Labyrinthe en Libye - Georges Brau - E-Book

Labyrinthe en Libye E-Book

Georges Brau

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Beschreibung

D’actualité brûlante, Paul « Honorable correspondant » de la DGSE reçoit pour mission de démanteler un réseau de passeurs de migrants opérant à partir des côtes libyennes.

Au fil de l’enquête, renseigné par des agents, ex-coéquipiers clandestinement intégrés aux cohortes migratoires et traversant l’Afrique dans des conditions extrêmes, non sans difficulté, Paul parviendra à remonter les filières marocaines et tunisiennes qui le mèneront très vite jusqu’en Libye.

Avec l’aide dynamique et efficace des Forces Spéciales Françaises, 1er RPIMa SAS et 13ème RDP, Paul démantèlera un réseau comparable à une gigantesque pieuvre aux multiples et ravageuses tentacules et dont le cerveau ne serait qu’un membre de Daesh, organisateur de ce rentable trafic pour renflouer leur trésorerie.
 
Des faits réels bien que romancés et où le lecteur découvrira le mode opératoire de ces passeurs qui en permanence bénéficient de l’odieuse complicité de certaines ONG à l’intérêt commun pour que ce trafic perdure en dépit d’une Europe beaucoup moins accueillante et moins laxiste.
 
Ancien officier supérieur d’organismes qualifiés de « spéciaux », l’auteur plonge le lecteur dans l’univers guerrier de ces parachutistes de l’ombre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Georges Brau

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Georges Brau

Labyrinthe en Libye

Roman

© Lys Bleu Éditions – Georges Brau

ISBN : 979-10-377-0432-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Safari de Sarajevo au Darfour

Loups de guerre

Nébuleuse afghane

Passé par les armes

Mission spéciale au Sahel

Entre deux feux

Filière pour Mossoul

Traque en Centrafrique

Uchronie pour guerriers de l’ombre.

Avant-propos

« Honorable correspondant » de la DGSE et ex-officier supérieur des Forces Spéciales, Paul se voit confier une mission pour neutraliser un chef terroriste en Libye, depuis reconverti en passeur de migrants afin de renflouer les caisses exsangues de Daesh.

Au pseudo d’El Mansour le Balafré, cet ex-lieutenant de Daesh en Irak « organise » en toute impunité des transferts migratoires lucratifs. Il surfe sur l’exode d’Africains face à la crise économique, même si nombreux prétexteront son contraire, conseillés d’ONG compatissantes pour s’affubler du statut de réfugiés politiques.

Pour ce mafieux, organisation d’un réseau tentaculaire à travers l’Afrique jusqu’aux côtes méditerranéennes et avec en terminus : La Libye où il opère.

Les difficultés à remonter sa trace conduisent les employeurs de Paul à désigner sa mission du nom de « Labyrinthe ». Pseudonyme pour synthétiser la difficulté, ses prédécesseurs impuissants à localiser ce nouvel ennemi public numéro un.

A contrario de tous les chemins qui mènent à Rome, à ce nouveau fil d’Ariane, jusqu’ici les recherches ont échoué, deux agents évaporés sans n’avoir pu retrouver la trace d’El Mansour. Un dédale peu évident, d’autant que ce trafic d’êtres humains facilité par la complicité d’autorités locales, corrompues et peu coopératives envers les Européens chargés de réguler cette trop envahissante migration…

À charge de Paul et à son Team de démanteler ce réseau de trafiquants, quitte à se métamorphoser en mythique Thésée, vainqueur du Minotaure et à dérouler ce fil d’Ariane jusqu’en Libye pour y neutraliser ceux y sévissant. En clair, éliminer ce réseau de Daesh qui organise ces migrations pour renflouer son trésor et profitant d’infiltrer des agents dormants en Europe afin d’alimenter son omniprésent terrorisme…

Comme chez tout roman, j’insiste, c’est de la fiction. Toutes ressemblances ou similitudes avec des personnages existants ou ayant existé, ainsi qu’avec des sites d’actualité ne seraient alors que coïncidences.

Toutefois, le lecteur averti ne peut ignorer, que la trame s’appuie sur quelques faits réels, où souvent et toujours invisibles, sont impliqués les guerriers de l’ombre…

À Yannick et Alain et à nombreux Frères d’armes qui se reconnaîtront ou pas…

À Nicaise pour sa précieuse collaboration.

1ère Partie

Début de filière

1

Marseille

À l’accueil de Marignane, un binôme athlétique s’empressa courtoisement de prendre la valise et le sac de voyage de Paul. Limite timides, ces fiers à bras étaient peut-être impressionnés par la réception de celui dans le milieu barbouze affublé du pseudo : « The Légende ».

Athlétiques, ces agents s’efforcèrent de rester « passe-partout » et aux antipodes des clichés de « Gorilles » aux lunettes noires, oreillettes et bras gros comme des jambons de Bayonne. Personnages repérables entre mille, dégageant à plein nez leur statut d’espions ou de body-gardes.

Ce binôme discret s’était spontanément dirigé vers leur cible, preuve d’une identification par photo, nul besoin de déployer une pancarte avec patronyme même si occasionnellement d’emprunt.

Ils se présentèrent du mot code, suivi mais plus silencieux de « mon colonel ». Un respect limite audible, précaution si des échos peu chastes le percevant.

Amusé, Paul y répondit par un sourire. Mais profession oblige, d’un regard circulaire, il fit son tour d’horizon. Habitudes pratiquées aussi à la pêche avec choix d’un lieu reculé pour n’y être jamais surpris.

Le barbouze n’ignorait pas que sa tumultueuse vie aventurière aurait suscité des vocations vengeresses. D’où ces précautions routinières, y compris quand encadré.

Le véhicule était aussi sobre que ses transporteurs, rien à voir avec un Jason Statham, héros du Transporteur, conducteur émérite d’Audi noire hyper puissante. Là, une peu rutilante Peugeot 308 bleu-foncé, apparemment pas de première jeunesse. De quoi faire sourire le voyageur, comparant ces deux styles de transport et en final le préférant car moins repérable.

Cependant, resterait à déterminer si c’était en rapport à l’actualité. En clair, conséquence aux restrictions budgétaires. Une démagogie récente où fonds secrets et caisses noires seraient contrôlés afin de respecter la volonté politique de transparence. Un héritage « Jospinien », et obligeant « La Piscine » à se « débrouiller » autrement.

En aparté ironisa mentalement Paul :

— « Les voies du Seigneur restent impénétrables ».

Bref, ces jeunes agents au look cool pourraient se fondre parmi les conducteurs UBER à la recherche de clients potentiels dans ce grand aéroport provençal.

Les bagages en coffre, l’espace d’un flash mémoriel, ce dénommé Jean-Pierre lui rappela un de ses sergents des années 83. Souvenir où Paul commandait la 4ème compagnie au 9 Régiment de chasseurs parachutistes. Cet autre JP devenu ensuite une figure de « La Piscine ».

Cordial et respectueux envers une « vieille suspente » au surnom élogieux de « The Légende », ce JP lui demanda si un itinéraire de préférence pour l’hôtel. Gîte réservé par « La Boîte » sur les hauteurs de « La bonne Mère », établissement qui possédait plusieurs sorties et du personnel complaisant, aidé en cela par de belles étrennes de fin d’année et fréquents pourboires conséquents.

L’intéressé répondit par la négative, notant au passage qu’on avait briefé ses accompagnateurs sur sa bonne connaissance de cette ville.

