Fais pas l'andouille ! - Frank Andriat - E-Book

Fais pas l'andouille ! E-Book

Frank Andriat

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Beschreibung

Age : 13 ans et + - Niveau de lecture : 5e-4e et +

Chassez le naturel…il revient au galop !

Les vacances !
Bob a emmené son ami La fouine en Bretagne où il a décidé d’oublier ses enquêtes. Mais voilà que Crac, la corneille, disparaît. Bob est appelé à l’aide par sa propriétaire, car Crac n’est pas n’importe qui : animal de compagnie et médiatrice thérapeutique !

Terre de légendes et de traditions, le Morbihan n’aime pas se dévoiler et met de nombreux bâtons dans les pattes de notre enquêteur rose.

Un quatrième tome bourré d’humour et de rebondissements !

EXTRAIT

Les vacances, c’est sûr, cela fait du bien ! Après mes exploits à Kaboul, il était temps que je lève le pied et, dans cette optique, rien de mieux que la Bretagne. Tu arrives là-bas et tu oublies la France et les ennuis qu’elle te procure. Une fois que tu dépasses Rennes, tu es ailleurs. Tout a un goût plus prononcé, à commencer par le beurre salé. Ici, on ne se contente pas de bonnes paroles, on les vit ! Évidemment, pour gagner en plénitude, il reste à éviter les Parisiens en goguette. Et les autres : ces milliers de vacanciers qui affluent sur les côtes et envahissent les crêperies de chaque ville un chouïa pittoresque.
Pour les bains de foule, il existe cent coins à conseiller. Pour le business aussi. Mais moi, je n’aime pas cela. Mes vacances sont synonymes de vide, de bonne grosse glandouille désorganisée. Pas question de jouer au touriste béat : l’idée seule me fatigue. Pas question de tirer des plans sur la comète, ni de me créer une indigestion de monuments incontournables et de sites historiques. Les vacances, c’est rien de rien : je prends mes aises, à l’exemple de ma chère panthère rose.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Frank Andriat griffonne ses premiers poèmes dès l'âge de treize ans, encouragé par son professeur, l’écrivain Jacques Crickillon. Depuis lors, devenu professeur à son tour, il n'a cessé d'écrire notamment sur l’importance de l’ouverture au vivant. Tous ses livres sont une manière de témoigner et de rendre hommage à la vie, à l’amour et aux autres, sans qui rien ne serait possible.
Il a publié plus de vingt livres dont notamment la série Bob Tarlouze parue chez Ker Editions.

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pour Catherine, Lionel et Marie, doux amis de Bretagne.

Vous savez, des fois je me demande si je suis normal. La réponse est non. Mais la réponse ne m’inquiète pas. Ce qui compte c’est la puissance de la joie qui éclate à la vitre de nos yeux.

Christian Bobin, L’homme-joie

Vacances dans les terres

Les vacances, c’est sûr, cela fait du bien ! Après mes exploits à Kaboul, il était temps que je lève le pied et, dans cette optique, rien de mieux que la Bretagne. Tu arrives là-bas et tu oublies la France et les ennuis qu’elle te procure. Une fois que tu dépasses Rennes, tu es ailleurs. Tout a un goût plus prononcé, à commencer par le beurre salé. Ici, on ne se contente pas de bonnes paroles, on les vit ! Évidemment, pour gagner en plénitude, il reste à éviter les Parisiens en goguette. Et les autres : ces milliers de vacanciers qui affluent sur les côtes et envahissent les crêperies de chaque ville un chouïa pittoresque.

Pour les bains de foule, il existe cent coins à conseiller. Pour le business aussi. Mais moi, je n’aime pas cela. Mes vacances sont synonymes de vide, de bonne grosse glandouille désorganisée. Pas question de jouer au touriste béat : l’idée seule me fatigue. Pas question de tirer des plans sur la comète, ni de me créer une indigestion de monuments incontournables et de sites historiques. Les vacances, c’est rien de rien : je prends mes aises, à l’exemple de ma chère panthère rose.

Léon et Katell, mes amis de toujours, ont le cœur sur la main. Avec eux, il suffit d’un coup de fil pour me sentir enveloppé. La voix flûtée de Katell et son rire aérien comme un bouquet de fleurs sauvages. Le ton grognon de Léon pour me signifier, en un apérimot, qu’il m’adore. Je n’avais pas fini de leur dire bonjour au téléphone que l’affaire était pliée :

— Tu viens quand tu veux, Bob ! Notre maison est la tienne.

