LA TERRIBLE RAZZIA DES OUATTARA - Franklin Nyamsi Wa Kamerun - E-Book

LA TERRIBLE RAZZIA DES OUATTARA E-Book

Franklin Nyamsi Wa Kamerun

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Beschreibung

Un ouvrage indispensable pour s'informer sur la capture de l'Etat ivoirien par le clan des Ouattara.

Ce livre mérite d’être lu, discuté et partagé par tous ceux qui croient que l’État de droit et la Démocratie ne sont pas des objets de luxe pour l’Afrique.
Franklin Nyamsi Wa Kamerun y esquisse, à travers la mise en perspective de la
résistance menée par le leader Guillaume Kigbafori Soro via son mouvement
Générations et Peuples Solidaires, créé le 26 juillet 2019, une possibilité de gouverner autrement la Côte d’Ivoire et l’Afrique.

À travers cet ouvrage, l'auteur porte tous les espoirs de voir la Côte d'Ivoire gouvernée autrement, à l'aide d'un mouvement solidaire et citoyen.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Citoyen du monde, Franklin Nyamsi Wa Kamerun est  né en 1972 au Cameroun. Docteur de l’Université de Lille 3, il est professeur agrégé de philosophie depuis presque deux décennies en France, après avoir longuement enseigné au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Il a passé ces vingt dernières années entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Auteur de nombreux ouvrages de philosophie, de littérature et d’analyse sociopolitique, Franklin Nyamsi Wa Kamerun publie ici son troisième ouvrage sur l’histoire politique contemporaine de la Côte d’Ivoire. Les analyses ici rassemblées sont centrées autour de la notion de razzia mobilisée dès l’introduction de l’ouvrage pour cerner l’originalité de la capture de l’Etat commise par le Clan Ouattara venu de Sindou au Burkina Faso, sur le dos du peuple ivoirien tout entier. 

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Franklin Nyamsi Wa Kamerun

La Terrible Razzia des Ouattara et le Leadership Résistant de GuillaumeSoro

Chroniques 2019-2021 sur la capture de l’État ivoirien et les enjeux démocratiques africains

Dédicace

À mon frère, camarade et ami l’Ambassadeur plénipotentiaire Koné Kamaraté Souleymane dit Soul to Soul, prisonnier politique de la dictature des Ouattara en raison de sa fidélité au leadership résistant de Guillaume Soro et à tous les prisonniers politiques de Côte d’Ivoire, je dédie ce recueil de réflexions dédiées à la naissance d’un État de droit et d’une démocratie authentique dans cette belle nation africaine.

À la centaine de filles et fils de la Côte d’Ivoire massacrés courant 2020 par le régime dictatorial et impénitent d’Alassane Dramane Ouattara, pour s’être opposés au 3ème mandat anticonstitutionnel du satrape venu de Sindou, et pour tout dire, contre les présidences à vie en Afrique, qui ont subrepticement transformé nos républiques bananières en monarchies bananières.

« Garçon de Chicago

C’est-il toujours vrai que tu vaux autant qu’un blanc ? »

Printemps, c’est à toi qu’il croyait. Même au bord de la nuit, au bord du MISSISSIPI roulant entre les hautes berges de la haine raciale ses barreaux, ses barrières, ses tombales avalanches.

Au printemps affluant ses rumeurs dans le hublot desyeux.

Au printemps huchant la panique aumaille dans les savanes dusang.

Au printemps dégantant ses fines mains parmi un éclat de coques et de siliques,

délieur des caillots à peur, dissolveur des caillots de la haine gonflée d’âge et au fil des fleuves de sang charriant la hasardeuse rubrique des bêtes de l’affût.

MaisEux

Eux étaient invulnérables, tardifs qu’ils étaient,

et montés, massifs, sur de louches boucs immémoriaux

-«GARÇON DE CHICAGO »… »

Aimé Césaire

Introduction La Razzia : forme spécifique de la dictature d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire

IL y a des manières de gouverner qui échappent aux catégories descriptives existantes. Pour les comprendre, il faut les décrire patiemment et créer des concepts pour les distinguer, afin de provoquer un éveil critique de l’opinion à leur sujet. IL ne suffira jamais de les caser dans la tripartition traditionnelle des régimes politiques selon Montesquieu. En effet, l’auteur de L’Esprit des Lois estimait qu’il y a globalement trois sortes de régimes politiques : le régime républicain, où la souveraineté appartient directement ou indirectement au Peuple ; le régime monarchique, où le Souverain est le seul monarque ou Roi, qui place tous ses sujets sous des lois égales ; le régime despotique, où le despote ou dictateur fait et défait les lois selon ses desiderata, dans un arbitraire absolument imprévisible. En effet, au regard des événements qui se sont succédés en Côte d’Ivoire depuis l’avènement d’Alassane Dramane Ouattara au sommet de l’État, notamment dans les périodes 1989-1993 et 2010-2020, on n’aura pas de mal à assimiler le régime politique ivoirien sous Ouattara à la 3ème catégorie des régimes classés par Montesquieu. Mais, il faut aller plus loin. Toutes les dictatures ne prennent pas strictement la même forme, tout comme les républiques et les monarchies varient entre elles.

Lorsqu’il arrive au pouvoir en 1990 comme Premier Ministre, Alassane Dramane Ouattara, inconnu au bataillon des citoyens ivoiriens jusqu’en 1989, marquera l’époque par une manière singulière de gouverner au sein d’une dictature trentenaire qui se voulait alors éclairée. De même, sa pratique d’opposant politique entre 1993 et 2010, mais aussi l’exercice du pouvoir depuis 2010 jusqu’en ce mois d’août 2020 par Alassane Dramane Ouattara, devait singulièrement marquer les observateurs politiques, non seulement en raison de l’inflexion singulière apportée par l’homme au régime Houphouët, mais aussi en raison de l’irruption de quelque chose de vraiment jamais vu dans la vie politique de ce pays.

On répondra donc dans le présent dossier à trois questions : 1) Qu’est-ce qui caractérisait le régime Houphouët et en quoi Ouattara l’infléchit-il lors de son premier séjour au pouvoir dans les années 90-93 ? 2) Quels sont les marqueurs d’originalité de la pratique politique d’Alassane Dramane Ouattara opposant politique en Côte d’Ivoire, de 1993 à 2010 ? 3) Quelle forme caractéristique le régime despotique ivoirien prend lorsque Ouattara exerce de 2010 à 2020, pratiquement dix années de pouvoir politique ? On verra à la fin de cette analyse, justement pourquoi je pense que la notion de Razzia1 est un concept éclairant pour saisir l’originalité de la Ouattarie.

Car, la thèse que nous établirons au sortir de cette étude est la suivante : l’art politique d’Alassane Dramane Ouattara relève incontestablement du domaine de la Razzia. Pratique marginale du politique qui privilégie essentiellement la cupidité, la brutalité, la capture de l’Autre, l’usurpation, la mauvaise foi, la ruse et le cynisme ; le tout sur fond d’une arrogance délirante ancrée dans un soubassement psychopathologique fait de mythomanie, de mégalomanie et de sadisme.

