L'Arche du Salut - Chérif Arbouz - E-Book

L'Arche du Salut E-Book

Cherif Arbouz

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Beschreibung

Découvrez le dernier tome de la quadrilogie des Épopées cosmiques !Avec « L'Arche du Salut » s'achève la saga en quatre épisodes dont « La fantastique Odyssée » est l'ouverture.Face à un évènement cosmique potentiellement cataclysmique, l'Union Galactique prend une décision radicale : l'exode de tous les peuples de la fédération vers une galaxie lointaine, très lointaine… afin d'assurer la préservation de la culture millénaire des Iskoliens et de leurs alliés. Venu le temps du départ, tous ne pourront embarquer sur L'Arche du Salut. Les dirigeants décident alors de réduire progressivement la population de l'alliance…Tout comme les tomes précédents, « L'Arche du Salut » s'enracine dans le réel. Pour clore ses épopées cosmiques, Chérif Arbouz a choisi la collision (à très longue échéance !) des galaxies Voie lactée et Andromède, reconnue comme certaine depuis 2012. Sur cette toile de fond, le romancier réunit ses héros immortels Joke et Yomel et le puissant peuple des Stargils. Aux temps illimités et aux espaces infinis répondent nos héros marqués du sceau de l'immortalité ; ainsi fiction et réalité sont à la mesure l'une de l'autre.Chérif Arbouz transpose le récit biblique de l'Arche de Noé dans un univers futuriste dominé par la science. Il s'appuie habilement sur un des plus vieux mythes de l'histoire pour achever sa réflexion sur le sens du bien commun, la capacité d’anticipation et de décision des hommes face à leur destin.Un roman captivant qui mêle mythologie et science-fictionEXTRAITJoke n'avait jusque-là fait part à personne du projet qu'il nourrissait, puis vint le jour où Yomel, sa confidente attitrée, l'amena à rompre son silence, alors que tous deux faisaient une petite promenade dans le vaste parc agrémentant le siège de l'ARA.— Depuis un certain temps, lui dit-elle, j'ai remarqué que quelque chose te travaillait ; rien d'ennuyeux je l'espère ?— Pas du tout, tranquillise-toi ; cependant tu as vu juste, et puisque tu m'en donnes l'occasion, je vais te faire part de ce qui m'absorbe. Mais avant cela et pour te mettre à mon diapason, je vais te poser une question : que sais-tu de la situation respective de Galact 1 et Galact 2 ?— Beaucoup de choses bien sûr, car si je suis planétologue ça ne signifie pas que l'astrophysique me soit étrangère. Ceci dit, je n'ignore donc pas que ces deux galaxies parce qu'elles sont relativement très proches l'une de l'autre, sont appelées à fusionner dans deux milliards d'années environ.— Et d'après toi, en quoi cet événement nous concernerait-il, nous qui sommes immortels ?— Nous en serions théoriquement témoins, bien sûr.— Pas seulement témoins ma chère Yomel, mais peut-être aussi victimes.À PROPOS DE L'AUTEUREsprit curieux, Chérif Arbouz partage dans ses écrits ses passions, qui vont des traditions orales et légendes ancestrales de son pays aux recherches les plus avancées sur la cybernétique et le cerveau. Épopées médiévales, voyages cosmiques, aliens et robots sont autant de prétextes pour réfléchir à la nature de notre humanité, l’évolution des sciences avec comme toile de fond… l’éternité.

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ÉPOPÉES COSMIQUES TOME 4

L'Arche du Salut Chérif Arbouz

AVANT-PROPOS

Galact 1 et Galact 2, jadis Voie lactée et Andromède pour les Terriens, avaient entamé le ballet qui les faisait graviter l'une autour de l'autre, signe annonciateur de leur proche fusion. La distance qui à l'origine séparait ces deux galaxies, ne devait pas dépasser 3 millions d'années-lumière, et cette proximité avait engendré une forte attraction réciproque des deux ensembles stellaires, les amenant ainsi à se rapprocher de plus en plus l'un de l'autre. Cependant, si l'issue finale était considérée comme inéluctable, le risque qui en découlerait pour les êtres vivants des deux galaxies ne pouvait pas être déterminé, la manière dont la fusion s'opérerait étant inconnue.

