Un connard pour Noël - Anne Lejeune - E-Book

Un connard pour Noël E-Book

Anne Lejeune

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Beschreibung

Le caractère bien trempé de Lili suffira-t-il pour ne pas succomber ?


Oubliez toutes les romances de Noël que vous avez pu voir jusqu’à maintenant, la mienne est totalement différente. Moi, Lili, dotée d’un cynisme récurrent, d’un humour à toutes épreuves et de défenses plus solides que la muraille de Chine, je ne m’attendais pas à en vivre une.
Si mon connard de voisin n’avait pas emménagé à 6 h du matin, rien n'aurait débuté: ni les réflexions sarcastiques ni les coups fourrés. Seulement, il l’a fait et a déclenché une guerre où presque tous les coups sont permis.
Serais-je capable de la gagner ou vais-je y laisser mon cœur, qu’il pourra retenir prisonnier dans une boule à neige ?


Une délicieuse comédie romantique de Noël !


EXTRAIT

- Même si maintenant vous souffrez ?

Ma question me paraît déplacée, mais j'ai besoin de savoir. De savoir jusqu'où on peut aller par amour...

- Oui, car ça signifie qu'une femme a été suffisamment importante pour me manquer, qu'elle a eu assez de courage pour m'aimer tout le long de sa vie.


CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE


"J'ai trouvé l'histoire plutôt rigolote et bien ficelée." Joannaa, Booknode

"Une histoire a pleurer de rire mais pas que..." Didi lola, Amazon

À PROPOS DE L'AUTEURE


Je suis née le 10 juin 1983. J'ai eu une enfance choyée. Ma mère m'a transmis son amour de la lecture. Donc dès que j'ai su lire, je me suis toujours baladée avec un livre, même quand je prenais un bain. Mes parents ont souvent dû rembourser les livres de la bibliothèque de l'école à cause de cela. J'ai grandi et tenté de construire ma vie et j'y suis arrivée seule avec 4 enfants. Mes parents sont aujourd'hui toujours derrière moi, je sais que j'ai de la chance !

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Un connard

pour

Noël…

 

 

 

Anne Lejeune

Romance

Éditions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Graph’L

 

 

Prologue.

 

 

Lili.

24/12/2016.

 

Encore une fête pourrie avec le connard de service !

En l’occurrence, le connard en question, c’est mon voisin de palier. Enfin, mon voisin depuis seulement quelques mois, un an tout au plus et c’est amplement suffisant pour savoir quel genre d’homme il est. Vous connaissez le genre de type qui emmène chaque soir une femme différente dans son plumard ? Ou celui qui baise tout ce qui bouge ? Vous commencez à le cerner cependant, ce n’est pas assez pour le décrire. C’est aussi le genre de gars à vous vendre du rêve, vous acheter des fleurs, vous offrir un bon resto, parlementer durant des plombes, avant de vous chasser dès qu’il a obtenu ce qu’il voulait.

Comment je le sais ?

Non, ce n’est pas parce que je suis une de ses conquêtes, même si c’est arrivé quelques fois, et ce n’est pas parce qu’il est canon. Car soyons clair, il l’est et il le sait. Un peu trop, d’ailleurs ! C’est juste parce que je ne tiens plus à être affichée sur son tableau de chasse. Peu importe combien il me manque.

Ce mec est un danger public pour les cœurs en détresse et je sais de quoi je parle. J’en ai connu un autre, il y a quelques années, qui m’a laissé un précieux cadeau dès ma première fois. Vous penserez sûrement que c’est un manque de chance, moi je le vois comme mon rayon de soleil, la seule chose qui me permet de ne pas totalement sombrer dans l’alcool, le sexe et les soirées à n’en plus finir.

Blake m’a permis de garder la tête sur les épaules et du haut de ses huit ans, il m’apporte bien plus d’amour qu’un homme n’en aura jamais à donner.

Je ne suis pas cynique, je suis juste réaliste. Oui, j’ai été la fille qui s’est fait draguer par le play-boy du lycée. Oui, après plusieurs mois de relation, j’ai fini par céder, pensant qu’il était l’homme de ma vie. Et oui, je me suis fait entuber. Surtout quand il a rompu, alors que j’étais à peine en train d’enfiler ma petite culotte, avec le pipeau habituel «ce n’est pas toi, c’est moi», «je ne pourrai pas t’apporter ce que tu souhaites», ou encore, celle que je préfère «c’était génial, nous deux, mais nous sommes jeunes et je crois que nous allons beaucoup trop vite. Nous devrions faire une pause… »

Je suis certaine que vous connaissez bien la dernière. « Faire une pause ». Non, mais le gars s’est pris pour un magnétoscope et il a juste appuyé sur avance rapide pour clôturer ladite pause. Bien entendu, ce jour-là, j’avais fondu en larmes, sans aucune dignité ou presque. Au moins, je ne m’étais pas agenouillée ni ne l’avais supplié pour comprendre ce revirement.

Bon, nous sommes d’accord, j’ai connu le mauvais garçon qui m’a laissé la plus belle surprise de ma vie. Est-il au courant de l’existence de Blake ? Évidemment. Pourquoi le lui aurais-je caché ? Il est le père et même si quelque part, j’espérais, naïvement je l’admets, qu’il prenne ses responsabilités, qu’il m’avoue m'aimer encore – oui, à dix-sept ans, on y croit vraiment – la réalité fut tout autre. Il m’avait ri au nez, annonçant, haut et fort, que ce n’était certainement pas le sien, car je n’étais plus vierge lorsque nous avions couché ensemble.

Un vrai connard, je vous dis !

Enfin, maintenant que vous me ciblez un peu, revenons-en à cette soirée du 24 décembre 2016.

