Comte De Darby - Aubrey Wynne - E-Book

Comte De Darby E-Book

Aubrey Wynne

0,0
3,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Hannah Pendleton, ravalant sa fierté blessée lorsque son amour d’enfance tombe amoureux d’une autre, se jette à corps perdu dans l’excitation de sa première saison.

Quand le comte de Darby aperçoit une adorable nouvelle venue se faire courtiser par le diable en personne, sa candeur et son innocence ravivent les sentiments chevaleresques enfouis au plus profond de son âme.


Miss Hannah Pendleton essaie de retrouver un peu de dignité après que son amour d’enfance soit tombé amoureux d’une autre. Déterminée à briser quelques cœurs elle aussi, elle se jette à corps perdu dans l’emploi du temps excitant et très animé d’une première saison. Cependant, les manières suaves et les paroles expertes des célibataires galants, mais tatillons, ne parviennent pas à embraser son âme intelligente et directe. Jusqu’à ce que…

Depuis le suicide de son épouse lors de leur nuit de noces, le comte de Darby cultive soigneusement sa réputation de débauché. Elle éloigne les mères surprotectrices et lui fournit un nombre illimité d’aventures clandestines. Mais lorsque Nicholas aperçoit une adorable nouvelle venue se faire courtiser par le diable en personne, son innocence et sa candeur réveillent les sentiments chevaleresques qu’il avait enfouis aux tréfonds de son âme. La glace qui emprisonne le cœur de Nicholas commence à se fissurer tandis qu’il essaie de sauver Hannah et de rectifier une horrible erreur commise longtemps auparavant.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
MOBI

Seitenzahl: 233

Veröffentlichungsjahr: 2024

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



COMTE DE DARBY

IL ÉTAIT UNE VEUVE

TOME QUATRE

AUBREY WYNNE

SABINE INGRAM

TEKTIME

Titre original : Earl of Darby

Copyright © 2019 par Aubrey Wynne

Tous droits réservés.

Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris par des systèmes de stockage et d’extraction d’informations, sans la permission écrite de l’auteur, excepté pour de brèves citations dans les critiques littéraires.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Ingrao

Réalisé avec Vellum

Aux merveilleuses et talentueuses auteures du Club des Comtes Coquins. Je suis extrêmement honorée d’avoir pu participer à cette série unique en son genre. J’ai trouvé ma place parmi vous et je vous en serai éternellement reconnaissante.

TABLE DES MATIÈRES

Sans titre

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Postface

Détails historiques

À propos de l’auteure

Autres romances historiques

SANS TITRE

Dans la série :

Il était une veuve

Comte de Sunderland

La veuve du comte coquin

Rhapsodie et Rébellion

Comte de Darby

\

PROLOGUE

Il y a une fontaine remplie de sang

Tiré des veines d’Emmanuel ;

Et les pêcheurs, plongés sous ce flot,

Y perdent toutes leurs souillures.

Louange pour une fontaine ouverte,

WILLIAM COWPER

Mayfair, Londres

24 décembre 1814

— Je dois admettre, Maman, que vous aviez raison. Alice est un diamant de la plus belle eau.

Nicolas tira sur sa cravate, blanc neigeux contre le bleu marine de sa redingote.

— Bien entendu ! Cette alliance bénéficie à nos deux familles. Lady Henning et moi aurons de magnifiques petits-enfants et vous ne perdrez pas votre héritage. Je ne pardonnerai jamais à votre père d’avoir aussi imprudemment perdu une telle somme au jeu ! dit Lady Darby dont l’expression se durcit en parlant de son mari, mais dont le ton était celui d’une mère aimante. Vous êtes le vicomte le plus séduisant de Londres. Et quel comte vous ferez, un jour !

— Ne souhaitons pas le décès de Père trop tôt. Ce n’était pas entièrement sa faute.

