Le tabou de l'entrisme islamique en entreprise - Adel Paul BOULAD - E-Book

Le tabou de l'entrisme islamique en entreprise E-Book

Adel Paul BOULAD

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Beschreibung

Face à l’essor de l’entrisme islamique en France, désormais combattu par l’État, l’entreprise est la grande absente. Entre temps, l’entrisme s’y développe sans distinction de classe, autant sur les sites industriels que dans les bureaux. D’autres priorités se sont imposées aux managers et aux salariés de plus en plus confrontés aux revendications islamiques. Les escarmouches racistes dans les vestiaires, les syndicats manipulés, le refus d’être dirigé par une femme manager, l’éviction des femmes des CSE les laissent sans voix. La hantise d’être catalogué de raciste islamophobe, ou d’une manif islamiste sur le parking pour une banale histoire de voile finit de les tétaniser. Qu’est-ce qui manque ?

 Le droit et la laïcité ne suffisant pas, les acteurs du monde du travail et du sport se retournent vers des approches contre-productives, celles de la complaisance ou celles de la confrontation. Les deux aboutissent à dresser des barrières, à renforcer les clivages en cours entre les communautés, in fine à affaiblir la confiance et la performance des équipes. Que faire ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Adel Paul BOULAD est franco-égyptien, coach de dirigeants et professeur d’arts martiaux. Docteur en sciences physiques, formateur pour l’INSEAD, il a managé pendant plus de vingt ans des équipes internationales chez Digital Equipment, Compaq et Cisco.


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Adel Paul Boulad

LE TABOU DE L’ENTRISME ISLAMIQUE

EN ENTREPRISE

Guide du manager

Préface de Jean Kaspar

VA ÉDITIONS

© V.A. Éditions, 2021

98, boulevard de la Reine,

78000 Versailles

https://www.vapress.fr/

https://www.va-editions.fr/

ISBN 978-2-36093-137-8

Dépôt légal : janvier 2021

Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite » (art L 122-4).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

SOMMAIRE

Remerciements 7Préface de Jean Kaspar 9

Introduction 15

Quiz 19

1rePARTIE : Le constat23

1. Scanner du tabou français 27

2. Les nouveaux comportements 37

3. Pour un diagnostic croisé, chroniques orientales et sportives 49

4. La femme, quel rôle ? 65

5. CCC – Les trois étapes de l’entrisme islamique en entreprise 75

6. Le piège de la théologie en entreprise ! 83

7. Un coût sociétal et économique 89

2ePARTIE : Les solutions et les attitudes 103

1. Se connaître pour diriger une diversité performante 107

2. Stopper l’entrisme et inverser la tendance 123

3. STOP au jeu de la patate chaude entre Management et DRH 139

4. Reprendre les rênes en main 147

5. Un vaccin contre l’entrisme 159

6. Face à l’entrisme, le management au quotidien 173

Mieux connaître le sujet 175

Faire un constat et le partager en équipe 179

Ajuster l’attitude 183

Réagir aux faits accomplis 189

Anticiper, prendre l’initiative 195

Épilogue 205

Réponses au quiz 207

Références et bibliographie 221

7

REMERCIEMENTS

Avec mes remerciements aux nombreux managers et DRH qui m’ont fait part de leur désarroi et accordé leur confiance.

Avec ma gratitude aux auteurs des témoignages publiés sur les rabats du livre.

Avec toute ma reconnaissance à Jean Kaspar.

Avec mes vifs remerciements pour ceux m’ont accompagné avec attention et patience tout au long de la rédaction de ce guide :

Alfi

Amir

Claire

Delphine

Fanny

François

Frédéric

Hany

Henri

Jean

Jean-Pierre

Karim

Mahmoud

Marlène

Mourad

Pierre-Jean

Samir

Tarek

Wafik

Wedad

William

9

Apprendre à vivre ensemble en entreprise

Jean KASPAR

Consultant en stratégies sociales

Ancien secrétaire général de la CFDT

Le livre d’Adel Paul BOULAD est une contribution et un outil d’une grande pertinence que nos dirigeants d’entreprise, mais aussi les managers devraient lire, pour prendre conscience combien la gouvernance des entreprises et les modes de management doivent évoluer et se transformer pour prendre en compte les faits sociétaux.

En effet trop longtemps les entreprises pouvaient fonctionner comme des forteresses, coupées de la société, se préoccupant essentiellement des attentes du marché, pour mieux vendre leurs produits ou services, tout en essayant de trouver des solutions aux problèmes internes qu’elles devaient régler concernant la vie des salariés, l’organisation et les conditions de travail.

Petit à petit, elles ont été amenées à prendre en compte (encore insuffisamment, à mes yeux), la question environnementale, les évolutions sociologiques du salariat (modification du rapport au travail, aux règles et à l’autorité), l’égalité hommes/femmes, l’importance de la qualité de la vie au travail et aujourd’hui, la santé avec le COVID.

Progressivement s’est développé le concept de la responsabilité sociale, voire sociétale de l’entreprise et la nécessité d’aborder la question de la raison d’être de l’entreprise.