Au sein de Galact 1 toutefois, les habitants avertis des quatre mondes fédérés qu'étaient Iskol, la Terre, Anok et Yoméla, n'avaient cure de ce qui n'aurait lieu que dans deux milliards d'années environ. Mais il en allait autrement pour Joke, le personnage le plus marquant de ces quatre mondes constitutifs de l'Union Galactique, car il pensait que cette échéance aussi lointaine fût-elle, était à prendre en compte. Il considérait en effet que l'immortalité dont il bénéficiait, ainsi que l'ensemble de ses congénères et ses cinq compagnons iskoliens, ne serait qu'un vain mot si leur monde parmi d'autres devait faire les frais du bouleversement cosmique qui s'annonçait. Il jugea donc que pour n'encourir aucun risque, une seule issue s'offrait : l'exode vers une autre galaxie, laquelle devrait bien sûr être exempte du genre de menace qui pesait sur Galact 1.

Tel était donc ce qui occupait l'esprit de Joke, à l'issue des visites successives que lui et ses compagnons avaient rendues aux mondes amis. Ce périple, il l'avait vécu comme un pèlerinage, chacun de ces mondes étant lié à un épisode de son existence. Anok était la planète où Bob et lui avaient été conçus en tant que super tajiks, espèce d'androïdes aux performances exceptionnelles. Iskol représentait le monde où tous deux s'étaient retrouvés, pour ensuite s'y révéler en tant qu'êtres vivants supérieurement intelligents, et la Terre enfin eut à accueillir Joke en qualité d'agent opérant pour le compte d'Iskol. Puis Joke et Bob servirent de prototypes à la production en série d'êtres à leur image, et c'est ainsi que se constitua sur Iskol, la communauté intégrée des smarjiks. Au sein de celle-ci, Joke à l'issue de brillantes études, s'imposa en qualité de génial physicien, sa renommée ayant été permise par la découverte d'un mode de télécommunication interstellaire. Ce fut d'ailleurs l'inauguration d'une liaison de ce genre entre Iskol et la Terre, qui l'avait amené sur le monde des humains et y avait assuré sa célébrité. Puis, postérieurement à cette époque, il y eut toute une suite d'événements faisant date, dont principalement la mise à la disposition des smarjiks par les Iskoliens, d'une planète à coloniser du nom de Tislit. Ce premier aboutissement résulta de l'aide précieuse dont Joke et les siens avaient bénéficié de la part d'amis Iskoliens. À la tête de ceux-ci était Yomel Dorak, une planétologue qui avait dirigé l'exploration d'Azad, la planète sur laquelle Joke et Bob livrés à eux-mêmes furent découverts. Cette planète en fait, avait été abandonnée par de mystérieux colonisateurs, lesquels ainsi qu'il s'avéra plus tard venaient d'Anok, monde alors inconnu des Iskoliens.

Quand les smarjiks se furent affranchis de la tutelle d'Iskol, Joke qui auparavant était gouverneur de Tislit en devint le président, ce monde en la circonstance devenant la République Yomélane. Ce nom qui fut donné à l'ancienne colonie iskolienne à l'initiative de Joke, témoignait de la reconnaissance du peuple des smarjiks à l'égard de Yomel Dorak, pour tout ce dont ce peuple lui était redevable. Avec cela, Joke, à l'issue d'un séjour officiel sur Iskol, en revint accompagné de Yomel, ayant promis à celle-ci de tout mettre en œuvre pour qu'elle devienne immortelle à l'instar de l'ensemble des smarjiks, qui eux l'étaient déjà depuis longtemps. Cette promesse fut effectivement tenue, puis l'avantage de l'immortalité s'étendit à quatre compagnons de Yomel, ceci en l'occurrence découlant des fulgurantes avancées dont les sciences de la vie avaient bénéficié sur la planète des smarjiks. Et voilà que Joke après avoir tout fait pour assurer le présent des siens, se préoccupait maintenant de leur avenir lointain, étant prêt à s'engager dans une nouvelle entreprise, laquelle surpasserait toutes les précédentes par son ampleur et l'importance de ses enjeux.

CHAPITRE I

Lorsqu'entre deux expéditions Joke et ses compagnons se retrouvaient à Ogdam, la capitale de Yoméla, c'était généralement pour imprimer un nouvel élan à ce qui alors les occupait. Le lieu où ils œuvraient était le siège de l'ARA, l'Académie de Recherche Avancée. Cette prestigieuse institution avait été créée par Joke, pour en faire l'instrument indispensable à l'expression de son génie, après qu'il aurait assuré l'avenir de son peuple. Le moment venu, il s'était démis de ses fonctions officielles, et Bob fut le nouveau président de la République Yomélane. S'étant ainsi libéré, Joke put alors se consacrer exclusivement à la réalisation de ses projets personnels jusque-là mis en sommeil. Cela se traduisit notamment par une découverte fondamentale qui couronna une des expéditions qu'il dirigeait, et l'exploitation de cette découverte par une équipe de l'ARA, aboutit à un résultat d'une portée inestimable : la capacité de faire accéder des êtres organiques à la vie éternelle. Voilà donc comment, après l'ensemble des smarjiks, Yomel et quatre de ses anciens compagnons iskoliens devinrent immortels à leur tour. Ce bienfait partagé n'avait pas de prix, et c'était pour le préserver à jamais que l'exode envisagé par Joke s'imposait ; mais en attendant, Yoméla demeurait un monde sûr, où la vie pourrait continuer à s'épanouir durant encore d'innombrables millénaires.