Nicolas contempla une dernière fois son reflet, le portrait craché de celui de sa mère qui le regardait à travers le miroir. Ils possédaient les mêmes cheveux blond vénitien et les mêmes yeux bleu clair. Mais les rides autour de la bouche de la comtesse de Darby étaient plus profondes et l’inquiétude avait creusé celles de son front. Leurs regards se croisèrent un instant, puis elle détourna la tête et entreprit de brosser une poussière imaginaire au dos de sa redingote.

— Le duc de Colvin a triché. Père n’aurait jamais dû miser autant sur une seule main aux cartes, je vous l’accorde, mais Colvin est un gredin. Et son fils ne vaut guère mieux, il est même pire si les rumeurs sont avérées.

— Oui, marmonna Lady Darby en évitant toujours son regard. Je les ai entendues aussi. Mais aujourd’hui, c’est le jour de votre mariage et nous ne devrions parler que des jours heureux à venir.

— Entièrement d’accord. L’année écoulée a été éprouvante, mais les heures sombres sont derrière nous, à présent.

Le comte de Darby, le père de Nicolas, avait perdu une énorme somme au jeu contre le duc de Colvin, un aristocrate malfaisant. Cette soirée hantait encore les cauchemars de Nicolas. Les provocations de Colvin, la colère qui était lentement montée chez le comte, le sourire suffisant et vicieux du duc quand cet as surnuméraire avait été abattu sur la table. Nicolas savait que Colvin avait triché, mais il ne pouvait pas le prouver. Et l'on n’accusait pas un duc sans preuve. Et même alors, cela pouvait s’avérer dangereux.

Ils avaient dû vendre une grande partie de leur propriété pour régler cette dette d’honneur et éviter le scandale, gardant de justesse leur domaine. Cette débâcle avait eu un impact négatif sur la santé de son père.

— Vous semblez avoir volé au secours de Père, Maman.

— Balivernes ! Lady Henning souhaitait que sa fille s’élève dans la société. En tant que simple baronne, elle peut être fière de cet accomplissement. Alice sera comtesse quand vous hériterez du titre. Et nous avons besoin de sa dot.

— Et Miss Alice était d’accord ?

Sa mère étudiait la guirlande végétale qui ornait le manteau de la cheminée, caressant des doigts les branches de romarin et les feuilles de lierre.

— Vous le lui avez demandé vous-même, n’est-ce pas ? Quelle femme ne serait pas heureuse d’un tel mariage ? Les futurs maris séduisants et possédant un titre de noblesse ne sont pas monnaie courante.

— Je ne suis pas de votre avis. Les futurs maris désargentés et possédant un titre de noblesse se trouvent assez facilement, séduisants ou non.

Nicolas s’amusa de la moue de sa mère.

— Je n’aurais pu rêver de meilleure façon de célébrer Noël qu’en ayant une nouvelle fille avec qui partager notre bûche. Les bans ont été publiés à la hâte, j’en suis consciente, mais notre famille commencera un nouveau chapitre avec le Nouvel An.

Elle lui sourit, ses cheveux blonds scintillant dans la lumière du soleil qui filtrait à travers le voile des rideaux. Elle se mit sur la pointe des pieds et l’embrassa sur la joue.

— Il faut que j’y aille, dit-elle. Nous partons pour l’église dans une heure.

En la regardant partir, Nicolas vit défiler des images de sa propre enfance, des jeux devant la bûche de Noël qui flambait dans l’âtre. Il voulait un enfant. Plusieurs, même. Auraient-ils les cheveux noirs d’Alice ou ses cheveux blond vénitien ? Son ventre se serra inexplicablement à cette idée et il attribua cet inconfort à l’approche du mariage et à la perte de son célibat.

* * *

Nicolas et Gédéon, son meilleur ami d’université et futur comte de Stanfeld, se tenaient devant l’église Saint George à Hanover Square. Ils patientaient sur les marches, les colonnes géantes les dominant de toute leur hauteur. Opposés tant par leur apparence que par leur tempérament, Gédéon et Nicolas s’étaient forgé une belle réputation durant leurs années à Cambridge.