Cette évolution me semble essentielle pas seulement pour des raisons philosophiques, éthiques ou morales, mais aussi pour permettre aux entreprises de s’engager dans la voie d’un nouveau type de développement et d’une nouvelle conception de leur efficacité en ne la limitant pas aux seuls aspects économiques, financiers ou techniques, pour atteindre une efficacité plus globale, économique et sociale, pour tout dire Humaine.

Le livre d’Adel Paul BOULAD nous apporte un double éclairage :

Celui d’un homme qui, du fait de sa culture et de ses origines égyptiennes, nous aide à ne pas confondre l’Islam avec l’islamisme dont sont porteurs ceux qui font de la religion un absolu qui serait supérieur aux lois de la République, c’est-à-dire aux lois que les citoyens se donnent pour vivre ensemble et qui se résument pour notre pays à : Liberté, Égalité, Fraternité et Laïcité.

Celui de la nécessité de transformer la responsabilité managériale pour la rendre encore plus efficiente au service du projet d’entreprise.

10

Au-delà de l’apport de ce livre qui nous appelle à prendre en compte le fait religieux en entreprise, en particulier l’entrisme islamique, il nous propose aussi, et c’est important, une méthode pour le traiter.

À partir de nombreux exemples et pistes d’actions, ce livre nous invite à une approche globale autour de 5 idées clés :

1- Les dirigeants et les managers doivent considérer qu’il ne doit pas exister de sujet tabou dans l’exercice de leurs responsabilités

Il y a encore trop de sujets considérés, à tous les niveaux de l’entreprise, comme tabous, parce que difficiles ou délicats à aborder. Le fait religieux en est un exemple, comme peut l’être aussi l’alcoolisme ou le harcèlement, sous toutes ses formes.

Il est important que les entreprises acceptent de libérer la parole, condition essentielle pour libérer les intelligences et mettre en mouvement l’intelligence collective pour tenter de résoudre, par la raison et une ambition commune, les problèmes.

Ne pas aborder les questions qui se posent et donc ne pas les traiter c’est laisser la place aux manipulateurs et à des « avant-gardes » prétendument éclairées qui créent des situations de plus en plus difficiles à traiter et à résoudre.

2- Une nouvelle approche de l’entreprise

Nous devons progresser dans la définition que nous nous faisons implicitement de ce qu’est une entreprise. Notre culture héritée du 19esiècle est encore trop marquée, en particulier dans notre pays, par l’idée que l’entreprise est un lieu de production d’un bien ou d’un service, voire pour certains, un lieu d’exploitation et d’aliénation. Cette conception est archaïque, en tout cas ne correspond pas aux enjeux de la période.

Les transformations multidimensionnelles auxquelles sont confrontées nos sociétés et donc les entreprises nous obligent à considérer que l’entreprise est d’abord une communauté d’hommes et de femmes qui mettent en commun leurs compétences et savoir-faire pour produire ensemble un bien et un service.

Une telle vision doit nous conduire à penser que si les questions économiques, financières, techniques et d’organisations sont importantes, le sont tout autant celles qui relèvent des aspirations humaines et sociales des hommes et des femmes qui participent au développement de l’entreprise.

11

Ces aspirations sont multiples :

Pouvoir vivre dignement de son travail et s’y épanouir,

Avoir la possibilité de progresser

Être reconnu dans son intégrité et sa dignité

Pouvoir s’exprimer sur l’organisation de son travail

Au-delà de ces aspects, les salariés peuvent aussi être porteurs d’aspirations qui vont au-delà de la dimension matérielle et qui touchent à la transcendance et donc au fait religieux. Ignorer cet aspect c’est ignorer les mystères de la nature humaine. Certains n’ont pas besoin d’une dimension transcendantale pour vivre, d’autres, au contraire croient en Dieu, Mahomet, Bouddha, le Grand Architecte ou tout simplement en l’énergie et les forces de la nature. C’est leur choix.

Ce choix relève de l’intime, du personnel. Il n’a pas à être pris en compte par la société ou l’entreprise si ce n’est pour dire que chacun a le droit de croire ou ne pas croire, que ce choix ne peut être en aucun cas source de discriminations, que la pratique religieuse n’a aucune place dans l’entreprise comme tout prosélytisme religieux, philosophique ou politique.

Il faut être d’une grande clarté sur ce point en acceptant de l’aborder et de le traiter.

3- L’importance du projet d’entreprise

Adel Paul BOULAD aborde dans son ouvrage la question du projet d’entreprise en soulignant son importance.

Je partage ce point de vue, car un tel projet permet de donner sens à l’activité de chacun, en montrant qu’il est un maillon indispensable pour créer le produit ou le service que l’entreprise propose à la société.

Une telle démarche suppose une réflexion de fond sur la méthode d’élaboration de ce projet.

Trop souvent un tel projet est élaboré par l’état-major qui fait appel à des consultants extérieurs pour donner lieu ensuite à des campagnes de communication interne pour justifier sa pertinence et son utilité et rechercher l’adhésion du personnel.

Une telle démarche ne permet pas d’aboutir réellement à une adhésion impliquant réellement l’ensemble du corps social. Seule une démarche de co-construction du projet peut le permettre.

