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Lady Helen était jeune et naïve lorsqu’elle abandonna tout derrière elle pour s’enfuir avec un bel Irlandais charismatique. Quelques brèves années plus tard, Helen, devenue veuve et ayant perdu ses illusions sur l’amour, élève seule leur fillette de trois ans.
Conway, comte de Griffith, accepte d’aider un ami en escortant sa sœur de Bristol jusqu'à Londres. Dès le premier regard, Lady Helen ensoleille l'univers triste du Gallois et sa fille apporte des rires dans sa vie. Parviendra-t-il à convaincre cette superbe veuve que l’amour mérite une seconde chance ?
Du chagrin et des regrets…
Lady Helen était jeune et naïve lorsqu’elle abandonna tout derrière elle pour s’enfuir avec un bel Irlandais charismatique. Quelques brèves années plus tard, Helen, devenue veuve et ayant perdu ses illusions sur l’amour, élève seule leur fillette de trois ans. Son retour au manoir de Stanfeld promet d’être doux-amer. Elle devra faire face à sa famille et implorer leur pardon pour ses mensonges et les inquiétudes qu’elle leur a causées. Mais sa première rencontre sur le sol anglais n’est pas avec un membre de sa famille. Gédéon, le frère d’Helen, a envoyé un très séduisant Gallois à sa rencontre, qui a tôt fait de charmer la mère et la fille.
Un rayon de soleil inattendu…
Conway, comte de Griffith, a hérité de son titre et de son domaine au Pays de Galles à la naissance. Son univers est gris, rempli de responsabilités et solitaire. Griffith accepte d’aider un ami en escortant sa sœur de Bristol jusqu'à Londres. Dès le premier regard, Lady Helen ensoleille son univers triste et sa fille apporte des rires dans sa vie. Mais il pressent que le regard hanté de la jeune femme n’est pas uniquement dû au deuil et il se demande quels secrets elle dissimule. Lorsque son affection se transforme en amour, Griff doit trouver le moyen de convaincre cette superbe veuve que l’amour mérite une seconde chance.
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Seitenzahl: 207
Veröffentlichungsjahr: 2024
IL ÉTAIT UNE VEUVE
TOME SIX
Comte de Griffith
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Épilogue
À propos de l’auteure
Autres romances historiques
Aubrey Wynne
Titre original : Earl of Griffith
Copyright © 2022 Aubrey Wynne
Tous droits réservés.
Aucune partie de cet ouvrage ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris les systèmes d’extraction et de stockage d’information, sans la permission écrite de l’auteur, excepté pour de brèves citations lors de critiques littéraires.
Design de couverture : Jaycee DeLorenzo
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Ingrao
Réalisé avec Vellum
Du chagrin et des regrets…
Lady Helen était jeune et naïve lorsqu’elle abandonna tout derrière elle pour s’enfuir avec un bel Irlandais charismatique. Quelques brèves années plus tard, Helen, devenue veuve et ayant perdu ses illusions sur l’amour, élève seule leur fillette de trois ans. Son retour au manoir de Stanfeld promet d’être doux-amer. Elle devra faire face à sa famille et implorer leur pardon pour ses mensonges et les inquiétudes qu’elle leur a causées. Mais sa première rencontre sur le sol anglais n’est pas avec un membre de sa famille. Gédéon, le frère d’Helen, a envoyé un très séduisant Gallois à sa rencontre, qui a tôt fait de charmer la mère et la fille.
Un rayon de soleil inattendu…
Conway, comte de Griffith, a hérité de son titre et de son domaine au Pays de Galles à la naissance. Son univers est gris, rempli de responsabilités et solitaire. Griffith accepte d’aider un ami en escortant sa sœur de Bristol jusqu'à Londres. Dès le premier regard, Lady Helen ensoleille son univers triste et sa fille apporte des rires dans sa vie. Mais il pressent que le regard hanté de la jeune femme n’est pas uniquement dû au deuil et il se demande quels secrets elle dissimule. Lorsque son affection se transforme en amour, Griff doit trouver le moyen de convaincre cette superbe veuve que l’amour mérite une seconde chance.
