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Gabrielle travaille pour un harceleur de haut vol, pervers narcissique, qui fait vivre un enfer à l'équipe de femmes dont il a la direction. Dans cette multinationale en réorganisation permanente, il a le soutien inconditionnel de sa hiérarchie. A bout de forces, Gabrielle met au point une stratégie pour tenter de le déstabiliser. Elle va affronter le noir démon, ça passe ou ça casse !
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Seitenzahl: 59
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Le harcèlement met en scène deux protagonistes : une bête et sa proie.
Édith Boukeu Journaliste, Cameroun, Yaoundé
Je m’appelle Gabrielle. Je vis dans un milieu professionnel où sévissent des ventrus ordinaires et des vantards bipolaires persuadés de maîtriser les faits et les gens. Ce sont de dangereux prédateurs.
Ils semblent être des personnages surréalistes. Au fur et à mesure de votre lecture, vous vous direz : Ce n’est pas possible… Elle invente… Non. Croyez-moi. Tout est vrai. J’ai juste changé le nom de ces empereurs autoproclamés. Ce sont les plus dangereux. Mais ce n’est pas important, car ils se ressemblent tous, ces managers à l’égo démesuré. Ils recrutent de lâches lieutenants à compétences à peine suffisantes pour comprendre un manuel d’instructions. Ils les choisissent enclins à la flagornerie et tout aussi manipulateurs qu’eux-mêmes. Préférence est donnée à ceux qui se pensent jeunes loups aux dents longues, qui rêvent de devenir calife à la place du calife, mais ne seront jamais que de malhabiles chiens de troupeau.
Les côtoyant au quotidien, plus d’une fois je me suis dit : Si ce n’est pas eux qui sont fous, alors c’est moi… Et puis un jour, Simon, mon voisin de bureau, est mort et j’ai pensé : ils vont me le payer.
- Je viens d’apprendre pour Simon.
- Pour Simon ?
- Son papa a téléphoné au service du personnel.
- Son papa ?
- Il a juste dit qu’il était mort, mais on n’en sait pas plus.
- Qu’il était mort ?
A force de m’entendre répéter bêtement la moitié de ses phrases, mon interlocuteur a fini par se rendre compte que je tombais des nues. Il venait sans doute pour quémander quelques détails, mais comprenant son erreur, il s’est excusé et a raccroché.
Simon est mort. Quelle horreur !
J’ai tout de suite pensé à un accident de la route. What else pour mourir à trente ans à peine ? Complètement anesthésiée par la nouvelle, je suis restée un long moment dans mon bureau, ne sachant que faire avec cette terrible nouvelle. A travers la cloison, j’entendais des collègues rire aux éclats, sans doute en train de se raconter les quelques anecdotes marrantes de leur week-end. Quand je les ai rejoints près de la machine à café, à voir ma tête, ils ont tout de suite compris qu’un malheur était arrivé.
Nous avons eu la confirmation officielle du suicide de notre jeune collègue l’après-midi, à une réunion de travail avec le Directeur de notre division. Il est entré dans la salle et a juste dit : Comme vous le savez sans doute, Simon s’est suicidé. Dimanche chez son papa. Il faut dire qu’il était un peu fragile. Il avait sans doute de gros problèmes personnels. Nous le regretterons beaucoup car il travaillait très bien. Puis il a demandé une minute de silence. Nous étions une dizaine. Nous nous sommes mis debout et avons attendu que la minute soit écoulée. Allez savoir pourquoi, je me suis soudain souvenue que la minute de silence fut observée pour la première fois le 11 novembre 1922 et qu’avant elle, on sonnait les cloches et tirait le canon. J’ai senti monter un fou rire nerveux. Heureusement pour la mémoire de notre jeune gestionnaire décédé, après seulement vingt secondes le directeur a dit : Bon, au travail maintenant. C’est la vie !
