Get Revenge - Anne Lejeune - E-Book

Get Revenge E-Book

Anne Lejeune

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Beschreibung

Kara tente de reconstruire après ce qu'on lui a fait subir lorsqu'elle était adolescente. Son équilibre fragile risque bien de voler en éclats... La raison ? Mike.

Kara violée durant son adolescence, devenue chirurgienne après avoir fuit sa ville natale, se fait enlever par l'un de ses patients, Mike. Celui-ci sait que la jeune femme a contacté les autorités, il souhaite couvrir ses arrières, afin de pouvoir terminer ce qu'il a entrepris. Pour Kara, cela fait ressortir ses pires souvenirs, ses cauchemars et ses plus grandes craintes, elle qui se sent toujours aussi faible qu’à l’époque. Mais elle va s'allier à son ravisseur lorsqu'il lui révélera les raisons de son kidnapping. Le danger est toujours présent, insidieux, prêt à les prendre l'un comme l'autre pour les amener vers une mort certaine.

Pourquoi Mike l'a-t-il enlevée ? Qu'est-ce qui les attend ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

Anne Lejeune, je suis née le 10 juin 1983. J'ai eu une enfance choyée. Ma mère m'a transmis son amour de la lecture. Donc dès que j'ai su lire, je me suis toujours balladée avec un livre, même quand je prenais un bain. Mes parents ont souvent dû rembourser les livres de la bibliothèque de l'école à cause de cela. J'ai grandi et tenté de construire ma vie. J'y suis arrivée seule avec 4 enfants. Mes parents sont aujourd'hui toujours derrière moi, je sais que j'ai de la chance.

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Get Revenge

Anne Lejeune

Romance

Editions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Val

Prologue

Mike Holane.

22/09/2016 

8 h du matin. 

Dans une ruelle déserte des bas quartiers de la grosse pomme, à New-York, j’attrape le gars en costard en face de moi et frappe sans discontinuer, mes poings ne ressentent plus la douleur tant la rage est présente en moi. 

La rage de vaincre, celle d’en finir avec toute cette merde et ces pourritures…

J’ai le dessus, et cet homme ne s’en sortira pas vivant. Je le plaindrais presque s’il ne faisait pas partie de la pire espèce. Samuel Johnson se rendait à son boulot lorsque je l’ai choppé, les bureaux ne le verront pas aujourd’hui, pas plus que demain ou un autre jour d’ailleurs. Par contre, je ne peux pas lui retirer le fait qu’il ait des couilles, car il reste muet, du moins sur ce que j’ai besoin de savoir pour avancer.

Mes poings partent l’un après l’autre, et percutent différentes parties de son visage, du sang s’écoule de sa lèvre inférieure, ainsi que son arcade, son bras gauche est pété, et pourtant, il ne dit toujours rien. Je ne veux qu’une seule chose…

— Donne-moi des noms ! 

Johnson, maintenant couvert d’ecchymoses, ne répond pas, je le choppe par le col, plaquant hargneusement mon front contre le sien afin qu’il puisse lire la violence qui m’habite, mon sang bouillonne dans mes veines.

— Tu m’fais pas peur. Finit-il par prononcer entre ses dents serrées.

— Ah ouais…

J’esquisse une grimace de dégoût face à cette ordure, je sors mon flingue et pousse violemment le canon contre sa tempe. À cet instant, n’importe qui passerait dans le coin, me prendrait pour un dérangé, où un chef de gang, pourtant je ne suis ni l’un ni l’autre. J’ai juste un but, une mission à accomplir, et rien ni personne ne se mettra sur ma route.

Une vive douleur me perfore l’abdomen, un canif y est planté. Tant pis pour les infos, il faut que je reste en vie pour poursuivre et tous les exterminer.  Sans attendre une seconde de plus, je tire, 3 coups, tous dans le thorax. L’homme s’écroule inerte sur le bitume. Des sirènes de police retentissent déjà au loin, alors sans perdre de temps, je fouille ses poches, récupère son portable, son portefeuille, et sa sacoche d’ordinateur qu’il tentait de protéger bien plus que sa vie, puis je pars rapidement.

1

Kara Maisne. 

23/09/2016

Je me réveille avec un mal de crâne puis me redresse difficilement. Je ne reconnais absolument pas l’endroit où je me trouve, mon cœur pulse à toute vitesse dans ma poitrine, mais où suis-je ? 

Dans une cave ?

Un sous-sol ?

Le sol est en béton, la lumière passe à peine à travers une petite fenêtre. Il y a une petite chaise et un matelas.  L’odeur est immonde ! Mais qu’est-ce que je fais là !

Comment suis-je arrivée ici ? 

Je me relève, encore groggy, comme si j’avais bu plus que de raison et fais le tour de la pièce, en essayant de ne pas trop chanceler sur mes jambes fébriles, une odeur de renfermé et d’humidité me frôle les narines, c’est difficile à supporter. Pour détourner mon attention et penser à autre chose, je reprends mon inspection. La pièce n’est pas très grande et il n’y a pas grand-chose à voir.

Je me masse les tempes, ce mal de tête ne m’aide absolument pas ! Je passe ma main sur mon cuir chevelu, en y cherchant des traces quelconques qui pourraient suggérer une blessure ou autre. Mais rien ! Il n’y a absolument rien !

Je réfléchis, il faut déjà que je sache quel est mon nom, ce que je fais dans la vie, au moins pour vérifier que ma mémoire fonctionne bien ! 

Pourquoi je pense ça ?

Alors je m’appelle Kara Maisne, ça j’en suis certaine.

Je me mets en appuie sur le dossier de la chaise, plus mes souvenirs affluent, plus mes jambes flageolent et contestent à me maintenir debout. 

J’ai… Hum, j’ai 29 ans, je suis… Je suis médecin ! Voilà pourquoi j’examine mon corps à la recherche de blessure ! Je suis médecin, en chirurgie générale plus exactement… 

Mais pourquoi suis-je ici ?

Mes doigts se croisent sur le bois usé, la panique me glace le sang. 

Oh bordel !!! Ça me revient ! Pourquoi, je ne sais pas, mais comment oui ! J’ai été kidnappée !

2

Kara Maisne. 

22/09/2016

22 h 45.

Je viens de sortir du bloc opératoire, je me frotte soigneusement les mains au savon et à l’eau bien chaude, dans le lavabo disposé devant celui-ci et qui est séparé par une vitre.

Je souffle, épuisée. Ma dernière garde de 72 h a été longue, et heureusement elle est finie. J’ai terminé avec une opération difficile. Un homme retrouvé dans une ruelle, en début de matinée, il avait 3 balles dans l’abdomen, une balle avait perforé les intestins, une autre le foie, et la troisième rien, mais elle est passée à 2 centimètres du cœur ! C’était juste ! 