— J’ai promis à La fouine de lui faire découvrir la Bretagne profonde. Je lui dois bien ça.

— Plus on est de fous, plus on rit ! Et cela nous fera plaisir de le connaître.

Léon et Katell sont généreux, c’est ainsi. Accepter que je vienne chez eux avec La fouine relève de l’abnégation, du sacrifice, du christianisme originel. Léon ne supporte pas les criminels de la finance internationale et voilà que j’en amène un dans ses murs !

Il n’en demeure pas moins que, malgré son bec puant et son besoin de transformer chaque geste en monnaie trébuchante, La fouine m’a sauvé la vie. Sans lui et ses collègues japonais, je serais resté à Kaboul, entre les griffes de Sulayman et de ses sbires1. J’ai pris les devants, avant qu’il me présente la note, en lui demandant ce qui lui ferait plaisir. Contre toute attente, il m’a répondu qu’il rêvait d’oublier, juste quelques jours, le monde de la croissance et la valse des dollars.

— J’ai besoin de me ressourcer, loin de tout ! Tu me paies un séjour aux Maldives ?

— Pour que tu y retrouves les tontons flingueurs de la finance en maillot avec leurs maîtresses siliconées et tes habitudes de bourgeois ? Si tu veux ressentir ce que c’est d’être loin de tout, accompagne-moi dans le Morbihan.

— Rien de mieux que le Mort-bihan pour se couper de la vie !

Je l’ai laissé rire tout seul, en me détournant pour échapper aux effluves pestilentiels du bac à compost qui lui sert de bouche.

— Et il y a quoi, là-bas ? a-t-il demandé après s’être calmé.

— Des chapelles, des calvaires, des massifs d’hortensias, des dolmens et des bois.

— Connexion Internet ?

— Pas dans le hameau où je t’emmène, mais tu pourras profiter d’un service performant à quelques kilomètres.

— Distributeurs de billets ?

— Hors des villes, il n’y a que quelques agences de la Poste.

— La mort, quoi !

— Les vacances ! Tes vautours new-yorkais et autres traders fous te retrouveront encore moins facilement qu’à Kaboul.

La fouine a souri. Son quotidien de financier ne devait pas être facile à supporter : une pression permanente et des millions d’euros ou de dollars à perdre ou à gagner en quelques clics. Le délire ! Comment pouvais-je m’entendre avec un type pareil ? Sans doute à cause de notre seule passion commune : notre plaisir à résoudre des énigmes.

— Une chose encore, ai-je précisé : Léon est un adepte de la décroissance et il ne manque pas une occasion d’éructer virulemment contre ceux qui s’égarent sur les autoroutes du profit.

— Léon ?

— L’ami qui nous logera. Oui, mon cher, il porte le même prénom que toi !

— J’espère que je ne le mènerai pas à la banqueroute.

Je n’ai rien répondu afin d’éviter de glisser avec La fouine sur son terrain de prédilection : le fric, toujours le fric ! Je me suis demandé comment il survivrait à une semaine dans les terres, au cœur de la Bretagne profonde, loin de ce qui le fait vivre et nourrit son imaginaire.

Nous sommes partis quelques jours plus tard. En voiture. Après Rennes, il a commencé à râler. Il croyait être arrivé alors que le Morbihan n’avait pas encore pointé le bout de son nez. Quant à la magie de la forêt de Brocéliande dont je lui vantais les beautés, elle ne semblait avoir aucun effet sur lui. Il observait la nationale avec un sourire sarcastique. Heureusement que nous n’avions pas prévu de rouler jusqu’à Brest ou à Quimper ! La Bretagne ne se découvre vraiment qu’en quittant les grands axes.

Il s’est tassé dans son siège lorsque j’ai abordé les départementales qui serpentent entre les hameaux et les lieux-dits en dessous de Pontivy. Il lisait les plaques en breton en ronchonnant. Moi, je respirais de plus en plus profondément : j’avais le sentiment de laisser derrière moi le stress de la ville et de pénétrer en des lieux de plénitude et de paix que l’homme civilisé n’a pas encore salis. Les fées de Brocéliande et la magie du Roi Arthur devaient y être pour quelque chose.

— Je n’imaginais pas que le bout du monde était aussi loin, a murmuré La fouine en tapotant nerveusement sur son portable.

C’est alors qu’il a constaté qu’il n’avait plus qu’une barre de réseau.

