Comte De Brecken - Aubrey Wynne - E-Book

Comte De Brecken E-Book

Aubrey Wynne

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Beschreibung

Réputé pour son charme séducteur, le comte de Brecken écume les salles de bal à la recherche d’une héritière fortunée. Les choix possibles se révèlent désastreux jusqu’à ce qu’il rencontre Miss Franklin. Elle est candide et superbe, possède une énorme dot et semble être la réponse à toutes ses prières. Jusqu’à ce que sa conscience fasse une apparition pour le moins inattendue.

Un séduisant comte gallois au bord de la ruine. Une citadine fortunée à la recherche d’un héros.

Miss Evelina Franklin lit beaucoup trop de romans d’amour. Elle est certaine que l’avenir lui réserve un duc séduisant – ou un irrésistible bandit de grand chemin. En attendant, Evie s’amuse des admirateurs qui convoitent sa fortune.

Le comte de Brecken a besoin de liquidités. Feu son père lui a légué son domaine au Pays de Galles en piteux état et sa mère ne lui laissera aucun repos tant que celui-ci n’aura pas retrouvé sa gloire d’antan. Réputé pour son charme séducteur, Madoc écume les salles de bal à la recherche d’une héritière fortunée. Les choix possibles se révèlent désastreux jusqu’à ce qu’il rencontre Miss Franklin. Elle est candide et superbe, possède une énorme dot et semble être la réponse à toutes ses prières. Jusqu’à ce que sa conscience fasse une apparition pour le moins inattendue.

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Seitenzahl: 273

Veröffentlichungsjahr: 2024

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COMTE DE BRECKEN

IL ÉTAIT UNE VEUVE

TOME CINQ

AUBREY WYNNE

SABINE INGRAO

TEKTIME

Copyright © 2021 Aubrey Wynne

Tous droits réservés.

Aucune partie de cet ouvrage ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris les systèmes d’extraction et de stockage d’information, sans la permission écrite de l’auteur, excepté pour de brèves citations lors de critiques littéraires.

Design de couverture : Jaycee DeLorenzo

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Ingrao

Réalisé avec Vellum

TABLE DES MATIÈRES

Comte de Brecken

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Comte de Brecken

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Sans titre

À propos de l’auteure

Autres romances historiques

COMTE DE BRECKEN

Un séduisant comte gallois au bord de la ruine. Une citadine fortunée à la recherche d’un héros.

Miss Evelina Franklin lit beaucoup trop de romans d’amour. Elle est certaine que l’avenir lui réserve un duc séduisant – ou un irrésistible bandit de grand chemin. En attendant, Evie s’amuse des admirateurs qui convoitent sa fortune.

Le comte de Brecken a besoin de liquidités. Feu son père lui a légué son domaine au Pays de Galles en piteux état et sa mère ne lui laissera aucun repos tant que celui-ci n’aura pas retrouvé sa gloire d’antan. Réputé pour son charme séducteur, Madoc écume les salles de bal à la recherche d’une héritière fortunée. Les choix possibles se révèlent désastreux jusqu’à ce qu’il rencontre Miss Evelina. Elle est candide et superbe, possède une énorme dot et semble être la réponse à toutes ses prières. Jusqu’à ce que sa conscience fasse une apparition pour le moins inattendue.

PROLOGUE

Novembre 1809

Château de Brecken, Pays de Galles

Madoc passa la main sur la croupe du cheval, puis il glissa la paume le long de l’intérieur de la jambe gauche et trouva le gonflement. Il releva la jambe arrière de l’étalon.

— Tenez-lui la tête, demanda-t-il au garçon d’écurie, et quand je relâcherai sa jambe, lancez-le au trot.

— Bien, Monsieur.

Il compta jusqu’à cinquante, puis laissa le sabot retomber sur le sol. Le cheval bai à la robe lustrée se mit au trot avec une claudication visible, son sabot grattant légèrement la terre.

— Arrêtez, à présent, et faites-lui faire une dizaine de pas en arrière, puis lancez-le à nouveau au trot.

— Vous pensez que c’est juste un spasme ? s’enquit le garçon par-dessus son épaule.

— Je pense que son grasset est bloqué.

Le cheval se remit en marche sans problème. Madoc, à seulement quinze ans, était déjà réputé pour son amour des animaux. Il dormait dans l’étable si une jument poulinait, passait l’après-midi à mettre au point une attelle pour un mouton ou une chèvre dont la patte était blessée, il passait des heures avec l’apothicaire à discuter de remèdes humains qui pourraient s’appliquer aux autres espèces.