J’ai passé la plus grande partie de la journée à réparer tout ça avec les internes. On a failli le perdre deux fois, mais son cœur est reparti à chaque fois. Ce patient est résistant. 

Maintenant il est dans le coma, nous lui avons fait passer un scan pour vérifier qu’il n’a pas d’œdème cérébral, son visage étant complètement tuméfié, il a également une énorme bosse à l’arrière du crâne. Donc voilà, nous avons fait tout ce que nous avons pu, on ne peut rien faire de plus à part attendre. Je vais voir si on peut contacter sa famille, où un proche, mais quand avec mon interne, nous regardons dans ses affaires, il n’a aucun papier d’identité ou portable.

Après m’être nettoyée correctement jusqu’aux avants bras, j’attrape de quoi m’essuyer les mains lorsque le docteur Williams, une de mes collègues entre dans la zone de désinfection. Elle porte son pyjama de médecin, ses cheveux blonds en chignons, et m’observe avec un grand sourire. 

— Ça y est, t’es prête à me briffer sur l’inconnu de la ruelle ? Je dois récupérer le patient pour le suivi post-op. 

Je hoche la tête et attrape ma tablette. Le temps de faire quelques manipulations, Bethany se cale dans mon dos et regarde ce que je m’apprête à taper. Elle sait que j’ai horreur de ça, cette proximité ! Elle me met mal à l’aise, elle est beaucoup trop proche de moi, alors pour m’en débarrasser rapidement, je lui donne ce qu’elle est venue chercher. 

— Alors… 3 balles dans l’abdomen, j’ai dû faire une résection intestinale. Pour le foie, j’ai retiré la partie endommagée. Quant à la troisième, c’était plus compliqué, elle était située à quelques millimètres du cœur. 

Le temps que je termine de remplir le dossier, elle continue. 

— Et les constantes ? 

— Il est dans le coma. dis-je soupirant de fatigue. Je lui ai fait passer un scan' dès que son état s’était stabilisé afin de vérifier qu’il n’avait pas d’œdème cérébral. Entre la bosse située à l’arrivée du crâne et son visage complètement tuméfié, c’était plus sûr. 

— Je ne comprends pas comment quelqu’un a-t-il pu avoir de tels accès de violence sur une autre personne ! s’exclame ma collègue. 

Je pourrai prétendre la même chose, mais ce ne serait pas vrai, les hommes sont mauvais par nature, ils profitent de ce qui est bon, le salissent, le détruisent, tant qu’ils en ont les moyens. Alors je ne dis rien et hoche simplement la tête, Bethany semble satisfaite, car elle poursuit. 

— Et sa famille ? Tu as pu les contacter ? 

— Avec le docteur Jenkins, nous avons fouillé toutes ses affaires, et il n’avait rien, pas de portefeuille, de papiers d’identités, ou même de portable. Alors pour le moment, il est enregistré sous le nom de John Doe. 

Je lui explique également qu’il semble avoir la quarantaine, qu’il se pourrait que ce soit un homme d’affaires à la vue de sa tenue vestimentaire, mais bon rien n’est moins sûr à New York. Lorsqu’elle me libère enfin, je récupère avec soulagement mon espace personnel, je me sens en sécurité, et la laisse aller retrouver mon, enfin son patient. 

Je quitte le bloc et rejoins le coin des urgences après avoir fait mon rapport. Un type au loin m’interpelle, sa position m’indique qu’il est blessé.

—  Vous pouvez m’aider ? me demande-t-il en se tenant l’abdomen du côté droit.

Sa main est pleine de sang.

—  Bien sûr.

Je récupère un fauteuil roulant dans lequel il refuse de s’asseoir.

—  Je peux marcher, passez devant, je vous suis, m’indique-t-il d’une voix calme et d’un geste de la main.

Cela ne me choque pas, ce n’est pas la première fois qu’un patient refuse ce genre de chose. Après mes 5 années d’internat, et mes 2 années de résidanat, j’ai vu de tout. Je suis maintenant chirurgienne en chirurgie générale, alors c’est mon boulot, ma passion. Sauver les autres est pour moi une vocation.

Je le conduis dans une salle stérile, le box numéro 9, et lui demande de s’asseoir sur la table d’auscultation, après avoir déroulé le papier dessus et m’être assurée qu’il n’avait pas besoin d’aide.

—  Vous êtes monsieur ? le questionné-je. 

—  John Doe.

Je relève la tête et le regarde fixement. 

Il se fout de moi ! 

Il n’en a pas l’air, pourtant il utilise bien un pseudonyme donné à des inconnus, des amnésiques sans personnes pour les reconnaître où encore des cadavres sans papiers d’identité, un pseudonyme que j’ai utilisé pour un autre patient il y a à peine quelques minutes. Je note « son nom » sur le fichier des entrées sur ma tablette.

—  Mr Doe donc… Il va falloir que je regarde votre blessure, pouvez-vous retirer votre tee-shirt s’il vous plaît ?

Il s’exécute, son visage reste impassible, s’il n’y avait pas le sang, on se demanderait même s’il était réellement blessé ! Je l’examine, sa plaie n’est pas très jolie, mais peu profonde, d’ailleurs cela ne saigne presque plus.

—  Que vous est-il arrivé, Mr Doe ?

Le temps qu’il me réponde, j'en profite pour poser ma tablette et préparer un plateau avec tout ce dont j'aurai besoin : compresses, désinfectant, aiguille, fil de suture et un anesthésiant local dont je remplis une seringue. 

Je reviens vers mon patient avec le plateau et réexamine la blessure. 

— C'est peu profond, il ne faudra que quelques points. Alors que vous est-il arrivé ? Insisté-je en constatant qu'il ne m'a pas répondu. 

—  C'est un accident, mon chat est passé entre mes jambes et j'ai traversé ma baie vitrée, me répond-t-il agacé. 

Je redresse la tête brusquement et l'observe incrédule. Son histoire ne tient pas la route !  Sa plaie ressemble plus à une blessure par arme blanche, et pour quelqu’un qui a traversé une vitre, il n’a pas une seule autre égratignure sur tout ce qui est visible de sa peau, surtout le visage où les mains, et troisième chose, ses phalanges proximales et intermédiaires sont bien écorchées, c'est plus comme s’il avait donné des coups de poing à répétition.

