Il suffit d'une fois - Lauryn Saül - E-Book

Il suffit d'une fois E-Book

Lauryn Saül

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Beschreibung

L'enfance est un lieu auquel on ne retourne pas mais qu'en réalité on ne quitte jamais. Dans ce roman teinté de sensibilité à chapitre évolutif, cette femme raconte son désarroi, son enfance rythmée par un père alcoolique et une mère dépressive. Un sentiment d'abandon permanent qui l'entraine dans une descente aiguë. Elle essaye de gravir cette longue adversité qui la hante chaque jours. Décidée à vouloir reprendre sa vie en main elle va se faire aider, un bonheur de courte durée va la faire replonger. Mais elle n'en démordra pas.

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Seitenzahl: 92

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Sommaire

Chapitre 1 : Il suffit d’une fois pour rentrer dans cette spirale infernale

Chapitre 2 : Il suffit d’une seule et mauvaise rencontre pour te faire changer de chemin

Chapitre 3 : Il suffit d’un mensonge pour briser tous ces semblants de vérité

Chapitre 4 : Il suffit d’une fois pour tomber très bas

Chapitre 5 : Il suffit d’une fois pour comprendre que la vie est trop précieuse pour la laisser filer

Chapitre 1 : Il suffit d’une fois pour rentrer dans cette spirale infernale.

Mon plus lointain souvenir se situait vers l'âge de neuf ans. J'habitais dans un logement avec mes parents, Papa était alcoolique, il faisait souvent des crises de colère à la maison et me battait. Nous avions une pensionnaire chez nous, et elle aussi y avait droit. D’ailleurs, peu de temps après être partie de chez nous, elle s'est suicidée.

Papa avait commencé à boire certainement dès son plus jeune âge, mais nous ne l’avions pas vu, pas compris, pas réalisé, ni accepté. On n’a pas admis qu’il soit alcoolique, pas compris qu’il était malade, pensant comme beaucoup que c'était un choix et qu’il ne voulait pas être sobre. Car si pour nous l’alcool restait festif, pour lui c’était un besoin vital comme l’air pour l’homme et l’eau pour le poisson. Mais nous nous méprenions, nous, sa propre famille. Il a fait plusieurs cures sans réel succès. Son travail ? Il n'en n’avait plus. Pour moi, voir Papa comme ça provoquait une haine intérieure, une honte, un dégoût. Quand Papa devenait violent, Maman ne disait rien, ne faisait rien, juste un regard suffisait pour que les autres coups arrivent. Un jour Papa et Maman criaient très fort dans la maison, Maman voulait le quitter, mais lui ne voulait pas alors Papa la suppliait de lui pardonner, qu’il ne recommencerait jamais, qu’il l’aimait. Retenant Maman, il se roulait par terre ne voulant pas la laisser partir, mais Maman était très dépendante de Papa, alors elle finissait toujours par le pardonner, elle pleurait souvent, même tout le temps. Elle n’était en quelque sorte plus maître de son corps, elle n’avait jamais porté plainte pour autant, malgré de nombreuses menaces de morts, d’étouffements, d’étranglements, de bleus, de coupures incalculables, d’insultes et tout ce qui peut suivre. C’est le cycle infernal de la violence, on a toujours l’espoir que l’on puisse un jour faire un changement, alors que nous sommes embarqués dans un processus répétitif. Mais on ne change jamais une personne si elle-même n’accepte pas qu’il y a un problème dans ses agissements. Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours été mise à part. J'ai vécu avec une solitude et un grand vide dans mon cœur.

