Le trésor des naufrageurs d'Oléron - Georges Brau - E-Book

Le trésor des naufrageurs d'Oléron E-Book

Georges Brau

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Beschreibung

Un naufrage, un trésor, une enquête et, surtout, l’île d'Oléron sont au menu de ce récit palpitant.

Vous allez suivre une véritable chasse au trésor des plus haletantes où quatre adolescents recherchent le trésor de naufrageurs qui sévissaient à la pointe nord de l'île d'Oléron il n’y a pas si longtemps. À travers des péripéties rocambolesques, ils découvrent l'histoire de l'île à travers les âges et se sensibilisent à la sauvegarde de son environnement. Une résolution d'énigmes dont l'origine est la plantation d'un pin maritime dans le jardin de la villa “La Mouette”, ancienne maison de pêcheur devenue résidence secondaire familiale.

Découvrez ce thriller original, et partez à la découverte de l'histoire de l’île d'Oléron et d'un mystérieux trésor !

EXTRAIT

Mélany proposa de rejoindre Chassiron où le phare semblait toujours les épier, ce qui perturbait son camarade, éternel rêveur qui déconseilla ce choix. Il argumenta de ne point vouloir attirer l’attention sur les ruines des ex-sémaphores. Aussi, s’imposèrent-ils une halte en bordure d’océan, prolongement d’un chemin terreux, familialement baptisé « la promenade à Mamie », en souvenir d’Yvette, la maman de Danielle. C’était aussi la ballade préférée pour Grisly, le regretté Briard.
L’arrêt sur un banc de pierre peint en blanc permit à Mélany d’ôter son gilet pendant qu’Aurélien lui fit part de son regret à cacher leurs investigations aux grands-parents.
— Doit-on attendre encore pour les informer ? Et que décide-t-on pour nos recherches ?
— Rien ne presse. Hélas, ce soir on ne peut pas retourner au cinéma, il y a d’ailleurs relâche.
— Je propose de transformer nos fugues de nuit en envolées diurnes.
— « Affirmatif », comme dirait Georges, plaisanta Mélany. L’heure de la sieste conviendrait mieux, il est rare que nos Papis la loupent.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ex officier supérieur des Forces Spéciales, Georges Brau a écrit plusieurs romans basés sur ses aventures professionnelles qui l'ont très souvent éloigné de sa famille. À l’heure de sa retraite,il a donc tout naturellement éprouvé le besoin d’écrire autrement ce qui a donné vie à deux contes pour enfants et à ce roman.

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Georges Brau

Le trésor des naufrageurs d’Oléron

Roman

© Lys Bleu Éditions – Georges Brau

ISBN : 9 782 378 772 543

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À tous ceux qui se reconnaîtront

Préface

Inspiré par mes petits-enfants au détour de leurs rêves et de leurs jeux, ce livre s’inscrit en évasion romanesque. Néanmoins, dans cette fiction, les lieux cités sont ceux de l’environnement de la pointe de l’île d’Oléron.

En revanche, les personnages peu sympathiques sont imaginaires, tout rapprochement avec des personnes existantes ou plus de ce monde est à exclure.

Par ailleurs, autour de la légende de pseudo naufrageurs, ce roman raconte autrement l’histoire de l’île et s’attache modestement à en plébisciter la richesse du site et à sensibiliser ses résidents sur la préservation de son environnement.

Enfin, pour le jeune lecteur, c’est la découverte d’un vocabulaire plus riche.

Chapitre 1

« La Mouette »

Vacances estivales obligent, en milieu de matinée de fin juin, Aurélien voguait vers l’île d’Oléron pour y retrouver ses grands-parents. À treize ans et demi, moitié à laquelle il insistait pour la souligner, il venait d’obtenir de nouveaux privilèges, comme celui de voyager seul depuis Paris.

Inquiet jusque-là par son périple train et bateau et un tantinet fier de l’avoir réussi, il saluait sa grande tante Jacqueline avant de dépasser les deux tours de La Rochelle. Elle détenait la responsabilité de ce court transfert entre la gare et le vieux port avec son embarcadère de la navette inter îles.

En pleine mer, le jeune voyageur s’installa à la proue pour ressentir les vivifiants embruns, gouttelettes iodées lui picotant son pâle visage de citadin, sensation exquise pour jouir de sa liberté nouvelle sur une mer calme. Impatient, il s’imaginait rejoindre le bout du monde alors que plus modestement, son horizon se limitait à l’île de Ré à bâbord, La Rochelle dans son dos et droit devant l’île d’Oléron et un futur chaleureux accueil.

Amusé, cela l’entraîna à parodier le héros du Titanic : « je suis le maître du monde… ».

La traversée durant une heure, pour occuper ce temps, il vagabonda à rêver, gênes héritées du grand-père. Son choix d’errance variait selon ses nombreuses lectures, se laissant curieusement dériver vers la légende des naufrageurs qui sévissaient aux siècles derniers à la pointe nord de l’île : Chassiron. Ce site n’était guère éloigné du lieu où il débarquerait, aussi scrutait-il le fond de l’océan à la recherche d’hypothétiques épaves. Dans son délire, il pensa à « Vingt mille lieues sous les mers et le Nautilus du capitaine Némo, autre célèbre naufrageur selon Jules Verne…

Fatigué, résultante de son insomnie de la veille, il baillait non pas aux corneilles, inexistantes ici, mais remplacées par de jolies mouettes blanches. Excité par les prévisions d’activités, comme ses randonnées à vélo, surf et natation et surtout la pêche, il n’avait guère fermé l’œil de la nuit. Un programme échafaudé sur son temps de sommeil pour ordonnancer ses vacances dans ce Havre de paix : « La Mouette ». Du plus loin de ses souvenirs, Aurélien avait fréquenté cette habitation héritée par sa grand-mère maternelle. Depuis, ses rencontres avec ses aïeux s’entouraient de complicités, son droit d’aînesse lui octroyait un bonus affectif avant l’incontournable partage fin juillet, l’arrivée différée de sa fratrie.

Pour l’heure, la place lui appartiendrait et toujours en bâillant, il profita du ciel limpide où des goélands virevoltaient en quête de bancs de poissons. Un décor sublime où l’azur rejoignait à l’horizon le bleu sombre de l’océan, mythique limite aux plus belles légendes pour interpeller davantage ce jeune rêveur, imaginant les profondeurs inexplorées, là où avec leur lyre, le poète proclamait :

« Lieu où le doux firmament ne cesse de se mirer éternellement avec les abysses ».

Pour l’heure, l’embarcation fendillait les ressacs d’une légère houle. Des soubresauts amusants, au point d’extrapoler sur l’idée fantasque de chevaucher un hippocampe géant pour vite franchir l’écume le séparant du paradis de « La Gautrie », village de sa destination.