La boîte, dans laquelle je bosse, est décorée de guirlandes aux couleurs des stroboscopes. Des filles en tenues de Mère-Noël ultra sexy dansent sur les podiums. Du gui est suspendu à divers endroits stratégiques, qui sont quasiment tous occupés par des couples en train de se rouler des pelles majestueuses. Tous les moyens sont bons pour se dégoter une moitié. Une moitié que je croyais avoir enfin trouvée…

Mon bonnet rouge et blanc bien en place sur mon crâne, je suis en train de servir, quand mon voisin débarque, une greluche blonde à son bras. Une qui ricane dès qu’il ouvre la bouche, des lèvres botoxées, des seins siliconés débordant de son soutien-gorge et qui se colle à lui comme une chatte en chaleur. En même temps, il faut la comprendre, elle a mis le grappin sur le canon de la ville. Miami, en Floride, la chaleur, les muscles des surfeurs, les nanas sexy et presque toujours avec un haut de maillot de bain, comme si elles avaient prévu d’aller à la plage, ça vous parle ?

Bref ! Cette bimbo s’accroche au bras de celui pour lequel je m’étais promis de ne jamais craquer. Elle le retient de toutes ses forces, alors qu’il y a à peine quelques semaines, j’étais à sa place, savourant nos étreintes explosives. Mais on ne m’y reprendra plus jamais. J’ai cédé, lui ai confié pourquoi j’étais si réticente et il n’a pas pu s’empêcher de jouer.

Enfin, je le sens qui m’observe, ce qui m’oblige à en faire autant, tout ça pour le voir me sourire avant de poser sa bouche sur celle de Miss Bombe Chaudasse 2016.

Je lève mon majeur, avant de saisir le premier gars autour de moi et de l’embrasser à en perdre haleine. Cette option a l’effet escompté, Chaze esquisse un rictus à faire frémir un mort, puis se détourne pour sûrement rejoindre la piste de danse.

Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est simple, une fois de plus, j’ai été trop crédule. Seulement, je ne me suis pas totalement ramassée, car cette fois, je n’ai pas cherché à en savoir plus, je ne me suis pas ridiculisée à ses pieds et lui ai, au contraire, rendu la monnaie de sa pièce.

En gros, j’aurais dû rester sur ma première impression.

Vous allez comprendre, mais pour ça, il faut revenir au début…

 

 

 

 

1

 

Ma vie de maman…

 

Lili.

11/12/2015

 

Dérangée par une sonnerie stridente, la tête encore dans le coaltar, j’attrape mon smartphone et m’empresse de la couper. Si la tonalité est aiguë et agaçante, ce n’est pas sans raison. C’est bien ce qu’il me faut pour pouvoir me réveiller après seulement deux heures de sommeil. Et encore, je m’estime chanceuse. Si Gina n’était pas là, je serais obligée de me lever une heure plus tôt. C’est à sa famille que je dois le fait d’ouvrir les yeux chaque matin, avec le sourire.

Quand mes parents ont appris ma grossesse, ma vie a été complètement chamboulée. L'avortement était l’unique mot qu’ils avaient à la bouche. Ben, oui, une jeune fille de dix-sept ans, enceinte, c'est impensable, surtout dans notre classe sociale. Ils s’inquiétaient plus de savoir ce que les voisins, de leur quartier bourgeois, allaient penser, que du fait que j’allais devoir arrêter mon école de danse K-Style, ainsi que mes études. Car faire du hip-hop, un bébé en plein développement dans mon utérus, n’était pas recommandé. Lorsqu’ils ont vu à quel point j’étais décidée à le garder, mes vieux n’avaient pas hésité à me foutre à la porte. Heureusement, John et Kelly, les parents de Gina, ma meilleure amie, ma jmelle, comme on s’appelle, m’avaient recueillie chez eux. Sans quoi, j’aurais dû aller dans un foyer ou pire, vivre dans la rue. À partir de ce jour, je n’ai jamais revu ni mon père ni ma mère. Il faut dire que les parents de Gina ne sont pas aussi aisés et que du coup, je n’avais pas à croiser leur route.

Lorsque je rejoins le salon, où repose un sapin d’à peine 1m30 dans un coin, Gina est déjà sur le départ. Cette dernière est caissière dans une supérette du quartier et son patron lui en fait voir de toutes les couleurs. Je pense qu’elle ne devrait pas tarder à changer d’employeur. S’il y a quelque chose qu’il faut savoir, la concernant, c’est que si son job lui pose des problèmes, elle s’en dégote un autre rapidement. Ma jmelle possède plusieurs cordes à son arc et contrairement à moi, elle n’a pas peur du changement. Pour elle, ça ne peut être que positif.

Les mains sur son sac en cuir rose, elle vient m’étreindre avant de partir. Petite habitude que nous avons prise en vivant dans sa maison familiale. Petite, mais chaleureuse, alors que celle de mes parents était immense et froide.

— Souhaite-moi bonne chance, je vais demander une augmentation.

— Déjà ! Mais ça fait quoi, deux, trois semaines que tu bosses là-bas.

C’était juste après avoir lâché son boulot de serveuse dans un snack. Son boss lui avait fait des avances. En soi, ça ne serait pas dramatique, s’il ne s’en était pas servi pour lui proposer plus d’argent à la fin du mois. Ma colocataire avait eu vite fait de lui remettre les idées en place, ainsi que ce qu’il avait dans son pantalon. D’après sa description, grâce à son coup de pied, il n’était pas près d’aller voir une vraie prostituée.

Ma jmelle esquisse un sourire assuré.

— Justement, durant ce laps de temps, ils ont pu se rendre compte de l’employée merveilleuse et dynamique que je suis.

— Tu as raison. Alors, vas-y et mets en leur plein la vue.

Après son départ, je retrouve mon fils dans la cuisine, en train d’engloutir son bol de céréales. Une bise sur son front, suivi du petit câlin matinal et d’une tasse de café, servi dans le mug spécial Noël. Il est imposé par ma meilleure amie chaque année durant cette période. J’avais bien tenté de m’en débarrasser les années précédentes, mais Gina, ayant du flair, trouvait toujours mes planques. À contrecœur, j’avais fini par céder.