Les quatre murs de ma chambre, je les connaissais par cœur, car lorsqu'il y avait de la visite, mes parents m'envoyaient dans ma chambre. Après l'école, c'était encore dans ma chambre. Je dois dire qu'il s'en passait des choses dans ma tête. Je n'ai pas eu de vie sociale. Je priais le Bon Dieu pour qu’il vienne me chercher. Maman était totalement impuissante pour me défendre. Lorsque Papa m'interdisait de dîner, Maman venait la nuit avec une pomme et un verre de soda en me faisant promettre de ne rien dire. Notre complicité démarra de là. Un soir Papa et Maman s’étaient disputés plus fort que d’habitude et Maman ma prise le bras afin de m’emmener chez Mamie. Ma grand- mère disait toujours « les adultes oublient que les enfants sont des créatures intelligentes. » Elle avait bien raison. De toutes façons, mon arrivée dans ce monde n’a pas toujours été un heureux événement, depuis petite, j’ai toujours été une gamine bourrée d’énergie, têtue et, tenace.

Quand j’allais chez ma grand-mère, elle me répétait souvent « Tu sais ma puce, les enfants possèdent la sagesse du monde et parfois, ils font semblant, semblant d’être d’accord avec les autres comme on fait avec les fous pour les contenter ». Un soir, Maman et Mamie étaient dans la cuisine, maman semblait triste. C’est vrai que je n’avais pas été très sage ce jour-là, elle m’avait fortement grondée. Mamie avait essayé de la réconforter tant bien que mal, maman pleurait fort et je l’entendais dire des mots très méchants à mon propos. Elle disait que j’étais une petite sotte, une vilaine petite fille.

À son tour mamie disait « tu ne connais pas ta fille, ni ses intentions, laisse-là se découvrir, les enfants de nos jours, il faut les laisser s’exprimer ». Je m’enfermais dans ma chambre et laissais mon plus grand chagrin envahir mes pensées.

J’ai passé beaucoup de temps à me sentir coupable, à me demander pourquoi cette culpabilité me rongeait, pourquoi je n’avais pas cette force d’empêcher son attrait pour cette bouteille. J’ai tellement fermé les yeux sur cette maladie qui l’emprisonnait pour ne pas voir que le père parfait que j’imaginais avait des défauts. La vie vaut la peine d’être vécue, mais j’ai l’impression que pour lui tout était fini, qu’il ne souhaitait plus vivre, aurais-je osée un jour lui dire que de boire ainsi était un suicide encore plus long et douloureux ? Je ne sais pas.

Il faisait la sourde oreille. Cette bouteille le transformait en un monstre cruel et sans pitié. Je m’étais tellement mise la pression pour ne pas lui ressembler que je m’étais souvent privée de petits plaisirs simples en pensant que cela me ferait instantanément sombrer.

Petit à petit, il avait participé à la destruction du lien qui nous reliait, je ne le voyais plus comme une figure parentale, il était là oui, mais il ne représentait plus rien. Je détestais tant cette odeur d’alcool que lui aimait, Peu importe où j’allais, un verre avait beau prendre des milliers de formes différentes, Il avait toujours cette même odeur répugnante pour moi. Il m’a rendu sauvage, mais j’ai appris à être une douceur avec qui veut bien se glisser sous cette carapace. « Mais si je peux lui dire un seul merci, c'est qu’à cause de l’enfance qu’il m’a enlevée, j’ai développé une capacité infinie de résistance à la souffrance, je sais que je suis forte et courageuse. Je sais que j’ai supporté des choses très dures même s’il m’a toujours fait passer pour une menteuse ». De l’alcool même à huit heures du matin, encore plus immonde que l’odeur de la cigarette de la voisine. L’alcool avait pris une place tellement importante dans sa vie que je ne pourrais vous parler des fois où je ne l’ai pas vu boire. Sur une photo de famille, sa bouteille seulement pouvait lui suffire pour qu’il dise que la photo était réussie.

Mais un jour papa avait eu un accident de voiture, paralysé des deux jambes et du bras droit, il avait dû rester pendant plus d’une année dans un centre de la rééducation. Désespérée, Maman était restée à ses côtés tant bien que mal, alternant boulot, vie de Maman et vie de femme. Le conducteur était en état d’ivresse, son assurance avait vite appelé Maman pour lui proposer de l’indemniser, mais la somme proposée était dérisoire. De toute manière Maman ne voulait pas de cette aumône, mais le châtiment du conducteur.