— Alors, Lady Darby vous a-t-elle imposé les chaînes du mariage ou est-ce votre initiative ? Il me faut toutefois admettre que Miss Alice tenterait le plus endurci des célibataires, sourit Gédéon dont les cheveux noirs luisaient sous le soleil matinal et dont les yeux bleu vif pétillaient d’amusement.

— Disons que cela ne me dérange pas de me sacrifier. Et avec un peu de chance, cette union pourrait devenir un mariage d’amour. Pendleton est-il en route ?

Nicolas ajusta sa cravate pour la dixième fois depuis qu’il avait quitté le manoir.

— Il va arriver. Nerveux ?

Gédéon donna une claque dans le dos de son ami. Le vicomte de Pendleton était le troisième membre de leur fameux trio.

— Je ne dirais pas cela, plutôt un pressentiment, avoua Nicolas en secouant la tête. J’ai bien trop écouté Sarah et ses contes de fées, ces derniers temps. Les frères Grimm l’ont fascinée.

— Votre sœur n’a besoin de rien pour enflammer son imagination. Un petit remontant pour rendre votre main plus sûre ?

Gédéon plongea la main dans son manteau et en sortit une flasque.

— Avec joie, mon ami.

* * *

— Calmez-vous, Alice. Je n’avais pas l’intention d’élever la voix.

Nicolas lissa en arrière les cheveux noirs ébouriffés de sa jeune épouse et lui releva le menton. Les ombres sous ses yeux luisants, couleur café, rendaient sa peau pâle presque lumineuse. Elle était splendide, toute en ébène et ivoire, docile et accommodante. Ou du moins, elle l’avait été jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’elle avait déjà été prise avant leur nuit de noces. Lorsqu’en consommant leur union, il avait découvert qu’il n’y avait aucune barrière à franchir en elle.

— J’étais simplement surpris que vous ne soyez pas…

— V-vierge.

— Y a-t-il quelqu’un d’autre ? Avez-vous déjà donné votre cœur à un autre ?

Un premier amour, une amourette qui s’effacerait peut-être avec le temps. Il avait suffisamment confiance en sa propre apparence et en ses talents amoureux pour surpasser les tentatives d’un garçon maladroit.

Elle se raidit et secoua la tête, ses mèches noir corbeau rebondissant sur ses épaules nues.

— Je ne peux plus continuer cette mascarade plus longtemps. Je suis vraiment, vraiment désolée.

— Plaît-il ?

Nicolas sentit les doigts glacés de l’effroi lui descendre l’échine.

Alice leva vers lui un visage baigné de larmes.

— J’attends un enfant.

Il se figea, les muscles du visage comme paralysés. Sa bouche s’ouvrit, mais aucun son n’en sortit. Une vague de chaleur monta en lui lorsque la perfidie des paroles d’Alice pénétra son esprit. Essayant de se ressaisir, il referma le devant de sa chemise. Enfer et damnation…

Une annulation ! Il obtiendrait une annulation !

— J’ai été forcée.

— Violée ?

Il poussa un soupir et se passa la main dans les cheveux. Avait-elle mené en bateau un précédent prétendant ? Un flirt qui aurait mal tourné ? Ce n’était pas comme cela que sa nuit de noces était supposée se dérouler.

— Qui est-ce ?

— Le fils d’un aristocrate. Maman a dit que ce serait sa parole contre la mienne, qu’il ne serait jamais traduit en justice, mais que je serai perdue, expliqua-t-elle en lui saisissant la main lorsqu’il tenta de se lever. Je vous en prie, nos mères ont eu cette idée. J’étais contre, mais je suis enceinte. J’ai–

— Pensé qu’il serait facile de faire passer ce fils de chien pour le mien ? J’avais besoin de fonds et vous aviez besoin d’un mari.

