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Ecrire l'amazigh E-Book

Cherif Arbouz

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Beschreibung

Découvrez les bases d’une grammaire unifiée pour une des langues les plus anciennes du bassin méditerranéen.

Cet ouvrage didactique de Chérif Arbouz est un pas majeur vers la normalisation des règles d’écriture d’une langue demeurée jusqu’à présent, essentiellement orale. La langue amazighe ou berbère est parlée depuis plus de 2000 ans dans toute l’Afrique du Nord, le Sahara et une partie du Sahel. Elle se décline aujourd’hui en une trentaine de variétés et rassemble environ quarante millions de locuteurs.

L’écriture de la langue a subi quant à elle une érosion progressive. Au gré des influences politiques, culturelles ou commerciales, souverains et lettrés se sont exprimés, à l’écrit, en grec, latin, arabe ou français ; si bien qu’aujourd’hui, l’alphabet des origines, connu sous le nom de « tifinagh », c'est-à-dire « les lettres », ne subsiste plus que dans les régions de l'extrême sud algérien. La reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle dans les constitutions du Maroc (2011) et d’Algérie (2016) affirme son poids dans deux pays où vivent près de 80% des berbérophones.

Pour Chérif Arbouz, c’est l’occasion rêvée de relever le défi de l’écriture et de la codification grammaticale de la langue amazighe. L’auteur reprend les travaux d’Adolphe Hanoteau (1814-1897), auteur de plusieurs essais sur la langue kabyle et premier à recourir à l'alphabet latin pour écrire en amazigh. Il utilise les avancées et impasses des réformateurs contemporains comme Mouloud Mammeri. Romancier et grand connaisseur des langues et cultures berbères, Chérif Arbouz avance des règles simples et établit une grammaire harmonisée pour écrire la langue amazighe. Il les illustre de nombreux cas pratiques et offre au lecteur de s’exercer en traduisant un extrait de roman.

Au-delà de l’intérêt culturel, Chérif Arbouz poursuit des objectifs très concrets : offrir à tous les berbérophones un moyen de s’exprimer à l’écrit dans leur langue, écrire aisément des textes sur leurs ordinateurs ou leurs téléphones, les partager, « accéder au savoir sous ses diverses formes contemporaines » à travers la langue amazighe.

Cet ouvrage contribue donc à la diffusion et la perpétuation d’une culture ancienne et intéressera les berbérophones, les linguistes, les étudiants, tous ceux que l’étude des langues passionne !

EXTRAIT

Rien de mieux approprié pour aborder le sujet du présent ouvrage, que l'extrait suivant du manifeste « Défense et illustration de la langue française », publié en 1549 par Joachim Du Bellay.

« Ne pensez donc, quelque diligence et industrie que vous puissiez mettre en cet endroit, faire autant que notre langue, encore rampante à terre, puisse hausser la tête et s'élever sur pieds ? »



Ainsi donc s'exprimait le célèbre poète, plaidant en faveur de la promotion de la langue française, face à l'impérieuse domination du latin, la langue savante alors commune à toutes les nations d'Europe.

À peu de choses près, cette exhortation pourrait aujourd'hui s'adresser à tous ceux qui ont à cœur le devenir de la langue amazighe, laquelle présentement se trouve dans une situation comparable à celle de la langue française au 16e siècle. Voyons cela à la lumière de ce qui suit.

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Écrire l'amazigh

Vers une langue et une grammaire unifiées

Chérif Arbouz

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Avant-propos

Rien de mieux approprié pour aborder le sujet du présent ouvrage, que l'extrait suivant du manifeste « Défense et illustration de la langue française », publié en 1549 par Joachim Du Bellay.

« Ne pensez donc, quelque diligence et industrie que vous puissiez mettre en cet endroit, faire autant que notre langue, encore rampante à terre, puisse hausser la tête et s'élever sur pieds ? »

Ainsi donc s'exprimait le célèbre poète, plaidant en faveur de la promotion de la langue française, face à l'impérieuse domination du latin, la langue savante alors commune à toutes les nations d'Europe.

À peu de choses près, cette exhortation pourrait aujourd'hui s'adresser à tous ceux qui ont à cœur le devenir de la langue amazighe, laquelle présentement se trouve dans une situation comparable à celle de la langue française au 16e siècle. Voyons cela à la lumière de ce qui suit.

