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Surprenant, enflammé, épique, charnel, transgressif, mystique : Dionysiaque est un recueil de textes pugnaces, affranchis des règles et des conventions, rédigés par l'auteur dans ses carnets de voyage au fil de ses périples en Méditerranée. On y croise les ombres fugaces d'écrivains, d'architectes, de poètes, de musiciens, de divinités, d'amants. Tissé de visions antiques et de paganisme échevelé, Dionysiaque compose un tableau atypique mêlant de grands thèmes mythologiques à la violence des sens, à l'émotion créative des artistes et aux questionnements profonds qui travaillent et écorchent l'âme humaine depuis l'Antiquité. Une ode originale, lyrique et osée puisée aux racines des plus grandes civilisations, qui ne laissera pas le lecteur indifférent.
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Seitenzahl: 40
Veröffentlichungsjahr: 2025
« Tout ce que nous voyons est une perspective, et non la vérité. »
Marcus Aurelius
Dionysiaque : Qui présente les caractères attribués à Dionysos ou à son culte. Qui a pour caractère l’irrationnel, l’enthousiasme, la passion, la frénésie, la démesure, le délire.
Dictionnaire de l’Académie française
Le Scribe et l’Architecte
L’augure
Tambours
L’aède
Rébétiko
Le destin de Yannis Ritsos
Minotaure
L’orage approche
Fuir Pompéi
Anubis
Les venelles de Cavafy
Mélopée
Anciens drames
Epidavros
Ostraka
Les Ménades
Incendie
Epilogue
À l’aube, lorsque le quadrige d’Hélios commence à effleurer la mer d’une lueur douce et tremblante, les ruines des temples antiques se dressent sur leur promontoire, figées dans une majesté silencieuse. L’air est frais, chargé du parfum salé des vagues qui, au loin, viennent se briser sur les rochers. La lumière, sensuelle et câline, pénètre jusque dans les craquelures des colonnes érodées, caressant leurs formes avec la délicatesse d’un souvenir ancien, comme si le temps lui-même s’était arrêté pour contempler cette rencontre entre l’homme et les dieux. Sur cette falaise, qui surplombe l’infini azur, les pierres racontent des siècles de grandeur et d’âpres combats, d’efforts surhumains pour capturer l’éphémère. Les ouvrages, autrefois resplendissants dans leur blancheur éclatante et les couleurs joyeusement violentes dont étaient peintes les statues, portent bien sûr aujourd’hui les marques de l’inexorable outrage des époques révolues, mais il n’en émane aucun chagrin. Au contraire, ils semblent être les témoins d’une éternité, ancrés dans une présence tranquille, constante, et omnipotente. Chaque stylobate sur lequel repose l’édifice, chaque chapiteau dorique ou ionique, murmure à l’oreille des rêveurs et des sages une vérité intemporelle. Le soleil, encore timide à l’horizon, fait bientôt naître des ombres douces sur des blocs épars au sol, écroulés. On ressent là, même dans les débris, une harmonie étrange qui ne laisse jamais l’âme indifférente. Il n’y a personne, dirait-on. Pas d’hommes, pas de voix humaines, seulement l’écho du ressac et le chant secret, très doux, des Néréides. Ils sont pourtant tous présents, les Olympiens, invisibles, dans l’air léger chargé d’une énergie antique, au-delà de l’imaginable, dans la lumière qui glisse sur le marbre.
Pour tous les infortunés qui demeurent imperméables à la déraison créative, ils semblent avoir quitté les lieux, mais c’est faux, leur puissance n’a jamais disparu, et nul besoin de relire la Théogonie d’Hésiode en scandant ses hexamètres dactyliques pour s’en convaincre : cette harmonie flotte ici dans l’atmosphère vive, dans chaque brise effleurant les architraves, dans chaque lueur qui dessine des esquisses sublimes sur les pierres meurtries. C’est simple, doux, évident, enveloppant et rassurant comme les bras de l’être aimé.
Les vestiges sont des échos. Des échos d’un monde où l’art et l’architecture étaient des moyens de communiquer avec le divin. Où chaque colonne, chaque sculpture, chaque symétrie n’était pas seulement un défi pour le minéral, mais un hommage à ce qui est éternel. Ce sont des espaces sacrés, des lieux où le temps ne se mesure pas en années mais en instants suspendus. En ce matin, lorsque la nature s’ébroue avec une grâce infinie, ces ruines deviennent des ponts vers un autre monde, un monde où l’humain se fondait dans l’immortalité, où les temples étaient des portes mystérieusement ouvertes sur l’immensité de l’univers.
Le silence est lourd de non-dits et de significations, car il n’y a pas d’images définies mais une vision, une sensation de grandeur cosmique. Tout ici résonne d’une beauté pure, une beauté qui résiste à l’érosion des siècles, une beauté née du dialogue silencieux entre l’homme, l’art et la divinité. Ces monuments, au-delà de leur forme physique, continuent d’être les porteurs d’une aura magique qui se reflète dans les flots, dans les cieux, dans l’ineffable.
Ainsi, dans la paix de l’aube rose, il est possible de ressentir la présence d’une époque révolue, et pourtant si vivante. Il suffit d’écouter le babillage des fauvettes, de respirer l’air chargé de thym, et d’accepter que la lumière, celle qui réchauffe les marbres, n’est que le reflet des étoiles, des rêves et des dieux eux-mêmes.
Le Scribe, comme l’architecte, façonne des mondes où le temps et l’espace se recomposent. Par les mots, il bâtit des structures évanescentes mais cependant énigmatiquement palpables, des lieux d’intimité et de réflexion. Chaque phrase devient une poutre, un bloc, chaque paragraphe une salle, un lieu à habiter. Comme un architecte, il doit anticiper les fondations, ces récits sous-jacents qui soutiennent l’ensemble.
Mais tout comme l’édifice, le texte doit savoir se laisser traverser par l’air, le silence, l’éclat de l’imaginaire.