Joke n'avait jusque-là fait part à personne du projet qu'il nourrissait, puis vint le jour où Yomel, sa confidente attitrée, l'amena à rompre son silence, alors que tous deux faisaient une petite promenade dans le vaste parc agrémentant le siège de l'ARA.

— Depuis un certain temps, lui dit-elle, j'ai remarqué que quelque chose te travaillait ; rien d'ennuyeux je l'espère ?

— Pas du tout, tranquillise-toi ; cependant tu as vu juste, et puisque tu m'en donnes l'occasion, je vais te faire part de ce qui m'absorbe. Mais avant cela et pour te mettre à mon diapason, je vais te poser une question : que sais-tu de la situation respective de Galact 1 et Galact 2 ?

— Beaucoup de choses bien sûr, car si je suis planétologue ça ne signifie pas que l'astrophysique me soit étrangère. Ceci dit, je n'ignore donc pas que ces deux galaxies parce qu'elles sont relativement très proches l'une de l'autre, sont appelées à fusionner dans deux milliards d'années environ.

— Et d'après toi, en quoi cet événement nous concernerait-il, nous qui sommes immortels ?

— Nous en serions théoriquement témoins, bien sûr.

— Pas seulement témoins ma chère Yomel, mais peut-être aussi victimes.

— C'est fort possible en effet, mais si nous devions vivre jusque-là, notre salut exigerait alors que nous nous trouvions ailleurs que sur Galact 1, quand cette calamité se produirait.

— Et comme cet ailleurs ne peut être qu'une autre galaxie, ce qui tôt ou tard s'imposera à nous est donc évident.

— Disons que dans un milliard d'années au plus tôt, nous aurions à préparer notre exode, et même alors nous disposerions encore d'un laps temps largement suffisant pour nous mettre à l'abri. Alors pourquoi nous préoccuper dès maintenant de cela ?

— Figure-toi que moi aussi j'ai raisonné de la sorte, quand ce sujet m'est venu à l'esprit. Mais après mûre réflexion j'en ai jugé autrement, et voici ce qui a fini par s'imposer à moi. La condition sine qua non d'un tel exode, me suis-je d'abord dit, est sa faisabilité, et partant de là je me suis demandé si un voyage intergalactique pouvait être assimilé à un voyage interstellaire. En supposant que cela soit, le problème ne se poserait alors qu'en termes de temps, et pour nous immortels, passer un ou plusieurs siècles dans un astronef spécialement conçu ne nous gênerait en rien. Cependant rien ne prouve que l'espace intergalactique a les mêmes propriétés que l'espace interstellaire, et que les voyages des astronefs y seraient soumis aux mêmes conditions. Il y a donc lieu avant tout, d'entreprendre des études très poussées dans ce domaine, et même si une possibilité théorique devait être établie, il resterait encore à en faire l'objet d'une validation expérimentale. Sachant cela, et compte tenu de l'ignorance où nous sommes du temps à consacrer pour parvenir à un éventuel succès, c'est dès à présent que nous devrions nous préoccuper de cet exode, et peut être même nous préparer à l'entreprendre.

— Alors mettons-nous-y sans tarder, ne serait-ce que pour permettre à ce qui bouillonne en toi de se donner libre cours. De toute façon, ce qui nous occuperait serait en soi passionnant, sans compter l'importante lacune qu'il permettrait de combler en matière de connaissance de l'Univers.

— Ton adhésion Yomel me soulage d'un grand poids, et…

— T'attendais-tu à autre chose de ma part ? Cependant, il y a quand même un point sur lequel je vais attirer ton attention ; tout ce qui vient d'être dit ne concerne que les immortels que nous sommes, mais quel serait le sort de ceux qui ne jouissent pas de ce privilège, à commencer par mes semblables, les stargils ?