— Alors, avez-vous exercé votre magie, Madoc ? Est-il prêt pour la chasse ? demanda Lord Brecken dont les yeux noisette étincelaient d’or au soleil de l’après-midi.

— J’ai bien peur que non, Père.

Lord Brecken observa le grand étalon qui marchait vers l’écurie.

— Il me paraît en forme, pourtant. C’est mon cheval préféré. S’il ne boite pas, je le monterai.

— Je m’abstiendrais si j’étais vous, Père. Son articulation pourrait à nouveau se bloquer après une longue chevauchée, comme ce fut le cas aujourd’hui.

Madoc prit une grande inspiration et leva les yeux vers le comte qui le dominait de toute sa hauteur. Il espérait atteindre la taille de son père dans quelques années.

— Prenez mon cheval demain, Père. Si j’ai raison, un peu de repos devrait arranger les choses.

— Ha ! Je monterai le mien et s’il a le moindre problème, alors je lui donnerai congé le reste du mois.

Le comte lissa ses cheveux noirs en arrière et ajusta son chapeau. Il plissa les yeux face au soleil et les rides de sourire au coin de sa bouche se creusèrent. Il prit Madoc par l’épaule et la lui serra affectueusement.

— Vous êtes la seule personne de ce comté à oser me contredire, Madoc ! Vous avez hérité de ma témérité, en plus de mon charme naturel.

Madoc n’avait jamais osé se comparer à l’homme remarquable qu’était son père. Oui, ils avaient la même couleur de cheveux et des traits similaires, mais leurs caractères étaient très différents. Le comte était un homme sociable, charmeur et spontané, même si Maman le disait impatient. C’était aussi un meneur né. Et sans peur.

— Père, je–

— Et pas un mot à votre mère, surtout. Elle me harcèlerait toute la soirée.

Le comte de Brecken repartit d’un pas décidé, ses longues jambes avalant rapidement la distance jusqu’aux écuries. Ses larges épaules tendaient le tissu de sa redingote grise et Madoc redressa les siennes en regardant son père s’éloigner.

— Vous faites cela depuis que vous êtes assez grand pour marcher. Toujours derrière lui, à imiter chaque geste et chaque expression.

— Maman ! Comment faites-vous pour toujours arriver à me surprendre ? Vous êtes aussi silencieuse qu’un renard chassant une poule.

Elle éclata de ce rire cristallin qui rappelait toujours à Madoc les clochettes de porcelaine que sa grand-mère adorait.

— Doc, que me cache-t-il, cette fois ?

Madoc sourit en entendant le surnom que ses parents lui avaient donné dans l’enfance, parce qu’il était toujours occupé à soigner l’un ou l’autre animal. S’il n’avait pas été l’héritier du comté, il aurait étudié la médecine. Mais il suivrait les traces de son père et irait à Oxford, puis, si la guerre était terminée, il ferait son Grand Tour sur le continent et reviendrait un jour prendre sa place au château de Brecken.

— Inutile de détourner les yeux. Je ne lui dirai rien, je souhaite simplement me préparer, dit-elle en tournant le visage vers lui. Quand il me laisse dans l’ignorance, c’est que cela inclut souvent une certaine dose de danger.

— Je m’inquiète davantage pour le cheval.

Madoc souhaita pouvoir ravaler ses paroles dès le lendemain. Son père avait agi à sa guise et enfourché son cheval préféré. Au début, Madoc pensa s’être trompé. L’étalon se portait à merveille après une longue journée de chevauchée. Puis Lord Brecken, agacé par la perte du renard qu’ils chassaient, défia l’un des jeunes chasseurs à la course durant le retour au château. Arrivés en vue d’une haie, les deux hommes s’inclinèrent sur leurs montures pour leur faire sauter l’obstacle.

Mais le cheval du comte regimba, sa jambe arrière coincée, et Madoc sentit son cœur lui remonter dans la gorge. Lord Brecken fut propulsé par-dessus la haie. Le souffle coupé, Madoc talonna les flancs de son cheval pour les rattraper, espérant bientôt entendre les cris de colère de son père. Mais il n’y eut que le silence. Le corps de son héros gisait, tordu, de l’autre côté des arbustes. Un cri, étouffé et lointain, résonna derrière lui.

Maman !