— Je n’y croyais pas quand tu me l’as dit ! Ils ne sont vraiment pas branchés dans le coin ! Même à Kaboul, j’avais plus de réseau qu’ici !

L’énervement accentuait la pestilence de son haleine et j’ai dû prendre sur moi pour ne pas lui demander de se taire. Je savais qu’il ne pouvait pas croire qu’il existât des lieux à ce point vierges des ondes de l’univers virtuel. Lorsque j’ai bifurqué sur la route conduisant au hameau où vivent Léon et Katell, il a laissé échapper un dernier cri :

— La dernière barrette a disparu. J’ai perdu tout contact avec le monde !

— C’est ce que tu voulais, non ?

Il m’a jeté un regard contrit. Il ne pouvait pas se dédire.

— Dans mon boulot, si l’on croit pendant un instant que tu es mort, tu es mort pour toujours.

— Dans ce cas, tu pourras enfin commencer à vivre !

Notre conversation philosophique a été interrompue par l’éclat de rire de Katell qui avait repéré ma voiture et qui courait vers nous. Cheveux au vent, pieds nus sur les cailloux, dans une superbe robe aux tons rouges et or. Derrière elle, le visage à l’ombre d’un chapeau de paille, Léon souriait.

— Bob ! Cela fait trop longtemps !

— Kat, c’est toujours une joie.

La fouine est sorti de la voiture en pianotant sur son smartphone à la recherche de réseau. Léon ne l’a pas loupé.

— Ici, on dit bonjour avant d’envoyer un texto ! Et pas la peine de vous faire trop de ­souci : bienvenue en terres non connectées !

Le ton était donné. Mouché, La fouine a fait profil bas. Il a tendu la main à Léon en grognant un « Enchanté » pas franchement enthousiaste. Je me suis demandé si j’avais eu raison de l’amener ici, dans mon coin de paradis, le seul où je puisse me libérer de toute pression sociale. La fouine méritait-il d’en profiter ? Était-il encore suffisamment ouvert pour savourer la beauté de l’endroit ? À New York, rien ne doit ressembler au Morbihan profond, même pas les fast-foods bio, avec leurs produits 100 % naturels. Comparés aux légumes du potager de Katell, ils font pâle figure.

La fouine a compris que Léon pouvait ne pas être tendre. Il l’a suivi dans la maison et, à ses mimiques, que je connaissais depuis l’enfance, je comprenais qu’il passait de surprise en surprise. J’ai craint que ces chocs à répétition finissent par se révéler mortels. Pas de Wi-Fi, pas de connexion haut débit, pas de réseau, pas de télé, pas de micro-ondes, pas de plaques à induction, pas de sauna, pas de jacuzzi… Il était projeté dans l’univers que ses grands-parents lui avaient décrit avec des bonbons à la myrtille dans la bouche.

— Et vous verrez ! Dans certains hameaux, le confort est plus rudimentaire que le nôtre, l’a raillé Léon.

— Quant au repas, on le cuit dehors, sur les braises, ai-je ajouté. Les tranches de lard en acquièrent une saveur toute particulière.

La fouine m’a jeté un regard à ce point suppliant que je m’en suis voulu de le charrier. Encore un peu et il regretterait d’avoir voulu se couper du monde.

— Pour la chambre, a demandé Katell. Vous préférez la maison ou la caravane ?

— Ca-ra-va-ne ? a-t-il articulé avec difficulté.

— Notre tepee, comme nous disons ! Katell a peint de superbes coquelicots sur la porte. Tout confort, je vous assure, a précisé Léon.

— La porte ferme bien ?

— Nous vivons sans clé, mon pote. On n’est pas à Dubaï ! Et vous verrez le bonheur que l’on éprouve à pisser dans le jardin, le nez dans les étoiles. Pour le reste, nous avons des toilettes sèches sur la gauche.

— Je prendrai la chambre si cela ne vous dérange pas. J’ai des habitudes de citadin.

Le tepee serait donc pour moi et, franchement, cela m’arrangeait. Un calme absolu y règne durant la nuit, ponctué par le cri d’un hibou ou d’une chouette. Je me sentais heureux et, malgré mon inquiétude de voir La fouine péter une durite et me demander de le ramener à la gare TGV la plus proche, je savourais l’idée de vacances bien méritées après la fatigue engendrée par mon expédition afghane. Une fois couché, je rêverais de Najmah, restée à Kaboul, ma douce fée avec qui j’aurais tant aimé partager ce coin de paix et de silence.