— J'y ai pensé, sois rassurée, car je n'aurais jamais admis que toi et tes compagnons iskoliens soyez les derniers survivants de votre espèce, et par extension cela vaudrait aussi pour les Anokiens et les Terriens. En temps voulu, nous ferions donc part de notre projet d'exode aux dirigeants de ces mondes, et leur demanderions de nous imiter en cela. Ceci dit, supposons maintenant que le problème de faisabilité de cet exode soit résolu ; il nous faudrait alors construire un vaisseau apte à servir durant tout notre voyage, aussi long soit-il, et dont la grandeur serait suffisante pour transporter les quelque cinquante mille immortels que nous sommes, tout en nous assurant les meilleures conditions possibles d'existence à bord. Cet astronef, étant donné le temps que nous aurions à y passer, devrait donc être conçu comme un monde en soi, avec une flore et une faune appropriées. Un tel exemple nous est d'ailleurs donné par le parc naturel qui agrémente le grand vaisseau que nous avons hérité des Iskoliens, mais l'astronef de notre exode devrait être suffisamment spacieux pour abriter de petites villes et des villages dispersés. Bien entendu, ce qui est valable pour nous, le serait aussi pour les Iskoliens les Terriens et les Anokiens, et cela implique qu'au moment de l'exode, leur nombre aura été ramené à quelque cinquante mille. Les slis évidemment seront également avisés de notre projet, mais en ce qui les concerne et si Mayana leur extraordinaire reine le désire, nous les emmènerions avec nous, et cela au même titre que les autres représentants de la faune qui agrémenteraient notre voyage. D'ailleurs, Mayana qui a derrière elle plus de six mille ans d'existence, est sans doute tout comme nous immortelle, et mérite de ce fait de partager notre sort.

— Et il y a aussi lieu de considérer qu'avec son extrême intelligence, et les savoirs étendus que grâce à nous elle a pu acquérir, cela constitue sans doute dans l'Univers un cas unique d'évolution, s'agissant d'une colonie d'insectes. Ne serait-ce qu'à ce titre, un tel prodige devrait être sauvegardé.

— Et puis n'oublie pas que durant notre long voyage, et ensuite sur la planète qui nous accueillerait, nous pourrions continuer à aider ce peuple à évoluer. Pour l'instant toutefois, l'association des mondes amis à notre projet n'étant encore que théorique, nous n'en informerions les dirigeants, y compris Mayana pour ce qui en est de Mu, qu'une fois prise la décision irrévocable de notre exode.

— Cela va de soi bien sûr, mais continuons à anticiper. Alors dis-moi, au terme du voyage, penses-tu que dans la galaxie d'accueil, chaque peuple autre que celui des slis, aurait à s'établir sur son propre monde ou dans diverses régions d'une planète unique ?

— La question se poserait effectivement, mais elle serait soumise à une entente préalable.

— Par ailleurs, pourquoi les habitants de ces mondes une fois devenus peu nombreux, ne bénéficieraient-ils pas eux aussi de la vie éternelle ?

— J'y ai pensé figure-toi, et à vrai dire, ce ne serait là que justice.

— Eh bien tout cela m'a l'air parfait, et il ne nous reste donc plus qu'à nous mettre au travail. Alors, par quoi allons-nous commencer après ce survol de la question ?

À travers cette interrogation, Yomel confirmait donc son adhésion totale à la future entreprise, et dans les jours qui suivirent, elle et Joke s'employèrent d'abord à déterminer les grandes lignes d'un projet, puis à mettre sur pied une équipe de travail qui développerait celui-ci. La nature du projet limitait considérablement le choix des compétences à mobiliser au départ, et il fut rapidement établi que pour l'instant, seuls seraient concernés des astrophysiciens, des mathématiciens et des informaticiens. Après que Joke et Yomel eurent dressé la liste nominale des membres de l'équipe prévue, le secret auquel tous deux s'étaient tenus jusque-là, devait par la force des choses être levé. Il le fut effectivement, mais de façon partielle, car le projet fut annoncé sous l'intitulé « Conditions et faisabilité de voyages intergalactiques » taisant ainsi ce qui motivait réellement la recherche à entreprendre. Une équipe de six membres fut constituée, chaque discipline concernée devant être représentée par deux d'entre eux. Un astrophysicien du nom de Zaglo Védmir fut chargé de diriger ce groupe, et ce qui avait motivé ce choix, était la notoriété que cet éminent savant avait acquise à travers ses travaux relatifs à l'espace intégral. Il avait entre autres à son actif, la découverte de propriétés jusque-là inconnues de la cinquième dimension de cet espace.

Après environ deux mois de travail sans relâche, le groupe des chercheurs vint à bout de la tâche qui lui fut impartie, et Zaglo en fit un compte rendu succinct à Joke, dans le bureau de celui-ci et en présence de Yomel.