Madoc tourna sa monture et fit signe aux cavaliers qui approchaient avant de descendre lui-même de selle. Il s’adressa à eux d’une voix apparemment calme et ferme, ce qui le surprit car il tremblait intérieurement comme un enfant apeuré.

— Empêchez ma mère de contourner la haie jusqu’à ce que nous connaissions l’état de mon père.

Un vieil ami du comte hocha la tête et intercepta Lady Brecken pendant que Madoc et deux autres hommes s’agenouillaient près du comte. Lord Brecken gisait sur le dos, les yeux fermés, la tête et l’une de ses jambes repliées selon un angle étrange. Madoc approcha l’oreille du visage de son père et posa deux doigts sur son cou, puis il poussa un soupir de soulagement.

— Il est vivant ! Transportons-le au château. Faites chercher le médecin !

Il ferma les yeux lorsque les pleurs de sa mère déchirèrent le silence.

— Doux Jésus, est-il… ? s’écria-t-elle en tombant presque de cheval pour s’effondrer aux côtés de son mari. Réveillez-vous, mon amour ! Réveillez-vous, bon sang ! Réveillez-vous !

Sa voix grimpait dans les aigus à mesure qu’elle le secouait.

— Il est en vie, Maman. Nous devons le ramener au château. Il a probablement la jambe cassée, au vu de l’angle qu’elle forme. Nous en saurons plus quand on l’aura examiné et qu’il se réveillera.

Il entoura sa mère de ses bras et la fit se relever.

Quelqu’un siffla et la carriole qui avait suivi les chasseurs avec des rafraîchissements cahota sur le terrain inégal. Il fallut quatre hommes pour soulever Lord Brecken avec délicatesse et le déposer sur le plateau. Lady Brecken, jupes à la main, y grimpa avec son mari. Elle essuya ses joues pleines de larmes, puis elle se balança d’avant en arrière en tenant une des grandes mains de son époux dans les siennes. Madoc l’entendit parler au comte à voix basse, comme s’il pouvait l’entendre.

Peu après, Madoc aida le médecin à réduire la fracture de la jambe. Tandis qu’ils faisaient craquer les os pour les remettre en place, il se demanda pourquoi la douleur ne provoquait aucune réaction chez son père. Un coup d’œil au médecin renforça son inquiétude.

— Considérons comme une bénédiction que votre père ne se soit pas réveillé, dit le docteur. Je passerai tous les jours pour voir ses progrès. Il nous en dira plus quand il aura repris connaissance.

Mais il fallut pour cela attendre plusieurs jours. Et quand Lord Brecken revint enfin à lui, l’entièreté de la maisonnée l’entendit. Des jurons que Madoc n’en avait encore jamais entendus éclatèrent dans le couloir. Il s’y précipita en remerciant le ciel pour ce miracle. Ce vocabulaire froissait peut-être certaines oreilles délicates, mais entendre la voix de son père réjouissait le cœur de Madoc. Jusqu’à ce qu’il entre dans la chambre à coucher.

Sa mère se tenait à côté du lit à baldaquin, les poings sur la bouche, et elle secouait la tête. Les premières lueurs de l’aube faisaient étinceler les larmes sur ses joues. Elle croisa le regard de Madoc et il sentit son estomac se nouer.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il d’une voix rauque en nouant la ceinture de sa robe de chambre autour de sa taille.

— Mes jambes ne bougent plus, sacrebleu ! Je ne les sens pas ! Par tous les diables, allez me chercher le médecin, immédiatement !

Le comte agita une main tremblante vers la porte.

— Immédiatement !

Cet après-midi-là, le médecin confirma que le comte avait bien perdu l’usage de ses deux jambes. Cela arrivait parfois avec les blessures au dos. Madoc se souvenait d’un chiot qu’il avait fallu supprimer après qu’un cheval lui ait marché dessus. Ses pensées tourbillonnèrent, passèrent en revue chaque accident, chaque blessure dont il avait eu connaissance. Il y avait forcément quelque chose à faire.

Mais les semaines passèrent et la colère de Lord Brecken se mua en dépression.

— Tuez-moi ! Faites preuve envers moi de la même générosité qu’envers un animal fidèle. Je ne peux pas vivre avec une telle infirmité !

Madoc n’avait jamais entendu son père supplier. Et l’idée d’appuyer une arme contre sa tempe lui donnait la nausée. Lord Brecken pensait-il à le faire lui-même ? Non, pas son père ! Pas le comte de Brecken ! Le suicide était la voie des lâches.