Cependant, un détour s’imposa avec l’attraction touristique de fort Boyard. À regret, il quitta son extravagante monture de son imagination, pour écouter les commentaires du guide.

Au bastingage, les touristes s’empressaient de photographier le site alors que le timonier contait les difficultés rencontrées par ce Vauban, brillant concepteur en 1678 de ce bel édifice isolé au milieu des flots. Maintes citations complétaient l’exposé du prolixe guide :

« Il s’agissait d’un projet fou où il serait plus facile de saisir la lune avec les dents que de tenter en cet endroit, pareille besogne », aurait déclamé l’illustre bâtisseur.

L’entreprise était corsée certes, mais connaissant déjà le lieu, le garçon en snoba les commentaires au point d’attirer la question d’un passager.

— Cela ne t’intéresse-t-il pas de connaître l’histoire de ce fort ?

— Je la connais commemes poches, Monsieur, répondit poliment le garçon.

— Le samedi soir, ne regardes-tu pas la chasse au trésor, redemanda l’adulte, intrigué par l’étonnant désintérêt.

— Cela m’amusait plus jeune, moins maintenant. Je préfère l’historique des lieux.

— Ah bon ! fit le questionneur, amusé par ce gamin à la répartie facile. — Pourrais-tu alors m’en dire plus que notre guide ?

— En toute modestie, oui Monsieur ! Je sais par exemple que ce solide bastion fut conçu pour défendre l’intégrité du pertuis menant au Chapus et à Maumusson, deux ports jadis importants pour y recueillir le sel, substance considérée jadis comme l’or blanc.

— Très intéressant ! Ton érudition est de qualité, poursuis.

— Je m’intéresse plus aux énigmes, souvent différentes de celles du Père Fouras et de ses nains ou autres tigres qui animent l’émission télé.

— Par exemple ?

Amusé, le touriste s’intéressait aux pertinents propos du garçon.

— Les navires arrivaient les cales remplies de grosses pierres en guise de ballast afin de ne pas chavirer en haute mer. Cela servait à une meilleure flottaison. Ce n’était pas encore les prouesses du Vendée Globe, mais déjà on cherchait à optimiser les performances nautiques.

— Comme c’est curieux et alors ?

— La conception de ces navires exigeait une flottabilité optimale, raison pourquoi ces coques de noix étaient chargées un maximum.

— Et qu’en faisaient-ils après, tenta le curieux, afin de tester les connaissances du jeune érudit.

— Au départ, elles étaient empilées jusqu’aux écoutilles avant de céder place au retour au sel. Ensuite, ces pierres servaient à la construction des maisons et édifices communaux. On peut ainsi en retrouver plusieurs dans les fortifications de la ville de Brouage. À ce propos, de superbes granites bleus du Canada composent la partie essentielle de certains murs. C’est une vraie énigme pour personnes non averties…

— Le guide a zappé ces particularités. Tu as sans doute raison de ne plus trop regarder le Père Fouras pour apprendre des anecdotes enrichissantes.

Redevenu indifférent à l’attitude un peu trop blasée du garçon, ce touriste immortalisa son passage par des photos en ce lieu si médiatisé depuis ce jeu télé.

Pressé d’arriver, Aurélien se concentra sur l’objectif à atteindre : l’accueillante villa « La Mouette ». Toutefois, il regretta d’être nu-tête, sa casquette restée au fond du sac. Grand et blondinet, il ressentait déjà des rougeurs, sanction inévitable en début de vacances. Il serait à craindre que ce soir, sa Mamie ne l’enduise de ce vinaigre puant, procédé plus performant que les onguents modernes, mais malodorants…

L’évocation de coups de soleil lui rappela que les deux torrides mois d’été séviraient bientôt sur l’île. C’est pourquoi elle se nommait : « La Lumineuse ». La présence permanente du dieu Râ n’y était pas étrangère, pensa le garçon, écarlate sous les effets de la réverbération marine.

L’évocation de Râ raviva un souvenir nostalgique, celui de sa regrettée arrière- grand-mère Yvette, qui aimait à citer :

« Dans l’île, il n’y a jamais un jour sans soleil »…

Depuis, à chaque occasion, avec une pensée émue, la famille aimait à le rappeler.

L’appellation de « Lumineuse » n’était pas usurpée en cette fin juin où les jours allongeaient jusqu’au solstice d’été. Une météo très appréciée et recherchée des citadins, si désireux de s’évader de leurs cités dortoirs. Mais revers de la médaille, l’invasion estivale voyait des milliers envahisseurs pour squatter l’île. Une déferlante de touristes, moins meurtrière certes qu’un tsunami et porteuse de devises. Une ruée vers « l’or soleil », facilitée depuis 1966 par un viaduc de trois mille mètres, ouvrage enjambant l’océan, rendant obsolètes les embarcadères des bacs du Chaput, lieu aux vestiges militaires de l’ancienne défense maritime. Toutefois, pour les ex-usagers de ces vieux bacs, l’île n’avait plus le même charme, lui ôtant en partie le côté « terre sauvage ».

La navette s’approchait enfin de Saint Denis et Aurélien en apercevait le port de plaisance. Un délicat corridor étroit à traverser à marée haute, sous peine de s’envaser. Les heures de voyage étaient calculées en fonction d’où ce détour par Fort Boyard.

Sur le quai, deux allègres sexagénaires piaffaient. Ils s’agitaient à faire de grands signes pour signaler leur présence, maugréant sur les manœuvres d’accostage si lentes.

Timide de nature et gêné, le garçon y répondait discrètement, de quoi provoquer l’intempestif sifflet de Papi. La ferveur méridionale de son aïeul fit sourire Aurélien, signe que les vacances commençaient réellement.

À terre, les bisous échangés marquèrent ces joyeuses retrouvailles. Puis, l’effusion consommée, les sacs à roulettes et à dos regagnèrent le coffre, bagages du migrateur. Enfin reformé pour les vacances, le gai trio rejoignit « La Mouette », un transfert court entrecoupé de questions multiples.

— Comme tu es grand mon fils, tu m’as rattrapée. Tu as fait bon voyage mon chéri, lui redemanda pour la nième fois sa grand-mère.

— Oui Mamie, c’est de se lever tôt qui est le plus pénible.

— Au téléphone, Tatie Jacqueline nous a dit que tu avais l’air pâlot. Mais à ce que je vois, tu as pris des couleurs sur la navette.

— J’avais ma casquette dans le sac, j’ai oublié de la mettre.

— Je te l’avais recommandée hier au téléphone. Tant pis, tu seras vinaigré, renchérit-elle sous la grimace de dégoût de l’empourpré...

Cinq minutes suffirent pour atteindre le lieu-dit « La Gautrie », bourg attenant au village de Saint-Denis, un kilomètre à vol d’oiseau les séparant.