Nicolas sentit l’étincelle de sa colère s’embraser, les flammes lui brûlant l’estomac. Quel imbécile il avait été !

— De quel mécréant suis-je supposé élever l’enfant afin de pouvoir garder mon domaine ?

— Maman a dit que cela devait rester secret. Il ne doit jamais l’apprendre. C’est un homme abject et méchant. Nous ne savons pas ce qu’il serait capable de faire. Je vous en supplie, ne m’obligez pas à vous le dire.

Alice avait les yeux écarquillés de peur, ses lèvres pleines, qu’il venait d’embrasser, tremblaient.

Nicolas la saisit par ses frêles épaules, enfonçant les doigts dans sa chair laiteuse et créant des marques rouges sur sa peau douce.

— Pardieu, vous me le direz ! Je saurai de qui est le bâtard que j’aurai sous mon toit !

Alice commença à sangloter pour de bon, la poitrine haletante, comme si elle cherchait à retrouver son souffle, les doigts accrochés aux mains de Nicolas.

— Je suis vraiment désolée. Vraiment désolée…

Elle hochait la tête en murmurant des excuses, encore et encore.

Nicolas se libéra d’un geste brusque et traversa la pièce d’un pas décidé pour aller ouvrir la fenêtre. Il avait besoin d’air ; il ne parvenait plus à respirer. Posant le front sur la partie supérieure de la vitre, il regarda le paysage assombri et laissa la brise glacée refroidir le feu de la colère qui le consumait.

Alice laissa échapper une longue plainte, un affreux gémissement de douleur et de souffrance et porta les mains à son ventre avant de se laisser tomber à genoux sur le sol. La lueur du feu soulignait ses joues trempées et projetait de longues ombres étranges autour de sa silhouette petite et délicate.

— Pardonnez-moi, je vous en prie. Pardonnez-moi !

Nicolas serra les poings et frappa soudain le mur, des élancements de douleur irradièrent depuis ses phalanges jusqu’à son poignet.

— Vous pardonner ? J’ai été trahi par ma propre mère, puis par ma femme durant ma nuit de noces ! Je pense que j’ai atteint les limites de l’absolution, rit-il en un son rauque et éraillé.

Il avait le corps tendu comme un fil. Il fallait qu’il s’en aille, loin des larmes d’Alice, loin de cette comédie de mariage. On l’avait utilisé. Nicolas repoussa les mains d’Alice qui essayait de le retenir tandis qu’il s’habillait, prêtant à peine attention aux traînées sanguinolentes que ses phalanges laissaient sur la manche de sa chemise de nuit.

— Ne me quittez pas ! Je vous en prie, je vous le revaudrai. Je ferai n’importe quoi ! murmura-t-elle d’une voix teintée de panique. Où allez-vous ?

— Loin. N’importe où. Là où je n’aurais pas sous les yeux la fourberie des femmes. Demain, quand je serai de retour, nous nous mettrons à table avec nos deux très chères mères. Par tous les diables, j’obtiendrai la vérité !

Descendant l’escalier quatre à quatre, il aboya des ordres au valet de pied pour qu’on lui amène sa calèche.

— Non, faites plutôt seller mon cheval !

Il fallait qu’il parte. Il avait besoin de se saouler. Il fallait qu’il efface ce cauchemar de son esprit.

Nicolas s’élança hors de la ville, l’esprit agité, une sueur froide lui coulant dans le dos, le visage bouillonnant de rage. Les femmes ! Si sa propre mère l’avait trahi de cette façon, comment pourrait-il jamais accorder sa confiance à une autre femme ? Il pensa à sa sœur, à son visage innocent, et se demanda si elle deviendrait aussi fourbe avec l’âge.

Lorsqu’il pénétra dans les faubourgs de la ville, il pressa les flancs de son étalon, lançant Arthur au petit galop et respirant l’air glacé de la nuit. Les étoiles brillaient dans le ciel d’encre et scintillaient joyeusement, se moquant de son humeur. Pas de neige, ce soir.