Ce matin, comme tous les autres, Blake est égal à lui-même, joyeux. Bien sûr, comme tous les enfants, parfois, il se dispute avec ses camarades ou il n’a pas envie de faire ses devoirs, mais dans l’ensemble, tout va bien. Même quand mon fils voulait savoir qui était son père et que je lui ai conté notre histoire, il l’a prise avec le sourire…

Pendant que je débarrasse la table, je l’envoie se brosser les dents, puis dès qu’il est prêt nous sortons. Sur le palier, nous croisons Madame Collins, notre voisine, logeant dans l’appartement face au nôtre. Celle-ci, âgée d’une soixantaine d’années, nous salue, toujours avec le sourire et toute pimpante. D'aussi loin que je me souvienne, je ne l’ai jamais vue autrement qu’apprêtée. Maquillage léger, pantalon habillé, tunique ou pull féminin parfaitement adapté. Une dame fringante, peu importe les circonstances.

— Bonjour, Madame Collins, vous allez bien ?

On est d’accord, ce type de langage ne me ressemble pas, mais franchement, vous me voyez lui lancer les phrases que je sors habituellement ? Je ne voudrais pas la choquer, d’autant qu’elle paraît si gentille.

— Je vais très bien ma petite. J’ai pris tous les légumes qu’il me fallait au marché.

Pour prouver ses dires, elle lève un panier en osier, dont les anses reposent sur son avant-bras. Comment fait-elle pour être aussi énergique, alors que moi, j’ai encore la tête dans le seau ?

— C’est génial, Madame Collins. En attendant, nous vous souhaitons une bonne journée, nous devons vite aller à l’école, si nous ne voulons pas être en retard.

Sur ce, avec Blake, nous faisons un geste pour dire au revoir, puis filons dans les escaliers, afin de descendre les deux étages.

Le trajet à pied jusqu’à l’école se déroule dans la bonne humeur. Noël approche à grands pas et de nombreuses décorations ornent les vitrines. Des clochettes retentissent sur les trottoirs et le visage de mon fils s’illumine d’un sourire, tandis que sa tête dodeline de droite à gauche.

Je profite de son entrain pour l’interroger, une énième fois, sur les mots dont il devait apprendre l’orthographe.

Après l’avoir déposé, je rentre à la maison et me laisse choir, un instant, sur le canapé gris souris, complètement élimé. Ce serait si facile de me rendormir, là, maintenant. Seulement, il y a le ménage à faire, la lessive, ranger les chambres et si Gina est une perle avec Blake, presque une seconde maman, c’est loin d’être une fée du logis. Une véritable bordélique serait plus juste.

Pour me mettre en forme, je prends une bonne douche bien fraîche, puis lance la musique. Les tubes de Bigbang résonnent dans les enceintes, tandis que je m’attelle à la tâche. Les différentes chorés me permettent d’avancer, de faire notre vaisselle d’hier soir, de passer le balai sur le plancher et même de nettoyer les quelques taches, qui le recouvrent.

Ensuite, je range nos chambres et quand mes pieds franchissent celle de ma jmelle, mon courage se fait la malle. En général, je ne la fais qu’une fois par semaine, mais si elle poursuit sur cette lancée, je vais devoir revoir mon planning.

— Gina, je te maudis !

Mon agacement n’atteint personne et ne me soulage même pas. Puis, mon regard est attiré par une photo sur sa table de nuit. Mon animosité s’envole. Je me souviens du jour où elle l’a prise. C’était peu avant la naissance de mon fils, mes yeux étaient rouges d’avoir tant pleuré. Ce jour-là, j’avais craqué et envoyé un texto à Derek, dans lequel je lui demandais s’il serait présent le jour J. Inutile de chercher à me rappeler ses mots. Il n’y en avait qu’un.

« Non. »

Quand ma jmelle était revenue des cours, qu’elle pouvait poursuivre jusqu’à l’obtention de son diplôme, même si ses parents ne pouvaient l’envoyer à la fac, elle m’avait trouvée en larmes sur son lit. Avec son bon cœur, autant que son humour décalé, ma meilleure amie était parvenue à me rendre le sourire, me rappelant que, quoiqu’il arrive, elle serait présente à mes côtés. Et elle a tenu parole. Cette fille, je l’aime comme une sœur et sa présence m’est indispensable.

Alors je reprends mon ouvrage, ramasse ses chaussettes et ses sous-vêtements, qui traînent dans divers coins de la pièce.

Quand tout est enfin terminé, j’essuie la sueur qui coule sur mon front et m’empresse de reprendre une douche, chaude cette fois.

 

Le repas de midi mangé ou plutôt, englouti, je raccompagne Blake à l’école. Le vendredi est le seul jour où nous le partageons tous les deux. Ne bénéficiant pas d’horaires de journée et comme il est en cours la semaine, je me suis arrangée pour ce jour précis, juste avant le week-end. Ce sont mes soirées les plus chargées toutefois, je tiens à lui accorder du temps, afin que mon fils ne se sente pas délaissé.

Lorsque je repasse la porte, je range à nouveau. Ça fera moins de boulot pour ma meilleure amie, puis enfin, je m’écroule sur mon lit pour deux bonnes heures. Il me faut bien ça pour pouvoir tenir ce soir…

 

Au moment où le réveil sonne, je lui lance la pire malédiction du monde, celle de ne plus avoir de batterie et de n’être jamais rechargé.

Voilà qui devrait lui rappeler sa place…

Mes yeux se referment, tant mon corps est las, mais c’est sans compter sur la tornade énergique qui me vole mon drap.