Une entrée par effraction dans l’appareil d’État ivoirien : l’invasion originelle des Ouattara de Sindou2

C’est une constante pour tous les connaisseurs de l’histoire politique ivoirienne que monsieur Alassane Dramane Ouattara, supposément né en 1942, fut inconnu au bataillon des nationaux de ce pays de 1942 à 1989. Avant cette dernière date, monsieur Alassane Dramane Ouattara fut essentiellement repérable et publiquement connu comme citoyen natif de la Haute-Volta, devenue depuis la révolution sankariste de 1983, Burkina Faso. Tous les éléments d’archives officielles disponibles, décrivent l’existence du sieur Ouattara entre Sindou, le village de son père en Haute-Volta, Bobo-Dioulasso en Haute-Volta, et Ouagadougou en Haute-Volta toujours, jusqu’à son départ d’Afrique pour des études universitaires aux États-Unis d’Amérique. Le dernier établissement scolaire d’Alassane Dramane Ouattara est le Lycée Zinda Kaboré de Ouagadougou, où il obtient un baccalauréat scientifique, puis une bourse de l’État voltaïque, au début des années 60. En 1967, le voltaïque Ouattara obtient un Master en Économie, puis en 1972 un doctorat en Économie de l’Université de Pennsylvanie aux États-Unis. À partir de 1967, il a commencé une carrière d’économiste au Fonds Monétaire International pendant qu’il achevait sa thèse. Celle-ci achevée, il revient en Afrique et intègre en 1973 la succursale ouest-africaine de la Banque de France, la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) où il fera l’essentiel de sa carrière professionnelle. Il en deviendra vice-gouverneur, puis gouverneur en 1984. Entre temps, le citoyen voltaïque Alassane Dramane Ouattara, haut cadre de la BCEAO, institution ouest-africaine, sera du reste décoré en Côte d’Ivoire en 1982. Les archives de cette décoration ivoirienne de Ouattara précisent tout naturellement sa nationalité voltaïque.

À partir de quand monsieur Alassane Dramane Ouattara entre-t-il en force dans les affaires publiques et politiques ivoiriennes ? On le sait avec précision aujourd’hui : c’est notamment lorsqu’il rencontre en 1985, une jeune veuve depuis 1983 nommée Dominique Nouvian Folloroux, amie intime du Président Félix Houphouët-Boigny ou pour tout dire, sa maîtresse. Née en Algérie au début des années 50, d’une famille juive et catholique française, elle connaît nécessairement les histoires de razzias, fort répandues dans les civilisations du Moyen-Orient. L’idylle qui naît entre la veuve de l’ancien Professeur de lettres et coopérant français au Lycée Technique d’Abidjan François Folloroux, et le haut cadre de la BCEAO époux d’américaine Alassane Dramane Ouattara sera le fondement d’un couple d’entrepreneurs politico-financiers : les Ouattara décident alors d’opérer une OPA sur la Côte d’Ivoire. L’objectif est triple : conquérir le pouvoir d’État, le pouvoir financier, et la gloire du siècle ivoirien, ad vitam aeternam. Pour mémoire, Dominique Nouvian Folloroux est française. Alassane Dramane Ouattara est burkinabé en 1985. Comment conquérir la Côte d’Ivoire ? En devenant tous les deux, par effraction, de nationalité ivoirienne et en mettant en œuvre un véritable plan de la conquête de la République de Côte d’Ivoire.

L’une a l’argument de son charme naturel, auquel le vieux Chef de l’État ivoirien, qui l’appelle sa Blanche Colombe, a succombé3. Dominique Nouvian Folloroux ne tarde pas à accéder aux cordons de la bourse de l’État ivoirien. Elle devient, au milieu des années 80, la gestionnaire du patrimoine immobilier d’Houphouët et de la Côte d’Ivoire, et constitue son accumulation primordiale de jeune veuve sans le sou, perdue mais redoutablement débrouillarde en pleine Afrique noire. C’est d’ailleurs pour mieux maîtriser le pactole immobilier d’Houphouët que Dominique Nouvian Folloroux, complète une formation universitaire quasi inexistante par un certificat de formation de la FNAIM en matière de gestion immobilière, en 1989. L’année où elle lance son entreprise, AICI (Agence Immobilière de Côte d’Ivoire). L’autre, Alassane Dramane, a l’argument de son excellente connaissance des arcanes du montage financier international, et la proximité géographique et socioculturelle des peuples ivoirien et burkinabé lui permettra aisément de se glisser dans la peau de citoyen ivoirien, incognito.

C’est donc une française, Dominique Nouvian-Folloroux qui introduit le voltaïque Alassane Dramane Ouattara dans la nation ivoirienne, dans la proximité du Président Félix Houphouët-Boigny, et c’est ce dernier qui introduit à son tour Alassane Dramane Ouattara dans le gouvernement ivoirien en 1989, puis à la tête de ce gouvernement en 1990. Et depuis lors, le ver est dans le fruit. L’invasion des Ouattara commence.

L’exercice du pouvoir du Premier Ministre Alassane Dramane Ouattara, de 1990 à 1993 se caractérisera essentiellement par l’imposition du diktat néolibéral4 du FMI et de la Banque Mondiale à la tête de ce pays. Il va appliquer, au mépris des besoins sociaux, économiques et culturels de la société ivoirienne qui a pris une taille dix fois plus grande au moins qu’en 1960, des politiques d’austérité qu’il considère comme l’unique méthode de gouvernance économique : réduction de la dépense publique, privatisation et donc libéralisation massive de l’économie en faveur de la finance internationale, augmentation massive des impôts et taxes sur le dos de la population, création de la carte de séjour payante pour les immigrés africains, baisse des investissements en matière de santé, d’éducation, de sécurité, de progrès écologique. Une étude fine de l’histoire des privatisations5 de 1990-1994 prouve qu’elles furent essentiellement faites au profit des amis internationaux, et surtout français des Ouattara, entre autres les Bouygues et les Bolloré. Le conflit d’intérêts dans la gouvernance économique de Ouattara devient depuis lors la règle. Or, précisément parce que cette camisole de force néolibérale sur l’économie ivoirienne ne produit ni le bien-être, ni le progrès promis, Alassane Dramane Ouattara se braque dans une pratique dictatoriale dans le champ des libertés politiques. IL sera le bourreau de l’opposition ivoirienne du début des années 90. Les mouvements syndicaux de jeunesse, les fonctionnaires, les ouvriers, les immigrés de Côte d’Ivoire, mais surtout l’opposition politique subiront les foudres du technocrate venu du FMI et de la Banque Centrale française. Le point d’orgue de cette pratique politique de terreur sera la répression brutale du 18 février 1992 qui voit tous les principaux leaders de l’opposition ivoirienne, dont notamment Laurent et Simone Gbagbo jetés en prison à la suite de manifestations contre le non-respect de la séparation des pouvoirs, de l’équilibre des pouvoirs et des droits de l’opposition par le régime alors trentenaire du PDCI-RDA de Félix Houphouët-Boigny.