Je lui laisse penser que son explication est crédible, nous ne devons jamais intervenir nous-même si quelque chose ou quelqu’un nous semble suspect. Je m’occupe donc de lui, sans m'attarder sur ses propos, bien moins à l'aise néanmoins qu'à son arrivée, cet homme commence à me faire froid dans le dos… 

J’anesthésie la plaie autour, et utilise le matériel nécessaire pour le recoudre. Une fois fait, je lui demande de patienter un peu, le temps de lui donner ses papiers de sorties et une ordonnance pour des compresses, antiseptique, bandages, et anti-douleurs.  Il acquiesce de mauvaise grâce. 

En vérité, je vais en profiter pour voir mon chef et contacter la police, en tant que médecin, nous sommes dans l’obligation de signaler toutes blessures suspectes. Et la sienne l’est sans conteste, sans compter son histoire à dormir debout, et son nom qui ne tient pas la route. De plus j’ai opéré un homme qui a été agressé aujourd’hui, il se pourrait que l’agresseur soit dans cette salle ! Quoi qu’il en soit, cet homme cache quelque chose de pas très clair ! Je sais les reconnaître, j’ai malheureusement dû apprendre toute seule à le faire et à mes dépens !

En me rendant au bureau de mon chef, le docteur Harris, je croise le docteur Paterson qui m'interpelle, elle doit récupérer les dossiers de mes autres patients en mon absence, j'ai deux jours de repos pour récupérer de cette longue garde, assurer le suivi post op' et surtout vérifier leurs constantes, après lui avoir donner toutes les informations, je m'assure qu'elle me contacte bien dans le cas où un souci se présente avec l'un d'eux, je connais leurs dossiers sur le bout des doigts. L'hôpital est toute ma vie, mon appartement ne contient que le strict minimum et depuis 5 ans que j'y ai emménagé, les murs n'ont jamais vu d'autres personnes que moi. 

Sortant de mes pensées, je me rends compte que je suis arrivée devant le bureau du docteur Harris. Je frappe à la porte et l'ouvre dès qu'il m'autorise à entrer. Son Bureau est comme d'habitude, impeccablement rangé, pas un morceau de papier ne traîne, la plaque à son nom est posée en avant annonçant sa fonction dans l'hôpital. L'homme lui, une cinquantaine d'années, métisse, vêtu comme toujours d'une chemise blanche avec une cravate sombre, j'imagine qu'il doit porter un pantalon à pince noir pour ne pas changer. 

— Docteur Maisne, s'exclame-t-il. Vous êtes encore là après une si longue garde… Rentrer chez vous… m'assène-t-il avec un léger sourire. 

— J'aimerai bien, réponds-je d'une voix lasse, je termine juste avec un patient avant de y aller, seulement j'ai besoin de votre aide…

— C'est à quel sujet ? m’interroge-t-il.

— C'est justement ce dernier patient, il semble avoir une blessure faite par arme blanche, son excuse pour l'expliquer ne tient pas debout…

Je lui raconte " ce qui est arrivé " à mon patient, ainsi que le nom qu'il m'a donné. Je lui parle du lien qu'il pourrait y avoir entre l'inconnu de la ruelle et ce " John Doe ". Je me rends compte en expliquant la situation à mon supérieur que son histoire n'est pas du tout crédible, au moins je n'ai plus le moindre doute. Je lui demande s'il ne faudrait pas contacter la police.

— En effet, me répond-il après réflexion, c'est un comportement étrange, je vais m'en occuper, cela va retarder votre départ, car ils auront certainement des questions à vous poser. Dans quel box se trouve-t-il ? Me demande mon supérieur.

— Le numéro 9.

— Allez au moins vous changer, je vous biperai à leur arrivée.

Après l'avoir remercié et salué, je repars, mais n'ai pas une seconde à moi pour rejoindre les vestiaires. Des parents m'ont interpellée pour leur petite fille qui se plaint de douleur à l'abdomen, la pauvre avait l'air de tellement souffrir que je n'ai pas eu le cœur de la faire attendre. Lorsque le docteur Harris me bipe, je termine avec une nouvelle patiente avant d'aller le rejoindre. Je retrouve mon chef en train d'expliquer les faits à deux agents à l'accueil des urgences, et les conduis tous les trois directement dans la salle où se trouve John Doe. Quelle ne fût pas ma surprise de la découvrir vide. Je l’inspecte de fond en comble sous l’œil des agents médusés… Ils ont l’air dépité de s’être déplacé pour rien, du moins surtout l'un d'entre eux. 

Il y a l'officier Davis, grand et fin, dont la physionomie montre clairement qu'il aimerait se trouver ailleurs et l'officier Baker, taille moyenne, corpulence normale qui semble plus sérieux. 

Celle-là, par contre, c’est une première pour moi ! Aucun patient ne m’a jamais fait un coup pareil, disparaître ! En même temps, c’est la première fois que je dois contacter la police... Je leur présente mes excuses, toutefois ils me demandent quand même son signalement.

—  Heu… Il mesure environ 1m85… Assez musclé, brun, quoi d’autre ? Je prends le temps de réfléchir. Les cheveux en batailles, et il est typé européen… 

—  Sa tenue vestimentaire, m'interroge encore l'officier Davis.

—  Il portait un jean bleu et Heu… un tee-shirt noir… Je suis désolée, je ne me rappelle rien d'autre. M'excusé-je auprès d'eux.

L'officier Baker s'avance et prend la parole pour la première fois de la soirée. 

—  Pas de problème, vous nous avez fourni pas mal de renseignements, je vais faire passer son signalement à mes collègues qui sont en patrouilles, et d’autres vont nous rejoindre afin de vérifier tous les accès de l'hôpital, nous ne pouvons rien faire de plus pour le moment. Si quoi que ce soit vous revient, contactez-nous. 

—  D'accord. Merci à vous, bonne soirée également.

Je les laisse, et en repassant par les urgences pour rejoindre les vestiaires et enfin me changer, je me fais happer par des parents inquiets.

—  Notre fils est tombé d’un arbre, il passe son temps à escalader tout ce qui se trouve à sa portée. Ça fait deux heures qu’on est là, il a vraiment mal, vous pourriez faire quelque chose s’il vous plaît ? Me demande la mère d’un air implorant.

Je pense qu’à sa place je ferais pareil si mon fils était en train de souffrir, néanmoins, comme j’ai décidé il y a longtemps de ne jamais en avoir, problème résolu, du moins pour moi… 

Pourquoi voudrait-on mettre au monde des enfants dans un endroit rempli de pervers, de détraqués, et de meurtrier ?

Après avoir regardé ma montre discrètement et constaté que ça fait déjà plus de 2h que je devrai être partie, je vais tout de même m’occuper de ce petit garçon, je fais ce métier pour aider les autres, alors, let’s go ! Je m’approche du petit patient qui semble avoir vraiment mal.