D’un bref coup de talon, ils s’élancèrent au galop, les volutes blanches de leurs souffles s’étirant derrière eux tandis que Nicolas laissait sa femme et cette horrible scène derrière lui. Le claquement des sabots semblait battre au même rythme que les jurons dans son esprit. Foutrebleu ! Foutrebleu ! Foutrebleu ! Le temps que le cheval se fatigue, la colère de Nicolas s’était apaisée. Plus calme et plus rationnel, il fit faire demi-tour à sa monture et repartit en direction des lumières et des clameurs de Londres.

Oui, Alice l’avait trompé, mais elle était victime des manigances de leurs mères autant que lui. La pauvre fille avait été violée, envoyée chez un mari bien pratique et n’avait jamais eu l’opportunité de chercher l’amour ou même l’affection. N’avait jamais eu son mot à dire. Lui, au moins, avait eu le choix.

Il faudrait du temps pour s’adapter au fait qu’elle était enceinte. Mais ils avaient consommé le mariage et il avait besoin de sa dot. Sans elle, sa famille serait au bord de la ruine. Sa fierté en avait pris un coup quand il s’était vu devoir dépendre financièrement d’Alice, cet arrangement semblant trop déséquilibré à son goût. Mais à présent, ils étaient à égalité ; ils se serviraient l’un de l’autre. Qu’il en soit ainsi.

Il s’occuperait de sa mère plus tard. Pour l’instant, il allait rentrer chez lui retrouver sa femme et lui dire qu’ils trouveraient un arrangement pour passer outre la situation et poursuivre leur vie. Il prierait pour qu’Alice ait une fille. Il n’était pas question qu’il reconnaisse un bâtard comme son héritier.

Nicolas revint chez lui, une simple maison de rangée, et trouva un garçon d’écurie ensommeillé qui l’attendait sur les marches pour lui prendre les rênes.

— Arthur a besoin d’être bien bouchonné. Je lui ai mené la vie dure.

Il grimpa l’escalier quatre à quatre et ouvrit la porte de ses appartements à la volée, la poitrine haletante sous l’effort d’avoir galopé et grimpé deux longues volées de marches.

— Alice…

Il faisait froid. Les domestiques avaient-ils laissé le feu s’éteindre ?

Dans le petit salon de ses appartements, il y avait une enveloppe posée sur un plat en argent, sur la table près de la porte. Il la prit et reconnut son prénom écrit en lettres élégantes.

Nicolas

L’enveloppe à la main, il entra dans la chambre à coucher.

— Alice–

Une barre de métal invisible sembla le frapper de plein fouet. Il tituba vers le lit, le corps chancelant avant de tomber à genoux, la lettre voletant sur le tapis. Ses yeux ne quittaient pas la petite silhouette d’Alice qui se balançait au rail supérieur du lit à baldaquin.

Sa chemise de nuit blanche flottait dans la légère brise pénétrant par la fenêtre toujours ouverte. Ses délicats chaussons de satin se balançaient paresseusement sous les yeux horrifiés de Nicolas. Lentement, il leva la tête, plus haut que la main qui portait son alliance en émeraude, que les bras inertes, jusqu’aux yeux vacants et morts de sa femme décédée. Sa tête était inclinée selon un angle étrange, son menton délicat reposant contre le drap de lin noué autour de la mince colonne de son cou. La peau de porcelaine qu’il avait caressée et embrassée quelques heures auparavant était à présent grise et marbrée.

— NOOOOOOON…

Nicolas se prit la tête dans les mains et se balança d’avant en arrière en maudissant sa femme, sa mère, lui-même. Il se releva, s’accrocha aux rideaux du lit et monta sur le matelas. Face à son épouse défunte, son cœur se serra, le souffle coupé. Nicolas repoussa tendrement une mèche de cheveux humide de son cou. La froideur de sa peau contre ses propres phalanges blessées le secoua et il commença à détacher frénétiquement le drap noué autour du cou de sa femme.