« Sachant, dit-il, que les lois régissant la gravitation s'appliquent à tout l'Univers, notre travail a essentiellement consisté à tirer parti de ce que nous savons relativement à ce qui associe cette gravitation aux divers champs de forces connus. Parmi ces champs, il y a celui très particulier qui est une caractéristique de l'espace à cinq dimensions, c'est-à-dire l'espace intégral. Ce champ comme vous le savez, est celui qui permet à nos vaisseaux de passer d'une vitesse infraluminique à une vitesse des milliers de fois supérieure à celle de la lumière, et cela sans dilatation du temps ni effet d'accélération. Or, si ce champ – dit porteur – est présent dans l'espace interstellaire, il doit l'être aussi dans l'espace intergalactique, et cela nos calculs l'ont établi, comme vous allez en juger. Nous avons pour cela, mis en parallèle les champs gravifiques générés par les étoiles d'une galaxie, avec ceux qu'engendrent les galaxies elles-mêmes dans une région quelconque de l'Univers. Partant de l'idée que ces champs dans l'un ou l'autre cas, doivent avoir une même intensité, nous avons finalement réussi grâce à des calculs précis, à établir la validité de notre hypothèse. Ces calculs ont en effet mis en évidence, que si l'intensité de l'attraction entre deux étoiles voisines traduit le rapport qui lie les masses respectives de ces deux étoiles à la distance qui sépare celles-ci, cela est également valable pour deux galaxies voisines. Cela se vérifie d'ailleurs pour Galact 1 et Galact 2, lesquelles bien que séparées par une distance supérieure à 2 000 000 d'années-lumière, n'en gravitent pas moins l'une autour de l'autre, car la masse de chacune d'elles, est celle des masses cumulées des milliards d'étoiles qui la composent. Ceci établi, il ne nous reste donc plus qu'à soumettre notre hypothèse à l'épreuve d'une expérience adaptée.»

— Et comment envisagez-vous cela ? Demanda Joke.

— Très schématiquement, il s'agirait d'envoyer une sonde spatiale dans une direction qui lui ferait vite quitter notre galaxie. Cette sonde serait programmée pour basculer dans l'espace intégral, puis le moment venu, de réintégrer l'espace quadri dimensionnel, où elle se trouverait alors à 500 000 années-lumière de Galact 1. À ce moment-là, elle nous enverrait un message devant nous transmettre un certain nombre d'informations déterminées. Or le simple fait de recevoir ce message, serait l'indice indubitable d'une réussite de l'expérience.

— Et durant combien de temps faudrait-il attendre ce message ? Demanda Yomel.

— Assez longtemps assurément, et je regrette de ne pouvoir être plus précis, mais de simples calculs permettront d'établir cette durée, laquelle ne devrait pas dépasser une dizaine d'années.

— Eh bien, dit alors Joke, vos conclusions me satisfont, et cela d'autant plus qu'elles vont dans le sens de ce à quoi Yomel et moi nous nous attendions. Vous et votre équipe avez donc droit à toutes nos félicitations. Maintenant ce qui vous reste à faire, c'est de déterminer les conditions devant présider à la conception de la sonde, ce après quoi celle-ci sera mise en chantier.

Le feu vert ayant ainsi été donné à l'entrée du projet dans sa phase concrète, tout alla très vite, car après cinq mois, la sonde fut prête à entreprendre son long voyage. Celle-ci n'ayant pas à revenir sur Yoméla, fut conçue comme un simple container d'équipements. Parmi ceux-ci, le plus important était un puissant télescope dont le miroir à facettes devait se déployer le moment venu. Le lancement de la sonde devait se faire à partir d'un petit astronef, dès que celui-ci aurait atteint la vitesse de 20 000 km par seconde. À partir de cet instant, l'ordinateur de la sonde prendrait le relais pour assurer l'exécution de toute la suite d'actions prévues. La première de celles-ci devait consister en la mise en phase de la sonde avec le champ porteur caractérisant l'espace intégral, et le flux de ce champ entraînerait alors la sonde. Celle-ci après le parcours d'une distance égale à celle qu'accomplit la lumière en 500 000 ans, se déphaserait alors du champ porteur pour se retrouver dans l'espace ordinaire. Ensuite, les équipements spéciaux de la sonde entreraient en action pour exécuter toutes les autres actions programmées. Celles-ci devaient commencer par la mise en œuvre du télescope, les images de l'environnement en résultant, assorties de toutes sortes de données, devant ensuite faire l'objet d'un message automatiquement adressé aux expérimentateurs. D'après les calculs de l'équipe de Zaglo, il s'écoulerait environ neuf ans et cinq mois, entre le lancement de la sonde et la réception du message.