Marseille lui était familière, y séjournant à son retour d’Algérie, comme ces rapatriés après l’indépendance du pays. Il y logea quelques mois chez un oncle, frère de sa chère défunte Maman.

Toutefois, sans doute que ces agents devaient ignorer, qu’avant de fréquenter la Cannebière et autres plages du Prado, Paul fut surtout pensionnaire des Baumettes. Avatar consécutifà son arrestation les armes à la main dans sa ville natale à Oran. Là où il se battait en vain, tel un Don Quichotte face à des moulins à vents, les siens en l’occurrence très utopiques pour que son Algérie reste Française. Une incarcération avec pour seul bénéfice prématuré, l’expérience de combattant qui lui servirait dans sa future carrière chez les parachutistes.

À ce reculé souvenir, plusieurs images défilèrent, film haché des aventures de sa jeunesse. Scènes où il se revit à la descente de La Caravelle ence même aéroport et son transfert en « Panier à salades » et motards d’escorte, sirènes hurlantes comme si l’arrestation de Pierrot le fou ou de Mesrine.

Une arrivée peu glorieuse pour le conduire en prison politique où il y végéta six mois, alors qu’âgé de dix-huit ans. À cet âge, il y bénéficia de l’amnistie, car non majeur, époque où la loi serait de vingt et un ans révolus. Une chance dans son malheur à la différence de ses camarades aînés qui y croupirent des années.

Effectivement, nombreux n’eurent pas ce favorable destin dans cette chasse aux sorcières, dont des officiers passés par les armes dans les fossés de leur prison. Souvenirs fugaces de ces fringants De Gueldre ou Bastien-Thierry, toujours et à jamais ses idoles…

(Lire : Passé par les armes)

Passant à autre chose pour oublier ces fantômes, la fenêtre entrouverte, Paul humait l’air méditerranéen de ce début d’avril, avec ses relents de farnienté sous un soleil revigorant.

Un itinéraire, où il rechercha en vain ceux fréquentés dans sa lointaine jeunesse phocéenne. Une quête inutile, le progrès depuis passé par là. Comme beaucoup de métropoles, Marseille était devenue polluée et il valait mieux refermer les vitres.

Depuis longtemps, ne s’y entendaient plus les cigales de Pagnol ou les chants de Manon des Sources et autres altercations folkloriques des parties de cartes de César et d’Escartefigue, dont le célèbre : « tu me fends le cœur et à toi, il ne te fend rien ».

Nostalgiques lectures en cellule des Baumettes, sélectionnées par son Mentor d’alors, Jacquot, ex-prof de lettres agrégé du Lycée Lamoricière d’Oran, également taulard pour garder leur Algérie Française.

Indéniablement et depuis, beaucoup d’eaux avaient coulé sous les ponts, obscurcissant hélas les idéaux d’alors. Même si ne les reniant pas dans ses soirs de nostalgie où ils ressurgissaient tels des fantômes.

Habitué à vivre avec ses spectres, non incompatibles à son job « d’Honorable correspondant » et de son ex-carrière d’officier dans les Forces spéciales, il revenait de nouveau se battre pour sa France. Même si transpirait sa vivace rancune envers ceux les ayant trahis, dont le : « Je vous ai compris », même si en 1940, fortement à remercier…

En roulant, Paul peinait à reconnaître son environnement de fin d’adolescence. Nombreux immeubles occupaient d’ex-espaces libres et la circulation était devenue intense et anarchique. Ici comme en Afrique, on klaxonnait pour rien. Les feux jaunes y étaient allégrement brûlés et provocants des encombrements où aucun « Poulet » n’oserait s’y confronter, au risque pour cet inconscient d’y laisser ses plumes.

Constatation négative en comparaison à son court passé méridional, certes coloré mais déjà aussi peu soucieux des lois. D’ailleurs, d’internationaux trafics proliféraient, fréquent d’assister à des règlements de compte sanglants et sans que la Police ne retrouve jamais leurs auteurs. L’Omerta y régnait et même si identifiés, les assassins sembleraient parfois préservés. La corruption y avait tout pourri, d’autant en attente de prochaines élections où pour gagner des voix, les politiciens deviendraient sourds et aveugles, abandonnant à la mafia locale la liberté de faire proliférer leurs trafics.

Pensif, Paul remarqua que cela le dépaysait de sa douce quiétude de l’avant-veille où il pêchait petites dorades et autres éperlans dans le canal du Douet en l’île d’Oléron. Retraite où il y venait oublier son passé tumultueux et jonché de cadavres, même si héritage glorieux d’éliminer brebis galeuses et malandrins terroristes. Mais avec en revers de la médaille, la perte d’êtres chers. Frères d’armes morts au combat dans ces guerres tous azimuts où y opèrent loin des scoops médiatiques, ces guerriers de l’ombre…

Certes, à ce jour, il ne regretterait rien, toujours disponible à neutraliser ces assassins d’innocents. Cependant, l’âge aidant, Paul reconnaîtrait du bout des lèvres, de fatiguer, hésitant de répondre « présent » à quelques sollicitations.

Sans doute aussi, la résultante d’un jeu hypocrite envers ses proches et amis, auxquels il jurait depuis longtemps que ce serait la der des ders. Malhonnête, il n’ignorait pas que c’était sa drogue dont devenu si accro, au point d’occulter les dangers alentour.

Seule excuse et peut-être faudrait-il s’en réjouir, son cerveau vieillirait moins vite que son squelette, l’incitant à relever le challenge en dépit de toute logique sagesse…

Là cependant, sa raison trouverait son origine avec les noms de camarades disparus, précédemment en charge de cette future mission. Deux y avaient échoué, volatilisés corps et âmes, sans ne plus donner de nouvelles. Auraient-ils été exécutés ou croupissaient-ils dans des geôles de Daesh ? Moralement, Paul s’en serait tenu responsable et au début hésitante, sa réponse devint positive, s’inscrivant limite dans une routine, quand appelé par la « Maison parisienne ».

Bref, plus question de laisser opérer tranquillement cet El Mansour, ex-bras droit du chef de Daesh en Irak et entretemps devenu ce mafieux spécialisé dans le trafic de migrants.

Aussi, promit-il à ses employeurs de retrouver ses camarades et si par malheur trépassés, tenter « l’au-delà du possible » pour les venger.

Face au décor phocéen si dépaysant, d’autres idées l’envahirent, sans ne pouvoir déterminer leurs causes. Faute d’excuses, il n’hésita pas à se mentir encore, sa vie aventurière souvent bâtie sur de difficiles challenges à relever. Dans le jargon barbouze : des « pots de pus », synonymes plus descriptifs que challenges.

Sa présence en lieu et place de sa pêche en île d’Oléron l’interpella, mais plus l’heure de ressasser et revenir à l’actualité, avec prise de connaissance de l’enveloppe tendue par Jean-Pierre.

Un classique identitaire avant départ à l’étranger, dont passeport, pièce d’identité, permis de conduire, deux cartes de crédit. Ensemble établi sous même patronyme de « Garcia », ce qui le rajeunissait, pseudo déjà utilisé par le passé.

Toujours né à Oran, il serait courtier en bijoux, pour ne pas dire « diamantaire », nombreux visas attestant de ses activités. Diamantaire le fit sourire, revenu depuis peu de Centrafrique, domaine d’exploitation de ces pierres précieuses.