— Tu reconnais fiston, demanda son grand-père, inquiet du silence.

— Pour sûr Papi, c’est comme si j’avais quitté l’île hier.

— Ici, rien à voir avec ta pollution parisienne, n’est-ce pas ?

— C’est vrai, l’air y est pur. J’en aurai presque mal à la tête et qu’est-ce qu’il fait chaud.

— Purée, ici c’est depuis avril l’été, lui répondit l’aïeul avec son accent pied-noir.

Quand l’accent s’intensifiait, c’était une preuve de joie évidente du patriarche.

Mais il fut rappelé à l’ordre par son épouse, lui demandant de regarder la route et de ne plus se tourner vers leur petit-fils en conduisant.

Semblant les attendre, se dressait l’originale place. En guise de bienvenue, elle offrait son puits central, désormais agrémenté d’un pot de fleurs coloré en lieu et place du seau pour puiser l’eau fraîche. L’été, la place servait de parking aux résidents, ôtant un peu de son charme.

L’adolescent y retrouva ses repères. D’un regard, il embrassa le panorama et son attitude contemplative en émut ses grands-parents.

Perpendiculaire à la place s’invitait l’impasseétroitede la Cocarde, venelle pour le passage d’une seule voiture. Elle était bordée d’ex- maisons de pêcheurs, depuis rénovées avec des volets bigarrés, bleus ou verts selon le goût des propriétaires.

Longue de vingt mètres, elle était joliment jalonnée de roses trémières irisées escortant le garçon jusqu’au fond du cul-de-sac où se dressait un grand portail blanc, seuil de la villa « La Mouette »...

Somnolents, des chats ouvrirent mollement leurs yeux au passage de l’enfant. Aurélien se retenait de crier sa joie. La décence s’intégrait chez lui comme un sentiment nouveau. Une pudeur prouvant qu’il avait mûri, associée au duvet naissant sur ses joues. C’était décidément bon d’avoir treize ans et demi...

À l’ouverture du portail baignait un parfum de farniente aux antipodes des récents soucis scolaires.

Il remarqua que « La Mouette » avait fait peau neuve et s’affichait aussi pimpante que les autres années, à croire que le temps sur elle n’avait pas d’effet. Fraîchement repeinte, elle arborait de grands volets verts, l’ensemble flambant neuf.

Pourtant, curieusement, il ressentit une absence à ce cadre.

Affairé à admirer le jardin de sa Mamie, dit « la main verte », il réalisa brutalement l’objet de son émoi précédent. Attristé, le garçon concrétisa l’objet de son trouble par l’absence du regretté Grisly, le chien briard de la famille. Ce gros nounours sympa et affectueux manquait de trop dès le portail franchi.

« C’était la vie ! », comme aimait à le répéter son Papi lorsqu’il désirait clore d’inutiles pleurs, dont les siens.

Avec ses yeux larmoyants, Aurélien continua l’inspection, « “zyeutant” » l’allée centrale, élégamment fleurie de part et d’autre de volubilis et de glycines, des plantes sculptées par l’affûté sécateur de Mamie. Une haie d’honneur bucolique qui exhalait de multiples senteurs avant de pénétrer au cœur du patio. Cette large cour sans vis-à-vis était d’un calme reposant avec le ciel bleu pour couvre-chef.

Dans cet Eden miniature, taillées par la serpette de Danielle, se dressaient des plantes ornementales, nombreuses rivalisant de couleurs chaudes.

Les narines frémissantes, le Poulbot ferma ses paupières, inspirant l’agréable mélange de parfums si inexistants dans sa capitale natale. En peu de minutes de cette cure olfactive, son nez se débarrassa de ses pourritures citadines.

Ainsi nettoyée d’impuretés, la visite se poursuivit et rien n’échappa à l’inventaire.

Dans les recoins de ce mini parc botanique, il retrouva les lauriers et luxuriants tamaris qui procuraient leurs ombres bienveillantes lors des canicules. Au centre, surmontés de parasols « Coca-Cola » de l’oncle Thomas, tables de jardin et fauteuils attendaient les collations. Mais auparavant, une activité quasi religieuse s’imposerait. En effet, l’apéritif tendrait ses verres, rite auquel Papi Georges ne dérogeait jamais, et ce, indépendamment du jour ou de la non-présence d’invités...

Dans le prolongement de la cour se trouvaient un préau et le cabanon surmonté de l’efficace cheminée pour concocter de délicieuses grillades. Surnommé « l’estanco » par papi, il accueillait les affaires de pêche, de jardin et le bricolage.

Force fut de constater que le lieu semblait mieux rangé que lors des périodes où les « smalas » débarquées de Paris ou d’ailleurs l’utilisaient. Insolite accueil, à l’entrée présidait la tête empaillée d’une chevrette baptisée Gisèle, affublé de vieilles lunettes, ex-trophée de l’arrière-grand-père.

Le tour du propriétaire terminé, il était temps de passer aux choses sérieuses : l’apéritif…

Chapitre 2

La Porte de l’enfer

Toutefois, une nouveauté interrompit par sa silencieuse présence ce joyeux carrousel de retrouvailles. Empaqueté dans un pot, attendait un jeune pin maritime. Une acquisition de Mamie pour symboliquement marquer la naissance de sa petite-fille Victoire, dernière – née de l’oncle et aussi parrain d’Aurélien prénommé Thomas et de son épouse, la belle tante Laure.

Émerveillé, l’adolescent questionna sa grand-mère.

— Quel bel arbre Mamie, où vas-tu le planter, il n’y a presque plus de place dans ta luxuriante jungle ?

Jouant à l’indignée, la répartie ne se fit point attendre.

— Sacripant ! Ici, ce n’est pas une jungle. Tout est contingenté et cultivé selon l’art et la croissance dévolus à chaque espèce. Cependant, tu as raison, peu d’espace reste disponible.

— Heureusement que tes envies florales restent modestes, sans quoi Papi n’aurait plus de quoi se payer son apéro.

— Tu ne crois pas si bien dire fiston, ricana Georges, amusé de l’allusion.

— Pourtant, cela ne lui ferait pas de mal, souligna sans réserve Danielle.

En guise de réponse à la joute verbale, Georges lui tira gentiment sa langue pour répondre aux menaces de sevrage.

— Où vas-tu le loger ? Demanda l’ado tout en effleurant l’arbrisseau comme s’il le caressait.

— J’opte vers le vieux puits, mais cela t’obligera à installer ta tente sous le tamaris.

— Pas de problème, il y a assez de place y compris pour celles des frangins.

— Après la sieste, tu aideras ton grand-père à le planter en creusant un trou conséquent. Ses racines doivent trouver de la bonne terre pour mieux grandir, un peu comme toi mon chéri…

L’enfant sourit, réagissant à l’allusion affectueuse de sa grand-mère. Cependant, pour masquer son émoi, il s’empressa de rajouter.