— Allez la belle au bois dormant. Ton prince n’est pas ici, mais au Fake and joke, à moins qu’il ne soit au Dance night…

— Hum, arrête, il n’est nulle part… réponds-je, sans lever les paupières. Son beau cheval blanc l’a bouffé, car il manquait de crédibilité.

— T’en as d’autres des comme ça ? m’interroge-t-elle en riant.

— Peut-être. Je te les dirai si tu me laisses dormir.

Ma main part à la recherche du tissu qui me couvrait, sans pouvoir le trouver. Je suis obligée d’ouvrir les yeux. Dès qu’il entre dans ma ligne de mire, je tente de m’en saisir, mais comme ma jmelle est bien plus alerte, elle tire de son côté et j’atterris sur le sol dans un boom fracassant.

— Ahow !

— Te voilà sortie de ton lit. Le plus dur est fait.

— Méchante ! Tu dois être la vilaine sorcière…

— Oui et c’est moi qui ai ordonné au cheval de manger ton prince.

Elle me tend la main et m’aide à me remettre debout.

— Allez, je vais te préparer un chocolat chaud.

— Tu te transformes en bonne fée pour mieux me duper.

Jouant la surprise, ma meilleure amie porte sa paume à sa bouche.

— Oups, je suis démasquée. Bon ben, plus besoin de faire semblant. Tu pourras te préparer ton chocolat chaud toute seule, comme une grande.

Il me faut plusieurs secondes pour assimiler ses dernières paroles, si longtemps qu’elle a déjà quitté la pièce. Prestement, je cours jusqu’à l’encadrement, manque de trébucher et la rappelle.

— Finalement, j’aime bien marraine la bonne fée et elle a toute ma confiance !

Un nouveau rire me parvient et j’entends le bip du micro-ondes.

Quand je disais que c’était la meilleure…

 

23 h.

 

Derrière le comptoir du Fake and joke, je poursuis mon service. Le bar ne désemplit pas et les commandes de boissons affluent constamment.

Le vendredi soir, c’est la venue des filles en manque d’amour ou de celles qui affichent fièrement le leur. C’est aussi ce soir-là que les dragueurs, ceux qui se prennent pour des tombeurs de hauts niveaux, sont le plus présents. Ils dégagent une assurance à toute épreuve. Un sourire white éblouissant, une chemise ouverte jusqu’aux pectoraux, enfin pour ceux qui en ont. Souvent, ils attaquent leur proie avec un clin d’œil type « toi t’es mignonne », qui en réalité signifie « t’es bonne, je te mettrai bien dans mon plumard ». Identique au gars qui s’approche. J’imagine déjà le lourdaud et me demande comment je vais pouvoir m’en débarrasser.

— Salut beauté.

Oh la la, le beauf…

Dans deux secondes, il va me dire qu’il n’a jamais vu une aussi belle femme et que son cœur a chaviré. Enfin, quand il parle de cœur, moi, je comprends queue.

— Tu sais que tu es magnifique ?

Et voilà, phrase d’accroche 0 Lili 1.

— Ça te dirait de boire un verre ?

— Je suis la serveuse.

Avec ça, il devrait comprendre qu’il ne m’intéresse pas.

— Alors après ton service ?

— Après, je bosse en boîte.

Kalil, mon collègue scrute l’intrus. D’un simple mouvement, je lui fais comprendre que je gère. Ce sera peut-être l’occasion de se marrer un peu.

— Génial ! Laquelle ?

Malgré le peu de mots sortant de ma bouche, son sourire ultra bright étincelle toujours.

Un coriace !

— Pourquoi ?

— Pour que je t’offre ton verre quand tu auras fini.

— Tu connais beaucoup d’endroits où on peut boire à 5 h du mat' ?

Cette fois, il a au moins le mérite de paraître gêné.

— Tu n’as pas tort. Alors tu me donnes ton numéro ?

— Mon numéro ?

— Oui, ton numéro de portable, croit-il bon d’expliquer.

— Pourquoi ? Le tien ne te suffit pas ?

Visiblement, ma blague ne lui plaît pas, car son sourire disparaît enfin. Cependant, ça ne l’empêche pas d’insister en précisant que c’est juste pour boire un verre, que ça ne m’engage en rien. Donc, pour répondre à son invitation, de manière civilisée, j’attrape un shot, le remplis de tequila et l’enquille d’une traite, sous son regard ahuri.

— Voilà, ça fera 8$. C’était sympa, bonne soirée à vous.

Le mec met un temps fou à se reprendre.

— Non, mais on devait sortir !

— Ah, désolée. Vous insistiez tellement que j’ai cru qu’attendre vous ferait frôler l’infarctus.

Ensuite, je tends la main, paume vers le haut, afin de récupérer le paiement. Le client a beau avoir dû mal à digérer, il paie sans rechigner, certainement pour ne pas perdre la face dans un bar bondé.

À 1 h du matin, je quitte mon tablier pour me rendre au Dance night. J’espère que le temps filera en un éclair, car je n’ai qu’une hâte, celle de retrouver mon lit. D’autant que demain, c’est samedi matin, ça va me permettre de récupérer un peu.

 

2

 

Ma vie de tombeur…

 

Chaze.

19/12/2015

 

Satisfait, je ferme encore un foutu carton. Ça fait deux semaines que ma mère a réussi à me convaincre de revenir vivre avec elle. Je sais qu’elle ne le fait pas dans son intérêt, mais dans le mien. La pauvre n’en peut plus de me voir cumuler les boulots, afin de me faire quelques économies. Donc, nous allons de nouveau cohabiter, jusqu’à ce que j’atteigne mon but. En attendant, ça va me permettre de l'aider aussi.

Avant de m’atteler à remplir un nouveau carton, car mon déménagement est prévu dans cinq petits jours, je vérifie mon agenda.

