L'infinie dialectique - Anne-Lise Marie Sainte - E-Book

L'infinie dialectique E-Book

Anne-Lise Marie Sainte

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Beschreibung

Côtoyer l’absurde pour atteindre la vérité

Qui n’a jamais utilisé d’arguments spécieux pour le seul plaisir de discourir ? Qui n’a jamais défendu un point de vue contradictoire pour le seul plaisir de discuter ?

Qui n’est jamais tombé sur une conversation ridicule d’où surgissaient des vérités ridiculement vraies ?

Les personnages de L’infinie dialectique ou l'avocat du diable et la survie de l'espèce se font, tour à tour, chantres de la morale, avocats du diable ou simples spectateurs, et n’hésitent pas à côtoyer l’absurde pour atteindre leur vérité.

Essai inédit sur la dialectique

EXTRAIT

COUSIN ALPHONSE. — Et le printemps ?
COUSIN HECTOR. — Le printemps n’est qu’une saison pour les jardiniers du dimanche. Un bon jardinier n’a besoin que de deux saisons.
COUSIN ALPHONSE. — Qu’en savez-vous ?
COUSIN HECTOR. — Vous n’en savez pas le contraire ? !
COUSIN ALPHONSE. — C’est vrai, mais…
COUSIN HECTOR. — Alors, croyez-moi sur parole !

A PROPOS DE L’AUTEUR

Journaliste-pigiste, Anne-Lise Marie Sainte est née le 7 mai 1984 en région parisienne.

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Sommaire

Dialogue n°1

Dialogue n°2

Dialogue n°3

Dialogue n°4

Dialogue n°5

Dialogue n°6

Dialogue n°7

Dialogue n°8

Dialogue n°9

Dialogue n°10

Dialogue n°11

Dialogue n°12

Dialogue n°13

Dialogue n°14

Dialogue n°15

Dialogue n°16

Dialogue n°1

COUSIN ALPHONSE. — Et le printemps ?

COUSIN HECTOR. — Le printemps n’est qu’une saison pour les jardiniers du dimanche. Un bon jardinier n’a besoin que de deux saisons.

COUSIN ALPHONSE. — Qu’en savez-vous ?

COUSIN HECTOR. — Vous n’en savez pas le contraire ? !

COUSIN ALPHONSE. — C’est vrai, mais…

COUSIN HECTOR. — Alors, croyez-moi sur parole !

COUSIN ALPHONSE. — Pourquoi ferais-je cela ?

COUSIN HECTOR. — Parce que, je vous le dis. Vous n’êtes pas obligé d’être sûr que je vous dise la vérité. Restez dans le doute si cela vous convient ! Pourquoi diable, me posez-vous des questions si c’est pour mettre en doute mes propos ?

COUSIN ALPHONSE. — Vous n’avez pas changé, mon cher cousin. Je viens vous voir pour parler du temps et voilà que vous dissertez, sur je ne sais quelle croyance.

COUSIN HECTOR. — Allez dire cela à Moïse ! Il part faire quelques prévisions météorologiques, pour l’époque, c’est ce qu’il y avait de mieux et il revient bien avec des tas de croyances pour tout le monde. Je ne suis pas Dieu, c’est vrai, mais comme vous l’avez justement souligné, je suis votre cousin et à ce titre, je vaux bien mieux.

COUSIN ALPHONSE. — Si vous le dîtes.

COUSIN HECTOR. — Vous en doutez ?

COUSIN ALPHONSE. — Je ne doute pas que vous n’êtes pas Dieu.

COUSIN HECTOR. — Laissez-moi vous ôter d’un autre doute, l’été et l’hiver sont bien les deux seules vraies saisons qui existent.

COUSIN ALPHONSE. — Je vous remercie d’être venu au terme de cette conversation.

COUSIN HECTOR. — C’est vous qui y mettez un terme !