— Tu pourras compter sur moi Papi. J’ai hâte de planter mon premier arbre. Mon frère Gwénael en bavera de jalousie. Mais dis-moi, quand ira-t-on aux crabes et aux palourdes ?

— À la bonne heure, nous voilà revenus à des pensées meilleures. J’ai failli mourir d’excès de chlorophylle avec les marottes de Danielle. J’ai prévu une sortie pour demain, même en dépit du faible coefficient des marées.

— Chouette, j’ai hâte d’y être.

— Mais pour l’heure, c’est l’apéro avec ma « kémia ». Goûte ces olives vertes épicées. Attaque aussi ce boudin à l’oignon, c’est extra…

Des yeux, c’était un régal assuré. La salive en réclamait la rapide dégustation. Puis, un cérémonial fit l’inventaire des désirs.

— Alors, je récapitule. Nous disions, un Coca pour toi, un pineau blanc frais pour Danielle et, un whisky tassé pour moi. S’il te plaît fiston, vas récupérer les glaçons !

L’instant de convivialité n’était pas anodin, il s’ornait d’un rituel qui cimentait une complicité avérée et leur cohésion. Comme magiquement, l’enfant revêtait l’apparat réservé à un adulte, effaçant la personnalité réductrice de « gosse ». Amusés, ses grands-parents tenaient à ce qu’il le ressente comme tel...

Entre chaque bouchée, Aurélien ne cessait de répondre au harcèlement des grands-parents, impatients d’apprendre les nouvelles de la capitale. Il s’exécuta, avec en préambule que dans leur coquet triplex, il était difficile de se faire entendre ou pire pour l’aîné : se faire respecter.

À tout seigneur, tout honneur, la narration débuta par la fée du logis : Virginie. Sa jolie maman œuvrait toujours autant pour sa maisonnée et également en gérante de sa boutique pour enfants, « Cotons et farandoles ». Les soldes d’été à venir la mobiliseraient jusqu’à fin juillet.

— Mais a-t-elle toujours le temps de faire son karaté et son sabre japonais ?

— Ah oui ! Mais depuis peu, elle préfère le combat au sabre japonais.

— C’est Kill Bill ma fille, s’extasia Papi…

À l’aube de la quarantaine, ce n’était pas un mince exploit que d’allier ses devoirs parentaux, sa profession et son sport. Un belexemple pour ses enfants et une grande fierté pour ses géniteurs.

Ensuite vint le tour de discourir sur le cadet Gwénael, lequel afficherait bientôt onze ans. Blond comme les blés, il s’inscrivait sans réserve comme un hyper fan du PSG et de l’équipe de France de football. A priori, les frères s’entendaient bien et Aurélien avoua qu’il lui manquerait, le cadet n’arrivant que mi-juillet.

En ce qui concernait sa petite sœur Gwendolène, âgée juste de cinq ans, son surnom affectueux de « pestouille » ou de « gnome » perdurait dans les appellations taquines de l’aîné. Épithètes peu sympathiques que déplora Mamie pour ce fragile statut de benjamine. Selon l’aîné, légère jalousie, il ronchonna que l’on tolérait plus d’écarts de conduite qu’à son époque au même âge.

En revanche, le torchon de la grande discorde brûlait vis-à-vis de sa sœur cadette, Arwen. Âgée de neuf ans, dotée d’une forte personnalité, en permanence elle contestait les présumés « droits d’aînesse ». Bref, de vrais chiens et chats, chamailleries exaspérant les parents. Enfin Bruno, le papa venait de participer au semi-marathon de Paris.

En somme rien de nouveau rue Sevran, excepté le décès de vieillesse de Mowgly, le chat qui les avait vus grandir.

Après cette revue d’effectif familiale dont n’auraient pu se passer ses grands-parents vint la dégustation de la traditionnelle galette régionale, « goulebenèze ». Elle clôtura le copieux repas avant d’aborder la brillante scolarité d’Aurélien. Sans la moindre fanfaronnade, ce très bon élève énuméra les places de premier et de second obtenues dans les disciplines, de quoi ravir ses auditeurs, pas peu fiers de ce précoce prodige avec un bel avenir en perspective…

Après le repas, l’ado refusa de dormir dans une des chambres, optant pour renouer avec l’autonomie de ses treize ans et demi révolus en s’éloignant dans la tente. Comme suggéré, Aurélien l’installa sous l’ombrage du tamaris aux ramures débordantes.

Après la courte sieste digestive de Papi, le trio se propulsa vers la plage des Huttes, une étendue sablonneuse de la côte Sauvage. La marée était haute et la température de l’eau avoisinait les dix-huit degrés. La relative fraîcheur ne dissuada pas une seconde Aurélien, impatient à renouer avec les plaisirs nautiques. Plus frileux, son Papi opta pour le port d’un court néoprène pour barboter.

De retour à « La Mouette », la pioche et la pelle attendaient les néo jardiniers. Sous l’experte houlette de Mamie délimitant le lieu pour l’enfouissement, les fouilles n’éprouvèrent aucune résistance, le sol malléable, exsangue de rocailles.

Ainsi, le trou prit forme sous les efforts des vaillants travailleurs. Supportable en fin d’après-midi, mais associée à l’effort, la sueur abondait alors qu’à peine parvenus à mi-parcours.

S’encourageant, ils redoublèrent d’énergie jusqu’à ce que la solide pioche ne rencontre inopinément un sérieux obstacle.

Ébranlé par la vibration, Aurélien céda sa place aux muscles du grand-père, lequel, après déblaiement s’assura de l’ampleur de l’écueil…

— Mais que fait donc ici cette large dalle rouillée ?

— Elle semble surannée et ressemble à un portillon, constata Danielle, en inspectrice des travaux.

— Nom d’une pipe ! Nous voilà quitte à refaire un trou plus loin. Il sera ensuite temps de se renseigner sur cette malencontreuse ferraille. Sans doute un ex- puisard pour le vieux puits de la maison.

— Oui, d’autant qu’il n’est pas si éloigné, répondit Mamie, contrariée par l’inutile travail et au retard qui en découlerait...

— Et si c’était un abri datant de la guerre, rêva à haute voix l’ado car cela faisait longtemps qu’il n’avait pas erré sur les tortueux chemins du rêve.

— Là tu délires fiston. Les Allemands construisaient des blockhaus en béton armé et non pas en ferraille. Tu les as déjà explorés avec moi en bordure de mer. Rappelle-moi à quoi ils servaient, monsieur l’historien !

— À empêcher le débarquement des alliés durant la Deuxième Guerre mondiale. Trop facile ta question. Je me souviens surtout de celui des Huttes et de Chassiron, impressionnantes ces fortifications.