—  Comment tu t’appelles bonhomme ? le questionné-je. 

—  Marlow, me répond-il les larmes aux yeux.

—  Quel âge as-tu Marlow ?

—  J’ai 9 ans.

—  Alors Marlow, moi, c'est Kara, je vais m’occuper de toi. Je vais t’installer dans le fauteuil roulant puis je vais t’emmener passer une radio, tu es d'accord ? 

Le petit garçon hoche la tête. Je récupère un fauteuil roulant dans le couloir adjacent, aide Marlow à s’installer, et l’emmène en radiologie. Nous passons par des couloirs colorés, spécialement pour les enfants, je retourne chercher les parents qui ont certainement fini de faire les papiers d’entrées.

—  Il a juste une fêlure du tibia. Je vais lui donner des anti-douleurs, a-t-il des allergies ? interrogé-je les parents. 

—  Non aucunes, répond le père. 

—  Très bien, alors je vais lui passer une attelle ainsi que des béquilles, et les précautions à prendre, ensuite vous pourrez le ramener chez vous.

—  Merci docteur.

Les parents me remercient avec effusion. Je pose l’attelle le plus délicatement possible sur la jambe de Denis, et donne une ordonnance ainsi que les indications nécessaires à ses parents, avec ce qu'il faut pour qu'il souffre le moins possible, et le tour est joué.

—  Tu as été un petit garçon très courageux, je te félicite. Par contre, tu m’as promis, plus d’escalade, c’est dangereux, on est d’accord.

—  Promis Kara.

Quand je quitte enfin l’hôpital, après avoir enfilé mon jean et mon pull ample, il est presque minuit. Je suis prête à retrouver mon cocon dans lequel m'isoler, depuis des années, ma bulle…  Je n'ai pas réussi à faire suffisamment confiance à qui que ce soit, homme ou femme, pour m'en faire un ami. Ma voisine du troisième a vainement essayé, le serveur du starbuk également, et quelques collègues de l'hôpital aussi, mais tous ont fini par abandonner en voyant que j'étais toujours « indisponible ». 

Je me rends sur le parking du personnel où est garée ma voiture. Un bruit retentit derrière moi, me faisant sursauter en posant une main sur mon cœur battant à vive allure. C’est comme si quelqu'un avait fait tomber quelque chose en métal, comme des clés, peut-être… Je me retourne pour vérifier, mais il n'y a personne. 

Ce doit être la fatigue… me rassuré-je. 

Je me tapote les joues pour rester bien éveillée.

Je cherche les clés de ma voiture dans mon sac, quand on m’attrape par la gorge, en me pressant contre un corps ferme. Je ferme les yeux et me concentre pour fuir les souvenirs qui commencent à m’assaillir. 

Il ne faut surtout pas que je panique, c’est déjà arrivé à d'autres collègues et en général ce sont des junkies en manquent qui recherchent de la drogue, seulement celui-ci est beaucoup trop près, il me touche et l'angoisse que je ressens dans ces moments où mon espace vital n'existe plus, monte crescendo

—  Si vous cherchez de la drogue, je peux vous aider, nous avons un service pour ça, ils pourront vous conseiller et trouver les moyens de vous soutenir pour arrêter. 

Pas de réponse de la part de mon agresseur, je tremble, ma voix n’est pas mieux, elle est chevrotante, je n’ai aucun courage et il doit sentir qu’il a le dessus sur moi. 

—  Laissez-moi vous y conduire…

Je lève les mains pour les poser sur le bras qui me tient fermement, afin de tenter de me dégager, mais l'homme derrière moi resserre sa prise. J’ai de plus en plus peur…

— Pitié. Laissez-moi… commencé-je à le supplier, la panique s'engouffrant peu à peu sous ma peau. 

—  Pourquoi avez-vous contacté la police ?

Je deviens blême, cette fois j’ai le droit de paniquer…

—  John Doe, dis-je dans un souffle.

—  Parfaitement, ...

— Non…

Ma voix est si basse, que même mon agresseur ne doit pas m’entendre… 

— Vous n’auriez pas dû appeler la police, maintenant, vous allez venir avec moi.

Je n’ai pas le temps d'interpréter ce qu’il me dit, qu’une aiguille se plante à la base de mon cou, incapable de résister, je tente de me débattre, mais mes membres deviennent faibles, mes yeux finissent par se fermer...

3

Mike Holane.

Cette fois, je suis dans une merde totale ! Qu'est-ce qui m'a pris de l'enlever et de l'emmener ici ! Je le sais… Si elle était restée à l'hôpital, si les flics me choppaient, elle pourrait me reconnaître, et je ne pourrais pas terminer ce que j'ai commencé.

Ça fait beaucoup de si, mais il faut pallier à tout, quand on entreprend ce que je fais. Personne ne peut m'attendre, plus depuis Kacey, et son visage figé par la froideur de la faucheuse lorsqu'elle s'est emparée d'elle…

Kara Maisne. 

23/09/2016.

J'ouvre mes yeux, remplis de terreur. Me voilà dans ce qui ressemble à une cave. J’ai été kidnappée par ce John Doe ! Que va- il se passer ? Que va-t-il faire de moi ? Quel est son but ? Et s’il faisait partie d’un réseau de prostitution ? D’esclavage ? Tellement de théories, toutes plus folles les unes que les autres, me passent par la tête. J’ai vraiment peur de ce qu’il pourrait me faire… Je panique.

Respire Kara ! M'encouragé-je. Inspire, 1, 2, 3, expire, je souffle longuement, inspire, 1, 2, 3, expire, j’expulse à nouveau tout l’air de mes poumons à fond, après avoir répété cette manœuvre 6 fois, ma respiration est presque redevenue normale. Pour commencer, il faut que j’attende qu’il revienne, enfin s’il revient… Et si son but était de m'abandonner ici ! Je mourais de faim et de déshydratation ! Et on ne retrouvera pas mon cadavre avant longtemps ! Des frissons d’angoisses me parcours l’échine. Je me précipite sur la porte et me mets à taper comme une folle dessus, j’appelle, je cris, l'interrogeant sur ce qu'il me veut, le suppliant de me libérer, mais personne ne vient. Au bout d’un moment, mes forces me quittent, je me laisse glisser en pleurs contre la porte. Ma poitrine me fait mal tant mon cœur est à l’étroit, enserré par la crainte.

— Qu'est-ce que vous me voulez ? terminé-je lamentablement entre deux sanglots.