Après la réunion, il est reparti comme si de rien n’était. Personne n’a reparlé de Simon ce jour-là. Les jours suivants non plus d’ailleurs. Comme si nous nous sentions tous un peu coupables de ce qui lui était arrivé…
Je ne sais pas comment mon collègue a mis fin à ses jours et je ne veux pas le savoir. Je crains trop de faire des cauchemars. Je ne cesse de penser à son air triste le vendredi qui précédait son acte désespéré. Il revenait d’une réunion qui ne s’était sans doute pas très bien passée.
- Ça n’a pas l’air d’aller fort aujourd’hui, lui avais-je dit
- Pas des masses, en effet.
- Ils1 t’en ont encore fait baver ?
- Pas plus que d’habitude.
Et moi, avec ces banalités qu’on se raconte à longueur d’année :
- Allez, courage ! Dans quelques heures c’est le week-end.
- Ne t’en fais pas, a-t-il répondu en souriant - mais qu’il avait l’air triste, mon dieu - j’ai une porte de sortie.
Je jure que je n’ai pas pensé une seconde qu’il songeait au suicide ! Je me suis dit : Tiens, tiens… Le cachottier. Il postule ailleurs, il a trouvé un nouveau job et j’en étais toute contente pour lui. Je lui ai fait un clin d’œil et j’ai dit : Félicitations mon gars ! Et bonne chance. Il a haussé les épaules, comme il le faisait quand il ne trouvait pas de répartie adéquate. Il est resté quelques secondes dans l’entrebâillement de la porte, et il a encore dit :
- Ça va aller. Bon week-end.
- Oui, à lundi. Tu m’en parleras, hein ?
Le lundi il était mort.
Je ne parviens pas à m’empêcher de penser que c’est l’entreprise qui a eu sa peau !
Certains vivent à peu près correctement avec un niveau de stress élevé. Ils parviennent à partager leurs soucis avec des amis, un conjoint, à s’octroyer des moments de détente. D’autres n’y parviendront jamais. Je pense que Simon était de ces derniers : les perfectionnistes, les zéro défauts, les trop carrés, les coupeurs de cheveux en huit, les angoissés perpétuels. Pour ces gens, mon entreprise est génératrice du plus mauvais stress qui soit : une course débile perdue d’avance avec le sentiment de ne pouvoir jamais satisfaire le management, quoi qu’on fasse…
Pour son malheur, Simon occupait une fonction de support, traduisez au service de tous, pour tout et pour n’importe quoi : budgets, ouverture de numéros de projets, enregistrement de bons de commandes, prévisions de charges, facturation, rappels de paiements, et encore, et encore… la pression à chaque heure, sur chaque contrat, sur chaque projet, sur chaque facture, sur chaque problème, qu’il soit de l’ordre de deux millions ou de deux euros.
Simon est mort. Il venait d’avoir trente ans. On ne parle déjà plus de lui. C’est comme s’il n’avait jamais existé.
Je me sens mal quand je pense que je travaille pour ses meurtriers… Et pour l’un d’eux en particulier. Ce salopard d’Adal. C’est un homme et nous sommes des femmes. Il est noir et nous sommes blanches.
Comme à chaque fois qu’il nous convoque dans son bureau pour faire le point, il nous domine de toute la puissance de son titre : Vice-executive President for Business and Resources Development.
Dans l’entreprise, ça veut juste dire Directeur de Département. Dans sa tête, ça veut dire Dieu !
- Toi, Gabrielle, tu vas désormais t’occuper de grands comptes. Tu peux le faire ! Je te donne les Papetiers et les Cimentiers.
Oups ! J’ai failli dire merci, mais je me suis arrêtée à temps. Avec ce grand malade, je sais qu’il n’y a pas de cadeaux. Uniquement des appâts.
Après les fleurs, le pot
- J’aime vous stresser et vous gâcher le week-end.
Il s’adresse maintenant à toute son équipe, les six femmes qu’on lui a confiées pour en faire, depuis peu, un département « support ».