(Lire : Traque en Centrafrique)

Son « Waouh ! » d’étonnement amusa la voiture. Paul découvrant qu’il existerait une madame Garcia, au doux prénom de Jocelyne. De là à lui rappeler une liaison impossible…

Les années passant, Paul resterait un éternel sentimental, même si la relation effleurée en souvenir ne serait que platonique…

— C’est qui ma nouvelle meuf ? Demanda-t-il estomaqué.

— Connais pas mon colonel, cloisonnement oblige. Sans doute, une jeune du Service Action, lui répondit l’interpellé avant de poursuivre.

— Thierry vous en dira plus, il arrive de Paris par le vol de 14 heures.

Paul apprécia l’annonce, le patron du Bureau des Légendes et parrain de son petit-fils viendrait le briefer. Toutefois, même si s’appréciant, Paul lui signifierait son mécontentement d’être « accouplé ». D’habitude, il préférait agir en solo et avec quelques-uns de ses chouchous, mais que des mâles…

Plus insidieusement, d’autres images passèrent en rase-mottes mémorielles. Visions émotives de Marie et de Zora, une malédiction sur les amantes récentes aux tragiques destins.

(Voir : Traque en Centrafrique et Entre deux Feux).

Demi-surprise, sa suite était déjà occupée, un parfum féminin l’interpellant. Les lieux vides, le bagagiste l’informa que Mme Garcia était chez le coiffeur et un retour pour le déjeuner. Il ajouta que Madame avait réservé une table pour déguster une Bouillabaisse.

— En plein dans le folklore, maugréa Paul, même si adorant ce plat.

Encore presque deux heures avant de faire connaissance avec son épouse et il rangea ses affaires dans cette suite trois étoiles. « La Boîte » ne se refusait rien pour mettre en bonnes conditions ses « free-lance ». À noter, puisque pas toujours le cas, d’autres lieux spartiates furent rapidement passés en revue dans ses souvenirs, dont de très sordides…

En rangeant, il constata sur des vêtements féminins, une majorité tenues d’été, ce qui l’interpella, n’étant qu’à mi-avril.

Mais un coup d’œil le fit sourire, au point d’en oublier ses futurs soucis à devoir jouer le faux mari attentionné. Sur la table du salon, un flacon étiqueté Jack’s Daniel l’attendait pour l’accompagner jusqu’au déjeuner. Madame Garcia connaissait ses goûts. Ce qui ne serait pas plus mal, nul besoin de perdre son temps à afficher ses plaisirs en alcool.

Pour le reste, philosophe, il anticiperait. Le plus important resterait sa rencontre avec Thierry pour en apprendre davantage sur sa mission, même si déjà subodorant le pire, le spectre des amis et agents disparus présents dans ses pensées.

2

Briefing

À son deuxième verre de Jack’s, la porte s’ouvrit, accompagnée d’un sympathique :

— « bonjour chéri, as-tu fait bon voyage ? »

Puis dans la foulée et reproche d’une épouse attentionnée :

— T’avais déjà soif ?

— Tu me connais ! répliqua simplement l’interpellé.

Devant les yeux ébahis de Paul, se dressait une splendide trentenaire montée sur hauts talons et flanquée d’un chasseur embarrassé à porter plusieurs emplettes.

Nonchalamment, cette miss lui ordonna de les poser dans la chambre et s’empressa de lui refiler dix euros pour le récompenser.

Cheveux courts, cette belle brune affichait avec élégance une allure sportive qu’auraient enviée des mannequins squelettiques. En flash, le souvenir de l’aguichante sosie de l’héroïne feuilleton TV « Chapeau melon et bottes de cuir ».

Bref à sa rapide évaluation, il conclut que la pétulante Jocelyne était une « Bombe » et s’autorisa une pensée machiste : rien à jeter.

Pour parfaire sa couverture d’épouse, Jocelyne n’hésita pas à embrasser Paul sur la bouche, un geste naturel pour retrouvailles.

Le chasseur n’en fut pas étonné et sortit, peut-être regrettant de ne pouvoir intervertir les rôles.

La porte close, amusé, Paul lui demanda si c’était écrit dans ses consignes de pousser le jeu à l’extrême, allusion au baiser. Non pas qu’il s’en plaindrait, crût-il bon de vite rajouter.

Puis afin de reprendre le dessus car estomaqué du sympathique allant, il la questionna de façon goguenarde jusqu’où iraient leurs limites relationnelles.

Comme si obligée de mettre le holà, elle lui répondit du tac au tac :

— Mon colonel, capitaine Jocelyne, brevetée nageur de combat et ex-chuteur-ops des Troupes de marine avec plusieurs OPEX à mon palmarès. Cela est-ce suffisant comme carte de visite.

En fin connaisseur, « le pedigree » impressionna Paul, mais fit en sorte de ne pas le montrer. Rares seraient les femmes dans cette spécialité, d’où son respect mental.

Mais déjà, la fille revenait au combat pour mettre les choses au point.

— Rassurez-vous, le baiser c’était pour l’alibi de l’hôtel, le chasseur ne manquera pas de le signaler. Ensuite, pour m’habituer à la suite de cette comédie. Notre différence d’âge fera jaser, encore que de nos jours, les vieux avec des jeunettes deviennent communs. N’est-ce pas ? Alors et selon les circonstances, je couvrirai ainsi nos arrières pour que tout observateur morde à l’hameçon.

— Je vois ! rétorqua son faux mari. Amusé, car la première fois où en mission il serait marié pour tromper ses adversaires.

À mieux y regarder, il restait très sensible à la beauté sauvage de l’épouse imposée. Grande, élancée, sportive à en juger par des mollets musclés, résultante de kilomètres de natation avec palmes. Bref, Jocelyne dégageait un sex-appeal naturel, même si ses cheveux courts et ses muscles apparents lui donnaient un zest d’allure masculine, d’ailleurs vite oublié en admirant d’autres belles formes avantageuses.

— Chéri, je me change et on descend déjeuner. Auparavant et s’il en reste encore, peux-tu me servir un Jack’s, les émotions de nos retrouvailles m’ont donné soif.

— OK ma Belle, mais ne te sens pas obligée de jouer la comédie quand seuls. À moins que tu aies vérifié que la chambre soit non clean avec caméras et micros. Ceci dit et pour ta gouverne, apprends que j’ai en horreur ces épouses qui font la morale à leurs maris…

Amusée de l’avoir « touché », Jocelyne jouait à fond son jeu de rôle, l’ayant tutoyé et taquiné.

Non rancunier, il lui servit une belle rasade, alors que poliment elle réclamait deux glaçons, le faisant tiquer, puisqu’une hérésie de déguster frais un tel nectar…

Flanqué de sa splendide Nana pendue à son bras, le couple s’attira les regards envieux des mâles de l’hôtel, certains même se retournant par réflexe pour mieux se rincer l’œil. En cause, une mini-jupe qui mettait en valeur des jambes interminables, effectivement splendides et du meilleur effet.

En s’asseyant et à dévoiler davantage ses cuisses galbées, Jocelyne prit le risque de déclencher des infarctus chez les clients. Intermède avant que le couple ne prenne son temps pour déguster une succulente bouillabaisse. Un label vanté par le maître d’hôtel, certifiant des poissons pêchés du matin.

Pas très loin d’eux, Jean Pierre et une compagne déjeunaient, ignorant la salle comme il sied à un couple d’amoureux. Une sécurité rapprochée, même si non justifiée et que Paul apprécia, une mise en confiance pour la suite.