Après un certain temps je finis par me redresser, en étirant mes membres douloureux d'être restée si longtemps assise sur le sol et retourne m'allonger sur le matelas pour me rouler en boule. J’ai les mêmes fringues qu’hier, je ne sais pas quelle heure il est… Au boulot, on ne me cherchera pas avant deux jours ! Mon stress monte encore d'un cran, comment vais-je pouvoir me sortir de là et sans perdre la raison cette fois ?

Je ne sais combien de temps je suis restée prostrée dans cette position, tout mon corps me fait mal dès que je remue, alors je fais le moins de mouvements possible, puis commence à me bercer lentement. Mais lorsque j’entends un bruit de l’autre côté de la porte, un bruit qui m’aurait rassurée il n’y a même pas une minute, qui me paralyse maintenant, je sais qu’il est là… Qu’il ne me laissera pas mourir de faim… Mais finalement n’est-ce pas mieux que ce qui m’attend ?

J’entends un cliquetis dans la serrure et la porte s’ouvre, je me redresse difficilement, chaque muscle et chaque articulation me fait souffrir, John Doe entre et s’avance jusqu’au milieu de la pièce, quand il s’arrête, je me dis que c’est peut-être ma chance et me jette, avec le seul espoir qu’il me reste, sur la porte restée ouverte, je n’ai pas le temps d’y arriver que deux bras m’enserrent brusquement. Mon cœur bat fort dans ma poitrine, ma respiration est saccadée, je n’aurais pas dû essayer de fuir… Qui sait ce qu'il pourrait me faire pour me punir ? Seulement je me devais de tenter le coup. 

La pression sur mon bras se resserre. 

—  Pourquoi… je me racle la gorge, ma voix est encore éraillée par mes pleurs, pourquoi m'avez-vous enlevée ? 

Effrayée je tire sur mon bras pour mettre de la distance entre nous. Dès que sa prise sur moi se relâche, je m'éloigne le plus loin possible de lui… J'essuie mes larmes avec les manches de mon pull. 

—  Vous m’avez vu, vous avez vu mon visage et vous avez contacté la police !

Il me répond cela comme si c’était normal, comme si cela coulait de source, comme si finalement c'était moi qui étais coupable de quelque chose… 

John Doe d'avance dans ma direction, alors je m'éloigne encore en longeant le mur. Nous devons ressembler au loup approchant sa proie terrorisée, cet homme transpire le danger par tous ses pores.

—  Qu'est-ce que vous attendez de moi ? 

Ma voix est faible, j'ai honte de me sentir aussi impuissante qu'à l'époque. 

—  Je suppose que vous avez donné mon signalement, n’est-ce pas ? me questionne-t-il en faisant encore un pas de plus. 

La voix de mon ravisseur est calme, ce qui détonne avec la situation...

—  Je suis désolée…  Je ne dirai rien. Laissez-moi partir, je vous en prie, j'ai un peu d'argent et… 

—  J’n'ai pas besoin de ton fric ! s'écrie-t-il me terrifiant davantage. Nous allons avoir un problème alors… 

Il me sort cela encore calmement alors que moi je ne contrôle plus mes nerfs...

—  Comment vous êtes-vous blessé ? demandé-je en essayant de cacher mon effroi.

J’ai juste besoin de savoir de quoi il est capable…

—  C’est à cause d’une petite merde ! me répond-ild’une voix glaciale. J’étais en train de le massacrer pour lui soutirer des informations, quand il a sorti son couteau. 

Ces paroles me donnent froid dans le dos, j’ai été enlevé par un monstre sans scrupules et cruel. Il poursuit sans s'apercevoir de l'effet que ses mots ont sur moi.

— Lorsqu’il m’a poignardé, je l’ai fini avec mon flingue. Je n’ai pas eu le temps de vérifier s’il était mort, une patrouille passait dans le coin, alors j’ai filé ! C’était hier matin, ça doit vous rappeler quelque chose ? Trois balles dans l’abdomen, le visage en sang… Je me trompe ?

Mon visage doit être livide, il vient de me confirmer que c'est bien lui qui a agressé l’inconnu retrouvé dans la ruelle ! Et il est venu se faire soigner dans le même hôpital que sa victime, c'est horrible !

—  C’était vous… ma voix est si basse que je ne suis pas certaine qu’il l’entende.

—  Et vous l’avez sauvé ! m’accuse-t-il. Vous avez sauvé cette merde ! Et à cause de vous, je vais devoir y retourner et finir le travail !

Oh mon dieu… Cet homme est un assassin ! J’aimerai mettre encore plus de distance entre nous, mais mon dos est déjà collé au mur le plus éloigné, s’il s’approche encore, je ne pourrai pas fuir !

—  Qu… Qu’allez-vous faire de moi ?

Ma voix tremble, comme tout mon corps, mon courage, enfin, le peu que j'en avais, s’est volatilisé.

—  Je ne sais pas encore, je n’avais pas prévu d’avoir de la compagnie.

—  …

Garder le silence afin de ne pas l’énerver davantage, me semble être la meilleure option, j’ai tellement peur de ce qu’il pourrait faire pour se débarrasser de moi,  avec notre différence de morphologie, il pourrait me tuer si facilement, me briser la nuque, ou m’étrangler sans que je ne puisse rien faire pour l’en empêcher.

—  Vous avez de la famille ? Des proches ?

Malheureusement, la vie a fait en sorte que je n’ai personne, ayant préféré me consacrer à mon boulot, c’est toute ma vie depuis ce qu’il m’est arrivée il y a plusieurs années… Je n’ai donc pas de proche, mais ça il ne doit pas le savoir, réfléchissant à toute vitesse, l'espoir infime d'être libérée si c'est le cas, me donne des ailes.

—  Oui, j’ai un fiancé, et quand il va se rendre compte que je ne suis pas rentrée, il va appeler la police, ce qui doit déjà être fait d’ailleurs… Sans compter mes collègues, l’hôpital, entre mes opérations prévues, les suivis post-op, l’hôpital va également me rechercher… tenté-je faiblement.

—  Comment s’appelle-t-il ? 

Il est toujours aussi froid et sa question me prend au dépourvu.

—  Qui ?

—  Votre fiancé ! Comment s’appelle-t-il ? répète mon ravisseur de plus en plus énervé. 

—  Je ne peux pas vous le dire, vous allez lui faire du mal ! dis-je en espérant être crédible.