COUSIN ALPHONSE. — Pas du tout. Je ne vois pas ce que je peux ajouter après que vous m’avez déjà apporté une réponse sans équivoque. L’automne et le printemps n’existent pas.

COUSIN HECTOR. — Bien sûr, qu’ils existent.

COUSIN ALPHONSE. — Vous venez de dire que non.

COUSIN HECTOR. — À aucun moment, je n’ai dit cela.

COUSIN ALPHONSE. — Mais si, vous l’avez dit ! Le printemps et l’automne ont été inventés pour les jardiniers du dimanche. Vous l’avez dit !

COUSIN HECTOR. — Oui, c’est ce que j’ai dit, mais je n’ai pas dit qu’elles n’existaient pas. Elles existent puisqu’on les a inventées pour les jardiniers.

COUSIN ALPHONSE. — Vous avez dit que l’été et l’hiver étaient bien les deux seules vraies saisons qui existaient.

COUSIN HECTOR. — Oui, les deux autres sont fausses.

COUSIN ALPHONSE. — Fausses ?

COUSIN HECTOR. — Oui. Fausses et sans intérêt. À ce titre, elles ne valent rien. On pourrait presque dire qu’elles n’existent pas, mais elles existent puisqu’on les a inventées. L’existence n’a jamais prouvé l’intérêt de quoique ce soit. Elles ne servent à rien et à personne, sauf à morceler encore plus le temps. Les choses peuvent exister et être inutiles ou fausses. La preuve… Les mauvais raisonnements existent pourtant ils sont faux.

COUSIN ALPHONSE. — Pourquoi vouloir morceler le temps ?

COUSIN HECTOR. — Pour des tas de raisons. Pour des tas de raisons. Prenons un thé voulez-vous ?

COUSIN ALPHONSE. — Permettez-moi de revenir en arrière. Donc le printemps n’est pas sans intérêt puisqu’il morcelle le temps ?

COUSIN HECTOR. — Il est sans intérêt parce qu’il morcelle un temps qui est forcément faux. Regardez, quand bien même le printemps servirait à morceler le temps. À quoi cela servirait-il de morceler le temps ? Nous y revenons donc. Buvez !

COUSIN ALPHONSE. — À quoi cela sert-il ?

COUSIN HECTOR. — Qu’en pensez-vous, mon cher cousin ?

COUSIN ALPHONSE. — Je n’en sais trop rien. J’imagine que nous morcelons le temps pour savoir où il en est.

COUSIN HECTOR. — Où il en est de quoi ?

COUSIN ALPHONSE. — Pardon ?

COUSIN HECTOR. — Où voulez-vous qu’il en soit ?

COUSIN ALPHONSE. — Ce que je voulais dire, c’est que le temps est morcelé par les quatre saisons, une année, douze mois, les heures, les secondes. Je n’y peux rien. L’homme morcelle le temps pour avoir l’impression de le contrôler probablement.

COUSIN HECTOR. — Entendre des conneries pareilles. L’homme morcelle le temps pour mieux le contrôler. Votre explication est vaine et repose sur de la poésie. Le temps, on nous l’impose mais personne ne l’a jamais vu.

COUSIN ALPHONSE. — Comme Dieu… ?

COUSIN HECTOR. — Non, personne n’impose Dieu à personne, et des tas de personnes pensent l’avoir déjà vu.

COUSIN ALPHONSE. — Et j’ai déjà vu le printemps, dit-il avec assurance

COUSIN HECTOR. — Non, vous n’avez jamais vu le printemps puisque le printemps a été inventé pour que l’hiver ne soit pas trop long et que l’été ne soit jamais fade. C’est l’hiver que vous avez cru voir.

COUSIN ALPHONSE. — L’hiver a été inventé comme le printemps et l’automne, mais bien avant voilà tout !