Durant leur délicieux repas arrosé d’un rosé glacé, Jocelyne informa son époux que dans quarante-huit heures, ils s’envoleraient vers Marrakech au Maroc.

Puis là-bas, dans une des meilleures cliniques, elle s’y ferait peut-être remodeler les seins. L’aurait incité un prix défiant toute concurrence, dont prothèses garanties sans risques de complications futures.

En ce court séjour, ils logeraient dans le farnienté du réputé Club MED de la Mamounia, excellente couverture, même si séjour onéreux.

D’un regard, Paul joua l’étonné. De visu et en expert, il jugea que la splendide poitrine lui faisant face était opulente et vraiment rien à y retoucher.

Aussi comprit-il rapidement que la présumée raison esthétique servirait d’alibi à ce voyage à l’étranger. Sans doute, le début du labyrinthe à entreprendre pour les conduire vers une première piste…

Décidément, en conclut-il amusé, cette chasse au terroriste-mafieux lui offrirait de drôles de méandres pour en remonter la filière. D’où sa réplique et sans rien de relatif au tourisme pour fanas du Club MED :

— Les voies du Seigneur sont toujours aussi impénétrables, je ne m’y ferai jamais…

Une réplique qui déclencha un sourcillement chez Jocelyne ne décelant aucun rapport avec l’envie de redessiner ses formes. En revanche, plutôt flatteur selon son faux époux, qui les décrivit sans complaisance : d’idéales.

À 14 heures, repu, le couple Garcia fit mouvement. Conduit curieusement par l’acolyte de Jean-Pierre, un taxi les amena en une discrète calanque proche de la capitale. Un site paradisiaque et une vieille cabane de pêcheur, depuis modernisée, pour y rencontrer le sieur Thierry, alias le grand chef du « Bureau des Légendes ».

D’un regard, la bâtisse assurait toutes commodités avec dépaysement garanti, avec cruciale, l’exigence d’une intimité à la vue et aux ouïes d’éventuels espions. Les retrouvailles y furent cordiales. En plus du lien de parrain avec son petit-fils, le binôme avait servi au 9 RCP et au 1 RPIMa, certes à des époques différentes, mais de quoi accentuer leur parenté de frères d’armes. Et ce, indépendamment du fait que Thierry soit surtout un grand ami de Benji, le fils de Paul.

Non conviée et boudeuse, Jocelyne n’assisterait pas au briefing. Toujours d’actualité, l’intransigeant cloisonnement, loi intangible à la DGSE et qu’ils respecteraient, au risque de générer de légitimes ressentiments.

Dès lors, sous l’œil admiratif des « Gorilles » en charge de la sécurité du site, avec néoprène et équipée de palmes et tuba, la naïade pénétra gracieusement dans l’eau claire. Elle prétexta aux admirateurs que cela lui faciliterait la digestion de l’excellente bouillabaisse. Mais en vérité, vexée, car non venue seulement pour jouer les potiches…

Très vite, elle s’éloigna du bord après une longue apnée, prouvant aux sceptiques machos, que son brevet de nageur de combat non usurpé. Ou comme suggéré par d’éternels jaloux misogynes, refilé pour respecter les quotas démagogiques de féminisation au sein des Armées.

À l’évidence, là tout détracteur serait effaré face à cette athlète professionnelle et il ne serait pas conseillé d’essayer de rivaliser…

Affairés, la photo de la cible servit d’introduction à Thierry. Paul visualisa celui qui deviendrait l’obsession de ses prochains jours et de ses nuits. Un visage difficilement oubliable, aux traits grossiers, voire patibulaires, dont une longue barbe hirsute et de couleur rousse.

Sans doute une teinture à base de henné, pensa Paul, tradition des musulmanes pour colorier leurs mains.

Augmentant l’affreuseté de l’individu, ce visage présentait une balafre sur la joue droite, en partie masquée par sa barbe. Selon Thierry, elle serait aussi disgracieuse que son nez aquilin, rivalisant à celui de Cyrano.

En souriant, Thierry expliqua que sa balafre provenait d’une explosion à Mossoul, celle-ci et ironie du sort, due à Paul et ses amis…

(Lire : Filière pour Mossoul).

— Je te conseille à surtout ne pas te présenter en responsable de cette peu harmonieuse coquetterie épidermique. Probable que ton accueil en souffrirait, ricana Thierry, usant de son habituel humour pince en rire.

Pour revenir à ce Balafré de Mossoul, à l’époque considérée, El Mansour était péjorativement « un deuxième couteau ». Un adjoint certes débordant d’enthousiasme mais trop jeune pour commander une organisation comme celle qu’il assumait aujourd’hui avec de bons résultats à la clé.

Paul nota qu’il serait un des rares rescapés de Mossoul, ses autres chefs neutralisés, d’où cette rapide prise de galon, jeu de chaises musicales vacantes.

Très vite, El Mansour comprit que d’affronter directement la coalition internationale le mènerait à sa perte. Exactement comme Daesh qui accumulait des revers en Syrie et ailleurs. N’étant pas chat pour disposer de sept vies, rusé, il s’empressa de s’écarter des mouvances combattantes, tout en conservant sa fibre rebelle et vengeresse. Son orientation à occuper ce rôle de mafieux, mais sans ne renier sa foi islamique et son allégeance à la cause de Daesh ou d’AQMI, selon les territoires où sévissaient leurs harkas.

Son faciès reconnaissable avec la balafre, Paul jugea inutile de s’encombrer du cliché ou de l’adjoindre au téléphone portable, même si sa barbe en masquerait une large partie.

Paradoxalement, l’individu lui fut présenté comme particulièrement insaisissable, entraperçu à plusieurs reprises et à endroits différents, parfois distants de centaines de kilomètres. À croire et souligné par Thierry, qu’il bénéficierait de sosies. Une hypothèse envisageable, nulle impasse à arbitrairement s’imposer.

Pas une première dans le genre, le dénommé Attila avait en Centrafrique lancé la mode de la grande balafre aux lèvres, cavité pratique pour y loger un cigare et nombreux acolytes l’imitant par vénération.

(Lire : Traque en Centrafrique).

À moins aussi, s’empressa d’ajouter Thierry, que pour créer l’aspect légendaire du personnage, ces témoignages ne soient affabulés. Si payés de quelques billets, nombreux seraient prêts à inventer tout et n’importe quoi…

Thierry appuya son commentaire en ironisant, il raconta qu’au hasard d’une confidence entendue dans une popote, certains consommateurs prétendirent avoir fréquenté « The Légende », histoire de se faire « mousser ». L’un même t’avait décrit tel un colosse avec plein de cicatrices… Ils en rirent et Thierry laissa quelques instants à Paul pour enregistrer ces premières données sur sa future « cible ».

À l’assentiment de son auditeur, l’animateur du Bureau des légendes s’attarda ensuite sur de différents trafics où El Mansour serait impliqué.

En tête de liste, outre l’affiliation à Daesh, né à Oran comme Paul, cet Algérien se signale très efficace dans l’organisation pour les passeurs en charge de guider des centaines de migrants. Une activité lucrative, au point de se procurer un trésor conséquent et plus tard renflouer ses amis terroristes, ceux devant opérer des attentats contre l’Occident.

