenti, en profondeur. Je crevais de tristesse mais pour elle, je voulais être fort. J’ai souri jusqu’au moment où elle m’a envoyé un dernier baiser du bout des doigts. La porte s’est refermée sur elle. C’était fini, c’était trop dur. Mon estomac n’a pas tenu le coup. Je me suis plié en deux et j’ai vomi le repas plantureux que j’avais ingurgité.

— Gaspilleur ! a hurlé Johnny.

Pour une fois, ma mère lui a tenu tête et a lancé :

— Laisse-le tranquille. Tu ne vois pas comme il est malheureux ?

Je n’aimais pas me donner en spectacle, surtout devant le vieux, mais je ne pouvais pas affronter ce séisme avec sérénité. Je ne tournais pas une page de ma vie, je passais carrément au tome deux !

Comme souvent, le temps a façonné un nid où déposer ma douleur. Même si des cicatrices demeurent, on peut guérir de toutes les souffrances. Najmah a tenu parole : elle m’a aidé à tenir le cap. Chaque semaine, elle m’écrivait des lettres à l’encre verte postées de Lyon, où elle vivait désormais. Des pages entières où elle me racontait son quotidien et ses succès. Je lui répondais en turquoise, sur du papier rose. Johnny riait de cette correspondance qu’il ne comprenait pas.

— En général, Bob, les hommes choisissent des femmes plus jeunes qu’eux ! Mais tu n’es pas un homme…

Je faisais la sourde oreille, profitant de ce père tendre et aimant. Seules m’importaient les missives de Najmah et la tendresse qui les habitait. Comment pouvait-elle voir la vie en beau après ce qu’elle avait vécu ? N’avait-elle pas dû fuir son pays et s’intégrer dans une ­société qui ne l’accueillait pas à bras ouverts ? Comment Johnny pouvait-il se montrer aussi nul alors qu’il n’avait connu aucune guerre et qu’il vivait le cul dans la farine ? Les mystères de l’âme humaine…

Quand Najmah m’a annoncé qu’elle était engagée par Médecins sans frontières et qu’elle s’apprêtait à rejoindre son pays pour y aider les siens, victimes des combats entre factions rivales, j’ai eu un deuxième coup de blues. Je l’ai mieux géré, sans doute parce que j’étais plus mûr et que la vie m’avait appris que ne sont loin de nous que celles et ceux à qui nous ne donnons pas d’amour. Les lettres à l’encre verte se sont raréfiées : Najmah et moi les avons progressivement remplacées par des mails. Plus rapides, plus pratiques : inutile de dire que le courrier postal entre Kaboul et Paris ne voyage pas aussi vite qu’un Chronopost !

Malgré ce lien, c’était la première fois que Najmah me téléphonait, ce qui me laissait penser que la situation devait être plus grave qu’elle ne l’avait laissé paraître. Malgré son ton enjoué et paisible, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle était en danger. J’ai souvent tenté d’imaginer sa vie là-bas, entre les bombes et les délires assassins des terroristes. Je ne connais de l’Afghanistan que ce qu’on en voit à la télé et ce n’est pas de la tarte. Mais Najmah était toujours vivante et semblait n’avoir rien perdu de sa paix intérieure.

J’imagine la réaction de Johnny et de ma mère lorsqu’ils apprendront que je suis là-bas. Heureusement que je ne vis plus avec eux : je pourrai filer en douce ! Mon patron risque de ne pas être ravi de cette absence inopinée mais peu m’importe. J’ai accumulé suffisamment de jours de congé pour pouvoir m’absenter sans avoir trop de problèmes. Et tante Audrey, la comptable de la boîte, me soutiendra. Il faudra que je vous raconte comment j’en suis arrivé là, mais ce n’est pas le sujet de notre histoire.

1 En pachtou, le suffixe jan (cher, chère) est apposé à la fin d’un prénom en signe d’affection.

J’en tombe là !

Voler vers Kaboul, c’est le dépaysement garanti : le plus long vol de ma courte vie. Le temps de me demander si je n’aurais pas mieux fait d’écouter Najmah… Kaboul, c’est une autre affaire que Malaga, où Johnny et ma mère m’ont emmené en vacances pour fêter mon succès dans l’affaire du théâtre, au lycée. Un succès qui m’avait valu d’apparaître dans le quotidien favori de Johnny. Il n’y a que dans ces cas-là qu’il me confond pendant quelques jours avec ses idoles du ballon rond. Au fond, malgré ses remarques assassines, il est alors fier de moi. Triste qu’il soit incapable de me le dire !

Je n’ai pas prévenu mes parents de mon départ pour l’Afghanistan. Ma mère se serait fait un sang d’encre. Je l’ai appelée en coup de vent pour lui annoncer une absence d’une quinzaine de jours, hors de toute connexion. J’avais besoin de recul pour faire le point sur moi-même, lui ai-je dit. Elle a semblé décontenancée :

— Tu vas bien, Bob ?

— Très bien, maman. Mais j’ai besoin de silence et de vide pour aller mieux encore.

— Tu m’étonneras toujours !

Je lui ai demandé de saluer Johnny de ma part et j’ai raccroché. Son inquiétude transpirait jusque dans mon portable. Dans ces moments-là, elle est la reine des questions indiscrètes.

Pour inaugurer ce grand voyage, j’ai ­acheté une belle valise rose. Celle-là, je la repérerais sur le tapis roulant de l’aéroport ! À Kaboul surtout, où elles ne doivent pas être monnaie courante. Najmah m’avait pourtant demandé d’être discret, de me couler dans la masse et de ne pas insister sur les couleurs voyantes. Il paraît qu’un homme en rose passe mal en Afghanistan.

— Il faut être prudent, Bob-jan. Tu ne seras pas en France : il faut respecter les susceptibilités et les limites de chacun. Je ne voudrais pas que tu aies des problèmes dès ton arrivée dans mon pays.

Même de la part de Najmah, je n’aime pas qu’on fasse des allusions à ma manière de me vêtir.

— OK, ai-je rétorqué vivement, je ne mettrai pas de tchadri2 rose. Les chaussettes alors, ou l’écharpe.

— Le slip, Bob-jan, ce sera plus discret.