Sa vision se brouilla de larmes ; il maudit ses mains tremblantes tout en essayant de garder son équilibre sur le matelas. Ayant enfin délivré Alice de son collet de lin, il tomba à genoux et la berça dans ses bras en se balançant doucement. La porte s’ouvrit et il entendit un cri terrifié. Il vit le regard horrifié de sa mère.

— Qu’avons-nous fait ? murmura-t-il. Qu’avons-nous fait ?

CHAPITRE1

« …Dans la mesure où chaque découverte de ce qui est faux nous mène à chercher sincèrement ce qui est vrai, et chaque nouvelle expérience révèle une certaine forme d’erreur que nous pourrons ensuite soigneusement éviter. »

JOHN KEATS

Club des Comtes Coquins, Londres

Fin octobre 1819

— Ce n’est qu’une partie de whist entre amis. Allons, Darby, jouez avec nous.

Le marquis fit un dernier essai infructueux pour inclure Nicolas dans la partie.

— Toutes mes excuses, Monsieur, mais je ne m’adonne pas au jeu.

Nicolas, comte de Darby, secoua la tête, un sourire incurvant spontanément les coins de sa bouche. Il parcourut la pièce du regard. Plusieurs hommes étaient assis à sa gauche, près de la cheminée, sirotant un verre et conversant entre eux. Le long du côté droit de la pièce, il y avait des tables où différentes parties de whist, de faro et de hazard étaient en cours.

— Je n’irai pas au-delà d’un pari amical, dans nos tablettes, pour deviner si l’enfant à naître sera un héritier ou une neuvième fille, ou si Stanfeld se mariera avant d’avoir soixante ans.

— Je suis dans nos tablettes ? Comment diable ai-je atterri dans nos tablettes ? se renfrogna Gédéon, comte de Stanfeld, en fronçant les sourcils.

— Lorsqu’un homme hérite du titre de comte, il devient soudain beaucoup plus intéressant, rit Nicolas avec une tape amicale dans le dos de son ami. Ce n’est qu’un exemple, Stanfeld. Vous ne vous êtes pas encore hissé au rang de pari officiel de notre club. Pour l’instant !

— Je commence à regretter d’avoir suggéré votre intégration au Club de Comtes, répliqua Gédéon en tapotant le C doré épinglé au revers de son ami. Votre statut s’est amélioré, mais vous ne me semblez pas plus pressé que moi de passer devant le pasteur.

Une douleur familière, teintée de nostalgie, étreignit le cœur du comte de Darby, mais il se força à sourire.

— J’ai déjà réussi à échapper à ce piège une fois, souvenez-vous.

Il arrêta un serveur en livrée qui passait à proximité.

— Apportez-nous une bouteille de brandy, je vous prie. Nous serons dans la salle de billard.

Il hocha la tête en direction de Stanfeld et sortit de la pièce.

Nicolas descendit l’escalier, frottant du pouce le petit C. Coquin. Oui, il était un comte coquin et il prévoyait de garder ce titre et cette petite broche durant de nombreuses années encore. Ses vices ne faisaient de mal à personne et n’interféraient pas avec les responsabilités liées à son titre et à sa famille.

Stanfeld l’avait recommandé auprès de ce club très fermé. Il avait les qualifications requises – la confiance de ses pairs, le titre de comte et le statut de célibataire. Les bénéfices du club incluaient l’accès à un étage exclusif du club, des appartements privés pour chacun et la possibilité d’assouvir pratiquement n’importe quel vice. Il avait fréquemment utilisé l’appartement qui lui était réservé. En fait, cet appartement était presque devenu un deuxième foyer depuis le décès de son père, une semaine après le funeste mariage de Nicolas.

