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Énergie non fossile et exempte de déchets incommodes, toujours disponible, indépendamment du vent ou du soleil, "l’énergie des mots" est sans conteste la plus « durable » qui existe. Ce florilège, extrait d’un blog nourri pendant dix années, illustre la puissance et la pérennité de cette énergie singulière.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Du certificat d’études au doctorat d’État ès lettres,
Roland Eluerd a collectionné tous les parchemins universitaires. Il a signé de nombreux ouvrages de grammaire et de lexicologie. Ce parcours a suscité chez lui une attention particulière pour les mots, leur usage ordinaire comme leurs nuances singulières. Il partage avec vous une décennie d’écriture, révélant ainsi toute leur « énergie ».
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Seitenzahl: 118
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Roland Eluerd
L’énergie des mots
Blog invité de « Charente libre »
2011-2021
© Lys Bleu Éditions – Roland Eluerd
ISBN : 979-10-422-5969-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Du 4 avril 2011 au 27 juin 2021, Charente libre m’a offert d’intervenir parmi ses blogs invités pour qu’un de ces blogs soit consacré à la langue française : ce fut le blog L’énergie des mots.
Son auteur se présentait ainsi : Du certificat d’études au doctorat d’État ès lettres, en passant par un bac série technique et philosophie, l’auteur a collectionné tous les « parchemins » universitaires possibles. À défaut de rendre plus intelligent, cela peut rendre plus attentif aux emplois des mots et des phrases, à leur usage ordinaire comme à leurs usages particuliers, à leur « énergie ».
Au long de ces dix années, j’ai publié 321 textes, hésitant à les nommer post, les nommant parfois propos. Ils portaient sur l’usage ordinaire des mots, sur l’énergie qui les propulse, les mollesses qui les engluent, les détours qui les égarent, les événements qui parfois leur redonnent vie.
Par nostalgie, par orgueil sans doute, je n’ai pas pu me résoudre à les voir tous disparaître. Il ne pouvait être question d’infliger à quiconque la lecture de ces 321 textes. Beaucoup d’ailleurs sont devenus moins lisibles parce que trop attachés à l’actualité du moment, souvent assez vaine.
J’en ai donc retenu une soixantaine qui, à mon sens, ont mieux résisté au temps. Nés des circonstances, ils portent avec eux admirations ou explications, irritations, voire colères, qu’on ne partagera peut-être pas. J’atteste de leur sincérité. Ce qui n’est pas une excuse.
Revenir ainsi sur hier, m’a permis de retrouver par les textes quelques voisines ou voisins des blogs invités, quelques personnes de Charente libre parmi lesquelles je tiens à citer Armel Leny, aujourd’hui rédacteur en chef, Jean-Luc Tenant, à l’époque correspondant du quotidien, et, in memoriam, Yvan Drapeau, pour nos rencontres chaleureuses et l’écriture de ses éditoriaux.
Énergie non fossile, sans déchets malcommodes à traiter, toujours disponible, même en absence de vent ou de soleil, l’énergie des mots est sans conteste l’énergie la plus « durable » qui soit.
Il convenait évidemment que je traite de cette « énergie » pour justifier le titre de mon blog. Avoir assisté à la projection du Discours d’un roi, remarquable film de Tom Hooper où Colin Firth trouve un rôle à la mesure de son talent, me fournit un exemple intéressant.
L’énergie des mots, c’est d’abord l’énergie de la voix. On a peine à imaginer quelles devaient être la puissance vocale et l’élocution des orateurs des temps sans micro. Même avec le micro, et tout ce qui l’accompagne, l’élocution reste fondamentale. Dans le film, l’énergie prend d’abord la forme du bégaiement surmonté, du ton juste, de la parole claire.
Elle prend aussi la forme du contexte : un mot ne fonctionne jamais seul. Il fait partie d’un contexte textuel (les linguistiques l’appellent parfois « cotexte ») qui est le message dans lequel il se trouve. Le choix et la disposition des autres mots de la phrase, voire du message entier, donnent du sens au mot. Le discours que prononce le roi George VI ne comporte pas de formule historique. C’est, pourrait-on dire, un discours ordinaire. Le contexte textuel n’appelle pas de remarque particulière sinon quant à sa simplicité et au contraste qui en résulte.
En effet, le mot et le message font également partie d’un autre contexte, celui du moment, de l’heure ou de l’histoire. Pour le discours du roi, premier discours de la guerre, l’enjeu est capital. Les mots les plus simples acquièrent alors une énergie non commune. Ce peut être, hélas, pour le meilleur ou le pire.
En choisissant donc de nommer mon blog « l’énergie des mots », je m’engage à ne traiter des mots que dans leurs contextes.
Internautes de Charente et d’ailleurs, je vous prie d’agréer mes meilleures salutations.