12

Par ailleurs le projet ne peut se limiter aux seuls aspects économiques, financiers ou techniques, mais apporter des perspectives sur les pistes de réponses que l’on veut apporter aux aspirations individuelles et collectives des salariés pour tracer une esquisse du vivre ensemble en entreprise.

Si projet d’entreprise veut être le moyen de mobiliser positivement le corps social autour d’une ambition économique, sociale et culturelle, la méthode de son élaboration, c’est-à-dire l’implication de tout l’encadrement et des représentants du personnel me paraît « clé » pour en faire autre chose qu’un simple moyen de communication interne et externe comme c’est trop souvent le cas.

4- L’importance de la formation des managers

C’est aussi une question clé que fait apparaître ce livre.

La formation des managers (c’est en tout cas ce que j’ai observé, dans la centaine d’entreprises où je suis intervenu, mais également dans les écoles de management) reste pour l’essentiel centrée sur les questions techniques, la connaissance des règles juridiques (droit du travail), la réalisation des objectifs, les techniques de management individuel.

Peu de formations abordent par exemple : la question du rapport aux représentants du personnel, les évolutions sociétales et culturelles qui modifient, comme évoqué plus haut, le rapport au travail, à la règle à l’autorité et encore moins le fait religieux et l’importance du poids des cultures qui peuvent rendre plus difficile notre capacité à vivre ensemble.

La formation des managers doit s’élargir à la compréhension du monde, aux grands problèmes sociaux et sociétaux, aux questions que pose la coexistence de cultures différentes pour pouvoir être encore mieux un animateur d’équipes faisant de la diversité un atout, une force et une dynamique.

5- Prendre conscience du fait religieux et du risque de la dérive communautaire

Enfin, le travail d’Adel Paul BOULAD est essentiel pour aborder la question du fait religieux, du risque de la dérive communautaire en entreprise et plus largement dans la société.

Par le questionnement qu’il suggère et les pistes d’actions qu’il ouvre, il peut aider les entreprises, les acteurs économiques et sociaux en général à aborder lucidement la question.

13

Le déni est la force des faibles et le terreau des pires difficultés.

Traiter les problèmes c’est faire confiance à l’intelligence individuelle et collective.

C’est aussi contribuer concrètement à faire vivre la laïcité, à distinguer ce qui relève de l’ambition de mieux vivre ensemble pour faire société et ce qui appartient à la sphère personnelle et intime.

***

Le contexte actuel est marqué par des inquiétudes profondes sur le sens de l’existence et du travail, les peurs diffuses liées à l’importance des mutations économiques, sociales et culturelles, le développement de la pauvreté, les risques environnementaux et sanitaires.

Face à ce contexte il nous faut redonner espoir en réinventant notre façon de vivre ensemble dans la société et l’entreprise en faisant preuve de lucidité, de rigueur intellectuelle, de courage et de bienveillance.

C’est au fond ce que nous propose Adel Paul BOULAD.

Qu’il en soit remercié.

15

INTRODUCTION

Ce livre n’est ni un roman, ni une fiction, ni une thèse.

Il ne prône ni admiration ni phobie de l’Islam.

Son ambition est d’œuvrer concrètement pour un projet d’entreprise fort, pour déjouer les entrismes, en particulier l’entrisme islamique. Ouvert à n’importe quelle page il a pour ambition d’être utile. Vous y trouverez soit une histoire vécue, un repère historique, un fait de société, un élément culturel, un outil de diagnostic… Tous aboutissent sur une mise en perspective et un questionnement.

En soi, l’islam n’est pas une menace, c’est son application dans la vie quotidienne sociétale et publique par certains extrémismes qui pourrait l’être.

À cette menace s’ajoutent l’ignorance sur le sujet et surtout l’incroyable tabou pour une société qui se présente au monde comme libre dans la pensée et la parole. Un tabou qui règne encore largement chez les dirigeants, les managers, les acteurs de la société civile dans les institutions, les milieux sportifs, associatifs et culturels.

L’entrisme est un mécanisme complet qui aboutit, en entreprise à l’application des valeurs islamiques et à des plannings de travail alignés au calendrier lunaire islamique. Une des étapes de l’entrisme est ce que le président de la République a appelé « séparatisme islamiste ». Contrairement au séparatisme basque ou corse, le séparatisme islamiste ne vise pas l’indépendance. Le séparatisme islamiste, aussi appelé par d’autres « communautarisme islamique » se traduit par le regroupement des salariés musulmans au sein de l’entreprise. C’est un militant qui prend le contrôle sur ses coreligionnaires aux dépens du projet de l’entreprise. Il constitue ainsi l’oumma (nation islamique) sur le lieu de travail. Le clivage ainsi créé détériore le climat social et dégrade le fonctionnement du collectif, intra et inter fonction.

Dans tout projet collectif, en sport, en association ou en entreprise, la diversité est un atout. La diversité est un levier éprouvé et vital pour la créativité, l’innovation, in fine la performance. Elle l’est aussi pour la diminution des risques stratégiques et opérationnels. Mais dans cette perspective de réussite avec et par le collectif, le développement de la diversité ne doit pas être aveugle : favoriser la diversité ne signifie pas tapisser le chemin pour qu’une idéologie exogène à l’entreprise s’impose au collectif.