On peut donc dire, sans risque de se tromper que le paternalisme ou despotisme éclairé d’Houphouët entre 1960 et 1990, caractérisé par une politique sociale généreuse envers toutes les populations, une tradition de règlement pacifique des conflits intercommunautaires, une propagande de la paix teintée de messianisme religieux, et un attachement profond de l’État à la paysannerie productrice du cacao et du café qui avaient propulsé la Côte d’Ivoire aux avant-postes en ces matières, va être brutalement rigidifié en régime despotique sans contrepartie en termes d’Etat-Providence. Ouattara fait passer l’autoritarisme éclairé d’Houphouët au statut de dictature brutale. L’ordre politique ivoirien, désormais aux mains exclusives du Capital International, s’appuie désormais ouvertement sur la seule matraque. Ouattara, qui a pris des mains d’Houphouët une femme d’influence, la citoyenneté ivoirienne, la direction du gouvernement, le contrôle des régies financières de l’État de Côte d’Ivoire, va-t-il s’arrêter en si bon chemin ? Que nenni. Désormais, il cherchera à être Calife à la place du Calife6.

Marqueurs de l’originalité politique d’Alassane Ouattara dans la période 1993-2010 en Côte d’Ivoire : division, autovictimisation, déstabilisations

Nous abordons à présent la deuxième période de la carrière politique du clan des Ouattara venus de Sindou-Burkina Faso en Côte d’Ivoire. Après avoir vainement tenté d’accéder à la présidence de la république ivoirienne par un coup d’État constitutionnel en décembre 1993, Alassane Ouattara s’installe dans l’opposition au régime PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié. Comment va-t-il procéder pour asseoir sa notoriété dans l’opposition, alors même qu’il est d’ores et déjà repéré comme un putschiste invétéré ? Nous observons qu’Alassane Dramane Ouattara va d’abord approfondir ses stratégies de division communautariste de la société ivoirienne. Ensuite, nous le verrons travaillant à incarner le portrait-robot de la victime absolue du jeu politique ivoirienne, afin de devenir le point de cristallisation de l’ensemble des frustrations sociales. Enfin, Alassane Dramane Ouattara va apporter une contribution active à l’ensemble des manœuvres de déstabilisation des régimes Bédié, Guéi, Gbagbo, jusqu’à son retour au pouvoir en 2010-2011, au terme d’une effroyable crise postélectorale occasionnant plus de 3000 morts en Côte d’Ivoire.

Pour aggraver la stratégie de division de la société ivoirienne engagée dans la Charte du Nord signée en 1991 sous la férule entre autres de son propre frère aîné Gaoussou Ouattara, Alassane Dramane Ouattara va frapper un grand coup en suscitant un schisme au cœur du parti de l’indépendance, le PDCI-RDA du grand Félix Houphouët-Boigny. C’est la création du Rassemblement des Républicains (RDR)7 le 27 septembre 1994. Le prétexte d’un refus de prise de parole du leader Djéni Kobina lors d’une assise du PDCI-RDA est un voile de la sédition de Ouattara, qui veut en fait se constituer une machine personnelle pour la conquête du pouvoir. En effet le RDR, ce parti politique de droite libérale8, qui ne diffère idéologiquement en rien sur le papier du PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié, se présente dès l’origine comme un Club de suiveurs dédiés au culte exclusif d’Alassane Dramane Ouattara, dont la personnalité se construit désormais autour du mythe du technocrate bon teint venu du FMI et de la Banque Mondiale à Washington, de l’occidental à la peau noire qui serait un incompris des mentalités nègres arriérées, du futur sauveur de la Côte d’Ivoire d’une crise économique persistante que son départ précipité en 1993 du pouvoir ne lui aurait pas permis de juguler. On présente Alassane Ouattara comme une chance que la Côte d’Ivoire ne doit pas rater, un génie que le pays doit à tout prix ramener au pouvoir s’il veut être définitivement sauvé des griffes de la bien ravageuse mondialisation capitaliste. C’est dans ces circonstances obscures que le Secrétaire Général du RDR, Georges Djéni Kobina, meurt subitement en 1998, ouvrant la voie par sa disparition au leadership exclusif du natif de Sindou sur cette formation politique. On remarquera au passage que de nombreuses disparitions de braves fils de la Côte d’Ivoire pavent comme par une mystérieuse nécessité le chemin de la montée en puissance d’Alassane Dramane Ouattara. Rien d’étonnant dès lors qu’en août 1999, Alassane Ouattara devienne le premier président du RDR9, lors d’une convention d’investiture lors de laquelle il affiche son ambition de revanche et de rattrapage des années qu’il estime indûment avoir passées entre 1993 et 1999 hors du palais présidentiel ivoirien.

Seconde manœuvre capitale pour le gourou du RDR, Alassane Ouattara va accentuer la pression sur l’imaginaire ivoirien pour s’imposer comme le héros victimaire par excellence du pays. Il s’agit en quelque sorte pour lui d’écrire en lettres de sang et de sueur dans l’esprit des Ivoiriens le syllogisme suivant : « je suis la principale victime politique de Côte d’Ivoire, par conséquent toutes les victimes sociales, culturelles, économiques, politiques et même religieuses de Côte d’Ivoire doivent se reconnaître en moi. Je suis l’icône de toutes les victimes. » Comme l’écrira à juste titre Martial Frindéthié :

« Le plus grand tour de prestidigitation d’Alassane Dramane Ouattara fut celui de réussir, par une seule phrase, à s’oindre le martyr de deux groupes démographiques importants : les populations musulmanes d’où qu’elles viennent, et les populations du nord ivoirien et au-delà du nord ivoirien, qu’elles soient musulmanes ou pas. « On ne veut pas que je sois président, parce que je suis musulman et du nord », avait-il pleurniché en grande victime d’une xénophobie imaginée des populations sudistes de la Côte d’Ivoire contre leurs sœurs du nord de la Côte d’ivoire et des pays de la sous-région, surtout des pays à majorité musulmane. Par cette posture de victimologie bien calculée, Alassane Dramane Ouattara s’attirait l’empathie de tout Musulman se sentant victime d’ostracisme religieux ; mais aussi il s’attirait la sympathie de toute personne révulsée par la discrimination d’où qu’elle vienne. Cette philosophie de victimologie payante, Alassane Dramane Ouattara la traîna sur tout son parcours politique, taxant tous ses adversaires de xénophobes.»10

La troisième manœuvre capitale d’Alassane Dramane Ouattara sera d’être au cœur de toutes les déstabilisations. D’abord, on l’a dit, en 1993. Il fait appel au général Robert Guéi et au secrétaire général du PDCI-RDA, Laurent Dona Fologo11, pour que soit violé l’article 11 de la constitution d’alors. Le témoignage du ministre Laurent Dona Fologo, jamais démenti par Alassane Ouattara, est clair :