— À mon avis, nous trouverons l’origine de la plaque au cadastre de la mairie. Il s’agirait peut-être d’une cave-dépôt avec du bon pinard dans des barriques…

Un rire salua les suppositions plutôt soiffardes de Papi et ne voulant pas être en reste, Aurélien présenta son autre hypothèse.

— Et pourquoi ne pas imaginer l’entrée d’une caverne, genre Ali Baba où attendrait un fabuleux trésor, relança le jeune rêveur ?

Papi amusa son petit-fils, en relançant :

— Dans ce cas, il t’appartiendra, car c’est toi qui l’as découvert.

Énervée face aux délires en cours, Danielle invectiva ces fainéants qui trouvaient l’occasion de se reposer en lieu et place de la plantation.

— Arrêtez vos fantasmes et creusez ici ! Le pin attend sa résidence. Alors au travail, les cossards.

Pressé d’en finir, Papi augmenta sa hargne et une heure après, le fringuant pin se dressait au centre du jardin avec pour le soutenir à sa croissance un solide tuteur capable de résister aux brises maritimes.

— Avec ce long pieu, cet hiver, notre pin pourra braver les alizés dans les courants d’air de « La Mouette ».

Aurélien s’extasia, l’arbrisseau était grand comme lui et se mariait harmonieusement au site, d’ici peu il donnerait de l’ombre et plus besoin de parasols. Une photo s’imposa pour la postérité...

L’heure d’un repos mérité arrivait à son terme, les néo-pépiniéristes satisfaits du labeur accompli. Cependant, ils restaient intrigués par l’obstacle inconnu non loin de l’arbre planté. Ils s’y consacrèrent à bâtons rompus.

Des tiroirs de la commode, Mamie ressortit des plans pour vérifier si une cave faisait auparavant corps avec « La Mouette ». Face à l’absence de l’hypothétique présence, ils en conclurent qu’elle serait antérieure aux travaux de rénovation entrepris à son rachat par les parents de Danielle.

Ces espoirs d’une cave tombèrent à l’eau et s’en suivit une déception amère pour l’aïeul, regrettant son absence. En revanche, sur les plans, le puits y figurait avec ses huit mètres de profondeur pour y collecter l’eau douce. Endommagée, la pompe ne fonctionnait plus, autre regret exprimé vu le prix actuel de l’eau. Seule consolation, une sympathique rainette squattait l’embouchure évasée de la pompe, amusant les enfants. Bref, ce puits n’était plus que décoratif et contribuait aux jeux, tel celui de chat perché. Une banale destinée en somme…

« Puisant » dans ses lointains souvenirs, Danielle rappela que ses parents avaient acheté en 1972 la villa à des îliens de souche, date facile à retenir car l’année de naissance de Thomas, oncle et parrain d’Aurélien. Autre cocasse anecdote, le jour de l’achat chez le notaire à Saint Pierre d’Oléron, un tremblement de terre avait ébranlé l’île et sa proche région sur le continent, mais sans faire de dégâts. L’épicentre se trouvait dans une faille guère éloignée des côtes, bien identifiée des sismographes et située près des îles charentaises. Souvent, de bénignes secousses telluriques faisaient l’objet de mesures anodines, rajouta Mamie. Il était important de rassurer son petit- fils.

— C’est certifié, insista Danielle, le risque de tsunami n’existe pas ici… 

Pour revenir aux ex-propriétaires, Papi redemanda s’ils n’étaient pas vignerons, les vignes alentour ne manquaient pas, souligna-t-il en insistant. De quoi s’attirer de courroucés regards de l’épouse. Avec moquerie, Mamie rajouta que ces gens n’auraient pas été assez sots pour laisser derrière eux un quelconque trésor. Surtout s’il prenait la forme d’un super magnum ou super Jéroboam millésimé.

Jamais en peine de suggestions, Aurélien émit alors l’idée de l’hypothétique présence d’une sépulture, consécutive à un meurtre, genre l’affaire Dominici ou encore d’actualité avec sa réhabilitation, l’affaire Seznec, cet ancien bagnard.

L’adolescent soutenait sa thèse, extrapolant sur ces propriétaires qui auraient ainsi fui en bradant la villa puisque le papi René ne l’aurait pas trouvée si chère…

Les temps avaient depuis changé, « La Mouette » valait désormais une petite fortune, bien que sa valeur sentimentale n’ait pas de prix.

Enfin, Papi proposa de pousser plus loin leurs investigations, plaisantant alors sur l’hypothétique rencontre avec la nébuleuse présence du Fantôme de la Mouette.

Il n’en fallut pas davantage à Aurélien pour renchérir avec ses lectures favorites d’Hercule Poirot, de Rouletabille ou d’Harry Potter. Pêle-mêle, meurtres et trésors y furent abordés.

Aussi, bien que tardive, l’heure avancée ne dissuada pas les deux compères. D’un commun accord, ils reprirent leurs outils pour tels des fossoyeurs professionnels, mettre à nu l’énigmatique plaque métallique. Ils espéraient que le harassant travail en vaille la chandelle…

Après ces efforts, nettoyé de sa terre, l’objet métallique apparut aux dimensions rectangulaires. Il obstruait un conduit de la taille d’un enfant, mais dépourvu de poignée, il en interdisait son soulèvement, la ferraille probablement scellée.

— À ton avis, cela te fait penser à quoi ce dessein sculpté dans la plaque ?

— J’opte pour un blason aristocratique, qu’en dis-tu Papi ?

— Oui, genre armoiries peut-être.

L’inattendue découverte se concrétisa par une soudaine danse indienne initiée par un aïeul hululant sous l’œil amusé d’un fiston enthousiaste à l’idée d’une imminente chasse au trésor.

Récuré, puis bien mis en évidence sous une source lumineuse brandie par Danielle, ledit blason affichait des signes uniquement identifiables par des initiés en héraldique, mot pour l’étude des armoiries.

En relief, on y reconnaissait un gréement à voile, de type trois-mâts. L’allure de ce fringant esquif différait de celle d’un vaisseau fantôme comme l’aurait imaginé le garçon. Sur des vagues figurées en relief, toutes voiles dehors, l’embarcation voguait sur des flots sombres, l’ensemble de l’œuvre de grande qualité.

Le trio en oublia le jeune pin à peine mis en terre, involontaire héros de la découverte et se focalisa sur l’identification du vaisseau. D’où les comparaisons pêle-mêle avec la galère La Réale, ou autre goélette des célèbres frères de la côte, de quoi diviser les avis de ces pseudo enquêteurs, piètres amateurs en la circonstance.

Aurélien ne put s’empêcher d’évoquer les pirates écumant la mer des Caraïbes, époque des Jean Bart, Surcouf et autres hardis corsaires, parfois certains borgnes, ou autres inquiétants unijambistes ou à crochet qui semaient la mort sur ces mers. L’une, la mythique mer des Sargasses y accueillait ces vaisseaux fantômes, victimes expiatoires de ces cruels écumeurs...