Avril 1816
Mer d’Irlande
Helen offrit son visage aux vents mordants de la mer d’Irlande. Dans son dos, Rory lui infusait sa chaleur, les voiles claquaient et s’agitaient, et le navire voguait sur les vagues déchaînées. Helen sourit lorsque les bras de son jeune époux se refermèrent étroitement autour d’elle, le port de Holyhead et le Pays de Galles disparaissant dans le lointain.
— J’ai dépensé mes derniers sous pour une cabine. Nous serons seuls, ce soir. Pas d’entrepont pour Mrs O’Neill, lui murmura-t-il à l’oreille.
Mrs O’Neill. Elle ressentait une pointe d’excitation chaque fois qu’elle entendait ce nom. Helen se retourna et noua les bras autour du cou de Rory, laissant sa capuche tomber sur ses épaules.
— Je vous aime, Roarik O’Neill.
— Mais cela valait-il la peine de perdre votre famille pour moi ?
Il enfouit le nez dans son cou et elle ferma les yeux avec un soupir.
— Vous êtes exactement ce que je désirais, lui rappela-t-elle en se blottissant plus étroitement contre lui. La colère de mon père finira par s’atténuer. Maman s’en assurera.
Mais Helen n’était pas aussi confiante qu’elle le laissait entendre. Le comte de Stanfeld serait furieux en apprenant que la plus jeune de ses filles s’était enfuie pour se marier en secret, à seulement seize ans, avec un jeune Irlandais, fils illégitime d’un duc anglais. Helen avait tenté de convaincre son père.
— Il est à moitié Anglais, Papa. Son père siège à la Chambre des Lords.
Elle s’accrocha à sa manche, les yeux brillants de larmes.
— Vous êtes bien trop jeune. Votre mère veut que vous ayez une Saison, l’année prochaine. Je ne comprends pas l’urgence d’un mariage, à moins–
— Papa, comment pouvez-vous penser une telle chose !
— Comment pouvez-vous penser que je vous autoriserais à épouser cet homme ? Il est illégitime et n’a même pas été reconnu par son père, petite sotte ! Cet individu cherche uniquement à financer sa « cause » et il est prêt à toutes les bassesses pour obtenir de l’argent, dit Lord Stanfeld qui arpentait la bibliothèque à grands pas. Il est affilié aux radicaux de Dublin. Un adorateur de ce traître de Daniel O’Connell, qui cherche uniquement à se faire un nom.
— Mais–
— Il n’a pas un sou à lui, Helen ! Avez-vous envie d’élever vos enfants dans une masure irlandaise ? demanda son père en pointant le doigt vers elle. Il faudra me passer sur le corps !
Cela n’avait pas d’importance. Elle était amoureuse d’un homme qui tenait plus à elle qu’à un titre de noblesse ou à un quelconque devoir envers une lignée familiale. Rory n’était pas comme le père d’Helen, un homme qui ne voyait le monde qu’en noir et blanc et ne s’intéressait qu’au côté pratique des choses. Rory, lui, était un homme passionné, dépourvu d’obligations envers une longue tradition familiale. Helen voulait être avec quelqu’un dont elle serait la priorité, pas n’être considérée que comme une pouliche servant à mettre au monde des héritiers.
Elle avait économisé son argent de poche pendant un an et mis de côté ces petits montants pour « quelque chose de spécial ». Helen ne connaissait Rory que depuis quelques mois quand il lui avait demandé de l’épouser, mais elle avait accepté immédiatement, ravie de posséder cette pile de guinées cachées dans sa penderie. Après avoir vendu certains de ses bijoux, et d’autres choses dont elle n’avait jamais eu besoin, il y avait eu assez d’argent pour commencer leur nouvelle vie dans une jolie maison, en ville, avec peut-être une ou deux domestiques à la journée pour cuisiner et nettoyer. Rory l’avait avertie que ce serait difficile, au début. Elle n’aurait pas le luxe auquel elle était habituée. Mais ils s’aimaient. Cela suffisait, n’est-ce pas ?