Au final, Madoc ne sut pas ce qui était pire. Son père choisit le silence plutôt que la mort et ne parla plus que rarement. Il continuait à respirer, mais il avait cessé de vivre. Mr Caerton, l’intendant, géra seul le domaine et les terres. Madoc demanda un jour à sa mère la permission de travailler avec Mr Caerton et d’endosser certaines des responsabilités du comte, mais elle refusa.

— Votre père a prévu de vous former personnellement. Nous devons attendre qu’il soit à nouveau lui-même. Je n’ose imaginer sa réaction si vous le remplaciez sans son consentement.

À dix-huit ans, Madoc partit pour Oxford, comme prévu. L’au revoir que lui fit le comte ressemblait à un rictus amer.

— Profitez de votre jeunesse tant que vous le pouvez. Le bonheur est volage et peut vous être arraché en un clin d’œil !

— Doc, ce n’est pas ce qu’il veut dire ! Il vous aime, tempéra sa mère. La situation est très difficile pour un homme comme lui, c’est tout.

— Un homme égoïste, voulez-vous dire ! S’il reste rivé à ce fauteuil, c’est uniquement parce qu’il s’apitoie sur son sort. Peut-être aurait-il mieux valu qu’il soit mort !

Il ferma les yeux devant le cri de sa mère, stupéfait par sa propre véhémence.

— Je suis désolé, Maman. Ce n’est pas ce que je voulais dire. C’est seulement–

— Je comprends. Soyez patient, mon enfant, dit-elle en posant une main sur sa joue. Il nous reviendra. Je sais qu’il nous reviendra.

— Vous me répétez cela depuis trois ans, lui rappela Madoc en la serrant contre lui. Je prie pour que vous ayez raison. Pour votre propre bien.

— Pour notre bien à tous, murmura-t-elle contre son torse.

CHAPITRE1

Janvier 1819

Londres, Angleterre

Madoc frissonna, releva le col en fourrure de son manteau et rajusta son haut-de-forme. D’un coup de talon bien placé, il lança son cheval au petit trot. Il avait hâte de s’éloigner de Londres. Son valet le suivait avec ses bagages, mais il avait besoin d’air et de temps pour se préparer mentalement à la rencontre à venir. Sa dernière visite au château de Brecken avait davantage ressemblé à un séjour dans un mausolée que dans la maison de son enfance. Les réponses marmonnées par son père et son regard terne n’avaient pas encouragé les conversations animées – jusqu’au moment de son départ.

— J’ai terminé ma dernière année d’université. Souhaitez-vous vraiment me voir repartir si vite ?

Madoc s’accouda au manteau de la cheminée. Dans l’âtre, la tourbe incandescente réchauffait sa culotte d’équitation. Le soleil de mai entrait à flots par les grandes baies vitrées, semblant se moquer de l’homme frêle et renfrogné enveloppé dans de lourdes couvertures de laine. Qu’était-il advenu du comte de Brecken ? Cet homme avait été imposant, avec un rire tonitruant, une poigne de fer et un esprit vif et rusé. Un homme que son fils avait admiré, dont il avait imité chaque geste dans l’espoir de gagner son approbation. Le genre d’homme qui attirait les regards rien qu’en entrant dans une pièce. Et c’était bien là le problème.

Le silence s’installa. Le comte s’était peut-être endormi. Madoc contempla les mains décharnées de son père, agrippées au châle qui entourait ses épaules voûtées comme s’il s’agissait de sa dernière ligne de défense. Madoc déglutit lorsque les yeux noisette de son père se fermèrent à demi. Leurs paillettes brunes et vertes, dont avait hérité son fils unique, luisaient de colère.

— Un jeune homme doit parcourir le monde ! Cela fait partie de son éducation. Me croyez-vous incapable de gérer mes propres affaires simplement parce que je ne sais plus marcher ? Sacrebleu, pensez-vous que mon incapacité à bouger mes jambes ait aussi affecté mon esprit ? s’écria le comte d’une voix rauque en repoussant une mèche de cheveux gris hors de son front.

— Non, Père, mais je crois que cela a affecté votre moral.

Madoc mit un genou en terre et prit la main froide et parcheminée de son père entre ses mains chaudes.

— Je vous en prie, laissez-moi vous emmener faire un tour en calèche, sortir un peu et rendre visite à vos métayers. Votre âme est dans ces terres. Cela vous fera du bien.