Un article de Charente libre était titré : « Pataquès entre Montmoreau et le SIVOS ». Je crains que le rédacteur ne se soit emmêlé les consonnes. Selon le Trésor de la langue française, pataquès a plusieurs sens : une faute de liaison, où s’emmêlent les s et les t de fin de mot (synonyme : cuir), un propos confus (synonymes : baragouin, charabia, galimatias), une faute de tact (synonyme : gaffe). Littré ne retenait que la confusion des consonnes finales. L’Académie tient pour « une faute grossière de langage ».
Comme l’article n’évoquait aucune faute ou confusion de ce genre, l’emploi de pataquès en place de désaccord, différend, litige, voire querelle – puisqu’aussi bien l’affaire ne va pas jusqu’au conflit, voire pire – est donc un… pataquès. Cela noté, j’avoue que j’aime bien pataquès. Il est de ces mots qui remplissent la bouche comme une gourmandise : l’enfant qui montre ses graffouillages.
Littré propose une origine : « Un plaisant était à côté de deux dames ; tout à coup il trouve sous sa main un éventail.
— Madame, dit-il à la première, cet éventail est-il à vous ?
— Il n’est point-z-à-moi, monsieur.
— Est-il à vous, madame ? dit-il en le présentant à l’autre.
— Il n’est pas-t-à moi, monsieur.
— Puisqu’il n’est point-z-à vous et qu’il n’est pas-t-à vous, ma foi, je ne sais pas-t-à qu’est-ce !
L’aventure fit du bruit, et donna naissance à ce mot populaire, encore en usage aujourd’hui. Empruntée à un certain Domergue, Manuel des étrangers amateurs de la langue française (Paris, 1805). » L’explication est trop belle et trop démonstrative pour convaincre.
En revanche, l’amateur de mots peut revivre avec bonheur ses propres recherches quand il lit, toujours dans le Trésor précité, que le mot apparaît en 1784 dans un ouvrage signé de B*** [Blois], Le Benjamin D’la Daronne ou La Boëte aux Pataquès, manuscrit lisible à Paris, Bibliothèque nationale, cote fr. 9268 ; et en 1802, sous la plume d’A. Martainville, Pataquès ou le Barbouilleur d’enseignes, bluette en 1 acte, Paris, an XI dans le Catalogue général des livres imprimés de la B.N.
Je retrouve ici la haute verrière de la noble bibliothèque de la rue de Richelieu, ses tables cirées, les abat-jour verts, un monde de silence, de recherche et de bonheur.
Internautes de Charente et d’ailleurs, je vous prie d’agréer mes meilleures salutations.
Avatar : « Emprunté du sanscrit avatara. Chacune des incarnations successives du dieu hindou Vichnou. Fig. Chacune des formes diverses que prend une personne ou une chose » (Dictionnaire de l’Académie française). La définition n’a pas de place pour les emplois d’avatar au sens « ennui, mésaventure », emplois devenus courants.
Dans l’affaire de la bactérie E quelque chose, bio a connu deux avatars : une forme de concombre, provenant d’une ferme bio d’Espagne, une forme de graine germée, provenant d’une ferme bio d’Allemagne, voire de Grande-Bretagne ! Quant aux ennuis tragiques, ils n’ont pas manqué du « concombre tueur » à la « bactérie tueuse ». Outre ces avatars, l’usage ordinaire des mots montre combien bio perd le nord, parce que trop dispersé dans les emplois.
Emprunté au grec, bio est d’abord un préfixe qui signifie « vie ». Exemple : biographie. Puis bio devient un terme scientifique pour désigner « les phénomènes vitaux, les organismes vivants » (Henri Cottez, Dictionnaire des structures du vocabulaire savant, Usuels du Robert, 1980). Exemples : biologie, biochimie, biométrie, etc. Le Trésor de langue française précise : « Le sens et le développement de bio- en français sont liés à la fortune de biologie, apparu en 1802. »
L’élément bio apparaît aujourd’hui dans de multiples mots et subit des variations gouvernées par le terme qui le suit. Si la biodiversité est bien la « diversité naturelle des organismes vivants », la bioéthique n’est pas une réflexion morale sur la vie mais sur les sciences du vivant. La biomasse est l’ensemble des matières végétales.
Les mêmes réserves lexicologiques valent devant l’usage de plus en plus fréquent de bio comme élément adjectival ou adverbial : agriculture bio, rayon bio, marché bio, soyez bio, consommez bio, etc. Les synonymes possibles entremêlent des définitions imprécises : naturel, sain, écolo, vert.
Ainsi se dessinent des contiguïtés où les usages de bio- relèvent de l’air du temps plus que de l’exactitude des sens. Ce qui ne va pas sans péril pour les mots et ceux qui en usent.
Internautes de Charente et d’ailleurs, je vous prie d’agréer mes meilleures salutations.