« Monsieur Alassane Ouattara ne voulait pas entendre parler de la succession constitutionnelle de monsieur Bédié qui était alors le président de l’assemblée nationale […] La constitution disait que, en cas de décès du président de la république, c’est le président de l’assemblée nationale qui devient président de la république […]En décembre 1993, à une dizaine de jours avant la mort du président Félix Houphouët-Boigny, […] monsieur Ouattara premier ministre qui était en fait le Chef de l’État […] sachant que je suis le secrétaire général du parti du président Houphouët-Boigny, le plus grand parti de l’époque, m’a appelé chez lui, m’a proposé d’être avec lui pour que la constitution, quand le président viendrait à mourir, ne soit pas appliquée ! Moi j’ai dit NON, parce que moi je suis pour la constitution ou RIEN […] »12

Il y a ensuite le boycott actif de l’élection présidentielle de 1995, lors duquel Alassane Dramane Ouattara, alors allié au FPI de Laurent Gbagbo dans le cadre du Front Républicain, promet à son allié de peser de tout son poids au sein de l’armée et dans la communauté internationale pour faire chuter le régime PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié. Laurent Gbagbo et Djéni Kobina se lanceront dans cette bataille, où Alassane Dramane Ouattara, planqué en exil, les abandonnera astucieusement. Claudine Vidal analysa l’épisode avec lucidité :

« Les élections présidentielles eurent lieu le 23 octobre 1995, un peu moins de deux années après les funérailles d’Houphouët-Boigny. Leur déroulement inaugura, pour l’opposition, le recours politique à l’usage illégal de la force. Ce recours constitua une rupture essentielle des modalités de la confrontation politique qui avaient jusqu’alors existé. Cette confrontation n’avait jamais été exempte de violence, une violence cependant exercée par le pouvoir en place et visant essentiellement des opposants politiques déclarés (ou certaines catégories sociales, telle la population estudiantine, des journalistes). Elle mobilisait des corps spécialisés: forces de l’ordre, personnel judiciaire, et plus rarement hommes de main. Le président Henri Konan Bédié, durant les vingt-trois mois de sa présidence, ne se priva pas des moyens de coercition dont il disposait et le slogan de « démocratie apaisée » qu’il lança, en août 1995, à la convention de son parti, le PDCI-RDA, relevait de l’incantation. Ce même parti, que son long passé de parti unique, dominé par un aréopage de « barons », n’avait guère préparé à la compétition ouverte, venait d’imploser: une dissidence avait quitté ses rangs pour rejoindre Alassane Ouattara dans une nouvelle formation politique, le RDR (Rassemblement des Républicains). Le RDR s’allia au FPI dans un Front Républicain qui regroupait l’opposition. L’ana- thème devenu l’ordinaire des accusations entre le parti de gouvernement et l’opposition, la plupart des discours politiques et des médias nationaux diabolisèrent l’ad- versaire. Cependant, Henri Konan Bédié, qui ne lâcha rien ou presque rien, notamment en matière de transparence des élections, bénéficia d’un effet heureux de la dévaluation et put tenir un long discours-programme favorablement reçu par la population. Bien des signes montraient qu’il serait le vainqueur des élections présidentielles. En 1995, l’initiative de la violence fut reprise par les adversaires du pouvoir en place qui déclenchèrent, en octobre, un « boycott actif » des élections présidentielles, engagèrent les militants dans le combat de rue, provoquant ainsi destructions de biens, pillages et morts. Le slogan du boycott actif lancé par le Front républicain tenait en une formule: « empêcher la tenue des élections par tous les moyens possibles » .6 Les répercussions les plus graves se produisirent dans l’Ouest où les communautés baoulé « allogènes » furent victimes d’exactions de la part des « autochtones ». Dans certains quartiers d’Abidjan, les manifestants se livrèrent à toutes sortes de brutalités et terrorisèrent ceux qui auraient souhaité voter ».13

Vint ensuite l’épisode de décembre 1999. Longuement préparé par la surenchère d’Alassane Ouattara et du RDR contre le pouvoir Bédié. La direction du RDR se retrouve en prison sur ces entrefaites en 1998. La presse française, subjuguée par la stratégie victimaire de Ouattara écrit alors, dans les colonnes de Libération :

« Intronisé en août dernier candidat à la présidentielle d’octobre 2000 par son parti, le Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Tramane Ouattara est la cible de toutes les attaques du pouvoir. Leur but: démontrer qu’«Ado», comme l’appellent ses partisans, n’a pas la nationalité ivoirienne mais qu’il est Burkinabé. Et qu’il ne saurait, par conséquent, briguer la présidence. L’offensive est d’abord juridique. Le certificat de nationalité ivoirienne que lui a délivré un juge un peu trop indépendant a été annulé. Ses cartes d’identité sont à présent considérées comme fausses.

Sur le front politique, la situation n’est guère plus brillante. Plusieurs dirigeants du RDR ont été condamnés à la prison pour avoir organisé un sit-in qui a dégénéré en casse. Le moral des troupes est au plus bas. Les manifestations du RDR, la semaine dernière, ont tourné court, après un décret présidentiel les interdisant pendant six mois. Traîné dans la boue par le National, le président gabonais, Omar Bongo, qui se proposait de jouer les médiateurs entre le chef de l’État Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, a jeté l’éponge. C’est que le président du Gabon a eu l’audace de parler d’un «règlement politique» de la crise. Or, fidèle à sa ligne de conduite depuis le début de «l’affaire», le clan présidentiel se cantonne dans une approche strictement juridique du problème. À ceux qui l’accusent de dérives autoritaires, le pouvoir se retranche derrière l’indépendance de la justice et ne manque pas de rappeler que la Côte-d’Ivoire est un État de droit.

À l’annonce de la décision judiciaire qui le rend indésirable en Côte-d’Ivoire, «Ado» a simplement indiqué qu’il allait consulter ses avocats. Sur ce terrain, la bataille est pourtant perdue. Et Alassane Ouattara, qui se trouve aujourd’hui en France, est placé désormais devant un choix éminemment politique: l’exil ou la prison. Hier, Paris a désapprouvé Abidjan: «Cette décision, comme celles ayant frappé déjà d’autres dirigeants du parti de M. Ouattara, n’est pas satisfaisante du point de vue de la démocratie, ni ne favorise un climat serein pour la préparation des élections», a commenté Anne Gazeau-Secret, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. »14

Au final, Alassane Ouattara qui avait juré devant ses partisans15 qu’il rentrerait en Côte d’Ivoire avant la fin de l’année 99 fomente à travers ses hommes dans l’armée le coup d’État de 1999 dont le général Guéi est chargé d’assurer la couverture de façade. Les officiers, sous-officiers et soldats du rang qui perpètrent le coup d’État de décembre 99 sont presque tous exclusivement des proches d’Alassane Dramane Ouattara : le général Coulibaly, le général Palenfo, les sergents-chefs Ibrahim Coulibaly dit IB, Jah Gao et consorts, sont clairement connus comme étant ses hommes de main dans l’armée ivoirienne depuis le temps de la primature 1990-1993.