La proue du bateau plongea, puis se redressa, une vague d’écume gris et blanc éclaboussa la coque.
— Cette cabine privée est une très bonne idée !
Helen frissonna en pensant à sa nuit de noces à venir. Partager le lit d’un homme, de cet homme, pour la première fois la terrifiait et l’excitait à la fois.
Il lui prit la main et la posa au creux de son bras.
— Ma mie, votre chambre des délices maritaux vous attend.
Les yeux noisette de Rory pétillaient et son sourire familier provoquait toujours la même sensation agréable au creux du ventre d’Helen.
* * *
— O’Neill ! Hé, O’Neill, par ici ! cria quelqu’un sur les quais encombrés.
Deux hommes, habillés de vestes et de pantalons de laine brune, agitaient la main dans leur direction.
— Les voilà, mon amour. Joseph et Colin. Ce sont les amis dont je vous ai parlé. Ils sont impatients de vous connaître.
Rory agita à son tour la main vers ses camarades et son sourire donna à son visage séduisant un air juvénile.
Ils se frayèrent un chemin parmi la foule qui empruntait la planche pour descendre du bateau. Helen portait deux sacs et Rory avait chargé la malle sur son épaule. Elle regarda, admirative, ses biceps qui tendaient le mince tissu de son manteau tandis qu’il esquivait les autres hommes transportant des malles ou des tonneaux sur leur dos. Helen renonça bien vite à marcher aux côtés de Rory et le suivit, la main agrippée à l’arrière de son manteau, lorsqu’il se fraya un chemin sur le quai vers ses amis. Il fit les présentations et les deux hommes déchargèrent immédiatement Helen de ses sacs.
— Tu ne nous avais pas dit que c’était une beauté ! dit Joseph, celui aux cheveux noirs.
— Tu es certain qu’elle est Anglaise ? demanda Colin en indiquant les cheveux roux d’Helen d’un hochement de tête.
— Je suis à moitié Anglaise. Ma mère est Écossaise, expliqua-t-elle en riant.
— Oh, tu me plais encore plus ! s’écria Colin dont le bonnet de laine peinait à discipliner ses propres cheveux roux.
Puis il se tourna vers Rory.
— Il s’est passé beaucoup de choses depuis ton départ. J’espère que tu t’es bien reposé, parce que nous avons du pain sur la planche.
Les trois hommes s’éloignèrent du bateau et Helen les suivit, en profitant de l’occasion pour admirer sa nouvelle patrie pour la première fois. Elle se rendit compte avec surprise qu’aucun attelage n’était venu les chercher. Les rues étaient aussi encombrées que celles de Londres, mais les bâtiments n’étaient pas aussi hauts. Leur petit groupe marcha pendant près d’une heure avant d’enfin tourner dans une rue étroite. Les maisons de rangée, toutes identiques, étaient recouvertes d’une couche de saleté sur leurs marches et sur les briques. Ils montèrent plusieurs volées d’escaliers grinçants et Helen lutta contre l’envie de se couvrir le nez contre l’odeur âcre qui semblait imprégner les couloirs. Elle avait mal aux pieds et rêvait d’un bain chaud, d’un bon repas et d’un lit bien propre. Et d’un peu de temps, seule avec son mari, pour s’habituer à son nouvel environnement.
Lorsqu’ils arrivèrent devant une porte à la peinture écaillée et marquée d’un 6 noir, Rory sortit une clé et l’ouvrit. À la grande surprise d’Helen, Colin et Joseph les suivirent à l’intérieur. Ils semblaient très à l’aise dans l’appartement, sachant d’emblée où déposer les sacs, puis s’installant comme chez eux à la petite table de la minuscule cuisine.
— Je suis désolé, mon amour, mais j’ai des affaires à régler, ce soir, dit Rory en lui donnant une petite tape sur le bout du nez. Puis nous reprendrons les choses là où nous nous sommes arrêtés ce matin.