C’est la seule excuse que j’ai trouvée, avec l’angoisse qui me ronge, il faut absolument qu’il me croie, qu'il me laisse partir. De plus il m’est impossible de lui donner un nom au hasard, il va certainement faire des recherches et comprendre que je lui ai menti…

Il attrape la chaise à côté de lui, et l’envoie valser de toutes ses forces contre le mur, elle explose. Je me recroqueville sur le sol, terrifiée par sa colère. Quand ses pieds arrivent devant mes yeux, je sais que ce qui m'attend va être terrible… 

Il me redresse la tête en me tirant les cheveux en arrière, des milliers d'aiguilles sur le crâne me font grimacer de douleur alors que l’impuissance, mêlée à la peur se font plus fortes, puis il m’attrape par la gorge et me soulève en me collant contre le mur, d’une seule main, mes pieds ne touchent plus le sol. Il me retient avec une poigne de fer.

—  Comment s’appelle-t-il ? Cette fois son calme a disparu, je pourrais presque voir danser le mal à l'état pur dans ses prunelles.

Je ne réponds pas tellement la panique me cloue sur place.

Il serre ma gorge, bloquant ainsi l’arrivée d’air dans mes poumons, des points noirs commencent à se faire devant mes yeux. Je sais ce que ça signifie, si je ne lui donne pas ce qu’il veut, je serai bientôt morte…

—  C’est la dernière fois que je te le demande, comment s’appelle-t-il ? insiste-t-il énervé en appuyant sur chaque mot.

—  Je… Je n’en… ai… pas. 

J’ai eu beaucoup de difficulté à répondre à cette simple phrase. Il desserre légèrement sa main, afin que je puisse laisser sortir les mots.

—  J’n’ai pas…

J’essaie de tousser pour faire passer un peu d’air, mais ça me brûle.

— Pas de fiancé… terminé-je espérant qu’il m’entende et libère la pression.

Il me lâche et je m’écroule sur le sol, je me tiens la gorge là où sa main me serrait fortement, et tousse sans m’arrêter. Mes larmes coulent abondamment sur mes joues. Pendant un moment, j’ai pensé que c’était fini pour moi, qu'il allait me tuer…

—  Explique !

—  Je n’ai personne, c’est tout ce qu’il y a à savoir… Je vis seule depuis longtemps et n’ai aucune attache, ça vous va ? m’écrié-je enrouée, et blessée par la véracité de mes propres mots et de ce qu'il vient de me faire.

—  Pourquoi ?

—  Mon boulot est l'unique chose qui compte dans ma vie…  

Comment dire à quelqu’un que si on préfère être seule, c’est parce qu’on ne peut plus avoir confiance en personne… Puis je ne vais certainement pas lui raconter ma vie, on ne va pas faire ami, ami, et de toute façon, il s’en ficherait, c’est un tueur de sang-froid, pas un psy. Il n’a sûrement aucune compassion. Si ça se trouve, il me fera bien pire que ce que j’ai déjà vécu… Une nouvelle crise d'angoisse commence à émerger. Des images de mon passé refont surface douloureusement, John Doe attrape mon menton, pour capter mon regard, il m'ancre ainsi dans la réalité. 

—  Tu pensais que je te relâcherai peut-être ? Mais tu oublies que tu as vu mon visage… 

Sur cette dernière phrase il quitte la pièce. Je suis foutue ! Il ne me laissera donc jamais sortir de cette cave ! Des images d’une vieille époque me reviennent en mémoire, un passé que j’aimerai oublier… Je les repousse, ne voulant plus jamais y penser, pourtant, ça revient encore me hanter malgré toutes ces années… Et maintenant bien plus que d'habitude… 

Mike Holane. 

Je rentre dans mon petit débarras, sous l’escalier, pourvu d'une simple ampoule suspendue au plafonnier, de cartons stocker dans un coin, et d'un tableau recouvert de coupures de journaux. C'est ce dernier qui m'intéresse. Je sors celle que je gardais dans la poche de mon jean, et l'épingle à côté des autres. 

Encore une putain !

Mon esprit se tourne vers celle que je retiens captive, j'ai dû m'occuper de son boulot, mais finalement cette femme vit tellement isolée du monde, malgré son job, qu'elle m'a simplifié les choses. Elle m'a supplié de la laisser s'en aller, elle était morte de trouille, je l'ai vu dans ses yeux, tout autant que des reflets douloureux qui semblent la ronger, mais je ne peux pas, pas tant que je n'ai pas terminé.

Elle est là pour un bon bout de temps…

4

Mike Holane. 

Je suis dans un entrepôt. Un homme attaché par mes soins sur une chaise, le visage en sang, va encore subir ma rage ! Il a dû mal à me regarder, l'un de ses yeux est tellement gonflé qu'il ne peut pas l'ouvrir. Je sors mon flingue et le plaque contre sa tempe. 

— Tu bosses pour qui ? L'interrogé-je pour la énième fois, les dents serrées. 

Je commence à perdre mon sang froid, ce qui n'envisage rien de bon pour lui. 

— Va t'faire foutre ! me répond-il en me crachant intentionnellement un filet de sang sur le visage. 

Je m'essuie le visage avec le bas de mon sweat, puis étale un morceau de tissus sur la bouche de ma « Victime », et le noue derrière sa tête. Lorsque je me suis assuré de la bonne tenue du chiffon, je bascule la chaise sur le sol, de manière à ce que l'homme soit sur le dos. Je récupère un bidon d'eau de 5 litres et le dévisse doucement, regardant ma proie dans les yeux. Lorsque l'homme devine mes intentions, il se débat comme un forcené, ce qui ne sert strictement à rien, les liens sont bien serrés et je n'aurai aucune pitié pour lui.

Je maintiens sa mâchoire de ma main disponible afin de maintenir sa bouche ouverte, lève le bidon et déverse le liquide sur le tissu. L'homme commence à s'étouffer, au bout d'une trentaine de secondes, je repose l'eau sur le sol et abaisse le bâillon. 

— Alors ? l'interrogé-je. 

Il ne répond pas. Alors je relève le bâillon et recommence la même torture, plus longtemps, plus violemment, jusqu’à ce que ses yeux roulent dans leurs orbites. Lorsque le bidon est vide, j'en prends un autre, mais l'homme crie des mots incompréhensibles. Sentant que j'ai obtenu l'effet recherché, j'abandonne mon instrument et abaisse le tissu l'empêchant de parler. Il tousse, recrachant un maximum d’eau. 

— C'est bon ! C'est bon… Je vais te dire c'que j'sais… 

Un sourire s'imprime sur mes lèvres. Je redresse brusquement la chaise. 

— Alors ! 

— J'peux juste dire qu'y a un club qui sert de couverture… Et un entrepôt, oui c'est ça, un entrepôt où doit avoir lieu une réunion vendredi prochain, c'est dans l'après-midi… m’annonce-t-il affolé, il doit avoir peur que je ne recommence à le « Noyer ».