Les tenants du vrai islam n’ont de cesse de dénoncer ceux qui le dévoient.

Pourtant, ils font tous référence aux mêmes textes islamiques.

Il n’y aura pas dans ce livre une quelconque exégèse de ces textes, mais plutôt des constats et des faits : historiques, culturels, sociétaux…

16

Le développement personnel et l’élévation spirituelle sont des atouts pour un collectif respectueux et élevé. Il s’agit d’initiatives individuelles recommandables pour le bien-être au travail. Ils sont le résultat d’une recherche personnelle dans un cadre approprié, différent de celui de l’entreprise. Dès lors que cette introspection s’importe et s’affiche au sein des équipes, elle perd sa vocation et ses bienfaits. Elle devient un outil de pouvoir aux dépens du projet du Collectif. Comme pour la diversité, ce livre donnera les éléments de décryptage et de traitement des postures biaisées.

Vous trouverez donc des constats sur les nouveaux comportements relatifs au fait religieux au travail.

Ce que fait un musulman libéral de l’islam est aux antipodes de ce qu’en fait un musulman militant prosélyte ou un musulman communautaire.

Le regard d’un non-musulman sur l’Islam varie entre admiration et phobie. Pendant que certains y voient une religion comme une autre, d’autres la qualifient de fascisme totalitaire.

La pratique religieuse ne pose aucun problème dès lors qu’elle reste personnelle et ne se manifeste pas au travail.

L’entrisme islamique, emmené par les islamistes avec la sharia comme projet, a pour corollaire de révéler les faiblesses du projet de l’entreprise et les défaillances de ses dirigeants. Cet entrisme pousse à une action, une réaction salutaire pour tous.

Mon regard sur le sujet est celui d’un Égyptien fils d’une mère copte et d’un père égyptien d’origine syrienne. Émigré en France en 1963, je bénéficie aujourd’hui de la double nationalité française et égyptienne avec des ancrages familiaux et affectifs sur les trois pays : l’Égypte, la France et la Syrie.

Ma langue maternelle est l’arabe et j’ai grandi à Port-Saïd, l’entrée nord du Canal de Suez, dans une fratrie de quatre enfants, tous baptisés et élevés chrétiennement dans une société à majorité musulmane.

En décembre 1956, après quatre mois de fortes tensions et d’une guerre de quelques jours, en famille nous filons nous reposer auprès de ma grand-mère maternelle et de mes neuf oncles et tantes. Ils sont à 700 km plus au sud à Assiout. En effet, à la suite de la nationalisation du Canal de Suez par l’Égypte le 29 juillet 1956, une crise internationale éclate. L’Angleterre, la France et Israël s’allient pour attaquer l’Égypte. À Port-Saïd, le 29 octobre au soir nous courons dans les rues d’abri en abri pour fuir les bombardements. Quelques jours plus tard, lors du cessez-le-feu déclaré le 7 novembre, nous retournons à la maison en passant par des rues occupées par des soldats anglais et encore jonchées de cadavres, et l’odeur prégnante de la poudre et du sang.

17

Au printemps 1957, nous quittons Port-Saïd pour Port-Fouad, situé en face, de l’autre côté du canal. Pour me rendre au lycée, je traverse le canal en « ferry-boat » pour un aller-retour transcontinental quotidien, Asie - Afrique !

La vie y est paisible entre l’école et la plage. Au début des années soixante, l’ambiance change. Le manque de perspective d’avenir et l’islamisation rampante de la société poussent mon père, pourtant très attaché à l’Égypte, et ma mère, une authentique Égyptienne du sud, à émigrer.

Une partie de ma jeunesse se passe à Sarcelles dans les années 60. Dans la cage d’escalier de notre immeuble, nos voisins sont antillais, pieds noirs juifs, pieds noirs chrétiens, parisiens, émigrés hongrois, vietnamiens, cambodgiens d’origine chinoise… C’est un formidable « melting pot »où chacun se dépasse pour réussir à l’école, pour être le meilleur en sport, pour choisir ses études et un travail. Chacun se plie aux injonctions des enseignants pour s’approprier la langue française dans toute sa complexité et sa richesse.

Forgé à la rigueur scientifique d’Hubert Reeves et Claude Allègre, figures avant-gardistes et pluridisciplinaires, je soutiens une thèse en géochimie. Leur enseignement converge alors avec celui de la pratique de l’aïkido, pour des atouts de management notamment celui du changement d’angle face au défi bloquant.

Dès 1979, j’applique cet apprentissage avec succès pendant 30 ans de management dont 11 à l’international au sein d’entreprises leaders de la haute technologie. De DEC à Cisco, une richesse multiculturelle, des métiers en perpétuelle évolution, face à des défis de transformations en interne et auprès des clients, je bénéficie d’approches managériales d’excellence, notamment le coaching d’équipe.

En 2001, je fonde PLI, mon cabinet de coaching spécialisé en performance d’équipe, auprès de PME, ETI et grands groupes. La cartographie opérationnelle du succès envisagé passe par la refonte des relations interpersonnelles, l’incarnation des valeurs et la fluidification des processus.