— Reviens les pieds sur terre, moussaillon. Comme tu l’as baptisée, Ta Porte de l’enfer n’est pas la présumée cachette d’un quelconque trésor.

— C’est vrai Papi qu’elle est insolite et qu’il y a peu de chance d’y trouver de mystérieux entrepôts d’anciens pirates. Quoique…

L’étrangeté de la découverte ne pouvait qu’interpeller le trio. Le mystère restait insoluble, tout comme l’incohérence de son existence. Le site était éloigné de vieux châteaux, référence aux armoiries ou encore d’anses et autres criques servant de refuges aux pirates d’antan. D’ailleurs, selon Papi, Oléron n’avait jamais défrayéla chronique comme éventuel repaire de pirates. En revanche, méthodique, il s’employa à faire le recensement des édifices de l’île.

— Dans les demeures châtelaines existantes, je ne vois à l’entrée nord de Saint Pierre que le manoir de Bonnemie.

— Tu en connais ses armoiries ?

— Non, mais facile à retrouver. Ce manoir a survécu aux affres des guerres de religion, puis à celles tout aussi meurtrières de la Révolution. Cette gentilhommière fut édifiée en l’an treize cent trente-quatre par Le Berton.

— En inversant les syllabes, on lirait Le Breton.

— Rien à voir avec La Bretagne. Sache fiston que la dynastie de ces Le Berton est réputéecomme vieille noblesse de robe. L’édifice a conservé son charme patriarcal avec ses trois solides tours d’angle qui entourent un donjon au dôme galbé, typique de ces ex-demeures fortifiées. Mais selon mes souvenirs, sur l’écu Le Berton, comme sur le blason des Alesmes, autre famille seigneuriale dont leur résidence correspond à l’actuelle Mairie de Saint Pierre, il n’existe pas de trois-mâts. Alors…

— Comme dirait Shakespeare dans Hamlet, « That is the question ? », répondit le garçon. 

Aussi, fut-il décidé que demain, il ferait jour pour venir à bout de la plaque réticente. Resterait à découvrir l’origine de l’armoirie sculptée.

Lors du dîner s’éternisant, les propos laissèrent place à des hypothèses plus ou moins farfelues, certaines proches du cocasse, comme Long John Silver, réputé pirate à la jambe de bois, roman de « l’île au trésor ».

Soumis aux tests de Papi, Aurélien cita Stevenson, auteur de ce chef-d’œuvre et dans un autre genre de Docteur Jekkil et Mister Hyde.

Puis s’en suivirent d’autres élucubrations.

Pour une première journée, la coupe était pleine et malgré la fatigue, l’ado s’en abreuvait à satiété. Demain serait certes un autre jour, mais ce soir il faudrait éviter que le claudiquement de la jambe de bois de Long John Silver ne vienne transformer ses rêves en cauchemars…

Chapitre 3

L’énigme de l’île au trésor !

L’idée d’île au trésor ouvrait à de belles aventures et ce même si La Gautrie n’avait pas le cadre similaire de l’odyssée du pirate sanguinaire Long John Silver. Toutefois, il resterait à découvrir ce que pourrait bien cacher « La Mouette ». Mais avant d’investir les profondeurs de la villa, selon Georges, il faudrait procéder avec méthode. C’est ainsi que la piste de l’origine « d’Oléron » fut engagée, de quoi revisiter les connaissances et étudier les réponses des autochtones, gardiens farouches des secrets insulaires.

La première version abordée fut celle d’un dénommé Liquinio, personnage détenant la réputation sulfureuse d’avoir été l’exterminateur des Chouans pendant la guerre de Vendée. Il avait pourchassé les rebelles jusqu’à l’océan, leurs rares survivants se réfugiant dans l’île d’Oléron. Certains dirent que ce Liquinio l’aurait désignée : « d’île aux larrons ».

— Cela se tient, souligna Danielle qui connaissait la version.

Appréciant la réplique, Georges continua, Aurélien s’abreuvant avec plaisir de ces anecdotes historiques.

— Déjà avant eux, l’île se voulait terre d’asile pour malandrins en délicatesse avec la justice du continent. L’île sauvage prêtait ses espaces à l’accueil de fugitifs en délicatesse avec la société. Dès lors, « Larron » aurait évolué, habituelle dérive du vieux français pour se transformer en Oléron...

— Sans vouloir te contredire Papi, je dirai que c’est un peu tiré par les cheveux, remarqua Aurélien…

— Je te l’accorde et j’ai une autre version qui mérite le détour, bien plus ancienne, mais aussi sujette à caution.

— On voyage, c’est super, s’enthousiasma le Poulbot.

— Antérieurement à Liquinio et ses Chouans, un Romain dénommé « Pline l’ancien » baptisa l’île d’Ouliarus.

— Ton Pline, est-il l’inspirateur du Spleen de Baudelaire ?

— Amusant ton jeu de mots et bravo pour ta culture. Non, ce Pline-là était amiral et naturaliste latin. Pour mémoire, il périt lors de l’éruption du Vésuve en l’an 79 après Jésus Christ. Il aurait dénommé l’île : Ouliarus, rapport peu évident avec une onomatopée imitant le bruit des vagues.

— Perso, je préfère la version de Liquinio et de l’île aux Larrons.

— Avant de choisir, reste à écouter la dernière hypothèse.

— Je suis tout ouïe, Papi !

— Au Moyen âge, on retrouve le nom d’Oléron avec des mots comme Olus-Oléri qui signifiait : terre produisant des légumes. Dans un de ses écrits, on possède la preuve que le noble Le Berton de Bonnemie en donnait déjà l’explication suivante : « elle était si abondante en plantes médicinales et odoriférantes, qu’elle en a pris le nom d’Oléron ». Ce mot viendrait de « insula olerum », c’est-à-dire en vieux français la traduction pour : « Isle des herbes odoriférantes et médicinales ». Qu’en dis-tu ?

— Plus vraisemblable, mais je préfère la version d’île aux Larrons de Liquinio. Mais pour déterminer d’éventuel rapport avec « la porte de l’Enfer », tes explications sont de bonnes pistes. Bravo pour ce temporel voyage instructif.

Le délire s’intensifiait, et ce, indifféremment de l’âge.

Plus raisonnable, Mamie refusa de se laisser entraîner dans les imaginaires roulis de ces deux loups de mer. Objective, elle calma le jeu, leur rappelant que la pêche resterait la priorité du lendemain et leur « Porte de l’Enfer » en cet état ne s’envolerait pas, clôturant tout débat.