Les joues d’Helen s’enflammèrent au souvenir de leur intimité. Elle était une femme, à présent.
— Je vais défaire mes bagages, dans ce cas. Comment puis-je me faire préparer un bain ?
Elle fut surprise d’entendre son mari glousser.
— Vous êtes ma bourgeoise, maintenant. On a laissé la grande Lady Helen à Londres, vous vous souvenez ?
— Êtes-vous en train de dire que les bourgeoises ne prennent pas de bain ? répliqua-t-elle avec humour en baissant les yeux sur sa robe tachée de boue. Vous risquez de ne plus m’aimer autant si j’ai la même odeur que les allées par lesquelles nous sommes passés pour arriver ici.
— Ne vous inquiétez pas. Je monterai de l’eau pour vous deux fois par mois. Vous resterez bien assez douce, dit-il en l’embrassant brièvement sur la bouche. Installez-vous, j’en aurai vite fini.
Mais Rory ne la rejoignit que peu avant l’aube. Helen était restée allongée, les yeux ouverts, pendant des heures, à écouter le murmure des voix graves des hommes, les exclamations occasionnelles et les éclats de rire. Ils ne se sont plus vus depuis deux mois, se disait-elle.
Mais les réunions de cuisine, comme elle les appelait maintenant, s’étaient tenues tous les soirs. Helen se retrouva à servir de bonne et à nourrir les trois hommes presque tous les jours. Parfois, d’autres camarades se joignaient à eux. Heureusement, la plupart des repas – de la viande et du pain – étaient achetés tout prêts et déjà cuits et elle apprit avec le temps à aimer les pommes de terre, que l’on pouvait cuisiner à toutes les sauces. Elle n’appréciait pas particulièrement ce travail, mais cela l’occupait et c’était mieux que l’autre option. Quand Rory et ses camarades n’étaient pas dans la cuisine, ils partaient Dieu sait où jusqu’à l’aube. Helen détestait être seule encore plus qu’elle détestait cuisiner.
Elle se demandait quel genre d’affaires son mari pouvait bien mener. Rory restait toujours très évasif quand elle lui demandait davantage de détails. Il lui avait dit être employé par un certain Daniel O’Connell en tant que cocher et messager. Et qu’il travaillait à des heures inhabituelles. Il lui avait aussi confisqué sa bourse remplie de pièces et l’avait déposée en lieu sûr.
Six mois plus tard, Helen avait compris qu’elle ne vivrait jamais dans une maison de ville avec des domestiques à la journée pour l’aider. Elle serait la seule à cuisiner et à nettoyer. L’argent qu’elle avait si prudemment mis de côté s’était envolé. Elle soupçonnait qu’il avait servi La Cause qui régissait la vie de Rory.
— Allons, ma belle, nous nous en sortons très bien tous les deux, lui affirmait-il avec son accent chantant et doux. Nous n’avons pas besoin d’étrangers allant et venant chez nous chaque jour. Et je suis si fier de la façon dont vous vous êtes acclimatée à votre nouvel environnement.
Puis il l’embrassait, l’emmenait dans la chambre à coucher et lui faisait oublier les arguments qu’elle avait soigneusement préparés.
Helen posa une main sur son ventre, caressant le bébé qui bougeait en elle. Son propre père serait heureux de la savoir si fertile, pensa-t-elle avec ironie. La déception menaça de la submerger, mais elle battit des paupières pour chasser ses larmes. Rory et les autres seraient bientôt rentrés et elle devait cuire les pommes de terre.
Elle sortit de la minuscule chambre à coucher d’un pas trainant, sans plus entendre les grincements sous ses pieds, traversa le modeste salon avec son tapis usagé et ses deux fauteuils à bascule, puis elle entra dans la petite pièce adjacente qui ne méritait le nom de cuisine que parce qu’un fourneau s’y trouvait pour cuire les aliments. Helen prit une pelletée de charbon dans le seau et tisonna les braises pour les faire repartir. Puis elle s’effondra sur une chaise abîmée, mais costaude et elle se mit à sangloter.