— Je n’ai nul besoin que vous m’emmeniez quelque part ! Si je voulais quitter la maison, je le ferais ! brailla le vieil homme avec un volume sonore étonnant.

Puis ses épaules s’affaissèrent, comme si cette remontrance avait épuisé le peu d’énergie qu’il possédait.

— Partez ! Profitez de votre jeunesse tant que vous le pouvez. Dame Fortune est une maîtresse capricieuse et vilaine. On ne peut jamais savoir combien de temps le bonheur nous sera accordé.

Les dents serrées, Madoc adressa un signe de tête rigide au comte et quitta la pièce. Pourquoi était-il surpris ? Il avait retardé sa réponse au ministère de l’Intérieur dans l’espoir qu’une dernière tentative lui permettrait de ramener son père dans le monde des vivants. Et pardieu, il avait essayé ! Mais à présent, il allait accepter cette mission sans remords et travailler pour l’un des plus brillants agents des services secrets d’Angleterre. À vingt-deux ans, il se faisait un nom par lui-même. Le danger et les mystères le faisaient se sentir vivant, un contraste bienvenu et criant par rapport aux tranquilles collines de la campagne galloise.

Ses parents ne se doutaient de rien, ils supposaient que leur fils était rentré de sa dernière année à Oxford et non pas de Belgique. Ce « Grand Tour » lui fournissait une excuse parfaite pour se rendre à l’étranger et son titre lui donnait accès aux cercles adéquats dans lesquels il pourrait se mêler, exercer son charme et… écouter. Napoléon avait été déclaré hors-la-loi et semait à nouveau la terreur. La Couronne avait besoin de tous les yeux et de toutes les oreilles disponibles. Il se passerait peut-être des années avant qu’il soit capable de revenir. S’il revenait. Lord Risque était tout aussi capricieux que Dame Fortune.

Il s’arrêta, la main sur la poignée froide de la porte d’entrée, et jeta un dernier regard par-dessus son épaule à la maison de son enfance. Un ancien château auquel la comtesse avait ajouté une touche de modernité. Le grand hall d’entrée avait été lambrissé de chêne, le sol en pierre recouvert par les fines lames d’un parquet et les fenêtres élargies pour bénéficier d’une meilleure luminosité. Les meubles étaient arrivés de Londres, en provenance de France et d’Italie, le comte n’ayant pas regardé à la dépense pour sa jeune épouse. Les murs et les fenêtres étaient ornés de soies peintes et de satin.

— Êtes-vous réellement obligé de repartir, Doc ? Ne pouvez-vous reporter votre voyage d’un an ou deux ? Il attendait votre visite avec tant d’impatience !

Sa mère apparut à ses côtés, utilisant son surnom pour l’apaiser, cela ne faisait aucun doute. L’expression de martyre qu’elle affichait lui était familière. Elle s’accrocha à sa redingote d’une main frêle.

Madoc ricana.

— Maman, vous savez que le trajet en bateau a déjà été payé. Père a beaucoup insisté pour que j’y aille.

— Vous ne comprenez pas ce qu’il endure, à quel point c’est difficile pour lui. Il est amer, c’est tout. Si vous restiez, il changerait. J’en suis sûre.

Ses yeux onyx s’emplirent de larmes et elle posa la main sur la joue de Madoc. Un rayon de lumière créa un halo autour de son chignon noir, en contradiction avec le venin progressivement injecté dans sa voix :

— Seriez-vous devenu l’un de ces dandys qui ne cherchent que les plaisirs en profitant de la fortune et du nom de leur père ? Il a besoin de vous, en ce moment.

Madoc serra les dents, la mâchoire crispée.

— Il est dans cet état depuis six ans. Ma présence ici pendant quelques semaines n’aura aucun effet miraculeux. J’obéirai aux souhaits de mon père, Madame.

Madoc tourna les talons et passa la porte en trombe. Un cheval bai l’attendait patiemment dans la cour. Il l’enfourcha et tourna le cheval face à la véranda, le bruit des sabots sur les pavés se répercutant dans l’air chaud de l’après-midi.

— Bonne journée, Maman.

Puis il ajouta, en la saluant d’un geste ample, son chapeau à la main :

— À une prochaine fois.

Quatre ans plus tard. Quatre longues années plus tard.