— Demain il faudra se lever tôt. Notamment pour toi petit bonhomme et aussi ton Papi qui redevient un vrai garnement à ton contact. Il a aussi besoin de sommeil, voilà trois nuits qu’il cauchemarde à t’attendre.

— Mamie, je ne suis pas fatigué. À Paris, je ne me couche pas avant onze heures du soir car je lis beaucoup.

— Ici, le grand air provoque un effet somnifère, tu verras que tu ne tarderas pas à roupiller.

— Tu viendras avec nous à la pêche Mamie ?

— Non, j’ai mieux à faire. J’irai voir Madame Josette. En l’occurrence, il s’agit de la fille des ex-propriétaires de « La Mouette ».

Après les courses, Danielle irait questionner l’alerte et sympathique octogénaire, voisine à l’entrée de l’impasse « La Cocarde » et protectrice de la gent féline. Elle accueillait les chats abandonnés du canton, d’où son surnom respectueux de « Madame SPA ». Danielle espérait qu’elle lui confie des souvenirs, notamment sur le vieux puits. Mais pour l’heure, il serait temps d’aller au lit. La fatigue à cette première journée de vacances, voyage, bain et fouilles profondes dans le jardin existait bel et bien.

Installé dans sa tente igloo, Aurélien était inquiet de côtoyer de si près l’énigmatique « Porte de l’Enfer ». Sous les étoiles de ce magnifique ciel d’été, l’adolescent ne semblait guère rassuré à dormir seul. À sa décharge, d’habitude Gwénael son jeune frère partageait l’habitacle. La confiance y était plus sécurisante à deux, surtout pour affronter les rêveurs spectres de la nuit. Heureusement, les lumières extérieures éclairaient le jardin, redonnant meilleure allure aux feuillages aux formes fantomatiques.

Sept heures sonnaient au carillon du village succédant aux chants du coq et aux roucoulements des tourterelles et autres gazouillis de dizaines d’oiseaux, tous unis dans leur matinal concert.

La guitoune en toile n’était pas la panacée de l’insonorisation. Les bruits campagnards avaient eu raison de son sommeil profond.

À l’ouverture de la tente, Aurélien fut accueilli par ses grands-parents qui avaient déjà déjeuné. Lève-tôt, ils assistaient au réveil de la nature au sein de leur coquet jardin, plaisir évident dont on en mesure mieux la portée, l’âge y aidant.

Le premier bisou matinal et un « bonjour » joyeuxfurent échangés.

Frais et dispo en dépit des brumes du sommeilnon toutes dissipées, l’ado déjeuna avec appétit, avalant ses tartines au Nutella. Puis, bon pied bon œil, il était fin prêt à partager l’emploi du temps de ses grands-parents, disponibles à sa seule écoute, ce qui en flattait son ego.

— Alors, tu n’as pas fait d’affreux cauchemars avec Long John Silver et sa jambe de bois martelant ta « Porte de l’Enfer » ? s’enquit Papi, impatient de lancer les débats ?

— Non ! Mais il s’en est fallu de peu pour que j’accepte de vous rejoindre dans la villa. J’ai été contraint à me familiariser avec les bruits de la nuit, dont paradoxalement l’oppressant silence, si différent à la capitale.

— Mais tu aurais dû venir, mon petit lapin, regretta Mamie.

— Oui, j’y ai failli car j’ai entendu un grondement sourd provenant des alentours du puits.

— Et bien figures-toi que moi aussi je l’ai perçu ton grondement et me suis vite levé pour en déterminer l’origine.

— Et alors ?

— Quelle n’a pas été ma surprise, renchérit un Papi mimant une attitude trop sérieuse pour être honnête.

— Qu’as-tu vu de si fantastique, questionna Aurélien d’un ton où perçait l’incrédule curiosité.

— Il était pile minuit et il s’en est fallu de peu pour que je sois écrasé par le petit train touristique de Chassiron, converti en train fantôme et roulant à toute allure dans les ruelles de La Gautrie. Il ramenait les squelettes des pirates partis faire leur fiesta au phare de Chassiron…

Consécutif à sa mise en boîte, l’éclat de rire fut communicatif, chacun imaginant ce spectacle à la fois gai et lugubre, un remake du film « Pirates des Caraïbes… »

Nullement vexé d’avoir sottement mordu à l’hameçon, l’ado confirma d’avoir entendu ce drôle de bruit sourd dans le sous-sol.

Volant à son secours, Danielle suggéra qu’il n’était plus habitué au bruit des marées avec le roulement des galets. Elle rajouta que selon le vent, il était fréquent d’entendre ces typiques sourdes résonances. L’hypothèse rassura l’adolescent, soulagé d’y croire en lieu et place de spectres avec de lourds boulets de bagnards.

« Grand pêcheur devant l’éternel », plaisanterie coutumière de Papi, ce dernier avait préparé le matériel pour la pêche à pied.

Une toilette succincte, enduit de crème pour se préserver du soleil, sa casquette bien enfoncée et le duo gagna la côte située à deux cents mètres de « La Mouette ».

Sur place, un spectacle à vous couper le souffle, tant la beauté et la pureté étaient palpables.

Parsemées d’écluses, pièges destinés à emprisonner le poisson et crustacés retenus captifs à marée basse, la côte méritait l’appellation de « sauvage ». À la différence de celle face au continent, de plein fouet ce côté est affrontait les assauts de l’océan. Ainsi, lors de terribles tempêtes hivernales, les eaux effritaient les falaises, provoquant une lente érosion. D’ailleurs, le premier phare et autre sémaphore édifié sous Colbert, ministre de Louis XIV, n’y avaient pas résisté. Aussi depuis, afin d’éviter pareille mésaventure, les ouvrages furent reconstruits plus en retrait.

Sous la violence des tempêtes, de courageux arbres en bordure les bravaient, pins et tamaris victimes de ces hivernales bourrasques. Leurs troncs ployaient dans une attitude limite révérencieuse. Hirsutes, leurs ramures pendaient telles des silhouettes aux formes bizarroïdes ou, de nuit ou par brouillard, s’apparentaient à des fantômes de film d’épouvante. Un décor concocté par le pinceau du diable en personne.

Toutefois, l’été, tout y était bien plus réjouissant. Le vent ne sifflait plus dans leurs branches et la luminosité ambiante transformait leurs allures biscornues en des personnages déférents, leurs feuillages caressant les visiteurs…

Embrassant d’un regard ce paysage magnifique, puis revenant à la réalité en abordant les lieux de pêche, Aurélien nota qu’il était huit heures du matin et le soleil pas très haut dans le ciel pour réchauffer les galets mouillés. La marée serait fin basse à neuf heures trente, un délai suffisant. Techniquement, deux heures environ étaient nécessaires pour une collecte de coquillages ou crabes. Seul inconvénient, le coefficient ne dépassait pas le degré de cinquante, un médiocre indice. Sous l’attraction de l’astre lunaire, l’océan se retirait lentement pour ne découvrir qu’une faible étendue de roches et de sable.