Même si Daesh et son armée islamique étaient en perte de vitesse en Syrie et en Irak face à la coalition internationale, ces intégristes ne renonceraient jamais à guerroyer pour instaurer leur Charia, puisque la volonté d’Allah. Au programme, un combat plus insidieux qui se préparerait, à base d’attentats pour embraser l’Occident et ses infidèles. Pour le réaliser, cela nécessiterait une logistique conséquente, donc en grande partie financée par le trésor amassé par les passeurs d’El Mansour.

L’aide du Balafré ne s’arrêterait pas à ce projet, également selon des renseignements recoupés, il renflouait les caisses des troupes rebelles engagées au Sahel. Pour preuve, le 13 RDP avec ses cousins SAS du 1 RPIMa venaient en avril de procéder à l’interception d’un convoi au nord de Tombouctou. Son trésorier et émissaire disposait de plusieurs sacoches avec argent liquide pour recruter dans la région une centaine d’affamés. En outre, ses bagages s’accompagnaient de deux cents kilogrammes de drogues diverses. Dont du captagon, substance réputée à rendre ses consommateurs ultras dépendants et au point de devenir sans s’en apercevoir de futurs kamikazes.

Benji son fils, actuellement au Mali, avec grand intérêt, Paul laissa Thierry lui raconter l’ambiance au Sahel. L’armée rebelle d’AQMI restait libre d’évoluer sans trop de contraintes environnementales, les distances désertiques facilitant ce très sécuritaire éparpillement. D’autant qu’hélas, la Force française Barkhane ne disposerait plus d’effectifs conséquents pour les « courser » dans des territoires, ceux-ci trois fois plus grands que la métropole, même si cependant quelques succès à leur tableau de chasse.

Pêle-mêle, Thierry relata ces accrochages, comme récemment en février près de Gao, un grand leader ennemi abattu par les Rafale français. Un succès s’ajoutant à la neutralisation en Syrie des frères Clain, ceux revendicateurs avérés de l’attentat du Bataclan à Paris. Bref, le fils de Paul ne s’ennuyait pas.

Après un silence afin de « digérer » toutes ces informations, même si déviant du sujet principal où ensuite Thierry éludait les déboires des prédécesseurs à la mission Labyrinthe. Une manière classique de ne pas influencer le nouveau désigné sur des pistes non garanties fiables. Un procédé habituel, quitte à censurer ou à minorer des faits importants et que Paul apprendrait bien plus tard lors de ses propres investigations.

Bref, règles spécifiques chez ces guerriers de l’ombre, en recherche de recoupements pour mieux cerner le problème et non s’en écarter du fait d’avoir été légèrement influencé.

Pour changer de sujet, l’amitié réciproque l’y poussant, le chef du « Bureau des Légendes » confia que ses supérieurs auraient longtemps hésité à l’engagement de Paul. En cause, trop de contentieux qui lui collaient aux baskets, dont le tout dernier en RCA, mission soldée de plusieurs morts, dont des exécutions de rebelles sans procès…

Toutefois, pesèrent dans la balance pour le remettre en selle, ses efficaces savoir-faire, associés à son carnet d’adresses conséquent. Ce dernier, capable d’accélérer et de vite réorienter ses recherches. Resteraient cependant avec lui toujours de grands risques, dont ses méthodes expéditives qui contrebalançaient les qualités citées. Mais indéniablement, il se singulariserait par le fait de toujours trouver de la ressource, et ce presque n’importe où sur terre.

Avec ces paramètres et tout en redoutant le pire, ce serait stupide de s’en priver. Juste à croiser les doigts pour que ce « bretteur » ne déclenche pas l’apocalypse dans ce beau pays du Maroc.

Seule autre concession après lui avoir rappelé la frilosité évidente de « La Piscine » à son enrôlement, Thierry consentit à répondre à la pertinente question sur le pourquoi d’une piste débutant à Marseille.

— C’est vrai, cela logiquement interpelle. La raison en est simple et trouvera sa réponse ce soir quand tu rencontreras un de tes anciens fils spirituels, Yann dit le breton de Saint-Malo. Tu vois qui c’est ?

— Waouh (LVR), quelle bonne surprise, mais je croyais qu’à sa retraite il bossait pour une grosse boîte de sécurité à l’étranger ?

— Oui aussi. Mais comme toi, il est parfois engagé en free-lance selon ses disponibilités. Il nous rend d’ailleurs d’excellents services, sans compter les tuyaux glanés dans son autre job. D’où son engagement avec toi en liaison plus ou moins étroite selon les circonstances. Récemment, notre ami Pierrot lui a trouvé un poste dans un équipage comme mécano. Il naviguera sur « l’Exodus », vieux rafiot croisant souvent au large de la Libye.

(Lire Entre deux Feux, Pierrot, officier traitant à la DGSE et autre ami du fiston Benjamin).

— L’ONG en question est connue comme sympathisante de passeurs clandestins. Son bateau vogue sous pavillon panaméen, spécialisé dans la récupération des boats-people venus d’Afrique.

— Aux dernières nouvelles, je croyais qu’il croisait plutôt devant l’Italie et la Sicile ?

— Tu as raison pour ces derniers mois, mais depuis de malencontreuses avaries l’ont cloué à terre. Les mauvaises langues l’attribuent aux copains d’Aspréto de Jocelyne afin de ralentir ses ingérences. Entre autres malheurs, son hélice a été endommagée en heurtant un container à la dérive. Nombreux se sont étonnés sur cet accidentel obstacle, d’autant jamais décelé par les vigies et autres performants radars. Depuis trois semaines, il mouille en cale sèche pour réparations. Une arche de Noé spéciale migrants qui se trouve à rouiller au vieux port de La Ciotat.

— Pourquoi ne pas simplement l’avoir coulé ? s’étonna Paul. Rajoutant dans la foulée, - le spectre du Rainbow-Warrior a refait subitement surface, je présume ?

— Probablement que oui chez nos frileux de l’Élysée. Quoi qu’il en est et sera, ce soir Jean-Pierre t’emmènera dans un Boui-Boui de cette ville où tu y rencontreras ton pote Yann. Il pourra te donner des tuyaux et surtout un calendrier prévisionnel sur l’intéressant programme de son rafiot. De quoi guider tes futures recherches sur ta cible El Mansour. À titre info, nos « Ecoutes » ont surpris de fréquents contacts entre ce bateau et ce terroriste, d’où l’enrôlement de Yann, tout en s’entourant de nombreuses précautions.

— Il ne risque pas de se compromettre en me rencontrant ?

— Non, un bel alibi vous est concocté pour éviter toute bévue. Le rendez-vous urge, car dans quarante-huit heures, sauf si d’autres retards occasionnés par nos agents, ce bateau redeviendra opérationnel. Mission de sauvetage ou de complicité, selon les avis divergents des journalistes qui en feront leurs choux gras dans leurs reportages télévisés.

— OK, mais j’insiste, à notre rencontre, pas trop de risques de compromissions pour mon pote ?

Avec la perte cruelle de frères d’armes, Paul mettrait des bémols à toutes impasses non entourées de garanties.

— Non tu le constateras de visu, c’est bien ficelé. Cependant, tu vas devoir fréquenter un bordel à marins ou la « Mère Casse-bite » a été précédemment « tamponnée » par notre agent local. Tu n’auras jamais à montrer patte blanche ou alors tant pis pour elle, représailles immédiates, on lui boucle son bistrot, pas de lézard à craindre.

— OK, si tu le dis.