La priorité de Rory, ce n’était pas elle, mais son Irlande bien-aimée. Il tenait à elle, mais elle comprenait maintenant qu’être marié à la fille d’un comte anglais conférait à Rory une certaine respectabilité auprès des élus locaux. Ils supposaient que Rory, en raison de la noblesse de sa femme, prêtait allégeance à la monarchie britannique et à ses lois. Mais en réalité, si Rory devait choisir, il ferait toujours passer en premier les droits de ses compatriotes irlandais. Malgré toutes les promesses qu’elle s’était faites et toutes les précautions qu’elle avait prises, Helen avait épousé un homme exactement comme son père.
Fin juin 1820
Dublin, Irlande
Helen se réveilla en sursaut. Les coups frappés à la porte redoublèrent. Elle tâtonna sur les draps froids à côté d’elle. Rory n’était pas rentré. Maeve commença à pleurer et Helen prit la fillette de trois ans dans ses bras. Le rythme incessant des coups s’accéléra tandis qu’elle passait rapidement un bras dans la manche de sa robe de chambre en laine rugueuse, changeait Maeve de bras, puis enfilait l’autre manche.
— J’arrive ! cria-t-elle d’une voix tremblante.
Elle tapota le dos de sa fille pour essayer de la calmer. Elle sentit sa poitrine se serrer à chaque pas. Il se passait quelque chose de grave. Elle le sentait au plus profond d’elle-même.
Elle ouvrit la porte et découvrit Maire, la femme de Joseph, sur le seuil, le poing en l’air, prête à frapper encore une fois. Les yeux bruns de la jeune femme reflétaient son inquiétude et son bonnet avait été posé à la hâte au sommet de sa chevelure brune.
— Helen, il faut que tu fasses tes bagages. Il y a eu un terrible… accident et il faut que tu partes ou–
— Où est Rory ?
Devant l’hésitation de son amie, le cœur d’Helen se mit à battre plus vite.
— Où est mon mari ? hurla-t-elle, paniquée.
Maeve recommença à pleurer.
— Chut, chut ! Il est mort. Il faut que tu m’écoutes !
Maire prit Helen par les épaules et la secoua légèrement.
— Il y a eu une bagarre dans une taverne. Un groupe de Loyalistes a provoqué les Nationalistes. Rory a essayé d’interrompre le combat, mais ils ont continué à l’extérieur. Les forces de l’ordre sont arrivées pour calmer les choses, mais ton mari a accidentellement tué un des peelers d’un coup de pistolet. Un autre peeler lui a tiré dans le dos quand il a essayé de s’enfuir.
Les Forces de Préservation de la Paix – mises sur pied par Sir Robert Peel, ancien Secrétaire d’État pour l’Irlande – étaient constituées de plusieurs agents de police et d’un juge qui se comportaient comme une milice mobile pour gérer les conflits et y mettre fin. Les peelers, comme on les appelait, étaient envoyés pour réprimer les émeutes et toute forme d’agitation. Assassiner un peeler était un crime grave et pourrait être assimilé à de la trahison. Surtout si ce crime était commis par un Nationaliste bien connu, comme le mari d’Helen.
Mort ? Helen berça gentiment Maeve pour apaiser les pleurs de l’enfant et suivit Maire dans la chambre. Son amie plongea la main sous le lit, en retira le sac de voyage et la petite malle et les déposa sur les draps froissés.
— Donne-moi Maeve et prends tout ce dont tu auras besoin pour quelques semaines, y compris tes billets pour l’Angleterre. Je t’expliquerai dans le fiacre, dit Maire en tendant les bras à la petite fille qui sanglotait. Je vais chercher quelque chose à manger pour la petite puce.
Vingt minutes plus tard, Helen se retrouvait dans un fiacre dégoûtant et essayait de ne pas respirer trop profondément. Une puanteur de vieux vomi planait dans l’habitacle et les larmes qu’elle n’avait pas versées lui piquaient les yeux. Mais elle devait se montrer forte pour sa fille.