Depuis peu, en plus d’être chauffeur de taxi à temps partiel pour une société et prof de Salsa deux fois par semaine, j’ai décidé de me faire plus de blé en m’investissant dans l’événementiel. C’est-à-dire, préparer les fêtes, me déguiser pour les anniversaires, Pâques en Master Bunny, le lapin qui distribue les œufs, en monstres pour Halloween et aider ceux qui tiennent à décorer leur maison ou la porte de leur appartement. La fête de la musique en juin, le jour de l’indépendance en juillet, le jour de Christophe Colomb en octobre, puis enfin, Noël et jour de l’an. Ça fait tout juste quelques mois que j’ai démarré, alors il faut vraiment que je me fasse connaître. Car je n’ai eu que quelques demandes de Père-Noël pour le mois de décembre et rien pour franchir l’étape de la nouvelle année.

Toutefois, je m’active, car à 9 h, je suis attendu pour jouer mon rôle de Santa Claus, dans une grande surface. Bon, ce n’est pas le job de mes rêves, mais il faut quand même avouer, que se déguiser en Père-Noël pour la commune ou un magasin, m’asseoir sur mon traîneau ou mon trône, tout dépend du moment, a aussi ses avantages.

Soyons clairs, ce n’est pas pour le salaire, même si ça joue. Par contre, lorsque la majorité des gosses sont passés, il y a parfois de jeunes, jolies et sexy mamans qui viennent s’asseoir à leur tour sur mes genoux. Celles-ci laissent toujours quelque chose au fond de ma poche et pas uniquement celle du costume. Parfois, c’est un numéro, d'autres une adresse, accompagnée d’horaires pour montrer leur disponibilité. Certaines ont même eu le cran d'y glisser un rouge à lèvres, du lubrifiant ou une capote.

Ce serait dommage de les décevoir, d’autant que le message est clair. Même avec une fausse barbe blanche et un ventre rembourré, les femmes m'adorent. D’ailleurs, je me demande laquelle je vais pouvoir mettre dans mon lit ce soir…

Bon, comme j’ai encore un peu de temps devant moi, j’entame un nouveau carton. Est-ce que la vaisselle me sera utile pour les cinq prochains jours ? Non. Dans le pire des cas, je ne garde que de quoi manger pour une personne et deux verres. Juste au cas où rancard il y a. Le reste je l’emballe dans des morceaux de papiers journaux. La majorité du mobilier a été vidé. Certains viendront avec moi, quant aux autres, ils finiront au garde-meubles.

L’heure du boulot approchant, je sors une housse de mon armoire, attrape les clés de l’appartement, mon agenda, ainsi que mon portefeuille et quitte les lieux.

Le trajet jusqu’à la grande enseigne se fait en à peine une demi-heure, à pied. Ça me permet d’économiser l’essence et ça me garde en forme.

Sur place, je me rends directement dans la salle réservée au personnel. Comme ce n’est pas la première fois que ma présence est requise, j’ai déjà arpenté ces lieux et quelques visages ne me sont pas inconnus. Comme celui de Beth, la caissière proche de la retraite, actuellement en pause. Celle-ci me salue et je lui envoie mon plus beau sourire, celui que je réserve habituellement à la drague.

— Laisse tomber, beau brun. Tu ne me piégeras pas dans ton filet.

Ça fait deux semaines que je viens jouer à récupérer des listes de cadeaux de Noël pour les enfants et c’est comme si nous nous connaissions depuis des années. Sous certains aspects, comme son âge ou sa tenue vestimentaire, toujours tirée à quatre épingles, elle me fait penser à ma mère. Concernant son répondant, c’est autre chose.

— Ah, Beth, tu me brises le cœur…

La caissière se marre, avant de surenchérir.

— Il vaut mieux pour toi, crois-moi. Tu ne pourrais pas gérer une midinette de ma trempe. Au lit, ce serait trop torride.

— Ce n’est pas dit, Chaze doit avoir un sacré coup de reins !

Nos regards se tournent vers Paco, qui vient de faire son apparition. Chargé de mise en rayon, il s’arrange toujours pour que ses fringues mettent en valeur sa silhouette longiligne. Ses cheveux bruns à la racine et teintés de blond aux pointes sont ramenés en arrière. Même ce jeune, d’une vingtaine d’années tout juste, me fait du rentre-dedans dès qu’il m’aperçoit.

— En général, mes conquêtes ne s’en plaignent pas, admets-je, satisfait.

— Et tu n’as toujours pas viré de bord ?

Pour répondre à sa question, je secoue la tête de droite à gauche.

— Mais si un jour ça arrive, promis, tu seras le premier sur ma liste.

Paco ricane, avant de poser la main sur sa poitrine.

— Wahou, quel honneur. Il ne me reste plus qu’à prier le saint string à paillettes de la gay attitude. Peut-être qu’avec toute ma bonne volonté, il m’écoutera.

— Va savoir…

Je peux certifier que non, mais ce ne serait pas cool de réduire ses espoirs à néant. Dans la foulée, Beth s’approche et lui remet une housse identique à la mienne.

— Bon, en attendant le miracle, aujourd’hui, c’est toi l’elfe.

Après avoir ouvert et sorti la tenue, le jeune esquisse une moue désabusée.

— Non, mais sérieusement. Comme si ce vert tout moche allait à mon teint, se plaint-il, en plaçant les vêtements devant son corps.

Pour ma part, j’éclate franchement de rire. Les oreilles pointues vont parfaitement avec son expression dégoûtée.

— Arrête, Paco, ça ne te va pas trop mal.

Beth tente tant bien que mal de le rassurer, mais c’est peine perdue.

— On voit que ce n’est pas toi qui vas devoir porter cette horreur !

Comme il est déjà au fond du gouffre, je le permets d’en rajouter une couche.

— Et attends de voir les collants…

L’intéressé me lance un regard noir, puis part se changer dans les vestiaires, situés dans le fond.

— Afin qu’il n’oublie pas ce jour, tu devrais le prendre en photo, me suggère Beth.

— C’était bien mon intention…

— Tu vas faire ça avec ton smartphone ?