Au début des temps historiques, toutes les populations d'Afrique du nord s'exprimaient à travers la langue amazighe, laquelle alors s'écrivait grâce à un alphabet connu sous le nom de « tifinagh », c'est-à-dire « les lettres ». Cependant ce mode d'écriture cessa d'être pratiqué, partageant ainsi le sort des hiéroglyphes égyptiens dont il était contemporain. Ensuite, avec l'émergence successive des civilisations phénicienne, grecque, latine, puis arabe, vint le temps où l'antique Numidie (l'Algérie actuelle) subit l'influence de celles-ci, et au fil des siècles, ses élites cultivées ne s'exprimèrent plus par écrit, qu'à travers la langue qui selon l'époque concernée traduisait cet état de choses. Cette situation se maintint durant presque deux millénaires, puis, après 1830, intervint la colonisation française, ce qui se traduisit par un impact culturel qui ne fut jamais atteint auparavant. Il faut noter cependant que dans les régions de l'extrême sud algérien, le recours aux « tifinagh » a survécu pour des raisons utilitaires, ce qui a tout de même permis la conservation de cet alphabet.

Tel est donc le contexte dans lequel s'inscrit le présent ouvrage, lequel se veut une contribution en vue d'imprimer un nouvel et décisif élan, à l'essor qui depuis le début du siècle dernier a permis à la langue amazighe de s'écrire de nouveau, mais en caractères latins cette fois.

Dans le cadre ainsi défini, et tenant compte des exigences incontournables des temps présents, notre propos est de perfectionner les moyens qui ont permis à l'amazigh de retrouver son statut de langue écrite, et à travers cela, d'en faire un instrument efficace de communication, dans un esprit d'ouverture sur un monde modelé par la science.

Cet esprit d'ouverture ne serait d'ailleurs pas nouveau, si l'on considère que tout au long des siècles passés, de notoires et nombreux représentants de l'élite intellectuelle amazighe, s'illustrèrent par des productions écrites, aujourd'hui mondialement connues. Ils le firent en usant successivement comme déjà dit, du grec d'abord, puis du latin, de l'arabe et enfin du français. À titre d'exemples, citons les chroniques historiques du roi numide Juba II, pour ce qui est du recours au grec, et il est ici utile de rappeler que l'influence de la civilisation hellénique s'était exercée en Numidie depuis le règne de Massinissa, au 2e siècle avant J.C. Le recours au latin pour sa part, s'illustra un peu plus tard à travers les écrits philosophiques d'Apulée de Madaure et les ouvrages œcuméniques de Saint Augustin. Ensuite il y eut la période islamique qui vit l'arabe se substituer au latin, période au cours de laquelle se distingua Ibn Khaldoun en qualité d'historien du peuple amazigh, ce qui à juste titre lui valut bien plus tard, d'être considéré comme le précurseur des historiens modernes. Pour enfin clore la liste des langues adoptées, la dernière en date, le français, fut celle dont l'impact a été le plus grand, du fait de son enseignement à une échelle jamais atteinte jusque-là. Il n'est pour en juger, qu'à considérer le grand nombre d'écrivains algériens d'expression française notoirement connus. Parmi les plus récents, on peut citer Zohra Imalayen, fille d'un instituteur kabyle qui sous le pseudonyme d'Assia Djebar, vit sa carrière littéraire couronnée en 2005 par son élection à l'Académie française, après qu'elle eut frôlé l'obtention du prix Nobel de littérature.

Cependant, tout au long de ces périodes, la langue de l'antique peuple numide, même si elle ne s'écrivait plus, perdura. Avec cela, elle garda intact l'essentiel de ce qui la caractérisait fondamentalement, faisant ainsi valoir sa remarquable pérennité. Mieux encore, à travers son oralité même, cette langue n'a pas cessé de s'enrichir d'apports en provenance des différents foyers de civilisation du pourtour de la mer Méditerranée. Pour s'en convaincre il n'y a qu'à considérer son lexique où foisonnent les vocables d'origine latine, ou plus tard ceux empruntés à l'arabe, à l'espagnol et en dernier lieu au français.