L’opposition ivoirienne d’alors, tous bords confondus, saute au demeurant sur ce coup d’État pris comme une aubaine dans sa marche inexorable vers le pouvoir d’État. Il convient de le rappeler ici pour la gouverne de tous, le coup d’État de 1999 aura le soutien du FPI de Laurent Gbagbo qui sait pourtant qu’il a été fomenté par le mentor du RDR. Revenu précipitamment de Libreville au Gabon où il séjournait auprès du parrain Omar Bongo, le président du FPI, laurent Gbagbo, déclare sans ambages le 3 janvier 2000 sur RFI, dans un entretien exclusif avec le journaliste français Bruno Minas :

« Le processus démocratique était bloqué. Pensez un peu à ce qui s›est passé au Portugal, en 1974, c›est ce qu›on a appelé dans l›histoire la révolution des Œillets. Nous vivons je crois quelque chose de similaire. Nous luttons, nous les civils, et nous sommes en tous cas très contents que les militaires viennent donner un coup de pouce, assez décisif je l›espère, à notre lutte (…). Je pense que les militaires doivent être à la caserne, et que les hommes politiques doivent faire de la politique (…) C›est bien ce qu›ils ont fait, mais il faut qu›ils l›aient fait pour la Côte d›Ivoire. (…) (Il faut) qu›on ait un calendrier électoral (…) pour revenir à une vie constitutionnelle et pour mettre en place les institutions. (…) Je cherche à ce qu›on ait un processus qui puisse faire en sorte que les gens ne puissent plus dire : on va voler et on restera impuni. Il faut enlever de la tête des hommes politiques qu›on vient à la politique pour faire de l›argent (…).» (entretien par Bruno Minas, RFI, 3/01/2000)16

Exclu du processus électoral de 2000, selon les termes d’une constitution qu’il a lui-même appelé à valider, Alassane Ouattara n’aura cesse de revenir depuis lors au pouvoir par la force. Il envoie les putschistes de 1999 contre le général Guéi en septembre 2000, dans le complot du Cheval Blanc17. Ils échouent à tuer le général. Alassane Ouattara jette les militants du RDR dans les rues en octobre 2000 pour exiger la reprise du processus électoral avec son inclusion dans le jeu. Peine perdue. Laurent Gbagbo qui a battu le général Guéi dans un duel restreint, refuse que les cartes du pouvoir soient rebattues avec tous ses adversaires redoutés du RDR et du PDCI-RDA. On dénombre déjà des centaines de morts en octobre 2000, dont ceux du fameux charnier de Yopougon. En janvier 2001, les hommes d’Alassane Ouattara remettent ça, contre le régime FPI de Laurent Gbagbo. C’est le complot de la Mercedes Noire18 des 7 au 8 janvier 2001, mené par Ibrahim Coulibaly dit IB qui échoue piteusement et se replie précipitamment au Burkina Faso. Et c’est encore Alassane Ouattara qui sera à l’inspiration du coup d’État du 19 septembre 2002, sous le commandement opérationnel cette fois-ci de l’ancien leader estudiantin de la FESCi, Guillaume Kigbafori Soro. Ce coup d’État mué en rébellion du MPCI puis Forces Nouvelles permettra l’ouverture d’un cycle de négociations politiques aboutissant à plusieurs accords, dont notamment celui de Prétoria en 2005 qui réinclut Ouattara parmi les présidentiables, et celui de Ouagadougou en 2007 qui ouvrira la voie à la préparation des élections présidentielles de 2010. Ces dernières, qui voient le président Bédié soutenir au second tour Alassane Ouattara, conduisent le bonimenteur venu de Sindou en haute-Volta dans le fauteuil de président de la république reconnu par la CEI, l’ONUCI, la Communauté Internationale, dès le mois de décembre 2010. Guillaume Kigbafori Soro est clair et formel sur la paternité de la rébellion de 2002. Dans un entretien accordé à la Deutsche Welle en septembre 2020, il dira :

« Soro : Monsieur Alassane Ouattara sait beaucoup de choses sur la rébellion.

DW : Il en est l’un des parrains alors ?

Soro : Je dis simplement que Monsieur Ouattara sait que c’est, car çà, la rébellion ivoirienne et Monsieur Ouattara en a été le plus grand bénéficiaire. La preuve est l’accès au pouvoir. Sans cette rébellion Alassane n’aurait même pas pu être député en Côte d’Ivoire. »19

De telle sorte qu’avec un tel pedigree, nul ne peut être surpris du coup d’État constitutionnel perpétré courant 2020 par le même Alassane Dramane Ouattara, violant allègrement l’article 55 de la constitution de 2016, qui interdit formellement d’envisager plus de deux mandats présidentiels. Alors même que dès 2016 et tout au long de la campagne référendaire de cette constitution, Alassane Ouattara avait donné toutes les garanties du respect du principe de la limitation des mandats, allant même jusqu’à en être félicité par Emmanuel Macron en mars 2020 lorsqu’il feindra d’annoncer son retrait du jeu politique courant 2020, le putschiste invétéré Alassane Ouattara fera volte-face le 6 août 2020 devant la nation ivoirienne éberluée. Au prix d’une centaine de citoyens assassinés, de centaines de nouveaux prisonniers politiques, de milliers de blessés et d’exilés politiques, Alassane Ouattara usurpe depuis le 31 octobre 2020 les fonctions de président de la république de Côte d’Ivoire.

Le RDR-RHDP au pouvoir, une véritable Razzia Hautement Délirante et Partisane

Le concept de Razzia nous est dès lors profondément secourable pour comprendre ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire depuis l’arrivée des Ouattara de Sindou dans ce pays. Il permet à la fois de décrire l’intention criminelle originelle du clan Ouattara envers les populations ivoiriennes, la pratique totalisatrice et invasive du pouvoir des Ouattara de Sindou, l’ambition impériale de ces colons noirs venus du Faso qui ne laissent rien vivre indépendamment d’eux autour d’eux.

Rappelons la définition de la Razzia.

« Nom féminin (arabe d’Algérie haz¯ya, de l’arabe classique rhazwu, pluriel rhazāwa, expédition rapide) Autrefois, invasion faite sur un territoire ennemi ou étranger pour enlever les troupeaux, les grains, faire du butin. Synonyme : rafle. »20

De manière incontestable, le clan d’Alassane Ouattara a opéré en 31 ans de présence politique en Côte d’Ivoire, une invasion du territoire ivoirien, un appauvrissement collectif des Ivoiriens par une vaste dépossession structurelle et factuelle synonyme d’une rafle.