— Tu sais ce qu’est un smartphone ?

La caissière fronce les sourcils.

— Pourquoi ne le saurais-je pas ?

Tout le monde a un don. Le mien c’est d’énerver les femmes. Je le fais toujours avec plaisir et brio.

— Oh ben, peut-être parce qu’à ton époque, la communication devait plus être…

— Attention à ce que tu dis !

En signe de paix, je lève les mains au-dessus de ma tête.

— Je n’allais rien dire de mauvais, promis.

— Une phrase contenant « à ton époque » ne peut être que péjorative, m’annonce-t-elle sceptique et avec raison.

Est-ce que lui parler du télégraphe électronique et message envoyé en morse auraient été judicieux ? Non, évidemment. Mais comme je réponds à l’instinct, être judicieux n’est jamais dans mes intentions.

— Tu as beau avoir une belle gueule, tu es un sacré crétin !

Visiblement, je l’ai vexée. S’il y a bien une chose que toute femme déteste, c’est la mention de son âge, du moins, passé un cap, parce qu’entre 18 et 25 ans, elles se sentent au summum de leur beauté et débordent généralement d’assurance.

— Allez, Beth, je plaisante. Tu es parfaite.

— C’est ça, rattrape-toi !

Paco fait son apparition dans son déguisement et je m’empresse d’aller enfiler le mien en retenant un fou rire, qui risquait d’être monumental. Ce petit jeune sera l’elfe le plus joyeux du monde…

Dès que je ressors, j’aperçois Dixon, un autre caissier. Le pauvre homme n’a pas grand-chose pour lui. Même ses yeux vicieux ne cessent de lorgner la moindre jeune femme qui entre dans le magasin. Son crâne est dégarni. Sa tonsure est si importante qu’il ressemblerait presque à un moine catholique d’époque. Pour parfaire son physique disgracieux, il ne doit pas mesurer plus 1 m 60 et son ventre proéminent le fait paraître plus petit. Vraiment rien pour plaire.

Tout le monde ne peut pas bénéficier de la même chance que moi…

Rapidement, je salue tout le monde et file prendre mon poste.

 

La fausse barbe me démange horriblement, tandis qu’un énième gosse grimpe sur mes genoux.

Bordel, deux heures que je suis assis sur mon traîneau. Deux longues heures que j’entends des mômes réclamer la plus belle maison de poupées ou le plus chouette des super héros. Surtout que le bois rigide de l'assise est une torture pour mon cul. De plus, je dois régulièrement rappeler à mon elfe de sourire.

Quand le dernier gosse s’en va, ravi d’avoir donné une liste longue comme mon bras, que nous profitons d’une petite accalmie, mon collègue tire sur ses vêtements d’un air dégoûté.

— Je ne vais jamais m’en remettre…

— Paco ?

L’intéressé pivote dans ma direction. Je ne lui laisse pas le temps d’assimiler ma manœuvre, lance un « cheese » retentissant, au moment où le flash de mon téléphone crépite.

— Souvenir… lancé-je, amusé.

— Enfoiré !

— Moi aussi, je t’aime bien…

Pour se défendre, son majeur se lève et je le lui rends, avant de remarquer une nouvelle famille en approche.

— Allez, cache ton air renfrogné, on a encore du boulot.

Malgré son mécontentement, il se repositionne et accueille une petite fille, munie de deux couettes, pour la guider jusqu’au Père-Noël. C’est-à-dire, moi. Cette dernière grimpe sur mes genoux et sourit à sa mère, tandis que celle-ci prend une photo.

— Comment t’appelles-tu ?

En moins d’une minute, grâce à son babillage incessant, j’apprends son prénom, son âge et qu’elle a été très sage. « Aussi sage qu’on peut l’être à son âge » avoue son père, apparemment fatigué.

Ouais, ses cernes ne laissent aucun doute.

C’est l’une des raisons pour lesquelles je ne veux pas de mioches. Ni maintenant ni dans dix ans. Peut-être quand je serai vieux et que ma femme, si j’en ai une, sera une petite minette de vingt ans. Pour le moment, je veux juste profiter de la vie et ne pas me prendre la tête avec des couches, des biberons ou pire. Parce qu’il y a pire, ne prétendez pas le contraire. Ces minis nous débordent d’énergie et pompent la nôtre. Ils nous la sucent jusqu’à la moelle. Et si ce n’est pas ça, c’est notre compte en banque. Or j’ai trop besoin de mes économies.

La petite famille finit par s’en aller, vite remplacée par une femme, d’environ la quarantaine. Son long manteau ouvert laisse apparaître une robe noire assez courte, juste au milieu des cuisses. Ses lèvres s’étirent de façon aguicheuse et lorsqu’elle se retrouve à portée de voix, sa requête ne m’étonne pas le moins du monde.

— Hello… Dites-moi qu’il ne faut pas avoir moins de dix ans pour avoir le droit de s’asseoir sur vos genoux…

C’est au tour de Paco de se marrer. Il doit également être soulagé. Je ne pense pas qu’il aurait aimé qu’une nana, peu importe l’âge ou les formes, vienne frôler son corps. Dans mon cas, c’est différent.

Inutile de vous expliquer pourquoi…

— Ce serait dommage de vous le refuser.

Ma réponse la satisfait, car en à peine quelques secondes, son joli fessier se pose sur mes cuisses.

Ah non. Juste un peu plus haut…

— Je n’ai jamais eu l’occasion de le faire durant mon enfance, me souffle-t-elle à l’oreille. C’est un peu mon fantasme, si vous voyez ce que je veux dire…

Ça, je le vois parfaitement et je dois dire que je le sens aussi. Surtout quand sa paume, masquée par la veste de mon costume rouge et blanc, file directement caresser l’objet de ses désirs. Ma salive descend difficilement dans ma gorge et si j’ai l’habitude d’être dragué en plein jour, en revanche, aucune des femmes que j’ai fréquentées ne prisait l’exhibitionnisme. Je veux bien m’occuper de son cas, mais pas devant une foule de gens venant faire leurs courses quotidiennes. Il m’est donc nécessaire de la remettre à sa place, quitte à assouvir ses envies plus tard. Alors, je me penche à son oreille et murmure à mon tour.