Au jour dit et à l'heure prévue, l'astronef transportant la sonde décolla, ayant à son bord Zaglo et son équipe. Ces derniers après cela, devaient attendre douze jours pour se mettre à l'œuvre, le vaisseau n'atteignant la vitesse requise par l'opération à effectuer, qu'à l'expiration de ce délai. Lorsque ce moment arriva, la sonde fut alors propulsée dans l'espace, et quelques secondes plus tard son image disparut soudain de l'écran de contrôle, ce qui signifiait sa mise en phase avec le champ porteur de l'espace intégral. Le lancement était donc réussi, et le vaisseau entama ses manœuvres en vue du voyage de retour.

CHAPITRE II

Dès que Zaglo eut annoncé à partir de l'astronef, le plein succès de l'opération dont il avait la charge, à la fièvre ayant caractérisé la préparation de celle-ci succéda l'euphorie. Chez Yomel cependant, le sens des réalités reprit vite le dessus, à travers un examen lucide qui, bientôt, lui fit appréhender l'exode projeté sous un rapport que ni Joke ni elle-même n'avaient encore envisagé.

« À partir du moment, se dit-elle, où cet exode est inéluctable, quel intérêt y aurait-il à attendre un ou deux milliards d'années pour l'entreprendre ? Sachant que durant cette attente quoi que nous puissions réaliser ici serait vain, ça éteindrait en nous tout esprit d'initiative, et quelle serait alors notre raison de vivre ? Autre chose maintenant ; supposons que pour une raison inconnue, la sonde spatiale ne nous envoie aucun signal, que ferions-nous alors ? Renouveler l'expérience et en attendre de nouveau le résultat durant neuf autres années, quitte à recommencer encore et encore ? Une seule issue s'offre donc à nous : préparer dès maintenant notre départ. Cependant si, après ce départ, le voyage jusqu'à son terme devait s'avérer impossible à travers l'espace intégral, nous reviendrions alors à Yoméla pour tirer les leçons de notre échec. Ce serait là bien sûr le pire des cas, mais qu'importerait cela puisque théoriquement nous serions tout de même assurés de vivre encore durant deux milliards d'années ou plus.

Forte de son idée, Yomel assortissant celle-ci de ce qui la justifiait, en fit part à Joke sans tarder.

— Je n'ai, répondit Joke, rien à redire à ce que tu proposes, et j'en suis d'autant plus heureux, qu'après mûre réflexion, j'en suis moi-même arrivé à une conclusion identique à la tienne.

— Pourquoi alors ne m'en as-tu rien dit ?

— C'est par ce que tout vient à point pour qui sait attendre, comme je l'ai appris de nos amis terriens.

— Et je suppose que tu as également planifié toutes les actions que nous allons entreprendre ?

— Non, pas vraiment, puisque nous en avons déjà défini ensemble les grandes lignes. Mais ce que nous allons faire sans perdre de temps, c'est lever le secret auquel nous nous étions tenus, et le premier à informer ce sera bien sûr Bob. Je vais donc dès ce soir aller lui rendre visite, car officiellement, il va de soi que ce seront les instances gouvernementales de notre monde qui auront à décider de l'exode.

Bob fut donc mis au courant, et comme tout ce qu'entreprenait Joke entraînait de sa part une adhésion totale, la suite de l'entrevue porta sur le processus devant aboutir à l'élaboration d'un projet, puis à la mise en œuvre de celui-ci. « Dès demain, dit Bob en conclusion, je vais provoquer un conseil de gouvernement, puis lorsque le projet sera finalisé, je le soumettrai au Haut Conseil des Sages, lequel est à mon entière discrétion. Après cela, tu auras toute l'autorité nécessaire pour assurer la suite. »

Le jour suivant, Joke prit des dispositions pour réunir le conseil scientifique de l'ARA en vue de l'informer, et Yomel, pour sa part se chargea de mettre ses quatre compagnons au courant de la prodigieuse aventure qui s'annonçait. Ces derniers avaient tous contribué sur Iskol à l'essor des smarjiks, du temps où ceux-ci y demeuraient, et à cette époque, trois d'entre eux ainsi que Yomel avaient œuvré ensemble à l'institut de planétologie de Zodarlim, la capitale d'Iskol. Le premier d'entre eux, Traj Osmek, dirigeait l'Institut, Yomel le secondant en qualité de responsable des projets d'exploration, et les deux autres étaient Jimkir Domég, informaticien et Nog Istras, biologiste. Quant au quatrième, Sikad Alminod, un brillant généticien, il avait été ramené plus tard d'Iskol pour être incorporé à un groupe de chercheurs de l'ARA, et finalement ce fut lui qui découvrit le moyen de faire accéder des êtres organiques à l'immortalité.