1 Voir Bons baisers de Kaboul, Les aventures de Bob Tarlouze, tome 3.

La dure loi du marché

Je me lève le premier après une nuit paisible. Tout le monde dort encore dans la grande maison. Je sors de la caravane à pas de loup. J’adore ces moments de solitude alors que la nature n’est pas encore sortie de la couette de la nuit. Dans mon dos, la demeure silencieuse et, devant moi, déployées comme une mer verte, les collines du Morbihan parsemées de chants d’oiseaux et de coups de pinceau tracés par la lumière enveloppée de rosée. En ces instants, je perds la notion du réel et je me transforme en poète. Hors du temps et de l’espace, j’investis le rêve d’une vie meilleure dont je serais le héros !

Si Johnny, mon père, m’entendait penser, il rirait aussi grassement qu’une saucisse de Francfort. Lui, la première chose qu’il fait après s’être levé, c’est allumer la radio. Il ne peut pas vivre sans « les nouvelles » ! Comme s’il était sain de se polluer le crâne dès le début de la journée ! Cet homme n’est jamais en silence avec lui-même, comme je le suis, ce matin, en communion avec la vie qui s’éveille. C’est cela qui m’a le plus aidé dans les pires moments de mon existence : le silence et la nature, offerte comme un bouquet d’espérance.

Je m’assieds sur le seuil en pierre bleue de la maison. Katell y a disposé des plantes et des fleurs qui peignent le jour en couleurs. C’est ce que j’aime chez mes amis bretons : ils construisent des merveilles avec des bouts de ficelle. Le sens du beau et du paisible se cultive au quotidien, loin des bruits du monde et de l’excitation des villes. La fouine voulait se déconnecter, je crois qu’il n’imaginait pas qu’on pût l’être autant qu’ici. Pas besoin de se rendre en Afghanistan pour couper les ponts : la Bretagne n’est qu’à quelques heures de Paris et elle offre une réalité nouvelle.

Le temps passe sans que je m’en rende compte. Des pas dans l’escalier me tirent de ma contemplation. La porte s’ouvre et j’atterris immédiatement dans un autre univers.

— Quelle nuit ! Tout ce silence, ça tue. J’ai dormi comme un rat, je suis crevé.

La fouine n’a rien vu du paysage, de la nature vive comme une goutte de rosée. Il souffle son haleine de mort dans l’air pur de Bretagne et vide son sac de mots pourris sur mon rêve éveillé.

— Bonjour !

— T’as pu dormir malgré ce calme, toi ?

— Bonjour !

— Ouais, ça va, je ne suis pas sourd !

— Mais tu ne m’as pas répondu.

— Je ne peux pas dire « bonjour » après une nuit pareille. Pfff…

— Lâche ton stress, mon gars. Tu es en vacances !

— Eh bien, je n’aime pas ça ! La Grosse Pomme et les traders me manquent déjà. Qu’est-ce que je gagne à être ici ?

— La paix intérieure.

— Ça rapporte quoi ?

Je soupire. Ce nase est en train de gâcher mon sentiment de plénitude. Qu’il retourne bouffer du stress à la bourse ! Quelle idée ai-je eue de vouloir inviter au nirvana un lardon pareil ? Sans compter que son haleine finira par faire crever les fleurs de Katell !

Elle me sauve la mise en surgissant dans un grand éclat de rire.

— Alors, les garçons ? La vie est belle ?

Elle a dû remarquer que ce n’est pas le cas, mais elle a la délicatesse de ne pas enfoncer le clou.

— Je vous prépare du café. Il y a des crêpes et du caramel au beurre salé. Des abricots et des nectarines aussi. Tout à l’heure, nous irons acheter du kouign-amann2.

Et elle file aussi sec vers le réchaud afin de faire bouillir de l’eau.

— Pas de croissants ? grogne La fouine.

— Tu es en Bretagne, mon pote. Ce n’est pas la France, ici.

Il lui faudra du temps pour déconnecter. S’est-il déjà interrogé sur sa qualité de vie ou n’a-t-il vécu ces dernières années que scotché à ses écrans et aux humeurs de son smartphone ? Qu’a-t-il fait d’autre que jongler avec des chiffres afin de mieux baiser son prochain ? Comment peut-on garder un accès aux valeurs humaines lorsqu’on ne navigue plus que dans un monde où la réalité se fait et se défait en quelques clics ? J’en aurais presque pitié de lui. Même s’il manipule d’énormes sommes d’argent, La fouine n’est qu’un pauvre bonhomme.