Tant de choses s’étaient produites durant ce laps de temps. Madoc avait mûri, perdu sa naïveté et son optimisme juvénile. Ses compétences étaient maintenant davantage celles d’un soldat que d’un noble propriétaire terrien. Il maniait impeccablement l’épée, était un tireur émérite et avait un excellent crochet du droit. Il savait se passer de sommeil pendant des jours. Ses supérieurs le voyaient comme un homme au sourire charmeur et aux manières raffinées qui pouvait distraire les officiers de haut rang – ou leurs épouses – pendant que l’on dérobait leur correspondance dans leurs propres bibliothèques afin de connaître les secrets qui permettraient de mettre plus rapidement un terme à la guerre. Madoc était devenu un parfait caméléon, aussi à l’aise dans le rôle du fantassin mécontent ou du simple voleur à la tire des bas-fonds qu’il l’était à jouer les dandys pomponnés dilapidant la fortune paternelle.

Mais tout cela avait un prix.

Madoc n’avait confiance qu’en peu de gens, discernait des implications et des motivations cachées dans chaque conversation et chaque requête, et il était épuisé. Il avait envie de dormir jusqu’à ce que le soleil soit haut dans le ciel. De chevaucher sur les terres de son enfance, de saluer les métayers et de n’avoir aucune inquiétude en dehors de tenir les comptes en équilibre ou de décider à quel bal campagnard ou à quel dîner assister. Il était temps pour lui de commencer sa vie, la vie pour laquelle il était né, la vie à laquelle il aspirait depuis qu’il avait remis les pieds sur le sol anglais. Oui, il était prêt à tenir le rôle qu’il avait prétendu tenir durant ces quatre dernières années.

* * *

Château et domaine de Brecken

Madoc, fatigué et poussiéreux, entra au petit trot dans le village de Brecknock. Il traversa le pont de pierre et commença enfin à respirer en entendant l’eau claire clapoter et se ruer sous les arches. Les montagnes couleur ardoise et les pics enneigés semblaient empilés les uns sur les autres, comme des badauds au sein d’une foule se poussant pour regarder par-dessus l’épaule des autres. Ils fournissaient un décor parfait à l’humeur maussade de Madoc. Les villageois l’accueilleraient avec curiosité. Puis avec des signes de la main et des questions sur leur maître, quand les métayers réaliseraient que c’était Lord Madoc qui passait.

Un vent glacial lui fouetta les joues et il se blottit dans son manteau en poussant un juron. Par tous les diables, il faisait un froid de canard. Un homme plus avisé aurait attendu sa calèche et son valet. Le soleil pointa entre les nuages bas et gris. Madoc plissa les yeux devant cette soudaine luminosité, sa vision se brouilla de larmes, rendant difficile de discerner le petit village qui se profilait à l’horizon. Alors qu’il s’en rapprochait, Madoc battit des paupières et s’essuya les yeux de la main.

Il ralentit l’allure de son cheval et trotta jusqu’à la place du village, observant les bâtiments délabrés. La grand-rue – cela le fit sourire en pensant aux rues pavées et encombrées de Londres – était parsemée de gens achetant des provisions de dernière minute aux vendeurs qui fermaient boutique, avant de rentrer chez eux d’un pas pressé avant la tombée de la nuit. Les gargouillements de son estomac lui rappelèrent qu’il n’avait rien mangé depuis le petit-déjeuner, mais son attention fut distraite par l’état de délabrement de Brecknock.

Il n’y eut aucune question de la part des villageois ni aucun sourire. Aucun hourra ni hochement de tête de la part des hommes. Un ruisselet d’un brun jaunâtre, sale, s’écoulait depuis une allée et formait une flaque près de la rue. Les toits étaient en mauvais état et les murs avaient été rafistolés encore et encore. Les vêtements que portaient les métayers étaient usés et miteux. Parbleu, que s’était-il passé ? Cet adorable village était en ruine.

— Bonjour, dit Madoc en saluant le forgeron qu’il connaissait depuis l’enfance. Je rentre chez moi et je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer…

Il fit un large geste de la main qui englobait ce qu’il avait sous les yeux.

— Que s’est-il passé ?

— Demandez à Monsieur le Comte, s’écria l’homme avant de baisser la tête et d’enlever sa casquette. Ou plutôt au diable qui puise dans sa poche.

— Et ce diable a-t-il un nom ?

— Aye, c’est Niall, le fils aîné de Caerton.

— Il a pris la suite de son père, alors ?