— Où est l'entrepôt ? le questionné-je. 

— Sur les quais de l'Hudson Street, il est à l'encart de tout. Je jure que j'ne sais rien d'autre, j'n'y suis que depuis peu et… 

— Ce n'est pas une raison ! le coupé-je froidement. Ce que vous faites est ignoble ! Craché-je pour toute réponse.

Ces informations ne lui sauveront pas la vie, il le sait, mais au moins ça m'aidera à avancer, et lui à avoir une mort rapide. Je lève mon arme et lui tire une balle dans la tête. 

Un de moins… 

Il faut maintenant que je rentre, ma prisonnière doit manger. Si seulement je n’avais eu à l’enlever…  

Kara Maisne

Cela doit faire plusieurs jours que je suis retenue dans cette pièce sordide, je ne l’ai pas quittée, je me sens sale, je n’ai pas pu prendre une douche depuis mon enlèvement. Il m’amène à manger et à boire régulièrement, mais je me restreints. Comme je dois faire mes besoins dans un seau, se trouvant dans un coin de la pièce, ce qui me répugne réellement, et l'odeur, entre celle du renfermé, recouverte par celle de l'urine et des excréments, c'est quasi insupportable, c’est donc pour ces raisons que je mange peu, et bois peu. J’ai l’impression d’être un animal. Et encore, certains sont bien mieux traités…

Il rentre récupérer les restes de mon repas, à peine entamé, comme les précédents, il me regarde en haussant les sourcils, je me tourne de l’autre côté pour ne pas le voir. Depuis qu’il est venu me « parler » et qu’il m’a menacée, je n’ai plus ouvert la bouche, et je n’ai absolument pas l’intention de le faire. Si je dois mourir ici, autant l’ignorer, puis de toute façon, que pourrais-je lui dire ? Je l'ai déjà supplié de me libérer, à mainte reprise, mais il est resté stoïque, sourd à mes supplications, alors je reste avec mes larmes, silencieuses, allongée sur le matelas face au mur. Il repart en fermant la porte à clé, comme d’habitude.

J’essaie une fois de plus de ne pas m’endormir, sinon les cauchemars qui avaient fini par s'espacer avec les années, reviennent dès que mes paupières se baissent. Il n'y a pas une seule minute de sommeil où Daniel ne surgit pas pour me faire du mal ! 

Revivre sans arrêt ces horreurs me font encore plus souffrir que ce que je vis là !

La porte s’ouvre à nouveau. La nervosité me gagne.

—  Viens, m’ordonne-t-il.

Je me redresse en me maintenant au mur, la tête me tourne tellement, après un certain temps d'hésitation je le suis, s'il veut me tuer, au moins je serai débarrassée de mon passé et de cette pièce. Ne voulant pas montrer ma faiblesse, même si de toute façon, il ne ferait rien pour m'aider, c'est une certitude, j'avance en puisant dans mes forces restantes pour rester droite. 

Il s’arrête devant une porte, simple, peinte en gris, je me demande si nous sommes loin de l'entrée, pour le moment, il est bien trop près de moi, mais plus tard, si je suis toujours en vie bien sûr, je pourrai peut-être m'enfuir… 

—  Tu vas prendre une douche, tu pues ! crache-t-il cinglant.

Je lui lance un regard noir, à qui la faute ! Mais je ne le lui dis pas, cela ne servirait encore une fois à rien. Je me demande même l’intérêt de cette douche si c’est pour retourner " là-dedans " ensuite ! Alors après un haussement d'épaules de ma part, il me laisse entrer et referme la porte.

Il n’est pas rentré avec moi, jubilé-je intérieurement… 

Tant mieux ! Je vérifie qu’il n’y a pas de sortie, mais rien… Il y a bien une fenêtre mais elle est tellement haute et étroite que je doute de pouvoir passer par là même avec le poids que j’ai sûrement perdu, et pour y accéder ça serait pareil, rien dans cette salle de bain ne me serait utile pour grimper. Cela aurait été trop facile ! Je me déshabille donc, mais garde mes sous-vêtements, on ne sait jamais s’il venait à ouvrir la porte ! La cabine de douche n’est pas très grande, mais ça me suffira.

Je laisse l’eau couler sur ma peau, ça me fait du bien, elle est chaude, ça me revigore, mais pour combien de temps ? Dès que je serai retournée dans cette pièce, mon moral chutera à nouveau… Je le vois même déjà redescendre en flèche… 

Ressaisis-toi bordel !!! Tu t’en es sortie de ton connard de … Non ne pense pas à lui, me sermonné-je, pas maintenant, ni jamais d’ailleurs. 

Je finis de me laver et sors de la cabine de douche.

Merde ! 

Je me rends compte après m’être essuyée que je n’ai pas de vêtements propres ! Et je ne vais certainement pas lui en demander, hors de question qu’il me voit nue, où même en serviette ! Je remets donc mon jean et mon pull, et laisse ma culotte et mon soutient gorge, je ne peux pas tout remettre, d'autant que mes sous-vêtements sont trempés, et même sans ça je me sens toujours sale. Mes fringues puent, je m’en rends davantage compte maintenant que je sens bon, enfin sentais…

J’ouvre la porte avec précaution, plus par crainte que par une folle tentative d’échapper à cette demeure, je ne veux surtout pas qu’il me saute dessus.

—  Ah oui… commence-t-il ennuyé. J’avais oublié ce détail, tu n’as pas de rechange. Son intonation est étrangement douce. 

Je ne réponds pas.

—  Tu as perdu ta langue ? m'interroge-t-il narquois.

—  …

Mes yeux fixent le sol, je ne veux même pas le regarder. Entre la haine et la peur que j’ai pour cet homme que je ne connais pas, mais qui pourtant me retient contre mon gré, la peur prend quand même le dessus, inutile de l'énerver… 

—  Très bien, je te ramène à ta chambre alors…

Serait-ce une pointe de déception dans sa voix ?

Mais non, arrête de t’imaginer que les hommes peuvent encore avoir de bons côtés, ça ne t’a pas suffi la dernière fois ! me rappelle ma conscience. Ils ne pensent qu’à eux, tu devrais pourtant le savoir !

Alors je le suis à nouveau, tête baissée. Je rentre et retourne m’allonger sur le matelas, toujours sans le regarder.

—  Tu dois manger plus ! m'ordonne-t-il.