Dans son carnet du 29 juillet, Charente libre a publié un hommage au médecin colonel Georges Lartigue pour le dixième anniversaire de son décès. L’hommage évoquait son courage pendant la guerre, puis ses travaux sur le sport, en particulier la natation et la baignade, leurs risques et comment les éviter. On précisait également que Georges Lartigue avait inventé, en 1953, le terme hydrocution.
La définition est connue : « syncope cardiaque et respiratoire provoquée par une immersion dans l’eau froide ». Le Trésor de la langue française donne cette date de 1953. Tous les dictionnaires décrivent la formation du mot : avec hydro- et sur le modèle d’électrocution.
Hydro- a plusieurs sens. Le Dictionnaire des structures du vocabulaire savant de Henri Cottez en relève cinq. Dans la continuité du grec, hydro signifie « eau » : hydrographie (XVIe s.), hydrogène (Lavoisier, 1787), hydrologie, hydrophile, hydrofuge, hydrolyse, hydrocution… ou simplement « liquide » : hydrodynamique.
Par une extension déjà présente dans le grec, hydro signifie également « liquide organique » : hydropique, hydrocéphale (empruntés au grec, XVIe siècle). Plus récemment, hydro représente hydrogène dans des termes de la chimie : hydrure (Lavoisier, 1789), hydrocarbure… et il représente hydraté dans des noms de sels comme hydrosilicate. Enfin, à partir du nom hydre donné par Linné à des polypes d’eau douce, ont été obtenus hydroméduse, hydrozoaire…
La finale -cution nous renvoie plus loin dans le temps. D’abord, au français électrocution (1890), emprunté à l’anglais electrocution, dont la finale provient de l’anglais execution, du français exécution, lui-même emprunté (XIIIe s.) au latin ex(s)ecutio, -onis, « achèvement, accomplissement, poursuite judiciaire ».
La curiosité du lexicologue s’oriente vers l’archive manuscrite où le mot apparaît pour la première fois. Les dictionnaires ni Internet n’apportent de réponse. Si l’auteur du texte paru dans Charente libre lit mon blog et peut éclairer ce point, je l’en remercie chaleureusement.
Internautes de Charente et d’ailleurs, je vous prie d’agréer mes meilleures salutations.
CAC 40 et consorts baissent. Les commentaires des politiques et des économistes s’accumulent. Ces commentaires se partagent en multiples branches, souvent divergentes. Quelle branche saisir pour ne pas tomber ? Profane en ces domaines, je n’ose avancer que quelques remarques sur les mots employés : les marchés sont volatils, fébriles, déprimés, ou les bons jours, les marchés rebondissent.
Les dictionnaires s’accordent sur la définition de volatil : « qui peut passer à l’état de gaz, de vapeur ». La volatilité d’une substance est sa capacité à se vaporiser. Ainsi le dichlorométhane est plus volatil que l’éthanol. Ainsi les volcans volatilisent allègrement dans l’atmosphère zinc, mercure, cadmium, sélénium, etc. Question de température.
Un marché fébrile n’est donc pas un marché volatil. Le premier peut encore être soigné avant que sa température monte. D’autre part, la volatilité ne s’accompagne pas d’un affaissement. Donc un marché volatil ne saurait être un marché déprimé.
Je ne pense pas que la volatilité des marchés est liée au réchauffement climatique. Cependant, quand nous apprenons que le CAC 40 a plongé, ce bain ne peut qu’assurer un refroidissement salutaire, non ? C’est en tout cas une solution lexicalement plus juste que celle du rebondissement. Comment un marché volatil pourrait-il rebondir ?
Quand j’ai lu les premières querelles sur les eurobonds, j’ai d’abord pensé à bondir (dire si je suis sot !). Puis en entendant les gens avertis prononcer « eurobondz », j’ai subodoré une traîtrise de la finance britannique. Mais euro-obligations m’a en partie rassuré (sur l’usage du français).
Pourquoi ne pas revenir au premier synonyme de volatil tel que le donne le Trésor de la langue française ? L’adjectif se lit en effet dès la fin du XIIe siècle chez un trouvère du Hainaut, Gonthier de Soignies : « Fausse amor ne volatille », synonyme : volage. Écrire : les marchés sont volages… introduirait quelque tendresse dans un monde cruel.
Après tout, l’économie est de ces sciences qu’on dit « humaines ». Comme en amour, on n’y a de certitudes qu’après.
Internautes de Charente et d’ailleurs, je vous prie d’agréer mes meilleures salutations.
« Je ne pense pas que la volatilité des marchés est liée au réchauffement climatique. » Cette phrase d’un blog précédent a retenu l’attention d’un correspondant de CL, qui veut bien me faire confiance et s’inquiète : « On m’a toujours appris qu’après que le subjonctif s’impose. »
Première étape : une analyse logique de la phrase. La mienne comporte une proposition principale : Je ne pense pas, et une proposition subordonnée appelée complétive : que la volatilité des marchés est liée au réchauffement climatique. Elle complète le verbe de la principale : penser.