D’abord, sur le plan de l’imaginaire ivoirien, Alassane Dramane Ouattara et les siens ont réussi, en instrumentalisant l’idéologie de l’ivoirité, à s’installer comme bénéficiaires exclusifs et prioritaires de toutes les frustrations nationales, notamment celles qui relèvent de la région du Nord et celles qui se rattachaient à l’appartenance religieuse musulmane. Ouattara a aliéné le nordiste ivoirien, l’a littéralement rendu étranger dans son propre pays pour pouvoir l’embrigader dans le RDR. Le tour de passe-passe a consisté à fabriquer la carte de séjour en 1991, à faire confondre les nordistes ivoiriens avec les Maliens, les Burkinabés et les Guinéens pour fanatiser tout le nord et toute la sous-région musulmane contre les pouvoirs successifs Houphouët, Bédié, Guéi et Gbagbo. Voilà pourquoi, m’appuyant en particulier sur l’instrumentalisation de la religion musulmane en Côte d’Ivoire par Alassane Ouattara, il ne m’a pas été difficile de prouver qu’il est véritablement un jihadiste des temps modernes. À ne pas confondre avec le Jihad21 qui est un combat spirituel légitime et louable du fidèle musulman contre ses propres passions pècheresses, le jihadisme22 est l’instrumentalisation criminelle de la religion musulmane à des fins économiques et politiques. C’est une idéologie politico-économique déguisée sous des motifs religieux, alors même que les jihadistes sont des ennemis quotidiens des cinq piliers de la foi musulmane : la profession de foi, les cinq prières quotidiennes, la charité, le jeûne du ramadan et le pèlerinage à La Mecque. Loin de pratiquer le Jihad, Alassane Ouattara, ce mondain propriétaire des meilleures caves d’alcool au monde comme il l’a lui-même révélé dans le documentaire de Jérôme Pin23, est bien plutôt un jihadiste, c’est-à-dire quelqu’un qui instrumentalise l’Islam uniquement pour faire fortune et exercer le pouvoir politique. Alassane Ouattara est de ce point de vue un adorateur invétéré du veau d’or, symbole de l’irréligion la plus abjecte.

Ensuite sur le clan Ouattara s’est accaparé de façon fort singulière de l’État civil, du découpage électoral et du domaine foncier ivoiriens. Comme l’a reconnu par inadvertance le ministre de Ouattara, porte-parole du RHDP, le régime a mis en place un vaste plan de bradage de la nationalité ivoirienne au profit de populations issues de la sous-région, entièrement acquises, croit-il, à sa cause. En effet, sachant que sur les 30 millions de personnes environ qui vivent en Côte d’Ivoire on compte 6 millions d’étrangers d’origine notamment ouest-africaine, le régime Ouattara a ouvert l’état civil ivoirien à leur prédation, pour s’en faire un bétail électoral. L’individu caméléonique de Kobenan Adjoumani Kouassi, connu pour ses variations intempestives de couleurs et d’humeurs, ce porte-parole incongru du RHDP, n’a donc pas craint d’avouer lors d’une conférence publique délivrée le 11 juin 2019 à Abidjan :

« Nous au RHDP, nous n’avons pas peur d’enrôler les étrangers pour constituer notre électorat »24

Pour ce qui est du découpage électoral, Alassane Ouattara et son clan ne se sont pas gênés pour accorder une surreprésentation en nombre de députés à des régions du Nord moins peuplées que d’autres régions du centre, de l’est, du sud ou de l’ouest du pays. La répartition du nombre de députés par régions a essentiellement obéi à la carte des fiefs25 ethnoreligieux du RDR-RHDP. La loi électorale actuelle de Côte d’Ivoire est donc une violation flagrante du principe de l’égalité républicaine des citoyens dans la représentation nationale. Et Le Nouveau Réveil du 9 janvier 2021 d’observer :

« En voici quelques exemples : le département de Mankono avec une population de 210.000 habitants a 4 sièges de députés, tandis que le département de Yamoussoukro avec 300.000 habitants a 3 sièges ; Odienné-Samatiguila avec une population estimée à 100.624 habitants a 5 sièges, tandis que le département de Daoukro avec 112.188 habitants a 3 sièges ; Kaniasso-Minignan avec une population d’environ 89.000 habitants a 2 sièges et Bloléquin avec ses 123.000 habitants a 2 sièges ; le département de Korhogo avec une population de 536.851 habitants a 10 sièges, or le département de Zoukougbeu avec 110 514 habitants a 1 seul siège; Le département de Séguéla avec une population de 198.445 habitants a 4 sièges tandis que le département de Divo qui a 387.000 habitants a 3 sièges, le département de Bouaflé avec 336.254 habitants a 3 sièges ; Le département de Kong avec une population de 87.929 habitants a 3 sièges, tandis que le département d’Adiaké avec 100.445 habitants a 1 seul siège. »26

Les Ouattara venus de Sindou ont toujours été boulimiques des biens fonciers et immobiliers de la Côte d’Ivoire. Comme l’a excellemment montré Bernard Houdin27, la fortune de Dominique Nouvian Folloroux Ouattara et son agence AICI s’est essentiellement constituée dans celle du Président Houphouët dans les biens de l’État de Côte d’Ivoire. Mais les Ivoiriens ont rarement vu venir un coup encore plus tordu : la loi28 sur le foncier rural du 14 octobre 201929, par laquelle Alassane Dramane Ouattara s’est autoproclamé chef des terres ivoiriennes, puisque désormais aucune terre non immatriculée par un décret de son gouvernement ne peut être réputée appartenir à quiconque en Côte d’Ivoire. Par le subterfuge de l’immatriculation exclusive des terres, Ouattara s’est emparé d’un titre de propriété implicite sur toutes les terres du pays.

Mais il y a pire. Alassane Dramane Ouattara s’est accaparé des trois pouvoirs de l’État : le judiciaire, le législatif et l’exécutif ne font plus désormais qu’un. Le nouveau président de l’Assemblée Nationale, Amadou Soumahoro30 l’avait clairement annoncé dès sa prise de fonction en début mars 2019. Les syndicats31 de la haute magistrature et le barreau32 des avocats avaient aussi alerté début 2019 qu’ils ne jouissaient plus de l’indépendance requise pour rendre justice en Côte d’Ivoire.