La pratique régulière des arts martiaux auprès de grands maîtres japonais et chinois inspire mes méthodes de travail et de coaching. En 2000, mes racines me ramènent à la richesse plurimillénaire du bâton de combat égyptien. Pour sa sauvegarde, j’œuvre avec succès pour son inscription au patrimoine universel de l’UNESCO et j’en codifie une forme sportive en vue des JO 2032.

18

Dans cette diversité culturelle et sectorielle, mon coaching est utile lorsque l’homme est au cœur du projet.

Ma connaissance approfondie, culturelle et opérationnelle, des deux mondes, islam et entreprise, complète mon coaching des managers embarrassés par l’entrisme islamique.

C’est avec cette trajectoire pluridisciplinaire et humaniste que je propose ce livre au lecteur.

19

Quiz

Connaissez-vous le monde arabo-musulman ?

Les affirmations ci-dessous ont été relevées au cours de discussions avec des managers, des ingénieurs, des cadres, dirigeants d’entreprise depuis 2017 jusqu’à nos jours. Qu’en pensez-vous ?

1. L’islam se réfère à une loi divine au-dessus de tout, la foi et la tradition en sont le moteur opérationnel avec notamment les cinq piliers, des obligations, que le croyant doit appliquer.

Vrai Faux

2. La sharia est une organisation militaire

Vrai Faux

3. L’entrisme est un terme créée récemment à propos du développement de l’islam dans les entreprises.

Vrai Faux

4. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits dans les pays musulmans.

Vrai Faux

5. Les pays musulmans ont signé la Charte Universelle des Droits de l’Homme

Vrai Faux

6. L’islam est bien plus qu’une religion

Vrai Faux

7. Les Arabes ont brillé par leur apport philosophique et scientifique.

Vrai Faux

8. En Turquie, l’édifice Sainte-Sophie a d’abord été une mosquée avant d’être transformé en musée puis à nouveau en mosquée.

Vrai Faux

9. « islamisme » est un synonyme vieilli d’Islam.

Vrai Faux

10. En entreprise il serait plus juste de parler d’« entrisme islamiste » que d’« entrisme islamique »

Vrai Faux

20

11. Sourate est un chant religieux

Vrai Faux

12. L’islam est la religion monothéiste la plus récente

Vrai Faux

13. Une musulmane ne peut pas épouser un athée

Vrai Faux

14. Le plus grand pays musulman est l’Arabie Saoudite

Vrai Faux

15. Quand Mahomet est cité il faut ajouter le prophète.

Vrai Faux

16. Tous les musulmans ne sont pas des arabes

Vrai Faux

17. Il y a une différence de sens entre islam et Islam.

Vrai Faux

18. Contrairement à une forte croyance notamment en Afrique du Nord, les chrétiens en Égypte n’ont pas été convertis par les colons, d’abord les anglais puis les français.

Vrai Faux

19. Les coptes sont des égyptiens récemment convertis au christianisme.

Vrai Faux

20. Il n’y a jamais eu de pensée ou d’expression critiques à propos du corpus de textes islamiques (Coran, Hadith, Sirat Nabaweya)

Vrai Faux

Calculez votre score en comptant 1 point pour chaque bonne réponse.

Vrai : 1 – 6 – 9 – 12 – 13 – 16 – 17

Faux : 2 – 3 – 4 – 5 – 7 – 8 – 10 – 11 – 14 – 15 – 18 – 19 – 20

Votre profil vous permet d’évaluer votre niveau de préparation pour aborder la question de l’entrisme islamique en entreprise :

Profil 1 (0 à 13 bonnes réponses) : pour maximiser les bénéfices de la lecture du livre, il conviendrait de consulter les réponses et les explications du Quiz. Elles sont disponibles en fin de livre en page 207.

21

Profil 2 (de 13 à 20 bonnes réponses) : vous pourriez vous dispenser de la consultation des réponses au Quiz. Néanmoins, n’hésitez pas à consulter les réponses aux questions posées en entreprise dans la section page 173, « Face à l’entrisme, le management au quotidien ».

Ceux qui souhaiteront approfondir au-delà du Quiz, pourront consulter les deux ouvrages d’Antoine Sfeir : « Brève histoire de l’islam à l’usage de tous » et un « Que sais-je » au PUF.

23

1rePARTIE. Le constat

Afin de se faire livrer chez lui, Goha1confie à un livreur la farine qu’il vient d’acheter.

Ce dernier disparaît avec la farine.

Deux jours plus tard, Goha croise le livreur.

À la grande surprise de son ami, Goha court, se cache pour ne pas être vu :

« Goha, pourquoi te caches-tu du livreur ? »

Goha de lui répondre : «Pour ces 2 jours, je crains que le livreur n’exige un supplément d’entreposage »

Conte populaire égyptien – Goha –

25

L’intention de cette section est de faire un constat le plus complet possible. Il sera factuel et perceptif, sociétal et économique, à commencer par mesurer l’ampleur du tabou.