— Je résume. Vous vous contacterez au cours d’une orgie organisée par la tenancière. D’éventuels « choufs » n’y verront que deux « alcolos et grands queutards » en quête d’assouvir leurs vices. Prends ces billets qui t’aideront à arrondir les angles. Le nerf de la guerre, on ne peut hélas s’en passer.

Une enveloppe contenant cinq mille euros servirait à « rincer la gueule aux soiffards » et dans cet établissement, il n’en manquerait pas… Pas la première fois où dans sa vie aventurière « d’Honorable correspondant », l’argent de « La Piscine » faciliterait ce type de rencontres semi-clandestines.

Dans ce cas précis, il n’aurait pas à signer de reçus pour justifier l’attribution de l’enveloppe et surtout en décrire l’usage, la garantie et non des moindres du chef du « Bureau des Légendes » y suffirait…

Rebelote donc à rejouer les alcoolos et tant pis pour les excès et sa santé, espérant que le Jack’s Daniel fasse partie des réserves du Boui-Boui en lieu et place d’autres tord-boyaux.

Un flash lui revint brusquement en mémoire. Cas similaire en Centrafrique dans un « Bouge » en brousse et rien qu’à y repenser, cela le fit frissonner.

(Lire : Traque en Centrafrique).

Pour clore le briefing et redonner le sourire à Paul qui ne voyait pas d’un œil folichon le début de sa mission, même si Club MED et revoir son ami Yann, Thierry lui annonça que deux autres vieilles connaissances viendraient l’épauler. Les précédents agents disparus s’étaient retrouvés trop vite seuls. D’où de n’avoir pu à temps les localiser, une erreur à ne plus commettre. Avec un sourire en forme de banane, il lui cita la contribution de Gédéon et de Dany, deux ex-chefs d’équipe de recherche au 13 RDP et avec lesquels Paul exécuta entre autres OPEX, une en Bosnie, semée d’aventures rocambolesques…

(Lire : Safari de Sarajevo au Darfour).

De récupérer « ce binôme d’enfer » ne serait pas pour lui déplaire. Avec de telles pointures, ses arrières seraient couverts et aucune impasse de consentie en pays africains. Bref, une sécurité rapprochée de haute qualité, proportionnelle à leurs très aiguisées expériences. De plus, c’étaient de fins limiers, capables de déceler l’introuvable.

Pour finir d’épater son ami, dernier atout, Thierry lui montra les photos de trois migrants infiltrés dans divers groupuscules. Ils pourraient plus tard l’aider à mieux remonter la filière clandestine des passeurs et le mener droit jusqu’à El Mansour.

En les regardant de plus près, d’autant qu’accoutrés chichement et de façon à s’y méprendre sur leurs précédentes identités, leurs vues firent pouffer de rire « l’Honorable correspondant », félicitant son ami.

« Le Bureau des légendes » aurait pensé à tout. En l’occurrence des spécimens où leur épiderme d’origine effacerait d’éventuelles suspicions en la personne du beau David, collaborateur efficace à Mossoul, accompagné de Nabil et de Meza, aussi ex-frères d’armes de Paul.

Ce trio de guerriers venait d’infiltrer les groupes de migrants et payer leur passage pour l’Europe aux passeurs concernés. Atout supplémentaire qui avait hélas fait défaut aux prédécesseurs agents pour « neutraliser » El Mansour…

Conscient d’être bien entouré, Paul se sentit plus serein, même si nostalgique. Sentimental, il regretterait de n’avoir pas près de lui, les Pat, Riton, P’tit Louis, Nono, Gégé et autres amis chers à son cœur…

Plus maintenant qu’à se préparer pour l’orgie de ce soir, alors que toujours aussi pimpante, Jocelyne ressortait du bain après son marathon nautique, épatant toujours ses admirateurs.

— Une bien belle sirène, on ne s’est pas moqué de toi comme couverture rapprochée, crut bon de saluer Thierry à l’adresse de « The Légende »…

— Oui effectivement ! En espérant qu’elle soit tout aussi efficace au boulot qu’elle ne l’est de par sa beauté…

 

 

 

 

 

3

Boui-Boui

 

 

 

Il était vingt heures quand Jean-Pierre se présenta pour conduire Paul à son rendez-vous. Auparavant, Thierry l’avait quitté après son briefing, habituel « touch and go », ultra pressé par affaires en cours où le lendemain, s’envolerait pour conseiller d’autres free-lances à Peshawar au Pakistan. Un job hyper prenant, au point de le propulser au rang du plus grand globe-trotter de « La Piscine ». Record dont il se serait passé, mais nul choix à ce poste stratégique où en permanence, s’imposeraient le suivi et l’animation des agents en opération…

Au volant, Paul nota qu’un dénommé Robert conduisait la 308 du matin. Un garçon peu expansif, lui tendant un calibre 6,35 mm et sans numéro de création. Il y ajouta un chargeur, pour que celui au surnom flatteur de « The Légende », ne se sente pas désarmé dans ce quartier mal famé de la vieille ville.

Selon la police, ces lieux étaient étiquetés « craignos », indépendamment à se situer non loin de ce long et joli Quai Mitterrand.

Laconique, Robert lui proposa de jeter le flingue à la baille après mauvaises rencontres nocturnes. Engins non comptabilisés à la « Boîte », pertes de ces non matriculés, souvent sa routine.

Paul apprécia le cadeau. De longue date, il aimait ces armes de petit format, surtout pour évoluer en solo. L’avantage de petitesse rendait l’arme facilement dissimulable sous une chemise où à porter masquée du pantalon à sa cheville. Un plus pour sa sécurité, car toujours à craindre ces voleurs, alias « Godebés » en RCA. Pays où ces agressions seraient un sport national, ils ne leur manqueraient que les sponsors…

En ces cosmopolites quartiers de La Ciotat, à s’y méprendre dans la fréquentation nocturne, Jean-Pierre lui confirma de se sentir comme en Afrique. Les « Blanche-neiges » comme eux y étaient rares et circulaient de préférence groupées, dissuasion rassurante en ces no mens’ land.

« L’Honorable correspondant » prit son temps pour accrocher son pétard à sa cheville gauche et l’assura avec des élastiques en prévision d’éventuelles courses. Sait-on jamais de ce que réserverait l’avenir. En revanche, la soirée se voulait printanière, regrettant de ne s’être pas vêtu plus légèrement. Le grand sud par rapport à Oléron présentait cinq degrés minimum de différence…

 

Sur zone, Robert fit deux tours du pâté de maisons, histoire de s’imprégner de la topographie, jamais d’impasses quand on peut se faciliter la vie. Puis, il se gara dans une ruelle, artère sombre avec pour atout d’être peu éloigné de la taverne. Si urgence, l’exfiltration mettrait moins de temps.

Ce serait le point de rendez-vous où sieur Robert les attendrait patiemment. Des heures de planque à poireauter, envers du décor du job d’escorteur, la plupart du temps pour rien, bref : « très chiant ».

Le reste du trajet pour rejoindre le troquet se fit à pied à travers un parcours peu éclairé, un lampadaire sur trois en moyenne. Les trottoirs y étaient encombrés d’une faune peu recommandable, itinéraire obligatoire avant de rejoindre ce fameux « Palais de la soif ».