Et de nombreuses enquêtes33 ont révélé massivement les conflits d’intérêts34 entre le clan35 Ouattara36, le régime RHDP, les institutions étatiques, les sociétés para-étatiques et les multinationales accédant par gré à gré à d’énormes parts de marché au mépris du code et de la déontologie des investissements. Désormais à la tête de la Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara et sa femme Dominique caracolent, appuyés par Téné Birahima Ouattara, formant ainsi ensemble un véritable triangle des Bermudes à la tête de l’État, où plusieurs prétendants ont risqué et/ou perdu la vie en ambitionnant de les remplacer. Autour de ce trio, enfants, neveux, nièces et belles-familles gravitent, occupant l’essentiel des places fortes de la haute administration, des régies financières, des sociétés d’État, de la diplomatie, des multinationales locales, de la presse, du négoce et des armées. Un analyste politique, Xavier Aurégan, pouvait d’ores et déjà noter en début janvier 2019 le bilan inquiétant du régime Ouattara :

«Bien aidés par la double absence physique et politique des cadres d’un Front populaire ivoirien (FPI) amputé de son président Laurent Gbagbo, les leaders du Rassemblement des républicains (RDR) et subsidiairement du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) se sont accaparé les postes gouvernementaux ou tout poste considéré comme stratégique via des nominations complaisantes et le noyautage de l’État. Par exemple, malgré un premier mandat de six ans censé être non renouvelable, Youssouf Bakayoko a été reconduit à la présidence de la Commission électorale indépendante (CEI) qui a été discréditée par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). De même, le Conseil constitutionnel est piloté par un proche d’ADO : Mamadou Koné, garde des Sceaux entre 2006 et 2010. Pour s’assurer de votes favorables, le gouvernement ivoirien a également redécoupé les cartes électorales. Par ailleurs, il n’est pas parvenu à dresser des listes électorales complètes et incontestables (3), a institué un Sénat dont le tiers des membres est nommé par la présidence, et n’a pas réussi à redynamiser une vie politique qui manque cruellement de renouvellement. La percée des « indépendants » et les boycotts du FPI incarnent alternativement la cristallisation et la morosité d’une politique ivoirienne vieillissante. Toutefois, le pouvoir sait aussi perdre, comme en attestent les défaites d’Amadou Soumahoro, ex-Secrétaire général du RDR perdant l’élection municipale de Séguéla en 2013, ou de Sara Fadiga Sako, ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale, à Touba, lors des législatives de2016.

Outre le facteur électoral, le système Ouattara s’appuie avant tout sur une troïka resserrée (Téné Birahima Ouattara et Masséré Touré, frère et nièce d’ADO) qui pourrait engendrer le candidat à l’élection de 2020, soit Hamed Bakayoko, ex-ministre de l’Intérieur et désormais à la Défense, ou Amadou Gon Coulibaly, ancien Secrétaire général de la présidence devenu Premier ministre en 2017. Le mode de gouvernance familial et « clanique » n’est pas sans rappeler le régime de Félix Houphouët-Boigny, dont ADO fut le premier Premier ministre de 1990 à 1993. Sans opposition véritable, le pouvoir ivoirien peut aisément dériver en verrouillant l’État, et en généralisant concussion, corruption et prédation. La longue histoire d’extraversion du territoire ivoirien, qui a engendré un pacte rentier entre élites internes et externes, semble ainsi se poursuivre en Côte d’Ivoire. Pour partie prédateur, l’État doit par ailleurs composer avec l’échec de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR). »37

Le présent ouvrage relate justement en vingt-sept chapitres rédigés de 2019 à 2021, l’entreprise tentaculaire de cette Razzia sans foi ni loi du clan des Ouattara venus de Sindou. La vaste capture de l’État de Côte d’Ivoire qui se poursuit sous nos yeux, et qui justifie l’émergence du leadership de résistance de Guillaume Kigbafori Soro et son mouvement Générations et Peuples Solidaires porté sur les fonts baptismaux le 26 juillet 2019 à Abidjan en Côte d’Ivoire, cinq mois après le lancement des travaux du Comité Politique.

Le leadership résistant de Guillaume Kigafori Soro via GPS dans l’équation ivoirienne

Né à Kofiplé le 8 mai 1972, Guillaume Kigbafori Soro, ce traditionaliste africain et ce catholique imbibé de proximité musulmane très tôt dès sa naissance au nord de la Côte d’Ivoire, s’est lui-même très tôt défini comme une « laminaire ».38 Une personne constituée de toutes les influences de son temps, capable de les comprendre, de les dépasser et de les perfectionner. Par cette métaphore, Guillaume Soro voulait d’ores et déjà porter au jour son attachement ombilical à l’idée républicaine ivoirienne d’une nation métissée et riche de sa diversité, unie dans un vivre-ensemble frappé au coin rigoureux de la justice politique et de la prospérité partagées, véritables gages de la paix juste en toutes contrées. En se donnant à voir et à penser comme un homme capable d’épouser toutes les luttes contres les discriminations de son temps, qu’elles soient régionalistes, religieuses, idéologiques, raciales, ethniques ou économiques, Guillaume Kigbafori Soro avait déjà, sans le savoir peut-être dès sa tendre adolescence, embrassé la cause nationale ivoirienne et l’idéal panafricain d’une Afrique rassemblée autour de la sauvegarde de la dignité de ses populations.

Or, c’est précisément parce qu’il n’a pas compris les alluvions profonds de la conscience spirituelle, socioéconomique, politique et idéologique de Guillaume Soro que le despote venu de Sindou en Haute-Volta, Alassane Dramane Ouattara, s’est lourdement trompé sur son compte. Alassane Ouattara a cru avoir affaire à un superficiel suiveur alors qu’il avait affaire à une conscience politique mûre et lucide. En effet, dans les années 90 et dans la première décennie de l’an 2000, Alassane Dramane Ouattara, par la subtile manœuvre divisive et discriminatoire qu’il avait mise en place pour capturer l’électorat du nord ivoirien, avait réussi à convaincre Guillaume Kigbafori Soro de rejoindre les rangs de sa marche vers le pouvoir. Ouattara se sera trompé en croyant qu’il avait ainsi éteint pour toujours l’intelligence remarquable de Guillaume Soro.

Il était certes diablement difficile de démêler l’écheveau du piège de l’ivoirité, alors tendu par Alassane Dramane Ouattara à tous ses rivaux politiques du PDCI-RDA et du FPI, mais également à l’ensemble des Ivoiriens sensibles aux injustices politiques. Nous l’avons bien montré dans la suite de ce livre, Alassane Ouattara utilisa la Carte de séjour des étrangers en 1991, puis la Charte du Nord subséquente pour provoquer la cristallisation de la majorité des nord-ivoiriens derrière lui. Il piégea ainsi les présidents Bédié et Gbagbo, en les enfermant dans une xénophobie réactionnelle qui devait ternir l’image de marque nationale et internationale de leur combat politique. Il piégea ainsi les nord-Ivoiriens en les mettant en demeure de se battre pour lui, puisqu’il avait réussi le tour de force de leur faire croire qu’il se battait pour eux. Alors même que c’est lui qui avait savamment et diablement organisé la confusion entre le nord-ivoirien, le malien, le guinéen et le burkinabé. C’est dans cette dernière nasse, faite de ressentiments, d’angoisses, de frustrations vécues et/ou redoutées, que le sieur Ouattara bénéficia du passage du syndicalisme estudiantin à l’action militaro-politique de Guillaume Kigbafori Soro, pratiquement entre 1999 et 2011.