— Il a pris… Ça, c’est vrai, pour sûr.

L’homme se détourna et disparut au sein de la forge.

— Pardieu, j’aurai le fin mot de tout ceci ! cria Madoc à la silhouette de l’homme qui s’éloignait.

Quatre générations de Caerton avaient géré le domaine des comtes de Brecken. La dernière fois que Madoc avait vu Mr Caerton, le vieil homme était sur le déclin. Trouvant difficile d’exercer la responsabilité physique de l’intendance du vaste domaine de Brecken, il avait commencé à former Niall, son fils aîné, pour le remplacer. Madoc avait grandi avec lui et ne l’appréciait pas beaucoup. Il se souvenait d’un garçon cherchant systématiquement la bagarre et qui gagnait de façon déloyale en jetant de la poussière dans les yeux de son adversaire. Bien sûr, tout cela remontait à des années. Les gens changeaient. Il en était la preuve vivante.

L’état des terres empira encore à mesure que Madoc approchait du château. Les champs avaient été trop cultivés. D’un coup d’œil, il vit qu’il n’y avait eu aucune rotation des cultures. Moins de sols fertiles, moins de récoltes, moins de profits. Mr Caerton était peut-être mort avant d’avoir pu enseigner toutes les pratiques d’une bonne intendance à Niall. Madoc lui laisserait le bénéfice du doute jusqu’à ce qu’il ait plus de preuves. S’il y avait une chose qu’il avait apprise durant toutes ces années, c’était que les apparences pouvaient être trompeuses. Un rire sans joie lui échappa en repensant aux déguisements qu’il avait revêtus au fil du temps.

Mais en passant devant l’enclos de chevaux de trait bien maigres, Madoc lança son cheval au galop. Il était heureux d’être revenu sur ses terres. Il était temps qu’il remplace son père et qu’il ait une conversation avec Niall Caerton.

Le majordome apparut à la porte dès qu’il entendit les sabots de son cheval claquer sur les pavés de la cour.

— Lord Madoc, c’est un plaisir de vous revoir !

Il tint la porte ouverte et Lady Brecken descendit précipitamment les marches pour saluer Madoc.

— Oh, mon fils bien-aimé ! Le seigneur a répondu à nos prières. Vous êtes rentré juste à temps !

CHAPITRE2

Fin février 1819

Londres, Angleterre

Evelina agita les orteils au-dessus de la baignoire, puis plongea sous l’eau fumante pour noyer le déluge de récriminations de sa mère. Elle sourit sous l’eau, la voix de Maman à présent étouffée par le liquide, bien que son ton agacé soit toujours perceptible. Qui arriverait à bout de souffle la première ? Le cœur d’Evelina se mit à battre plus fort, sa poitrine se serra. Puis elle sentit que l’on tirait une grosse mèche de ses cheveux vers le haut. Ouille ! Elle fit brusquement surface, haletante, et jeta un regard noir à sa mère.

— Evie, cette conversation est très sérieuse. Soyez un peu attentive, la réprimanda Lady Franklin en agitant un doigt accusateur. Nous devons trouver un mari à votre sœur. Ce sera un miracle après la débâcle de la saison passée, si vous voulez mon avis.

Evelina soupira et repoussa une boucle mouillée hors de son visage.

— Vous savez bien que ce n’était pas de sa faute. Cet odieux vicomte n’était qu’un sale blaireau sournois et pleurnichard ! Et ce n’est pas gentil pour les blaireaux. Il a humilié cette pauvre Fenella, avec ce pari.

Lady Franklin se rassit sur le lit tandis que la bonne tendait une épaisse serviette de bain à Evelina.

— J’admets que c’était une erreur de l’envoyer seule pour sa première saison. Nous aurions dû attendre un an et vous présenter ensemble, bien que cela nous eût également valu des critiques. Qui aurait cru qu’elle serait si naïve ?

Evelina souffla avec agacement.

— Elle est aussi grande que la plupart des hommes, et méticuleuse avec les livres de comptes. Elle a été élevée comme un fils par notre père, elle peut diriger l’entreprise toute seule et lors d’une conversation, elle se montre toujours ouverte et franche. Oui, Maman, vraiment, qu’est-ce qui aurait pu mal tourner en la jetant dans la gueule des loups de l’Almack ?

— Surveillez votre langage, jeune fille ! l’avertit Lady Franklin en se tordant les mains. Mais c’était effectivement un triste spectacle. Elle est si maladroite !