COUSIN HECTOR. — Non, l’hiver n’a pas été inventé. Il a toujours été. On a inventé le printemps pour mieux faire exister l’hiver. Parce que l’hiver, il n’y a plus rien et que l’été, il y a tout. L’homme aime les débuts, les progrès, les naissances alors il a fait le printemps. C’est l’humanisation des saisons si bien que la dualité du printemps c’est l’automne, la déchéance de la nature, de voir mourir les feuilles. Voilà comment l’hiver existe, quand on a vu les feuilles mourir en automne et pas quand elles sont déjà mortes en hiver. L’hiver comme la mort n’existe que parce qu’il y a la vie. Pour comprendre l’hiver et l’été, on a créé le printemps et pour humaniser le printemps on a créé l’automne, mais l’hiver et l’été sont les seules vraies saisons sur lesquelles l’homme puisse vraiment compter.

COUSIN ALPHONSE. — On peut compter sur les saisons ?

COUSIN HECTOR. — Oui, elles sont les deux seules saisons justes. Deux solstices sans équinoxe.

COUSIN ALPHONSE. — Donc le temps existe ?

COUSIN HECTOR. — Oui, mais ce ne sont pas les saisons qui nous le prouvent. Une seule journée est suffisante pour comprendre le temps. La question n’était pas de savoir si le temps existe, mais des raisons qui nous faisaient le morceler.

COUSIN ALPHONSE. — Le temps existe…

COUSIN HECTOR. — Puisque nous en sommes déjà à le morceler.

COUSIN ALPHONSE. — C’est en cela que vous jugez et reconnaissez qu’il existe ?

COUSIN HECTOR. — Oui, il existe à en juger par la façon dont vous me le faites perdre par vos questions.

COUSIN ALPHONSE. — C’est la seule raison ?

COUSIN HECTOR. — Il y en a bien d’autres !

COUSIN ALPHONSE. — Par exemple ? Une dernière ?

COUSIN HECTOR. — Pardon ?

COUSIN ALPHONSE. — Oui, une dernière explication sur l’existence du temps ?

COUSIN HECTOR. — Votre vie ? Le temps peut la mesurer. Sans temps, quel âge auriez-vous ? Où iriez-vous ? Et en combien de temps ? Vos rides saillantes, votre dos courbé, votre voix acide. Le temps existe et cela se voit sur vous. À chaque fois que je vous vois, il me semble que vous avez pris dix ans.

COUSIN ALPHONSE. — Justement, la dernière fois que nous nous sommes vus, c’était il y a dix ans au moins.

COUSIN HECTOR. — Eh bien cela se voit !

COUSIN ALPHONSE. — Pas mieux ?

COUSIN HECTOR. — Je vais vous dire la vérité. Je n’ai plus de raisons pour vous prouver que le temps existe. Tout ce que je sais, c’est qu’il existe assez de raisons pour qu’il existe.

COUSIN ALPHONSE. — Je vous croyais plus prolixe.

COUSIN HECTOR. — Finissons d’abord sur les raisons du morcellement du temps.

COUSIN ALPHONSE. — Si vous voulez.

COUSIN HECTOR. — Je le veux. L’homme morcelle le temps pour mieux prendre conscience de lui-même. L’une des questions essentielles pour l’homme est de savoir d’où il vient et où il va ? Cela implique depuis quand et jusqu’à quand. L’homme suit les lois de la temporalité. Le temps est notre premier repère. Le temps est notre ascendance la plus lointaine. Et puis, on est tous égaux devant le temps. Une minute est une minute pour tous les hommes de la terre. Au contraire, de vos mots tout à l’heure, l’homme n’essaie pas de le contrôler et s’il essayait se serait en vain. On ne peut arrêter le temps ni le faire aller plus vite et encore moins le raviser. Quels que soient les sensations et l’état de chacun, la fatigue, le sommeil, l’attente, l’ivresse, une minute est une minute. L’homme est régi par des lois. La loi temporelle est l’une de ces lois que l’homme n’a pas décidées.

COUSIN ALPHONSE. — Comme la mort ?