— Pourquoi dois-je partir ? Je suis une…
Sa voix se brisa et elle lutta pour garder contenance devant Maeve.
— …une veuve, maintenant, avec un enfant et sans le sou. Je ne suis même pas impliquée dans les agissements de Rory.
— Rory était connu pour être un des meneurs des Nationalistes de Dublin. Les autorités ne savent pas encore qu’il est mort. Joseph s’est débrouillé pour l’emmener loin de la foule, mais c’était trop tard. Rory est mort une heure après s’être échappé, raconta Maire en serrant la main d’Helen. Mon Joey a dit qu’ils s’en prendraient à toi. Ils voudront faire un exemple de Rory, mort ou vif.
— Mais que pourraient-ils me faire ?
La tête lui tournait. Un mari décédé, un bébé en pleurs et des complots en pagaille. Comment avait-elle pu en arriver là ?
— T’enfermer pour t’interroger. Tu n’as pas de famille pour te protéger, ici. On t’enlèvera Maeve, dit Maire en lui serrant à nouveau la main. Je sais que tu avais prévu de rentrer pour le mariage de ton frère. Nous échangerons les billets que tu avais achetés contre d’autres billets pour partir du port de Cork. Il y a peut-être des espions dans le port de Dublin.
Tout était arrivé si vite. S’il n’y avait pas les cahots du fiacre qui les emmenait, Helen aurait pu croire que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve. Au fond d’elle, elle avait toujours su que cela arriverait un jour. Son mari, si passionné, ne se serait jamais assagi pour mener une vie paisible.
Quels avaient été les derniers mots qu’elle lui avait dits ? Des mots d’amour ou des reproches ? Les deux semblaient franchir ses lèvres à parts égales, ces derniers temps. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux une fois de plus. Elle inclina la tête contre le cuir craquelé du dossier du fiacre et ravala sa peur. Maeve était sa principale préoccupation. Son adorable petite fille aux yeux bleus et à la chevelure noir de jais, comme son père. Le père d’Helen, quant à lui, était décédé un an après qu’elle se soit enfuie pour se marier. Encore un homme que Maeve ne connaîtrait jamais.
Elle serra contre elle l’enfant endormie qui ronflait doucement contre sa poitrine. Au moins Helen avait eu un père durant son enfance. Qui tiendrait ce rôle pour Maeve ? Gédéon, son propre frère ? Les larmes menacèrent à nouveau de couler. Non ! Ce n’était pas le moment de pleurer. Elle pourrait faire son deuil plus tard. Demain.
— Où allons-nous, à présent ? demanda-t-elle à Maire.
Avec un soupir de soulagement, son amie expliqua :
— D’abord, nous allons nous arrêter à un relais de diligence en dehors de la ville. J’ai un peu d’argent pour tout ce dont tu auras besoin avant d’embarquer. Je suppose que ton frère prendra soin de toi une fois que tu auras débarqué sur les côtes anglaises.
— Il faut que j’écrive à Lord Stanfeld, dit-elle.
Elle se demanda ce que Gédéon penserait en la voyant arriver sans Rory. Elle lissa sa jupe d’une main tremblante et poursuivit :
— Il pense que je débarquerai avec ma famille au port d’Holyhead et que nous nous rendrons directement en Écosse pour le mariage. Il faut que je lui communique ma nouvelle destination et que je demande une escorte.
Maire hocha la tête.
— Aye, ça, c’est parler ! Je suis ravie que tu réfléchisses enfin. Tu pourras poster ta lettre au relais de la diligence. Je t’accompagnerai jusqu’à Cork et je m’assurerai que tu puisses embarquer sans problème.
Maire sortit un morceau de sucre de sa poche et le tendit à Maeve pour qu’elle le suce. La fillette poussa une exclamation joyeuse et commença à mordiller la sucrerie.