Briefé par JP et donc peu étonné, Paul se heurta à des « Belles de nuit », prostituées tenant vaillamment le pavé en tenues suggestives, faites aussi pour décupler les envies et très fonctionnelles si clientèle, à la fois pour peu de perte de temps et ne pas transpirer. Parmi ces « travailleuses », un panel de races et d’âges divers offerts à ceux venus libérer leur libido dans ce quartier de débauche. À la carte de leurs menus, confort exclu ou très accessoire, avec ados des deux sexes proposant fellations à bas prix ou drogues pour s’évader vers ces paradis artificiels si recherchés par les junkies…

Paul éprouva des difficultés à « repousser » ces assauts plutôt angoissants, n’ignorant pas que ses cheveux gris contribuaient à son peu glorieux « succès ». En clair, synonyme de fortune et alors d’occasion à se faire quelques euros parmi une farouche concurrence.

Toutefois et avec la meilleure volonté évaluative, d’un regard périphérique, il conclue à rien d’attirant à se mettre sous la dent ou ailleurs. Extras exclusivement réservés à des pervers, dans un décor jonché d’immondices et de préservatifs souillés. Seringues et déchets alimentaires s’entremêlaient avec pour compagnons en ces lieux sordides : des dizaines de rats peu farouches.

Un ensemble inquiétant au point de regarder à deux fois là où l’on mettrait ses pieds.

Heureusement, la présence athlétique de JP dissuada les plus entreprenants et facilita enfin l’arrivée du binôme à destination. Là, ils se séparèrent. Son body-garde assurerait de loin sa sécurité.

 

D’emblée au seuil de la taverne, Paul fut pris à la gorge. Sensation ressentie bien avant que ses yeux ne s’acclimatent à la pénombre générale. Les lumières étaient tamisées à l’extrême et il fallait évoluer au touche à touche pour se frayer un chemin parmi une hétéroclite clientèle. La première constatation, attestant que ce bistrot aurait la côte, nota avec crainte ce néo client.

Après un laborieux slalom à se faufiler entre poivrots des deux sexes et avec en supplément de nauséabonds relents de sueur, Paul réussit à rejoindre le bar et ses imposants tabourets. Un ultime rempart d’éternels soiffards qui s’y agglutinaient telles des moules sur leur rocher.

Ce fut son premier exploit à avoir su jouer des coudes face à une meute peu décidée à céder sa place. Le Boui-Boui faisait ce soir salle comble, conforme au label signifié par Thierry.

Parvenu tout en sueur en ce bout du comptoir, sa toux se déclencha suite à l’épaisse fumée à découper au couteau. Apparemment ici, la loi interdisant de filer le cancer aux non-fumeurs était ignorée et les inspecteurs en charge de l’hygiène, absents à jamais.

Dans cette atmosphère des plus malsaines, la musique serait tout aussi agressive pour les oreilles que les fumeurs pour les bronches. Des décibels agressifs qui interdisaient à tous de s’exprimer autrement qu’en hurlant, au risque de rester le lendemain aphone. De là à devoir s’éclaircir la voix en buvant énormément, ce serait tout bénéfice pour la propriétaire du troquet.

Avec inquiétude, Paul pensa que ce ne serait pas le meilleur boudoir pour échanger à bâtons rompus quand viendrait le moment de glaner de précieux renseignements.

 

Coincé entre des couples scotchés au bar, lesquels semblaient amarrés avec leurs godets comme des bateaux à des bites d’amarrages, Paul s’approcha de la caisse enregistreuse où siégeait une plantureuse blonde décolorée.

D’un regard évaluatif, la Mama affichait quelques annuités dans ce job, profession peu de tout repos où les ivrognes à maîtriser ne manqueraient jamais. Avec son sourire narquois, elle affichait cependant de la sérénité, comme si rien au monde ne pourrait plus l’étonner, rompue à une cocasse clientèle qui lui en avait fait souvent voir de toutes les couleurs. Pour l’illustrer, elle confia se souvenir d’avoir perdu un pari très original. Un phénomène de foire lui avait fièrement annoncé de posséder quatre parties génitales. Constatée de visu et pari perdu, elle fut contrainte à une fellation sur ce monstre, mais en final avouerait être déçue, l’éjaculation non proportionnelle au nombre d’attributs.

Avec un grand rire peu distingué, elle savoura son anecdote pour le moins « horriblement » rarissime.

Abasourdi et n’osant imaginer l’affreux spectacle, Paul lui commanda une Despérado. En projet d’urgence, chasser la vision sordide de l’hôtesse « réglant » son pari perdu.

Autour de lui, indifférents, les couples continuaient à fumer et à boire, certains se trémoussant « bite à cul », en suivant un rythme de salsa aux sons proches de la cacophonie.

 

D’un clin d’œil complice, la proprio s’approcha de Paul qui constata ce maquillage de plusieurs couches afin de masquer les outrages du temps. Lui resservant une bière, la tenancière vint lui hurler dans l’oreille si par hasard venu « goûter » au dernier arrivage. Devant l’œil concupiscent de ce potentiel client, elle s’empressa à en vanter le contenu, telle une fermière présentant son cheptel pour l’abattoir.

L’alléchante proposition fut acceptée, Paul ne s’embarrassant nullement des tarifs prohibitifs, ceux-ci justifiés par la plantureuse matrone quand on rechercherait de la belle jeunesse expérimentée.

Conquise par ce client plein aux as et peu ému des prix, la « Mère-casse-bite » en conclut qu’il serait à soigner et non un radin bourgeois que de passage. Elle exigea en premier sésame de régler cinq cents euros cash, droit d’entrée à ce sélectif lupanar l’attendant à l’étage, un lieu de luxure, uniquement réservé aux VIP fortunés.

En revanche et avec clin d’œil complice, elle lui garantirait une « marchandise » de premier choix, en clair sans maladies vénériennes.

Excepté, ricana-t-elle avec un sinistre trait d’humour et dont elle sembla beaucoup s’en amuser : le sida. Traquenard offert gratis aux malchanceux, victimes accidentelles d’un préservatif éclaté.

Selon la Mama : la schcoumoune puissance cinq.

 

S’esclaffant à sa douteuse plaisanterie, elle l’invita à monter et avec pouce levé pour OK, deux gorilles ouvrirent à Paul le chemin jusqu’à ce lieu réservé à la riche clientèle.

Peu fier, déjà Paul se demandait dans quelle galère il irait se fourvoyer, redoutant le type de « marchandise » à côtoyer. Terme énoncé avec crainte, se rappelant que la gérante lui avait demandé de préciser son fantasme : fille ou garçon ? Probablement qu’ici la pédophilie était tolérée en dépit des lois régissant cet infâme travers…

De tout temps, la prostitution tenait pignon sur rue dans tous les ports mondiaux. Après des mois à naviguer dans des conditions météorologiques parfois terribles, dès l’escale, les marins ne rêvaient plus qu’à de coquines rencontres quitte à ce que leur solde y trépasse. Le tout arrosé de pichets d’alcool en tout genre, aussi destructeurs soient-ils et en supplément pour les junkies, quelques pipes d’opium ou pétards nocifs.

Ce soir, Paul devrait s’efforcer à ce que son alibi résiste à ces confrontations peu recommandables, du moins le temps d’entrer en contact avec Yann et ce sans éveiller les soupçons, même si peu évident à la réflexion.

 

Parvenu à la dernière marche du paradis promis, le nouveau client fut rassuré après un large visuel sur l’alcôve, dernier sas avant les inévitables ébats. Il y aperçut son contact, vautré dans un fauteuil et sirotant une Despérado, entouré de demoiselles très dévêtues. Seuls des voiles transparents en unique parure et nulle ombre de culottes, livrant sans pudeur leurs intimités, qui selon, étaient rasées ou pas. Une sorte de vitrine pour susciter les goûts et d’influer ensuite sur les meilleurs et personnels choix.