— Donnez-moi votre numéro et je vous montrerai quel cadeau le Père-Noël cache dans sa hotte, après son service…

Ayant obtenu ce qu’elle souhaitait, mon prochain quatre heures se lève, sort un stylo de son sac, puis remonte ma manche…

 

En fin d’après-midi, je quitte mon poste, prêt à rentrer chez moi, pour une belle soirée en perspective. Cette femme aura ce qu’elle veut, mais ne sera qu’une de plus sur mon tableau de chasse…

 

3

 

La rencontre…

 

Lili.

24/12/2015

6 h du matin.

 

Encore au radar, j’ouvre les yeux pour me retrouver dans la pénombre de ma chambre, tirer de mes rêves par un boucan infernal.

Bordel ! C’est quoi, ce délire !? Qui ose faire autant de raffut un vendredi matin ?

Je suis presque sûre de ne pas avoir entendu mon réveil sonner, pourtant, je prends mon téléphone, branché et posé sur ma table de chevet, puis regarde l’écran pour m’apercevoir qu’il est bien trop tôt et que ça me fait à peine une heure et quelques de sommeil. Je ne suis pas censée me lever avant 8 ou 9 h et une personne, sans aucune civilité, m’empêche de récupérer.

Furieuse, je quitte mon lit, dans mon pyjama short et top léger. Il faut dire que les températures sont toujours clémentes en Floride, même à cette période de l’année. 18 degrés la nuit. Une couette légère me suffit, d’autant que je ne suis pas frileuse pour un sou. Pieds nus, je me dirige dans le salon.

Par l’entrebâillement de la porte de chambre de Gina, j’aperçois sa tête.

— C’est quoi, ce boucan ?

Elle aussi a dû être réveillée par tout ce bruit. C’est comme si on déplaçait des meubles dans le couloir, juste sur notre palier. Le raffut donne l’impression de les maltraiter, plutôt que de les soulever.

— Je ne sais pas, c’est ce qui m’a tirée du lit…

Égale à une furie, j’abaisse la poignée de la porte d’entrée pour découvrir le coupable. L’individu est plutôt sexy dans son tee-shirt blanc, trempé de sueur, malgré l’heure matinale. Je me rince les yeux quelques secondes de plus avant de bâiller et me souviens que je n’ai pas mon quota de sommeil. Le responsable est juste là et il va m’entendre.

— Hey vous !

J’interpelle l’homme en train de pousser un bureau jusqu’à la porte de ma voisine, Madame Collins, ce qui l’oblige à se redresser et développer un corps d’environ 1 m 80, peut-être 85. En tout cas, il me dépasse de presque une tête. Bonne musculature, des bras tatoués de haut en bas, des biceps saillants, mais pas trop. Juste ce qu’il faut afin qu’il puisse les laisser retomber sur les côtés de son torse, tout aussi puissant que le reste. Son visage, couleur caramel, identique à ses yeux, est recouvert d’une barbe courte, scindée par une longue cicatrice. Celle-ci part de son menton et s’enfonce dans son cou, le contourne, peut-être jusqu’à sa nuque.

— Ah, super ! Au lieu de baver, vous ne pourriez pas me filer un coup de main ?

Son dialogue me ramène à la réalité.

Non, mais pour qui il se prend lui ?

— Vous n’avez pas d’autres créneaux pour déménager ? réponds-je en ignorant volontairement sa demande. Et puis, elle est passée où Madame Collins, vous en avez fait quoi ?

C’est vrai, qu’est-ce qui me prouve que ce n’est pas un tueur en série, qui se sert de son charisme pour appâter les jeunes femmes ou les plus âgées ? Même si des frissons courent sur ma peau à cette pensée, j’essaie de rester de glace et de conserver mon sang froid.

C’est à cet instant que se pointe ma voisine.

— Tout va bien, Lili, ne t’inquiète pas. C’est mon fils, Chaze.

Depuis quand elle a un fils ? Ce n’est pas que je la côtoie régulièrement, néanmoins, chaque fois que nous nous sommes croisées, elle ne l’a jamais évoqué…

Elle profite de mon étonnement me rendant étrangement silencieuse, pour faire les présentations en bonne et due forme. Lorsque le dénommé Chaze me serre la main, un sourire étire ses lèvres, tandis que son regard bascule vers ma poitrine à peine couverte.

— Enchanté… lâche-t-il dans un murmure, bien trop accaparé par l’attrait de mes seins.

— Je ne peux pas en dire autant, lancé-je faiblement, afin que Madame Collins ne m’entende pas, tout en plaquant une expression ravie sur mon visage.

Après tout, je suis passée maître dans l’art de camoufler mes émotions. Il y a bien longtemps qu’aucune larme n’a souillé mes joues. La claque, au sens figuré, prise par Derek, suivie de celle de mes parents, m’a clairement démontré qu’il y a peu de personnes en qui on peut avoir confiance. Gina et sa famille en font partie et sont d’ailleurs les seuls de mon entourage. Évidemment, j’ai d’autres connaissances, des collègues, mais je ne me suis jamais dévoilée auprès d’eux. Il n’y a que mes deux patrons qui savent que j’ai un fils, pour les autres, ça ne les regarde pas. Ça fait partie de ma vie privée…

Baillant à m’en décrocher la mâchoire, j’amorce un mouvement de recul, afin de regagner mon appartement.

C’est sans compter sur ma charmante voisine qui me retient.

Peut-on considérer ça comme de la séquestration ?