COUSIN HECTOR. — La mort n’a pas de loi, imbécile.

COUSIN ALPHONSE. — Pourtant, comme le temps, on ne la décide pas. On meurt et puis c’est tout.

COUSIN HECTOR. — Le temps, personne ne le décide. Alors que la mort est un choix des parents. Les parents sont des meurtriers. Ils connaissent les effets tragiques du temps sur leur enfant. Et puis la mort, on ne peut rien en faire.

COUSIN ALPHONSE. — Que fait-on du temps ?

COUSIN HECTOR. — On le compte. Il ne sert à rien d’autre qu’à être compté et distingué. On ne distingue pas les morts. Les morts sont morts.

COUSIN ALPHONSE. — Les morts, on peut les compter.

COUSIN HECTOR. — Oui, mais pas sur une montre. Le temps tue les gens. Alors que la mort ne tue pas le temps. On ne peut les comparer comme on compare l’automne au printemps, le temps au non-temps, et la mort à la vie.

COUSIN ALPHONSE. — Alors, il y a un non-temps ?

COUSIN HECTOR. — Justement non. Il n’y a pas de contraire au temps que le temps lui-même.

COUSIN ALPHONSE. — Le temps meurt du temps.

COUSIN HECTOR. — Première chose intelligente que vous disiez depuis votre arrivée. Alors comment va la famille ?

COUSIN ALPHONSE. — Elle va bien.

COUSIN HECTOR. — Je suis ravi. Poursuivons.

COUSIN ALPHONSE. — Le temps meurt de lui-même.

COUSIN HECTOR. — Oui. Probablement que le temps, c’est la mort.

COUSIN ALPHONSE. — Comment cela ?

COUSIN HECTOR. — La mort est partout autour de nous. Le temps est un cimetière invisible. On ne peut rien y faire. Le temps ne se soigne pas. Il ne nous est pas remboursé par la sécurité sociale non plus. C’est terrible quand on sait que c’est la cause de mortalité la plus forte.

COUSIN ALPHONSE. — C’est vraiment dommageable !

COUSIN HECTOR. — Je le pense aussi. Finalement, le temps est la vraie faux aiguisée au-dessus de la tête de chaque être humain, qui regarde son horloge comme une amie alors que c’est la mort même. C’est sans doute pour cela que les hommes aiment tant regarder passer le temps, le temps emporte les autres mais pas eux. Vous disiez tout à l’heure que l’homme essayait de contrôler le temps. Ce n’est pas tout à fait exact. L’homme regarde la mort sur sa montre, pas pour LA contrôler, juste pour savoir où elle en est. Quand on sait où est le temps, on croit savoir où est la mort. Vous voyez bien qu’on ne peut contrôler le temps puisqu’on ne contrôle pas la mort.

COUSIN ALPHONSE. — Les montres sont la représentation matérielle de la mort. Cela paraît sensé.

COUSIN HECTOR. — Mais, cela l’est.

COUSIN ALPHONSE. — Peut-être ne pensez-vous pas correctement ?

COUSIN HECTOR. — Expliquez-moi comment on pense correctement.

COUSIN ALPHONSE. — Eh bien… !

COUSIN HECTOR. — Vous allez le faire ?

COUSIN ALPHONSE. — Quoi donc ?

COUSIN HECTOR. — M’expliquer comment penser correctement ?

COUSIN ALPHONSE. — Vous m’avez demandé de vous l’expliquer.

COUSIN HECTOR. — Mais si vous saviez penser correctement, soit vous acquiesceriez à mes propos, soit vous me diriez directement quelles sont les pensées justes.

COUSIN ALPHONSE. — Je ne sais pas alors.

COUSIN HECTOR. — Alors ne me contredisez pas. Bon, je dois aller faire mes courses. Bonne journée. Nous nous reverrons tout à l’heure, mon cousin ?

COUSIN ALPHONSE. — Si vous ne partez pas trop loin…