Année après année, il s’était construit une réputation de libertin, les rumeurs entourant la mort de sa femme y ayant beaucoup contribué. D’après les on-dit, le jeune comte de Darby aurait noyé son chagrin dans l’alcool après le mystérieux décès de son épouse. Certaines rumeurs prétendaient qu’Alice avait été si terrifiée par les demandes de Nicolas lors de leur nuit de noces qu’elle en avait mis fin à ses jours. D’autres rumeurs parlaient de meurtre, Nicolas n’ayant été intéressé que par la dot de la pauvre fille et ayant la certitude qu’en tant que pair, il ne serait pas inquiété.

Aucune des deux familles n’avait fait le moindre commentaire ni parlé de cette nuit fatidique, au grand dam des commères avides de détails sordides. Il avait fallu des années pour que les rumeurs cessent. Mais elles avaient l’avantage de tenir à l’écart les mères trop curieuses, inquiètes pour l’innocence de leurs filles. Ces rumeurs maintenaient Nicolas en dehors de la liste des bons partis.

En réalité, le suicide d’Alice avait été géré avec discrétion et avec toute l’efficacité requise lors d’une catastrophe parmi les pairs. La loi imposait la confiscation des biens d’une personne suicidée – dans ce cas, sa dot – mais cette loi avait été contournée par un verdict de démence passagère. Un jury de pairs avait conclu qu’Alice n’avait pas été en possession de toutes ses facultés mentales lorsqu’elle avait commis son geste. La mère d’Alice avait témoigné de la dépression de sa fille la veille et le jour du mariage.

Nicolas fit rouler ses épaules enveloppées du tissu luxueux de sa redingote et repoussa ce souvenir déplaisant dans un recoin de sa mémoire. Il se concentra plutôt sur la délicieuse rouquine qui l’attendrait dans ses appartements plus tard dans la soirée, après qu’il ait bénéficié des effets anesthésiants d’une bouteille de brandy et de quelques parties de billard avec ses deux meilleurs amis. N’ayant aucun goût pour le jeu, il ne répéterait pas les erreurs de son père. Ses vices incluaient la boisson et le genre de femme qui ne cherchait pas de mari.

Il entretenait actuellement une liaison avec une délicieuse jeune femme qui avait la malchance d’être mariée à un baron vieillissant. Son mari se couchait tôt dans la soirée et elle restait dans le lit de Nicolas jusqu’au petit matin. Cela faisait un an qu’ils avaient l’habitude de se retrouver toutes les semaines et c’était un arrangement qui leur convenait parfaitement à tous les deux. Grâce à la discrétion offerte par le club des Comtes Coquins, sa maîtresse pouvait être introduite dans ses appartements et en ressortir sans que personne la voie. Nicolas ressentait tout de même de temps en temps une once de pitié pour le pauvre vieux baron.

Nathaniel, vicomte de Pendleton, était installé dans un fauteuil à large dossier près de la cheminée, les jambes croisées, la tête en arrière, un verre à la main. Ses boutons de manchette reflétèrent la lueur des braises lorsqu’il fit tournoyer le liquide ambré dans son verre en cristal. Sa chevelure châtain était toujours éclaircie par les mèches dorées par le soleil de l’été et ses yeux verts étaient pensifs.

— Comment la bouteille de brandy a-t-elle pu arriver avant moi ? Je viens juste de la commander !

Nicolas se rendit à la petite table d’appoint et prit la carafe pour se verser un verre.

— Vous semblez pensif, dit-il à l’adresse de son ami.

— Je me suis commandé une bouteille également. Je connais votre propension à ne pas partager, Darby, dit Nathaniel avec un petit sourire. Et oui, je suis en plein dilemme.

Nicolas prit place près de son ami, s’installant confortablement sur le cuir moelleux du fauteuil et croisant ses bottes bien cirées aux chevilles.

— Attendons l’arrivée de Stanfeld et vous nous raconterez cela.