Les premiers entrismes en entreprise visibles en France datent des fameuses « grèves saintes »2en 1982, chez Citroën Aulnay. Les grévistes occupent les parkings ponctuellement transformés en lieux de prière pour les ouvriers musulmans. Les scènes filmées par la télévision révèlent ainsi les pratiques religieuses. Suivant les horaires, les meetings sont entrecoupés par les prières. Les militants n’hésitent pas à faire intervenir un imam. Un délégué de la CGT a même pris la parole en arabe. Avisé du fait de l’islam politique en Égypte, je trouve néanmoins le moyen de nier l’évidence. Je me justifie dans une différence vaine entre l’islam politique égyptien et celui d’origine maghrébine. Je vais même jusqu’à justifier la banalisation des dirigeants concernés. Mon déni se poursuit jusqu’au début des années 2000. En effet, comment accepter ou reconnaître qu’une régression moyenâgeuse puisse se dérouler sous nos yeux, en France, en entreprise. C’est contraire à toute logique, managériale ou non. À un moment ou un autre, chacun est passé par une phase de déni, de tabou. Le reconnaître et le diagnostiquer sont une première étape utile au diagnostic puis aux solutions préconisées dans la seconde section du livre.

Pour l’avoir constaté trop souvent l’entrisme est déjà actif à l’insu des dirigeants et de la plupart des managers. C’est lors de conférences-débats pour des Codir, notamment celles sollicitées pour « en savoir plus » ou celles pour « s’informer et anticiper » que les faits jusque-là dissimulés se révèlent avec embarras. La dissimulation est en général motivée par la minimisation du fait religieux, sa banalisation, et le désir de « ne pas faire de vagues ».

En sortie de cette section, à travers la série de témoignages du tabou, vous aurez retracé l’évolution de votre pensée à propos du fait religieux en entreprise. Vous aurez aussi mesuré votre degré de liberté sur la question et les sources de peur. Vous serez capables de qualifier les comportements à risque, et l’impact sur le statut des femmes, salariées et managers. La tactique en trois étapes de l’entrisme n’aura plus de secret pour vous. Vous pourrez identifier l’étape qui concerne votre entreprise, votre unité, votre secteur. Enfin, vous pourrez mesurer l’impact sociétal et économique pour un débat utile et décisionnel avec vos équipes et vos actionnaires.

27

1. Scanner du tabou français

Très pris par mes activités en Égypte en 2015-2017, je n’avais pas relevé le degré d’effarement des managers français et des dirigeants face à l’entrisme islamiste, ni le tabou qui se développait à son sujet. De retour en France en 2018, je visite mes clients, des dirigeants de PME, ETI et CAC 40.

Avec cent cinquante chevaux sous le pied, les outils de pilotage branchés, je respecte le Code de la route, limitation de vitesse comprise. D’étape en étape, je remonte l’A7. Je retrouve les sites formidables de la vallée du Rhône, ou de la Saône, en île de France et à Paris, la Ville lumière !

Je rencontre ces dirigeants, seuls ou accompagnés, pour mesurer et qualifier l’impact des revendications religieuses islamiques en entreprise.

De rencontre en rencontre

De la colère au mutisme

À Chalon-sur-Saône, au cours de ma rencontre avec un jeune quinqua bardé des diplômes les plus prestigieux et directeur de très grands projets d’infrastructure, celui-ci me propose d’écouter les témoignages de sa femme absente à notre rencontre. Elle est du secteur de la santé.D’après lui, elle serait furieuse. Assistante sociale, elle est sans cesse défiée dans son travail par de nouveaux comportements liés au fait religieux.

Il insiste pour que je la rencontre.

Lors de l’organisation du rendez-vous par le mari, elle refuse catégoriquement d’en parler et s’enferme dans un mutisme.

La honte ou la peur ?

À Lyon, pour la convention et la facture d’un atelier prévu sur le sujet de l’entrisme, la DRH d’une PME du secteur agroalimentaireme demande, par écrit, d’établir les documents avec un intitulé vague sans préciser le sujet.

Après vérification, elle ne souhaite pas que les autres services soient au courant.

Honte ou peur, j’en saurai plus le jour de la présentation.

Une priorité évanescente

À La Défense, le dirigeant de plusieurs sites dits « sensibles » du secteur énergie de pointeme fait part de ses défis opérationnels. Il vient d’être promu. Dans la revue des sujets, nous abordons celui de l’entrisme sur les sites qu’il dirige. Il est apparemment confiant et serein. C’est au moment où je lui mentionne les risques inhérents à ceux qui sont en poste depuis longtemps et qui se convertissent, souvent les plus fanatisés, qu’il change de discours.

28

Il s’exclame avec force, sur un terrain qui ne concerne pas les convertis, mais les sous-traitants : « Je vais les prévenir, il faut que tu ailles voir sur place, c’est infesté, surtout avec les sous-traitants ».

L’organisation de la visite sur site s’évanouit dans les appels, les messages, les décalages…

Que s’est-il passé ?

Comment, par quoi et par qui, aurait-il été stoppé dans son intention ?