— Toute créature sortie de son habitat est maladroite.

Evelina enfila son épaisse robe de chambre et la referma autour d’elle avant de s’asseoir devant la petite cheminée. Louella, sa femme de chambre, commença à peigner ses longs cheveux.

— Fenella insiste pour ne pas se marier, à ce stade, poursuivit-elle. Elle a besoin de temps pour s’apercevoir que tous les célibataires de Londres ne sont pas l’engeance du diable.

— Evelina, quel langage !

— Eh bien, c’est la vérité.

Sa pauvre sœur avait été l’objet d’un pari au sein d’un petit groupe de jeunes dandys décadents. Un jeune vicomte – séduisant, mais court sur pattes – avait accepté de relever le défi de se retrouver seul avec une débutante et de l’embrasser. Ses amis avaient placé leurs paris et choisi Fenella, la plus grande et la plus gauche des nouvelles arrivantes de la saison. Il avait fallu deux semaines au vicomte pour arriver à ses fins, et ses amis s’étaient cachés dans les fourrés pour assister à cette farce cruelle. Evelina sentait ses poings se serrer chaque fois qu’elle repensait à sa pauvre sœur trompée par ces goujats égocentriques.

— C’est du passé et elle doit aller de l’avant. Je suis toujours convaincue que si vous vous mariiez la première, elle suivrait votre exemple.

Evelina fronça les sourcils.

— Fenella ne suit pas plus l’exemple des autres que moi. Et puis, si je me marie la première, elle verra cela comme l’excuse parfaite pour rester libre et célibataire. Elle mérite de trouver l’amour tout autant que moi.

Lady Franklin secoua la tête et prit place sur la chaise à côté de sa fille.

— Pourquoi n’est-elle pas davantage comme vous, au lieu d’être aussi gourde ?

Evelina haussa un sourcil, agacée par la comparaison. Evelina avait une beauté plus classique que celle de sa sœur, mais Fenella était adorablement éthérée. Leurs personnalités et leurs physiques étaient diamétralement opposés. Evelina était toujours amicale et ouverte. Fenella était un bas-bleu qui n’avait que peu d’amies proches, mais celles-ci étaient farouchement loyales. Evelina paraissait petite et pulpeuse à côté de la minceur et de la haute taille de Fenella. Les cheveux d’Evelina avaient la couleur du miel tandis que ceux de Fenella étaient blond cendré. Les yeux d’Evelina étaient brun clair, presque ambrés. Fenella avait les yeux gris clair de leur père.

— Maman, soyons honnêtes. Votre but n’est pas que nous trouvions l’amour, mais que l’une de nous deux épouse un aristocrate afin que vous puissiez recevoir d’autres invitations prestigieuses. Ma sœur n’appartient pas au beau monde.

Elle s’interrompit en grimaçant lorsque Louella rencontra un nœud et le démêla avec les doigts.

— Je vous ai promis de faire de mon mieux, reprit-elle. Mais nous ne pouvons pas changer ce que nous sommes : des commerçants merveilleusement riches qui peuvent se payer l’entrée dans n’importe quel événement organisé en ville. Chassez le naturel, il revient au galop, et nous ne devrions pas le chasser. Notre situation est très privilégiée, pourquoi ne pas s’en réjouir ?

— Je suis plutôt satisfaite de ma vie. Et il n’y a rien de mal à être un baronet, mais votre père n’est pas un pair du royaume. Je déteste ces femmes dodues et hautaines qui me regardent de haut en souriant avec condescendance, souffla sa mère avec agacement. Et puis, avec votre beauté, pourquoi ne pas chercher à améliorer notre statut social ? Un baron ou un vicomte auraient de la chance d’épouser une perle telle que vous.

— Je suppose que nous devrions nous estimer heureuses que vous n’espériez pas un duc.

— Oh, bonté divine ! Il y a si peu de ducs, ou même de marquis. Un comte, cependant…

Evelina soupira. Une braise émit un petit bruit dans l’âtre et attira son attention. Son esprit vagabonda, son regard perdu dans le vague devant les flammes crépitantes. Elle ressentit une nouvelle pointe de culpabilité. Elle était impatiente de vivre sa première saison. Contrairement à Fenella, elle aimait attirer l’attention et porter de belles robes, flirter et danser. Depuis sa plus tendre enfance, elle faisait le même rêve au sujet de son premier bal.