Lorsque Yomel avait invité ses quatre compagnons à venir la rejoindre dans son pavillon, ceux-ci pensèrent que c'était pour passer ensemble une agréable soirée, comme cela se produisait assez souvent. Cependant Yomel les détrompa tout de suite.

— Si je vous ai fait venir, leur dit-elle, c'est pour vous annoncer une nouvelle de première importance. Alors tenez-vous bien, car ce que je vais vous apprendre va certainement vous secouer, je tiens à vous en prévenir.

— Nous voilà donc prévenus, répondit Traj après un silence, alors, de quoi s'agit-il ?

— Eh bien sachez que nous et tous les habitants de Yoméla, devrons dès maintenant nous préparer à quitter notre monde, et ce sont les raisons de cet exode à venir que je vais maintenant vous exposer.

Après un moment de stupéfaction suivi de réactions diverses, Yomel fit alors la genèse de toute l'affaire, et lorsqu'elle eut terminé, ce fut Jimkir qui réagit le premier.

— Et pourquoi, dit-il, n'as-tu pas jugé utile de nous mettre au courant plus tôt ?

— C'est parce qu'avant toute certitude, Joke tenait au secret le plus absolu. Bob lui-même n'a été informé qu'hier, et c'est lui qui fera l'annonce publique de ce qui a été décidé. Ceci dit, vous en savez maintenant autant que moi.

— S'il en est ainsi, dit alors Traj, notre exode ne pourrait sans doute avoir lieu que dans deux siècles au plus tôt, temps probablement nécessaire pour disposer d'un astronef tel que celui dont tu as parlé. Cependant, si notre départ et celui des habitants des trois autres mondes de l'Union Galactique devait être simultané, notre attente n'en serait que plus longue, puisque la population de chacun de ces mondes devra être réduite à 50 000 habitants.

— Cela est sûr, mais rien ne peut encore être arrêté sans un accord entre les gouvernements concernés. Quoi qu'il en soit, Joke n'écarte pas l'éventualité que notre exode ait lieu bien avant celui des populations des autres mondes. Si alors le principe de départs échelonnés devait s'imposer, celui-ci serait fonction du temps nécessité sur chacun de ces mondes pour que le nombre d'habitants n'y dépasse pas 50 000, comme c'est d'ores et déjà le cas pour nous. Avec cela, sachant qu'actuellement sur Iskol, Anok et la Terre, ce nombre se chiffre par millions, soit respectivement 80, 230 et 600, les départs seraient évidemment très étalés dans le temps. Voilà donc tout ce qui pour l'instant peut être dit sur ce projet d'exode.

Au lendemain de cette petite conférence, le conseil scientifique de l'ARA fut à son tour bénéficiaire des mêmes informations que celles délivrées par Yomel à ses compagnons. Cependant tout de suite après, Joke s'employa à la mise sur pied d'une équipe devant élaborer le projet d'exode, et en fin de journée ce fut chose faite. L'équipe qui vit le jour consacra sa première séance à s'organiser sous la direction de Joke, et cela se traduisit par sa subdivision en trois groupes, dont Yomel fut chargée de coordonner les activités. Le projet fut l'objet d'une élaboration minutieuse, et comme il avait pour objet essentiel la construction du vaisseau de l'exode, ce furent surtout les conditions de cette réalisation qui en constituèrent la substance.

Ainsi que Bob s'y était engagé, dès que le projet fut finalisé, il le fit avaliser par les instances législatives de la planète. Dès lors, Joke disposant de tous les pouvoirs nécessaires, s'investit dans le rôle du mythique Noé terrien, alors que celui-ci entreprenait la construction de son arche. Joke connaissant la légende de ce patriarche biblique, eut alors l'idée d'appeler « Arche du salut » la future nef de l'exode, et cette appellation demeura pour désigner l'immense astronef en projet.

L'Arche fut donc mise en chantier, cette prodigieuse entreprise devant nécessiter deux siècles au moins pour être menée à bien, sans compter qu'elle mobiliserait tout ce dont Yoméla disposerait en matière de génie créateur et de ressources matérielles. Dès après que le projet fut entré dans sa phase de réalisation, Joke se préoccupa d'informer chacun des hauts dirigeants des mondes amis, en leur faisant parvenir un mémorandum relatif à l'entreprise à laquelle il s'était attelé, et à laquelle il les invitait à s'associer. Dans cette perspective, il leur proposa la tenue d'une conférence au sommet qui aurait lieu sur Yoméla à une date qu'il précisa.