— Me raconter quoi ?

Le comte de Stanfeld entra dans la pièce, suivi d’un domestique avec une bouteille.

— Merci, Edward, dit Gédéon.

Il prit la bouteille et la déposa à côté de la carafe déjà à moitié vide.

— J’ai un problème, dit Nathaniel.

Gédéon haussa les sourcils en se versant un verre à son tour.

— Un très gros problème, à en juger par la quantité d’alcool !

— Ha ! Rien ne vaut trois cerveaux embrumés pour résoudre tous les problèmes. Je suis certain que nous pourrions nous occuper du mien et trouver une solution aux problèmes du monde entier avec une seule bouteille.

— Non, il en faudrait au moins quatre, estima Nicolas en se levant.

Il avala la dernière gorgée de son brandy et s’en servit un autre. Une chaleur agréable se diffusait en lui, promettant une soirée d’ivresse anesthésiante et une nuit sans rêve. Il se choisit une queue de billard et la fit passer d’une main dans l’autre, évaluant son poids, son équilibre.

— Qui veut m’affronter en premier ? demanda-t-il.

Nathaniel secoua la tête.

— Je cède ma place à Stanfeld. Jouez tous les deux, moi je parlerai.

Les deux hommes commencèrent leur partie et Nathaniel commença son histoire.

— Vous savez qu’Hannah, ma sœur, était censée avoir sa première saison l’an dernier.

Les deux hommes acquiescèrent d’un murmure, puis Gédéon hocha la tête en direction de Nicolas et frappa la première boule avec un claquement sec.

— Oui, elle a changé d’avis au sujet de cette saison à Londres quand vous avez épousé Lady Eliza. Elle a décidé d’apprendre à connaître sa nouvelle belle-sœur et d’attendre d’avoir dix-huit ans. Elle espérait trouver un gentil et séduisant propriétaire terrien proche de chez vous, supposons-nous, dit Nicolas en souriant devant le coup manqué par son adversaire.

Il se pencha et envoya la boule dans une poche de coin.

Nathaniel acquiesça.

— Eh bien, elle n’en a pas trouvé et devait faire ses débuts cet hiver, arrivant à Londres après qu’Eliza ait eu le bébé, fin décembre ou début janvier. Mais à présent, le Parlement a décidé d’une réunion spéciale en novembre suite au massacre de Peterloo.

Nicolas étudia la disposition des boules sur la table en prévision de son prochain coup, puis il releva la tête.

— Une bien triste affaire. Ces pauvres gens se rassemblaient paisiblement pour écouter un orateur et ils ont été massacrés par leur propre gouvernement local apeuré.

— À ce propos, Stanfeld, toutes mes condoléances pour la mort de votre cousin dans cette débâcle. J’espère que votre mère s’en est un peu remise ? demanda Nathaniel en posant une main sur l’épaule de son ami. C’était une malchance terrible.

Gédéon pinça les lèvres et hocha la tête.

— Merci. Oui, ma mère se porte mieux. Le décès de mon cousin nous a fait entreprendre le voyage, maintes fois repoussé, jusqu’en Écosse afin de rencontrer la famille de Maman dans sa demeure ancestrale.

Son visage s’éclaira et il poursuivit.

— J’ai presque cédé et porté un de ces fichus kilts, mais je me doutais que je m’empêtrerais dans ces kilomètres de satané tissu ! Mais revenons à cette Saison Spéciale. Vous ne faites pas partie de la Chambre des communes, Pendleton, alors en quoi cela vous affecte-t-il ?

— Cela ne m’affecte en rien, mais vous êtes tous les deux membres du Parlement et vous serez en ville…

Nathaniel s’interrompit, visiblement embarrassé.

— Hannah veut arriver au début de la saison. Je pourrais l’accompagner, mais je ne peux pas laisser Eliza seule trop longtemps.

— Vous ne voulez pas la laisser seule, plutôt, le taquina Nicolas.