La prise de conscience de cet état de choses au début du vingtième siècle, suscita un courant à la faveur duquel une suite de pionniers usant de l'alphabet latin fit de telle sorte que l'amazigh put enfin retrouver son statut de langue écrite. De ce fait, celle-ci qui, durant des siècles, fut réduite à ne représenter qu'une somme d'idiomes sans avenir, est maintenant en bonne voie de faire partie des langues vivantes modernes, pour peu qu'il y soit pourvu, car il reste encore beaucoup à faire.

Sous un rapport historique, il faut souligner le fait que l'initiateur du recours à l'alphabet latin pour écrire en amazigh, fut le général Hanoteau. Celui-ci en effet, alors colonel en charge de l'administration de la Grande Kabylie, peu après la conquête de cette région par les Français en 1857, usa de cet alphabet pour donner une forme écrite à des poèmes kabyles anciens. Par la suite, des évangélistes, prêtres catholiques ou pasteurs protestants, en firent autant à des fins de prosélytisme, à travers des traductions en kabyle de textes bibliques. Peu après, vers le début du 20e siècle, ce fut au tour d'élites francophones de Kabylie d'adopter le mode de transcription de Hanoteau, ayant à cœur de faire sortir leur langue maternelle de son état de langue exclusivement orale.

Cependant, une vingtaine d'années après que l'Algérie eut accédé à l'indépendance, un puissant mouvement populaire qui s'était développé en Kabylie, fit tant que l'instance dirigeante dut concéder à la langue amazighe le statut de langue nationale en 2002, son enseignement dans les établissements scolaires des régions berbérophones ayant commencé en 1995. Dernier aboutissement enfin, la nouvelle constitution qui vient tout juste d'être promulguée en ce début d'année 2016, confère à la langue amazighe le statut de deuxième langue officielle du pays.

Mais les autorités agissant à contre-courant d'un tel positionnement, avaient dès 1995 mis en train une série de mesures administratives afin de limiter la portée des actes fondateurs présents ou à venir. Des textes d'application stipulèrent en effet que dans chacune des régions berbérophones d'Algérie, ce serait le parler local qui serait enseigné à titre de « variante de la langue amazighe ». Avec cela, le choix était laissé aux autorités académiques régionales, de faire recourir à l'écriture de ces divers dialectes, soit en caractères arabes, soit en caractères latins. À l'évidence, l'objectif non avoué de telles mesures, était d'empêcher l'aboutissement à une langue amazighe unifiée, s'écrivant exclusivement en caractères latins. Cependant, la réalité des faits indique que toute publication en langue amazighe présentant de l'intérêt, a été écrite en caractères latins, à ne considérer que les ouvrages qui s'offrent aux éventaires des librairies.

Mais, il faut bien le dire, avant-même que se soit produit ce qui vient d'être relaté, ceux qui après l'indépendance œuvrèrent au meilleur devenir de la langue amazighe, avaient pris, croyant bien faire, une malencontreuse initiative. Celle-ci se traduisit par l'adoption d'un nouveau mode d'écriture de cette langue, mais en recourant à l'alphabet latin d'une manière tout à fait autre que celle dont usa Hanoteau, laquelle comme déjà dit, fit des émules durant près d'un siècle. Cette initiative en fait, n'aboutit qu'à compliquer et rendre ardu ce qui était simple autant qu'aisé. Voici comment il en fut ainsi.

Le mode initié par Hanoteau consistait à traduire par des consonnes associées, certains phonèmes spécifiques de la langue amazighe. Cette façon de combiner des lettres pour créer des phonèmes n'est bien sûr pas une invention de Hanoteau, celui-ci s'étant conformé à la pratique courante ayant présidé à l'écriture des langues européennes. Ainsi en témoignent pour ce qui est de la langue française, des phonèmes tels que « ch », « gn », et d'autres à base d'association de voyelles, comme par exemple « ou », « oi » « ain » et quantité d'autres.

Au lieu donc de procéder de cette manière, ceux qui prirent l'initiative de modifier celle-ci, appelons-les « réformateurs », créèrent toute une série de caractères spéciaux par ajout d'appendice à telle ou telle consonne, pour signifier sa prononciation particulière. Les consonnes ayant eu à subir de telles transformations, cinq en tout, sont représentées par les lettres d, g, k, q et t.