À ce propos, Yomel demanda à Joke de l'éclairer sur un point.

— Est-ce que, lui dit-elle, c'est à cette occasion que tu annonceras aux participants, la possibilité qui s'offrira à leurs peuples de bénéficier de l'immortalité peu avant l'exode ?

— Non, car ce serait tout à fait inopportun, voire même dangereux, et la raison la voici. Sachant que le nombre d'habitants concernés par l'exode serait théoriquement limité à 50 000 par monde, l'annonce ne pourrait en être faite qu'au moment où ce nombre serait partout atteint. La divulguer avant, serait faire miroiter un avantage à long terme qui engendrerait une situation néfaste que je te laisse imaginer.

— Ce serait en effet désastreux.

Les dirigeants invités à participer à la conférence au sommet y souscrivirent tous, sans pour autant prendre position par rapport au projet d'exode considéré en lui-même. La reine des slis pour sa part, fut informée de façon particulière, selon ce qui avait été déjà envisagé par Joke et Yomel. Comme aucune possibilité de télécommunication n'existait entre Yoméla et la planète des slis, Jimkir et Traj eurent à se rendre sur Mu en qualité de messagers. La réponse de la reine se traduisit alors par un accord total à la proposition de lier le sort de son peuple et le sien propre à celui des smarjiks, sur le monde où s'établiraient ceux-ci lorsqu'en viendrait le moment.

À la date fixée, la conférence au sommet se tint donc à Ogdam, la capitale de Yoméla, et comme il allait de soi, ce fut Bob qui la présida en sa qualité de maître de céans. Les dirigeants des trois mondes associés à la planète des smarjiks étaient alors, Zakiol Drégast et Igor Galitzine les présidents respectifs d'Iskol et de la Terre, ainsi que Stéyol Asfartis le skézal d'Anok. Avant même que ne fut abordé le détail du projet d'exode, il fut admis par tous que celui-ci répondait à une nécessité absolue, celle de perpétuer l'espèce à laquelle appartenait chaque peuple concerné. Ceci étant acquis, il y avait à choisir entre deux options, celle d'un exode simultané, ou celle d'une suite de départs échelonnés. Zakiol Drégast, le président d'Iskol fut le premier à se positionner face à cette alternative.

— En cas d'exode échelonné, avait-il dit, la succession des départs serait fonction du temps nécessaire pour que dans chaque monde le nombre d'habitants soit ramené à 50 000, comme c'est présentement le cas sur Yoméla. Ceci étant, les Yomélains partiraient donc théoriquement les premiers. Cependant, il faut tenir compte du fait que la construction de chaque astronef géant demandera selon nos estimations au minimum deux siècles, et sur Iskol durant ce laps de temps, le nombre d'habitants aura aisément été ramené de 80 millions à 50 000. Compte tenu de cela, notre exode et celui des Yomélains pourrait donc être simultané, et à l'arrivée nous aurions alors toute latitude de nous installer sur deux mondes aussi proches l'un de l'autre que possible. Dans un tel cas cependant, les Anokiens et les Terriens qui partiraient après nous, n'auraient pratiquement aucune possibilité de savoir où nous serions établis parmi les innombrables mondes habitables de la galaxie d'accueil, et la même chose se passerait entre eux s'ils devaient ne pas s'exiler en même temps. Ma conclusion est donc que seul un exode groupé pourrait être envisagé.

— Je serai le premier à faire écho à votre opinion, dit alors le président Galitzine, puisqu'en l'occurrence la Terre a le triste privilège d'être le plus peuplé de nos quatre mondes avec près de 600 millions d'habitants. Nous aussi avons bien-sûr fait un calcul comparable au vôtre, et je suis en mesure d'affirmer que le délai dont nous aurons besoin ne saurait être inférieur à quatre siècles. Cependant, et je pense que vous serez tous d'accord avec moi, l'absence de toute urgence fait que rien ne nous oblige à hâter notre exode. De plus, un tel délai offrira l'avantage de permettre la construction de nefs aussi vastes que possible, et d'en faire de véritables petits mondes où 50 000 habitants pourraient vivre à l'aise quelle que soit la durée du voyage.

La solidité des arguments développés à travers ces deux interventions se traduisit par le choix unanime d'un exode simultané, et il fut décidé que le délai pour l'entreprendre serait de cinq siècles, soit un de plus que celui demandé par le dirigeant terrien.

Après cette décision, la voie s'ouvrait donc à la préparation effective de l'exode, et ce fut dans cette perspective que Joke entra en scène.