Mon père a alors eu un électrochoc. Le chemin qui mène au rétablissement est long et il joue toujours le rôle de victime. Pendant deux ans, il a pris chaque jour un médicament qui l’empêchait de boire et suivait une thérapie.

Pour moi, c’était une renaissance : mon père se souvenait de ce que ma mère et moi lui racontions, prenait en considération nos mots, il n’avait plus de main tremblante ni de marque d’impatience, faisait des randonnées en forêt et partait en voyage. Je jouais à la pétanque et son visage était marqué d’un vrai sourire. Pendant ces deux années, j’ai eu l’impression d’avoir retrouvé mon papa. J’étais bien, il n’y avait plus de cris à la maison, du moins pas que je sache et je dormais mieux.

Puis une après-midi alors que j’étais devant la télé, mon père avait balancé violemment une assiette en porcelaine contre le mur, il ne faisait que crier en demandant qui avait touché à sa bouteille, que personne dans cette maison ne pouvait lui faire un coup pareil, maman était vite arrivée les mains tremblantes, le regard fixe, et elle disait que c’était elle qui avait fini le fond de la bouteille de Rhum pour faire des crêpes ce matin, qu'elle ne pensait pas faire quelque chose de grave étant donné qu’il ne pouvait plus boire d’alcool. Je lui ai fait comprendre que son comportement nous dérangeait et qu’on n’aimait pas le voir dans cet état, que si il voulait rester en contact avec nous, il fallait qu'il arrête de boire. Mais, il ne s’était pas arrêté, il avait juste appris à être plus discret.

Aujourd'hui, je sais qu'il boit toujours. Parfois moins, parfois plus. J'essaie de l'ignorer et de ne pas y penser. Chaque fois qu'il plonge ses lèvres dans le verre, je dois me convaincre de ne pas lui sauter dessus ou de lui crier dessus car au fond de moi, je n'ai toujours pas complètement fait le deuil du père que j’ai eu la chance de connaître pendant ces deux années. Mais honnêtement, je doute qu'il réapparraisse un jour. Je suis devenu très douée pour prétendre que tout va bien en souriant en toutes circonstances. Accepter d’avoir un père qui souffre d’alcoolisme, ce n’est pas évident. Bien sûr, je suis souvent triste en pensant à celui qu’il aurait pu être, à ce qu’il aurait pu vivre si l’alcool n’était pas si présent. Mais je fais avec.

À l’âge de douze ans, ma mère avait pris la décision de quitter mon père, elle se tuait à petit feu. Ça a été comme un soulagement pour elle, une nouvelle ligne à écrire après ce point interminable. J’étais donc partie vivre avec elle, laissant mon père dans son total désarroi et suicide solitaire.

Très vite, le fameux un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires n’est devenu une réalité que sur les papiers du tribunal. Quelques jours par-ci, par-là suffisaient à lui donner bonne conscience quant à son rôle de père.

Je ressentais de plus en plus ce manque de figure masculine, cette figure paternelle inexistante, j’ai donc fait un rejet de cet être qui m'avait conçu.

J’ai appris à vivre sans lui. À vivre malgré son absence. Ça n’a pas été facile. Ça a été une épreuve de tous les jours, pour ma mère et pour moi bien-sûr. Une famille, c’est un père, une mère et leurs enfants.

Malheureusement, il a toujours manqué quelque chose à la mienne : mon père. Un père absent qui m’a apporté beaucoup de douleur et tracas.

« Papa,

Puis-je vraiment t’appeler ainsi ? Ce mot si particulier qu’on dit, qu’on écrit, à l’homme le plus important de sa vie. À un modèle, un pilier, un repère dans l’existence, le mérites-tu encore ? L’as-tu jamais mérité un jour d’ailleurs ? Tu n'as jamais pensé à moi.