Avec ce rapide visuel intermède, Paul s’offrit un souvenir de cet ex-chef d’équipe du 13 RDP, côtoyé en OPEX. Une vision qui le réconforta, rassuré de se retrouver en si bonne compagnie parmi ce lieu de perdition. Yann arborait toujours l’image d’un « chat maigre » affûté. En image, un beau gosse athlétique. Ses yeux pétillaient de malice, plaisantant avec ces dames du salon, de quoi donner l’impression d’être un client roi, généreux et non imbibé d’alcool comme la majorité de la clientèle. D’où en permanence et à l’affût de rixes, des Gorilles évitant tout débordement de soûlards en crise de délirium tremens.

 

Son regard et clin d’œil discret n’échappa pas à Paul qui très volontairement tituba, feignant les vieux essoufflés et vite soutenu par ses accompagnateurs.

À choisir entre ce vieux et Yann, ces filles préféreraient éviteraient ce poivrot. De surcroît, un « chibani » qui se pointait haletant, de quoi logiquement faire monter l’inquiétude chez ces hôtesses.

Comédien, Paul prit du temps à reprendre son souffle, même si inquiétant maintenant la tenancière. Pour elle, nulle envie que ce « vioque » lui claque au lit dans des ébats trop torrides pour lui. Elle avait déjà assez de problèmes pour amadouer « la police des Mœurs ». Par deux fois le mois dernier, elle fut à deux doigts de fermer sa gargote suite à une bagarre au couteau et deux victimes avec assassins en fuite, des marins qualifiés « au vin mauvais ». Au bilan, ouvrir le tiroir-caisse et offrir des gâteries du « cheptel », pour rendre plus complaisants ces flics-ripoux…

 

Opportuniste face à ce client qui peinait en se hissant à l’étage, Yann lui lança sympathiquement.

— Oh l’Ancien, viens donc t’asseoir. Vue ta forme, ta future partenaire est sûre que tu ne seras pas un éjaculateur précoce…

La vanne fit se tordre de rire les filles, imaginant déjà avec effroi la scène d’un « peine à jouir ». Un calvaire pour ces dames devant user de subterfuges pour passer au plus vite à un autre client et atteindre en matin leurs quotas imposés. Ici, au contraire d’une entreprise performante, les heures supplémentaires non payées…

Beau joueur, Paul rétorqua :

— Ah l’ami, j’espère que si encore du jus dans mes balloches, je ne m’en priverai pas. Tu verras qu’à mon âge, ça remue beaucoup moins dans le slip, même par tempête. Si tu es marin, imagine-toi naviguer dans la mer des sargasses, avec pas un souffle de zef ni de courant marin pour dériver. C’est la permanente tendance dans mon caleçon. Ce foutu escalier en colimaçon m’a aussi éreinté. Il est bien plus raide que ma trique…

Fou-rire général, applaudissant à la répartie amusante du vieux client.

Paul reprit son souffle, aidé par son gadget antiasthmatique, puis rétabli, rejoignit Yann pour le remercier de sa sollicitude en lui serrant vigoureusement la poigne.

Quoi de plus naturel entre marins pratiquant un humour salace…

L’échange de politesse achevé et après de salutaires inhalations, le « chibani » assura d’avoir repris la forme et partagea une Despérado avec ce sympathique quinquagénaire.

Plus de doute que Yann semblait étroitement lié à ce bordel, l’entourage à ses petits soins à chacune de ses sollicitations. À moins qu’il soit depuis fortuné et bénéficie de ce contact privilégié. Quoi qu’il en serait, il faudrait la jouer fine pour tromper la galerie, encore amusée par les galéjades de ces deux plaisantins…

— À la bonne heure, ça va mieux. Mais sans vouloir vous offenser l’ami, il vaut mieux mourir les couilles vides que pleines…

Un éclat de rire collectif succéda à la tirade de Yann à laquelle se joignit Paul, non vexé des mises en boîtes de son cadet, lequel amusé, renchérit dans la foulée.

— J’adore cela, vous avez de l’humour Papi. Que puis-je vous offrir pour me faire pardonner de mes insolences ?

L’appellation Papi ne fut pas anodine, excepté pour l’entourage ignorant la relation antérieure de ces deux hommes. En effet, les ex-chefs d’équipe du 13 RDP dénommaient ainsi affectueusement leur patron. Un pseudo vite répandu au cours de quelques OPEX communes, au point de rester définitif chez nombreux pour le désigner entre eux. Identité de substitution sans connotation d’âge avancé, juste le témoignage de respect envers ce grand professionnel, avec sentiments mêlés d’amitiés réciproques jusqu’à l’éternité.

— Au lieu de pérorer à mes dépens, fais-moi plutôt visiter les lieux et partager tes expériences sur les spécialités de ce lupanar. J’ai de quoi tout m’offrir et reste attentif à des conseils éclairés. Tu as l’air client-roi en cette maison ou alors tu en es le proxénète, sans vouloir t’offenser.

— Désolé grand-père, je ne suis pas le macro de ces dames. Cela fait quelques jours que je squatte ici, mon Titanic en cale sèche. Mais plus pour longtemps, les docs vont vite en ouvrage et dans quarante-huit heures, il flottera comme si neuf. Aussi et avant de reprendre la mer, je m’offre du bon temps et ai déjà laissé trois mois de solde à la Mama. Depuis à sec, elle ne m’autorise plus de crédits. Ruiné jusqu’à ma prochaine paye, je n’ai droit qu’à quelques bibines et à de furtifs attouchements sur ces beautés.

La personne mise en cause rétorqua :

— Ne te plains pas Yann, tu ne le mérites pas. Je te préviens si le prochain arrivage de putes n’est pas meilleur, plus de crédits. J’entends par qualité, plus de sourdes-muettes ou de boiteuses où alors je doublerais le prix de ton hospitalité et celle de tes collègues. Et ce, même si tu bois plus que tu ne baises. Mes filles m’ont confié que peut-être tu serais impuissant ou alors, c’est peut-être la prostate qui te guette…

Des houhou saluèrent la mise en boîte de la Mama, mais sans ne faire rougir Yann.

Connaissant l’individu, celui-ci jouait bien la comédie, n’allant pas jusqu’à « consommer la marchandise », respectueux envers son épouse. Par ailleurs, Paul nota l’indice qui prouvait que l’équipage de Yann fournissait de la « main d’œuvre » pour alimenter la prostitution de la maison close. Un apport conséquent pour la gargote, fait exclusivement de migrantes, des belles ponctionnées sur les rescapées d’une « pseudo noyade » en Méditerranée. En clair et immonde, ces miraculés de « l’Exodus » finiraient leur vie dans ce bordel.

 

Souriant à la Mama, Yann lui promit du meilleur choix pour pas plus tard que la fin du mois. De jeunes vierges ou à peine déflorées, toutes garanties saines et en nationalité majoritaire : des Peuls. Selon lui, l’équivalent des plus belles africaines de ce continent, rajoutant de façon salace : – les meilleures suceuses d’Afrique.

Devant l’œil étonné du Papi, Yann sortit sa boutade, entre plusieurs éclats de rire !

— Tu n’as jamais entendu l’expression : « Peul-moi le jonc »….