En réfléchissant à ces variations, Aurélien regretta de ne pas être là pour les grandes marées de septembre, dites d’équinoxe. Celles-ci dépassaient de plus du double la mesure de ce jour. Une révolution astrale où se positionnait un alignement entre la terre, la lune et le soleil. Aujourd’hui et sauf miracle, il faudrait envisager une pêche modeste, mais le plaisir serait au rendez-vous.

Sandales en plastique, « les grenouilles » s’imposaient pour se mouvoir en toute sécurité sur les aspérités rocheuses. Le panier aux crabes en bandoulière, la « gratoche » en main, outil pour remuer le sable, ne restait qu’à farfouiller. Aussi, regarda-t-il avec attention son Mentor, expert en la matière. Georges connaissait les meilleurs endroits. Les prises à peine trouvées firent l’objet de précis commentaires, dont le respect des tailles à prélever. Sauvegarde de l’espèce oblige.

Durant ce mini forage s’ensuivirent les explications sur l’obligation de présence de sable ou de vase, impératives conditions pour trouver les plus grosses. Dès lors, la leçon enregistrée, chacun vaqua à ses investigations.

Non loin d’eux, une concurrence veillait. Le duo était épié par des mouettes. Non « rieuses », en l’occurrence, elles se montraient inquisitrices face à ces intrus. Leurs cris ressemblaient à des ricanements, ce moins gracieux en comparaison à l’élégance de leur vol.

Pour assister à l’aérienne évolution, Aurélien leur lança une pierre, prétextant avoir ressenti leurs ironiques critiques sur ses piètres résultats.

Ces volatiles ne faisaient pas partie de la catégorie aviaire des migrateurs, donc non protégée. Même à la limite, ils seraient nuisibles selon l’amendement de 1981, autorisant le ministre de l’Environnement à statuer sur leur destruction dans les endroits où leur prolifération serait excessive.

Pour l’heure, l’ado ne percevait pas de danger justifiant d’attenter à leur vie. Seuls points noirs réprouvés, leurs déjections sur les édifices communaux. À Paris aussi, les pigeons étaient devenus persona non grata et il était désormais interdit de les nourrir, ce qui attristait leurs fans…

Subitement distrait plus que par ces volatiles, l’objet de son intérêt se situait à moins de cinq cents mètres de sa pêche. Fier et élancé, le phare de Chassiron siégeait sur l’extrémité de l’île.

Comme chaque année, Aurélien irait l’escalader, arpentant l’escalier en colimaçon avec ses deux cent quatre-vingts marches. Épreuve difficile et haletante avant d’accéder au sommet, là où parvenu à ce mini Everest, on méritait ce point de vue élevé sur le ciel et les environs charentais...

L’ado se remémora que l’année dernière, il avait fini essoufflé mais heureux de bénéficier d’un panorama magnifique. Une vue imprenable et il s’était pris pour le géant Gulliver, regardant au sol les pêcheurs ressemblant à des lilliputiens.

L’éternel rêveur sourit à ce souvenir, puis se consacra à la recherche de ces introuvables palourdes. Il n’ignorait pas que sa concentration serait synonyme de réussite et il se fit violence pour revenir sur le plancher des coquillages.

La compétition serait rude, d’autant qu’il s’agissait d’une évaluation où on ne se battait que contre soi-même. À ce jeu, revers de la médaille, chaque concurrent était souvent perdant, sauf quand il battait son record.

Après deux heures, le seau de Papi était à moitié rempli. Vu le faible coefficient de marée, cela correspondait à une prise moyenne et faudrait penser à rentrer, la mer remontait lentement.

À défaut de concurrencer son grand-père, Aurélien avait pris des crabes. De tailles respectables, plusieurs s’entassaient dans son panier. L’honneur serait sauf et Mamie aurait de quoi s’occuper à cuisiner et les amateurs à les déguster…

Chapitre 4

Confidences !

Danielle les attendait de pied ferme. À croire que sa propre pêche aux renseignements était meilleure que les maigres contenus des paniers. Comme projeté, la rusée Mamie avait discouru avec Josette. D’un naturel sociable, heureuse de parler à autre que ses chats, « Madame SPA » lui avait fait des confidences nécessaires à élucider la présence de l’énigmatique plaque. Mais avant d’obtenir des éléments exploitables, elle dut patienter, avec des anecdotes sans rapport avec le mystère recherché.

Excités, les pêcheurs restèrent pendus à ses lèvres, qu’elle avait d’ailleurs très jolies, dixit son mari.

— Ce que je vais vous raconter vaut son pesant de cacahuètes.

— J’en salive déjà, répondit Papi, imité en cela par Aurélien se désaltérant d’un coca light, Danielle veillant à sa santé.

— Après la guerre, les parents de Josette ont racheté notre villa et en conservèrent le patronyme, imités par les miens.

— À ce propos, je la trouve rouillée ta plaque sur fond métallique jaune, elle aurait besoin d’être changée.

— Non ! je m’y oppose, elle symbolise son âge et aussi son mystère.

— Mais pourquoi son nom figure au singulier, alors que plusieurs mouettes y sont représentées ?

— Pour faire parler les imbéciles ! Arrêtez de m’interrompre où on va déjeuner à l’heure du goûter.

Affamés après deux heures au grand air, les pêcheurs se firent conciliants.

— Je disais qu’en début des années 1950, l’habitation était une maisonnée spartiate pour pêcheurs et cultivateurs.

— Les deux ? osa Aurélien, assailli d’un regard noir.

— À cette époque, la vie sur l’île était plus rustique que de nos jours. Les Oléronais n’allumaient pas l’électricité en permanence et encore moins posséder d’IPOD et autres gadgets pour écouter tes musiques de sauvage. Ces îliens se devaient de diversifier leurs revenus pour survivre. Ils n’allaient jamais en vacances eux, ceci dit sans te le reprocher mais afin que tu puisses comprendre le spartiate contexte d’époque.

— Pardon et poursuis s’il te plaît.

— Ce premier revendeur de « la Mouette », et dont, hélas, Josette n’a plus souvenance du nom, aurait eu de graves démêlés avec la maréchaussée.

— Wouhaw, osa crier Aurélien face à l’œil réprobateur et l’interruption du monologue.

— Selon Josette, ce n’était pas n’importe quel méfait si on en jugeait par la sanction prise ainsi qu’à deux complices. L’olibrius se présentait telle une personne de petite taille, genre nain, qualificatif ici tabou. Hormis le handicap, ce présumé nabot était une robuste personne mais à l’aspect plutôt disgracieux, cumulant avec la tare de nanisme celle d’une proéminente bosse au dos.