Puis il s’en va, sans oublier de verrouiller derrière lui. Je me roule en boule, dos à la porte, pleurant doucement. La douche n’a servi à rien, mes fringues puent, ce matelas pue, et cette pièce, c’est encore pire que le reste, la seule chose à laquelle ça va me servir, c’est de sentir encore plus toutes ces odeurs nauséabondes auxquelles je m’étais plus ou moins habituée. Faut que je réfléchisse à un moyen de sortir d’ici, je ne vois juste pas comment, mais à force de chercher, je finirai bien par trouver une solution… Ou pas… 

À la prochaine douche, j’étudierai les lieux, après il me suffira de trouver comment ouvrir la porte de cette cave, peut être que dans la salle de bain, je pourrai y trouver une épingle à cheveux, dans les films, les héros réussissent toujours à crocheter la serrure…

Mais il y a eu un raté ! Je n’ai pas eu le droit à une autre douche, même une seule. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, entre les moments où je dors ! Bien que j’essaie de le faire le moins possible, les repas que je touche à peine et que je n’ai pas comptés. Toutefois les jours continuent de passer, lentement, inexorablement. Je me dis qu’à l’hôpital on doit bien se poser des questions, je n’avais jamais raté une journée depuis que j’avais commencé mon internat. Étant rarement malade, mon boulot était le seul plaisir dans ma vie. 

Mes repas se passent de la même façon, un quart, juste de quoi me maintenir en vie, enfin je ne suis pas certaine que ça soit assez. Mais finalement est-ce vraiment nécessaire ? Mon mental se dégrade aussi vite que mon état physique. 

Combien de jours sont passés ? Je n’en ai aucune idée, cela pourrait être 3 où 4 comme une semaine où plus. Je me lève pour aller dans le coin pipi, mais retombe aussi vite… Mes jambes flageolent et ma tête tourne…

Entre le manque de nourriture et d’eau, pour essayer d’être le moins sale possible, et mon manque de sommeil, pour éviter les cauchemars, mon corps est trop faible, épuisé…

Je suis si fatiguée de lutter. J’ai lutté pour quitter cette maison sans perdre la raison. J’ai lutté pour devenir médecin. Et maintenant je lutte pour rester en vie à côté d’un psychopathe.

Je ferme les yeux, et décide de me laisser partir…

Quand je les ouvre, j’ai l’impression de sortir d’un long cauchemar, je les referme tellement la lumière m’agresse les rétines. Au bout de quelques minutes, je les ouvre encore, et regarde autour de moi, cette chambre m’est familière, trop familière à mon goût. Je veux toucher mon corps, vérifier qu'il ne porte aucune blessure et surtout que je ne cauchemarde pas, mais je suis attachée, mes mains sont menottées à la tête de lit. Mon souffle se coupe. Je commence à bouger, essaye de tirer dessus pour me dégager, de plus en plus paniquée, mais je ne fais que m’écorcher les poignets, la fraîcheur que je sens sur ma peau nue, m'effraie, je sais où je me trouve, et ne veux pas y rester !

—  Tu es réveillée ! me demande une voix masculine.

Cette voix aussi je la reconnais !

—  Je t’ai retrouvée !

Non, non, non ! Ce n’est pas possible ! Je n’ai plus le même nom ! Quand je me suis enfuie à 18 ans, c’était sous le nom de Lisa NOAM, j’ai tout fait sans l’aide de personne, j’ai changé de nom par moi-même, trouvé un job, et commencé mes études. Je suis partie à des milliers de kilomètres de ma ville natale. Comment m’a-t-il retrouvée ? Et où suis-je ? Oh merde, c’est la chambre de ma mère ! Comment suis-je arrivée là !!! Est-ce John Doe qui m’a livrée ? Mon esprit déraille totalement à cause de l’angoisse, je vais me réveiller, c’est certain…

Je me débats, tente de me faire le plus mal possible afin d’ouvrir les yeux, mais je suis toujours là. Mes larmes inondent mes joues, l'angoisse me serre les entrailles. Daniel s’approche de moi, me pose sa main sur ma bouche, certainement pour étouffer mes sanglots, j’essaie de crier mais son bâillonnement m’en empêche, il retire la couverture et vire le dernier rempart qui me protège de lui, ma culotte ! Il prend plaisir à m'observer dans cette situation, il contemple mon corps nu ainsi que mon visage baigné de larmes en retirant ses propres vêtements, je me débats encore plus fort quand un cri réussi enfin à franchir mes lèvres… 

5

Kara Maisne. 

Soudain plus rien ! Je ne sens plus sa main, les miennes ne sont plus attachées et quand j’ouvre les yeux, je suis revenue dans cette pièce immonde, mais finalement rassurante, des larmes d'angoisse ont trempé mes joues. Tout me revient, mon enlèvement, John Doe et ses menaces. Un nouveau repas m’attend près de la porte. J’essaie de me redresser mais les forces me manquent. Je tente de me traîner mais ce n’est pas mieux, j’abandonne au milieu de la pièce, reposant ma tête beaucoup trop lourde sur mes bras.

La porte s’ouvre et je vois deux pieds s’arrêter près de mon visage. Mes yeux se referment contre ma volonté, je ne peux plus rester éveillée. Deux bras me soulèvent et je sombre encore dans un monde où cette fois, il n’y a plus de cauchemar, plus de douleur, plus de terreur, plus rien…

Mike Holane.

Je soulève la jeune femme et la porte dans l'une des deux chambres qui ne sont plus utilisées depuis des années. J'avais commencé à la nettoyer un peu, mais d'autres sujets bien plus importants m'ont accaparé ces derniers jours. Quoi qu'il en soit, cette femme s'est affaiblie en ne se nourrissant pas, et même si je pense en deviner la raison, cela ne m'atteint pas, du moins pas autant que ça le devrait. Cependant, elle doit rester en vie, c'est essentiel si je ne veux pas perdre ce qu'il reste de mon âme. J’ai l’impression de devenir ceux que je traque.

Je la conduis dans la salle de bain, commence à la déshabiller après avoir ouvert l'eau afin qu'elle chauffe. Je grimace à la vue de son corps, elle est frigorifiée, maigre, pas mince, non, maigre, presque décharnée, elle n'était déjà pas épaisse le jour de l'enlèvement, mais alors là, on pourrait presque croire qu’elle sort d’un camp de concentration… Contre toute attente, mon cœur se serre.

Son épiderme est strié dû à la déshydratation. Je la place dans la baignoire près de ma chambre, et la lave sans aucune autre intention que de nettoyer la crasse qui la recouvre. C'est comme laver un cadavre, à la différence près qu'elle n'est pas rigide, et que son corps recouvre peu à peu sa chaleur. Je finis par la sortir, la sèche, et lui enfile des sous-vêtements, achetés hier soir pour elle, avant de la mettre dans le lit que j'ai préparé, puis de contacter mon pote pour qu'il vienne vérifier qu'elle va bien.