Seulement, Alassane Ouattara n’a pas dû se rendre compte que cheminant avec lui, Guillaume Kigbafori Soro a beaucoup appris de lui et beaucoup appris sur lui. De l’homme Alassane Ouattara, Guillaume Soro a découvert la dichotomie effrayante entre le dire et le faire. Bénéficiaire et instigateur principal de la rébellion ivoirienne de 1993 à 2007, Alassane Dramane Ouattara n’a jamais voulu en assumer sa part de responsabilité. Il n’a jamais demandé pardon pour tous les coups d’État qu’il a fomentés dès 1993. Au contact de ce supposé grand technocrate venu de Washington où il aurait, prétendait-il géré plus de 200 pays via le FMI et la banque Mondiale, Guillaume Soro a découvert un grand mythomane doublé d’un mégalomane de sang-froid. L’âge d’or socioéconomique et politique promis par Alassane Ouattara n’est jamais venu en Côte d’Ivoire. Derrière la croissance relativement élevée du PIB ivoirien, s’est difficilement masqué l’appauvrissement de masse des Ivoiriens, 70 à 90 % de chômage de la population en âge de travailler selon la BAD, le rang ridicule de la Côte d’Ivoire à l’indice du développement humain (IDH) des Nations Unies, les saignées massives de la jeunesse ivoirienne dans les mouroirs du Sahara et de la mer méditerranée, l’absence d’hôpitaux capables de soigner des ministres en Côte d’Ivoire après plus de 10 ans d’exercice du pouvoir par Alassane Ouattara, et surtout le recul massif des libertés chèrement acquises par les luttes démocratiques du passé. Récent. Menteur tous terrains, roi de la désillusion et de l’apparence, Alassane Ouattara s’est révélé aux yeux éveillés de Guillaume Soro comme un imposteur et un dictateur de la plus abjecte des espèces.

Guillaume Kigbafori Soro a donc eu son chemin de Damas avec Alassane Dramane Ouattara. Il fut long et rude. Et Guillaume Kigbafori Soro dut notamment refuser de répondre favorablement à la demande insatiable de sang ivoirien qui caractérise Alassane Dramane Ouattara. En effet, « Trop est toujours trop », comme le dira si bien Guillaume Soro. Et c’est bien à Alassane Dramane Ouattara qu’il lancera : « C’est fini, je ne ferai plus jamais de palabres dans ce pays pour quelqu’un. » En conséquence, l’ogre venu de Sindou inscrivit Tienigbanani à son cruel menu.

Ce furent d’abord les tentatives d’élimination physique contre Guillaume Soro par des membres alassanistes infiltrés au sein de la rébellion des Forces Nouvelles. La plus sanglante d’entre elles eut lieu le 29 juin 2007 sur le tarmac de l’Aéroport de Bouaké, et l’une des plus récentes, orchestrée de haute main par les services d’Alassane Ouattara, via son zélote d’alors Hamed Bakayoko, eut lieu en octobre 2019 en Espagne, en plein hôtel. Ensuite, ce furent des désaccords fermes pendant la période de la première et la seconde primatures Soro.

On se remémorera notamment du désaccord de février 2010, après la double dissolution du gouvernement Soro et la CEI par le Président Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara exige alors via son parti le RDR, qui cosigne une déclaration de guerre du RHDP d’alors contre le régime FPI, la démission du premier ministre Guillaume Soro et la reprise de la lutte armée contre le régime Gbagbo. Guillaume Soro qu’on accusera de trahison au RDR, refusera cet appel et acceptera d’aller au bout de la mission à lui dévolue par l’Accord de Ouagadougou, à savoir l’organisation des premières élections véritablement démocratiques et internationalement certifiées de l’histoire ivoirienne depuis 1960.

On n’oubliera pas que devenu premier ministre d’Alassane Ouattara après avoir reconnu sa victoire du second tour de décembre 2010, Guillaume Kigbafori Soro sera chef du gouvernement de 2010 à 2012 sous Alassane Ouattara. De nombreux désaccords se signaleront entre les deux hommes à cette époque, notamment en ce qui concerne la place de la famille biologique du Président Alassane Ouattara au sein du gouvernement. Guillaume Soro essaiera de raisonner le leader du RDR, en lui demandant de tenir sa famille à l’écart des fonctions politiques. Mal lui en prendra, puisque sous le prétexte de vouloir répondre à une promesse faite au PDCI-RDA, Alassane Ouattara proposera à Guillaume Soro de démissionner en mars 2012 et de prendre le perchoir de l’Assemblée Nationale. Il semble qu’Alassane Dramane Ouattara se soit mis à considérer Guillaume Kigbafori Soro, notamment depuis cette période gouvernementale, comme un sérieux rival.

J’en eus une attestation personnelle lorsque le 23 octobre 2014, à la demande du président de l’assemblée nationale Guillaume Soro, je fus reçu au palais présidentiel par le président de la république Alassane Ouattara, afin de lui soumettre une doléance en vue de ma mise à la disposition de l’État de Côte d’Ivoire, pour être à plein temps conseiller spécial de mon ami, frère et leader générationnel Guillaume Soro. Pour être libéré de mes obligations de fonctionnaire en France, je devais suivre une procédure de mise à disposition de l’État de Côte d’Ivoire, où la décision du Chef de l’État ivoirien était la clé. Or, très affablement, le président Ouattara me reçut, m’écouta et me confirma sa volonté de signer cette demande si j’acceptais en retour de travailler comme conseiller à la présidence de la République et non pas à l’Assemblée nationale. Surpris par cette manœuvre d’accaparement et de détournement de compétences, je maintins poliment mon désir d’être uniquement conseiller du président de l’assemblée nationale. La suite, on la connaît. Le président Alassane Ouattara, qui m’avait promis de marquer son accord final, ne le fit jamais et ne m’adressa du reste plus jamais la parole.

Quand je m’en confiai le soir même du 23 octobre 2014 au président Guillaume Soro dans sa résidence de Marcory qui devait être plus tard arrachée par le même Alassane Ouattara, le Che Bogota très calmement et avec subtilité, me dit en souriant : « C’est décidé, Franklin, tu n’auras pas ta mise à disposition, puisque le président te demande de me quitter et toi, tu refuses. »

Je réagis aussitôt : « C’est comme il veut, cher président. Ce monsieur, c’est toi qui le connais. Moi, je ne le connais pas. Je n’irai pas travailler avec lui, car je sens que tôt ou tard, ce sera pour m’utiliser contre toi. Tu connais mes valeurs : loyauté et courage dans la vérité, en toutes circonstances. »

On n’en reparla plus. J’ai le bonheur de pouvoir comprendre même à demi-mots, la pensée du leader Guillaume Kigbafori Soro. J’avais compris, dès ce jour-là, qu’il était en sérieuse souffrance dans l’appareil d’État d’Alassane Dramane Ouattara et que tôt ou tard, nous en pâtirions tous.