Des regrets

À Nanterre, la vue depuis la terrasse de l’immeuble est magnifique, elle s’ouvre sur un large horizon. Le dirigeant d’une ESN,Entreprise du Secteur Numérique, se confie : « au début nous ne voulions pas voir… nous avons complètement déconné… nous avons recruté des Tunisiens pas chers en pagaille… après c’est devenu ingérable, autant les ingénieurs que les managers… entre les heures de prières… les “pas de réunion vendredi”… les congés religieux… le ramadan… nous n’aurions jamais dû faire ça… la boîte s’est plantée… »

Ce truc est sensible

Paris, place de la République, le directeur général de cinquante-cinq ans que je rencontre est friand de multiculturalisme. Il est à la tête d’une PME du secteur de la cosmétiqueet souhaite mon intervention devant son comité de direction pour traiter de la diversité et du risque d’entrisme. Le jour de la présentation venu, il est censé me présenter et introduire le sujet pour lequel il me fait venir.

Après un silence palpable : « …, bon je ne sais pas comment le dire, je ne veux pas me tromper sur les mots, ce truc est sensible… bon Paul vas-y dis le toi… »

La laïcité à l’épreuve

Je connais ce directeur de grands projets d’informatique et de sécuritédepuis plus de dix ans. Il tient en privé et en groupe à se montrer très laïc et athée.

Il s’exprime librement et se montre très remonté face à l’entrisme des islamistes en France. Il prône les valeurs républicaines et de laïcité dans son entreprise.

En mission en Tunisie, il répond favorablement à la demande d’un candidat rencontré sur place. Il lui confirme qu’il pourra venir travailler au siège parisien et appliquer ses obligations religieuses notamment les prières.

Sollicité par le candidat pour plus de détails concernant les éventuelles interventions en clientèle, il ose à peine s’exprimer : « Oui, chez nous… peut-être pas chez les clients »

Chez nous tout va bien.

Parmi des dirigeants réunis pour une conférence sur l’entrisme islamique, j’en remarque un plus particulièrement. Il est du secteur du BTP. Il ne pose pas de

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questions, il semble méfiant, aux aguets.

À la fin de la conférence, chacun s’exprime, le tour du dirigeant mal à l’aise arrive.

« Non, pas de fait religieux chez nous… 150 000 employés… tout va bien ».

Pourtant, des centaines d’entreprises sous-traitantes fortement islamisées certaines sous l’emprise de la sharia, font partie de ses chantiers. Quatre-vingts pour cent (80 %) des « algeco » sont équipés d’un second frigo, un frigo « halal ».

Il opine du chef.

J’apprendrai plus tard, que les services de renseignements égyptiens avaient expulsé un des salariés de cette entreprise. Il était en mission « expat » pour la construction du métro du Caire. Les plans du métro avaient été retrouvés dans une cellule de la confrérie des frères musulmans. Malgré les constats alarmants des collègues concernant ses changements de comportement à la suite de sa conversion à l’islam, rien ne fut fait. Les avertissements des services égyptiens n’ont pas suffi à faire bouger les décideurs. Les cadres locaux soutenus par le siège et la DRH avaient choisi de banaliser le risque avec pour résultat l’humiliante expulsion du Caire.

L’exil

« Oui nous avons quelques problèmes sur place, nous devons sans cesse remettre de l’ordre face aux revendications religieuses… mais ici ça va ».

En fait, la sous-traitance en France avait été « minée » par des revendications religieuses en cascade. La productivité en était impactée.

Ce grand groupe dusecteur de l’Assurancese soumet au fait religieux et le gère à sa manière. Il nomme un coordinateur international et lui demande d’intégrer l’externalisation dans la stratégie du groupe. En fait, il déplace le problème ailleurs.

La sous-traitance de 1500 techniciens et ingénieurs passe au Maroc.

L’avantage est double, apparemment : la fin de la gestion des revendications religieuses en France (les Marocains s’en chargent tant bien que mal..) et un « cost per man » plus bas qu’en France… pour l’instant.

Un arrangement de passage

Le deal tient depuis 2005. La petite société parisienne du secteur de la sous-traitance informatiquefondée en 2000, embauche pour des missions de deux ans des ingénieurs tunisiens et marocains. L’économie réalisée sur le « cost per man » est de 50-70 %. Dans le « deal », les arrangements relatifs aux obligations religieuses sont de mise : prières, congés, absence, ramadan…

Au bout de deux ans, l’augmentation de salaire demandée par ces ingénieurs est refusée. Ils quittent l’entreprise et d’autres prennent la relève.

De l’entrisme à l’emprise.

Roger, 64 ans, instructeur sportif dans un club de football : « Je suis tolérant, mais là ça ne va plus… »

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En plein entraînement, à l’heure de la prière, le groupe se scinde en deux et va procéder à la prière musulmane, à genoux – debout – courbé – …, en deux zones différentes.

Incapable de tenir ses équipes, de leur faire jouer les matchs et de les emmener au tournoi, Roger démissionne. Très arrangeant, il avait laissé le fait religieux très progressivement s’installer dans le club. Au début, il ne s’agissait que de quelques arrangements individuels : « oui, vas-y, mais reviens vite, on t’attend… ».