Outre cette mesure, une autre du même genre est à mettre à l'actif des artisans de la nouvelle approche, et celle-là a consisté en l'ajout d'un point sous une consonne donnée ne figurant pas dans le lot des cinq autres déjà citées. Cette deuxième mesure a en fait découlé de la méconnaissance d'une règle de phonétique, selon laquelle une consonne ne prend de valeur qu'à travers son association à une voyelle, comme par exemple en français le « t » de ti, inter dental, et celui de ta, palatal. Pour donner une idée de cette absurdité, imaginez par exemple qu'en français, on écrive « têtard » pour indiquer que le « t » souligné se prononce différemment de celui qui ne l'est pas.

En plus de cela, une troisième mesure également infondée, prise par les dits « réformateurs », s'est traduite, elle, par la mise hors leur système d'écriture, des lettres v, p et o de l'alphabet latin. Mais il se trouve que le phonème traduit par chacune de ces trois lettres, est très usité dans la langue amazighe, et si ces mêmes phonèmes n'existent pas dans la langue arabe, faire comme si c'était également le cas s'agissant de la langue amazighe, est tout à fait incompréhensible.

À vrai dire, si les trois phonèmes considérés ont constitué un problème, c'était dans le cadre du recours à l'alphabet arabe pour écrire en amazigh, ce qui en l'occurrence constitue la preuve indiscutable du bon choix qui a été fait de recourir à l'alphabet latin. Mais encore fallait-il user de celui-ci de manière sensée, ce que précisément nous nous proposons de faire à travers les développements qui vont suivre.

Ainsi donc il apparaît à l'évidence, que non seulement les mesures prises par les « réformateurs » ne se justifient en rien, mais que de plus, à travers d'inutiles complications, elles présentent de sérieux inconvénients. Entre autres, elles rendent très malaisés les premiers apprentissages et créent des entraves paralysantes lors d'une saisie de texte sur un ordinateur courant, ou davantage encore quand il s'agit d'adresser de courts messages en se servant d'un téléphone mobile, outil de communication devenu indispensable de nos jours.

Faudrait-il donc que l'obstacle de la non écriture ayant été franchi, l'on se trouve maintenant confronté à celui d'un mode scriptural tout à fait inadéquat ? Ce serait certes là, tomber de Charybde en Scylla. Il est donc impératif de remédier à cet état de choses, et non seulement les moyens qui le permettent existent, mais ils sont de plus simples et faciles à mettre en œuvre, ainsi qu'on le verra plus avant dans notre propos.

Cependant il n'y a pas que cela, car la grammaire elle-même a besoin d'être étoffée, et que surtout, le bagage lexical devra être à la mesure des exigences de notre temps, car il importe au plus haut point qu'à travers la langue amazighe, on puisse accéder au savoir sous ses diverses formes contemporaines.

Pour entrer dans le vif de notre sujet, commençons d'abord par considérer le fait suivant mis en évidence par Mouloud Mammeri (principal artisan de la modification du mode d'écriture initié par Hanoteau). Il indiquait en préface d'un petit ouvrage de grammaire de son cru, que cette grammaire s'appliquait à la variété kabyle de la langue amazighe, et il s'en excusait presque. Cependant Mammeri à son corps défendant, ne pouvait guère agir autrement, car ne pratiquant l'amazigh qu'à travers le kabyle, sa langue maternelle. D'ailleurs, tous ceux qui depuis longtemps l'avaient précédé dans cette voie, en avaient fait de même et pour la même raison. Mais à vrai-dire, l'embarras de Mammeri n'avait nullement lieu d'être, tout comme les détracteurs de la langue amazighe ont tort de croire que la variété des idiomes qui, aujourd'hui encore, traduisent celle-ci, constitue un frein à la réalisation de son unité.

Il faut en effet considérer, qu'aucune langue au monde, absolument aucune, commune à tous les habitants d'un même pays, n'est la synthèse des idiomes divers qui s'y pratiquaient auparavant. Le moins éclairé des linguistes sait cela, et il n'est pour s'en convaincre, qu'à considérer ce qui suit. Le français moderne par exemple, est né du parler usité en Île de France, la région parisienne, et ce parler appartenant à la famille des langues romanes, était celui pratiqué par le roi et les membres de sa Cour qui résidaient à Paris. L'usage en fut ensuite répandu grâce aux productions écrites, dont au départ la majorité des auteurs gravitaient autour de cette Cour. Pour l'anecdote et afin d'étayer ce qui vient d'être dit, restons dans le cadre de la langue française. Jusque vers le milieu du 17e