Deux heures plus tard, Helen signait sa lettre d’une main tremblante.
Mrs Roarik O’Neill
Le contenu de cette lettre et la signature d’Helen laissaient entendre que Rory était encore en vie et qu’Helen était toujours une jeune épouse et une mère heureuse et comblée, et pas une veuve éplorée. Elle ferma les yeux et revit le sourire et les yeux verts de Rory qui pétillaient toujours d’enthousiasme.
Mais son mari avait aussi été un radical, un homme convaincu que l’Irlande devait être indépendante, convaincu que les Irlandais valaient bien les Anglais et qu’ils méritaient donc d’avoir les mêmes droits. Le caractère enflammé et l’orgueil de Rory avaient causé sa perte. Il avait fallu moins d’un an à Helen pour comprendre que c’était de l’image séduisante de Rory qu’elle était tombée amoureuse. Qu’il l’avait utilisée pour se forger une certaine respectabilité. Qui aurait pu le soupçonner de comploter contre les Loyalistes puisqu’il avait épousé une Anglaise ? Une fille de comte, en plus.
Oh, bien sûr, Rory avait éprouvé beaucoup d’affection pour elle et leur attirance physique avait momentanément aveuglé Helen. Elle avait été si naïve à propos des choses de l’amour. Mais l’amour de Rory pour Maeve avait été indéniable. Il était – il avait été – un bon père quand il était présent. Rory avait aimé sa fille avec la même passion qu’il avait aimé l’Irlande. Enfin, presque.
— Veux-tu que je la poste pour toi ? demanda Maire en s’asseyant sur une chaise près de la petite cheminée de leur chambre. Il nous faudra sans doute plusieurs jours pour atteindre Cork. Je suppose que tu préférerais que cette lettre atteigne ta famille avant que tu n’accostes.
— Oui, merci, acquiesça Helen en souriant. Et merci de vous être montrée si bonne et si patiente avec moi, Maire. Vous allez me manquer.
La gentille jeune femme assise en face d’Helen avait été un vrai don du ciel durant toutes ces années. Maire était apparue comme un ange salvateur, montrant à Helen où acheter ce dont elle avait besoin, lui indiquant qui pratiquait les meilleurs prix pour la viande et le pain, et elle était devenue une amie fidèle. Elle avait également aidé Helen à accoucher d’une petite Maeve pleine de vie. Ayant deux sœurs, Helen avait l’habitude d’avoir de la compagnie et d'avoir quelqu’un à qui parler. Maire travaillait comme couturière durant la journée, mais elle était toujours restée avec Helen les soirs où les hommes étaient « de sortie ».
— Que va-t-il arriver à la… à Rory ?
À sa dépouille. Elle ne parvenait pas à le dire à haute voix. Cela semblait si irréel.
— Mon Joey l’a emmené à notre paroisse locale. Le prêtre le bénira et fera en sorte qu’il soit enterré décemment. Et je m’assurerai d’entretenir sa tombe comme je le fais pour mon père.
Maire approcha sa chaise de celle d’Helen et lui passa un bras autour des épaules.
— Je ne pense pas revenir un jour, murmura-t-elle en inclinant la tête contre l’épaule de Maire. Est-ce que je l’abandonne si je ne reviens jamais à Dublin ?
Maire secoua la tête.
— Tu en as assez fait pour lui, ma chérie. Il ne te demanderait pas de faire pour lui plus que tu n’en as déjà fait. Il faut penser à Maeve, maintenant. C’est elle, le plus important.
— Je ferais en sorte qu’elle sache qui était son père. Un homme dont elle pourra être fière, qui est resté loyal à sa patrie jusqu’au bout.
Helen ferma les yeux. Pas de larmes. Pas maintenant. Si elle les laissait couler, elle ne pourrait plus s’arrêter. Trop de regrets, trop de rêves brisés.
— Bien sûr, maintenant donne-moi la lettre et essaie de dormir un peu. Tu seras bientôt auprès de tes proches.
Maire sortit en refermant doucement la porte derrière elle.