Las du foot, Roger s’oriente vers le club de pétanque local. Là devant Roger stupéfait, deux joueurs musulmans rivalisent : « Tu fais n’importe quoi …. Tu dois retourner à l’école coranique… »

On n’a rien vu venir

Pour cette ETIdu secteur chimie-pharma, son siège et ses trois sites de production, l’affaire est assez avancée.

« Il y a un effet de communauté, des gens qui prient un peu partout, des femmes voilées en nombre ; on ne connaît pas tous les détails ; il faudrait un ethnologue pour recenser…. Il y a deux salafistes, pantalons courts, et barbus ; ils sont chefs d’équipes. Certains sont apparemment dirigés, non pas par nous, mais par des gens en Afrique… »

« On n’a rien vu venir ; nous avons maintenant des doutes sur la société d’intérim que nous utilisons. »

Tout le monde s’en fiche

Le directeur de site chez unfabricant industriel: « À la réunion du comité d’entreprise, dès que le mot Laïcité est prononcé, les sourcils se froncent et les regards deviennent menaçants ; sur les chaînes de montage, ils font ce qu’ils veulent. Les chefs d’équipe laissent faire. Tout le monde s’en fiche… »

Combien de couleuvres déjà avalées ?

« Nous avons mis le sujet sous le tapis ; personne n’ose en parler ; maintenant ça nous pète à la figure. Ils font ce qu’ils veulent, comme sur les chaînes d’assemblage de voitures. Que peut-on faire ? »

Il y a quelques années, ce DRH d’un grand groupe du secteur de la cosmétiqueavait pour un séminaire de direction fait venir un spécialiste en religion et diversité. Ce dernier les avait rassurés : « Nos mères étaient aussi voilées… »

Tour de passe-passe, de 5 % à 100 %

Le PDG d’une société du secteur des services à la personned’une grande région de province me dresse un tableau chiffré. Vient le moment des statistiques sur le personnel : « Je dois avoir plus de 290 femmes sur 300 employés… ; elles viennent de Pologne, de Roumanie, euh… des Pays de l’Est ; … bon, il y a quelques Tunisiennes… ; une quinzaine peut-être, certaines sont voilées pas toutes ; …. Je ne sais pas vraiment… »

À ma question sur les éventuels dysfonctionnements dus au fait religieux, il répond de manière évasive : « Non, il n’y a rien… ; je ne sais pas trop non plus… ». Pourtant

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la plupart des DRH et managers ont une idée, une estimation puisque les statistiques religieuses sont interdites.

Pour lui, son personnel est à 5 % de musulmans pratiquants, à peu près 5 %.

C’est la première fois que je perçois du flou chez ce manager habituellement clair et sûr de son fait.

En réponse à la question sur l’impact du jeûne de ramadan et ma remarque sur l’augmentation des accidents de travail à cette période, il commence à se confier. Il reconnaît à voix basse : « C’est vrai… chez moi certaines se sont évanouies ; deux ont quitté leur job ; certaines font des siestes ; bon… je laisse faire ; parfois on fait des remplacements d’une équipe sur l’autre… »

Il me paraît de plus en plus désemparé, méconnaissable. Il n’a pas cherché à mesurer l’impact sur les équipes, sur le temps que ça prend à ses chefs d’équipe, sur le coût supplémentaire pour la société.

En évoquant le sujet du voile, je lui demande si les valeurs portées par le voile sont compatibles avec les valeurs que son entreprise souhaite projeter auprès de ses clients.

Il se vexe puis change de ton et s’offusque : « Bien sûr que non ! »

Nous passons en revue les articles du droit du travail en France, de l’arrêté de la Cour européenne de justice, les prérogatives des dirigeants d’entreprise en France. Nous aboutissons sur la possibilité d’un règlement intérieur clair et respectueux excluant le prosélytisme religieux ou politique.

Soudain, il me jette avec force : « Aaaaaah, si je fais ça, je n’ai plus de salariés ! »

Que s’est-il passé dans sa tête pour que la part qu’il avait estimée à 5 % pour celles qui pratiquent les obligations religieuses dans son entreprise, passe en un instant à 100 % ?

Quelle est la part de peur qui brouille sa perception ?

Irréprochable

L’air grave, avec un excès de zèle suspect mon interlocuteur du secteur de la culture se drape de noblesse d’âme, d’ouverture, de générosité. Il se déclare « démocrate ». Avec un déni immaculé et si bien drapé face à moi, je me sens sale, coupable.

En reprenant les pièces du déni, comme pour un puzzle, je le pousse dans ses incohérences. Alors, son récit change par petites touches : « C’est marrant, ce que tu me dis me rappelle un évènement chez nous… sous la pression sociale, nous avons renoncé à promouvoir une femme à un poste de management »

Un samedi matin en Provence, dans un « dojo »(en japonais, le lieu de la voie), lieu de pratique des arts martiaux, nous sommes une quinzaine. Notre entraînement est dirigé par Enzo, un Sicilien originaire du Maroc. Son cours est fluide et tonique à la fois ; l’énergie du groupe se bonifie, les assauts sont à la fois engagés et respectueux. Chaque

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assaut commence et se termine par un salut où chacun penche sa tête légèrement vers l’autre.

Comme il est d’usage dans un dojo, à la fin du cours, nous nous mettons en ordre pour nous