— Nous vous avons tiré du lit… je suis sincèrement désolée ma petite Lili.

D’un haussement d’épaules, je lui indique que ce n’est pas grave. Le problème, c’est que si je pensais pouvoir me recoucher ensuite, j’étais dans l’erreur, car Mister Je Te Reluque depuis bientôt cinq minutes et de la tête aux pieds, semble avoir de mauvaises intentions, au vu de la lueur brillant dans son regard. Celui-ci se fixe trop régulièrement sur mon décolleté. Je n’ose croiser les bras, car ma poitrine ressortirait davantage et nul doute que ce gars prendrait ça pour une invitation.

— Un petit coup de main pour transporter le bureau serait le bienvenu, m’informe-t-il, comme s’il était un gentleman, avec un besoin de soutien.

Je m’apprête à décliner son offre, mais il reprend rapidement.

— Ma mère n’a plus la forme de sa jeunesse. Je ne voudrais pas qu’elle se fasse un tour de reins, vous comprenez ?

Son sourire moqueur me percute de plein fouet. Il savait que j’allais refuser et se sert de l’âge de sa mère, autant que de sa santé pour me faire plier. Je déteste ce genre de mec ! Manipulateur ! Il ne vaut pas mieux que Derek !

Contre mon gré, j’acquiesce, alors que mon corps me hurle le contraire, ayant envie de se pelotonner entre mes draps frais, bien calé sur mon oreiller et recouvert de ma fine couette.

Mes muscles me brûlent rapidement, tandis que je soulève un pan du bureau, afin d’en finir au plus vite.

— Je vais faire couler le café pour vous deux, ça sera une récompense pour vos efforts… nous encourage Madame Collins, avant de disparaître du palier.

Le dénommé Chaze se décide enfin à saisir l’autre côté du meuble et marche à reculons, tout en regardant bien où il met ses pieds. Je me dis que c’est le moment de le remettre à sa place.

— Vous m’en devez une… non, deux plutôt.

Ma réplique attise sa curiosité et il repose sa partie sur le sol, sûrement dans l’espoir de soulager ses biceps.

— Ah, oui, et pourquoi ça ?

— La première, c’est parce qu’à cause de votre boucan, je n’ai pas pu dormir. Quelle idée d’emménager à une heure pareille ? me plains-je encore.

— Tout le monde ne peut pas dormir jusqu’à midi et fainéanter toute la journée.

Sa réflexion me donne envie de lui en coller une dans les dents. Seulement, par respect pour ma voisine, je me contiens et je dois aussi avouer qu’avec sa carrure, il pourrait facilement me retourner la tête. Énervée, oui, agacée, également, mais je reste lucide et mon instinct de survie s’invite quand c’est nécessaire.

— Je bosse ! Je suis serveuse le soir en pub et en boîte de nuit ! Alors vos jugements, je m’en passerai !

— Et bien, vous vous recoucherez juste après. Ce n’est pas comme si vous commenciez de bonne heure…

Son ton plat démontre un manque de respect flagrant envers les autres. Je crois que je vais revoir cet instinct de survie. Est-ce qu’il est vraiment utile ? Car rien qu’une gifle, un coup de poing ou juste une petite griffure me suffirait. Ça ferait redescendre la tension que cet enfoiré de première fait naître en mois, surtout que celle-ci n’a rien de sexuelle, sinon je l’aurais déjà assouvie…

Après la naissance de mon fils, il m’avait fallu un an pour pouvoir « remonter à cheval et entamer un rodéo digne de ce nom », j’étais poussée par Gina, qui ne voulait pas me voir finir vieille fille, avec des chats, puisque Blake finirait tôt ou tard par quitter la maison. Bien sûr, j’étais toujours bien protégée ensuite. Capote obligatoire et implant en seconde mesure de sécurité…

De plus en plus furieuse, je lâche le bois. Celui-ci atterrit dans un vacarme assourdissant, du moins, pour mes oreilles, car le mec, face à moi, ne paraît pas avoir entendu quoi que ce soit, tant il reste stoïque.

— Mes journées commencent presque toutes à 7 h 30. Certains d’entre nous ont des responsabilités et les assument, alors vous feriez mieux de vous taire, sauf si vous voulez finir tout seul.

— Je vous mets au défi de me laisser tomber. Jamais vous n’oserez contrarier ma mère, n’est-ce pas ?

Son rictus narquois me pousse à bout et je n’ai qu’une envie, me tirer d’ici. En temps normal, il aurait raison, mais la porte de mon logement s'entrouvre et la tête de Gina apparaît. Pendant un instant, son regard se pose sur le gars à mes côtés, l’observe, admire sa plastique, avant de m’accorder son attention au moment où je me racle la gorge, sans aucune discrétion.

— Blake est réveillé, tu veux que je m’en occupe ?

— Non, j’arrive, j’en ai juste pour une minute…

Dès que nous sommes de nouveau isolés, mes traits s’animent. Je suis ravie de pouvoir abandonner ce mec sans aucun savoir-vivre, dans sa galère.

— Désolée, mon devoir de maman m’appelle…

— Je ne vous dois plus rien alors, continue-t-il, joueur.

— Si ! À cause de vous, je risque de m’en prendre à des clients ce soir. Bonne journée et bon courage, lâché-je d’un ton ironique.

Quand je suis enfin à l’intérieur, j’essaie de me détendre. Mon fils n’a pas besoin d’une mère cent mille volts.

Malgré l’heure matinale et le jour, qui se lève à peine, je sais qu’il ne parviendra pas à retrouver le sommeil. Donc, je me rends dans la cuisine afin de préparer son petit déjeuner, après avoir lancé une musique de K-pop. Remuer le popotin, accompagné des hanches, me met toujours de bonne humeur, et me permet d’évacuer mon stress quotidien.

C’est de cette manière que doit commencer une bonne journée. Avec de la danse et des câlins dans les petits bras de mon fils.