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Et si la Russie avait préparé un plan d'invasion de l'Europe durant la guerre froide ?
En « guerre froide » dans les années 1978, les évènements internationaux se précipitent, les plus pessimistes présageant une troisième guerre mondiale. En frontière de la RFA et de la Tchécoslovaquie d’alors, en manœuvre pour évaluer ses compétences, le 13e Régiment de Dragon parachutistes y constate des ingérences en territoire allié. En dépit d’efforts diplomatiques onusiens qui font craindre le pire, ces parachutistes d’élite découvrent des unités de spetnazs, leurs homologues, venues préparer l’invasion de l’Europe. Confrontations guerrières inévitables et où ces commandos amèneront des preuves concrètes, capables de sommer le Pacte de Varsovie d’arrêter leurs projets, sous peine d’user de la dissuasion nucléaire. Roman en partie de fiction, où durant cette « très longue guerre froide », disséminées semi-clandestinement en équipes autonomes, le 13e RDP s’est entraîné à renseigner sur cet ennemi conventionnel du Pacte de Varsovie… De quoi y découvrir un panel des meilleurs savoir-faire utilisés dans des conditions spartiates, tableau de la vie aventurière de ces guerriers de l’ombre, hommes d’exceptions qui traceront ensuite au cours de leurs premières OPEX la voie aux futures Forces Spéciales auxquelles désormais leur relève appartient.
Suivez ces guerriers de l'ombre dans leurs recherches de preuves et leurs confrontations avec l'ennemi. Plongez-vous dans cette uchronie palpitante écrite par un ex officier supérieur des Forces Spéciales !
EXTRAIT
Satisfait, au point que son déclic aurait pu se ponctuer d’un Eurêka, imitant ainsi Archimède dans sa baignoire qui y découvrit incidemment que tout corps plongé dans l’eau, etc.
En effet, pour Tonio, plus question de neutraliser les sentinelles au poignard. Trop de risques et sans garantie de détruire les paraboles, seul intérêt de leur intervention dynamique.
Premier avantage à ce renoncement, ils s’éviteraient une riposte et sauvegarderaient ainsi leur peau. Sans compter qu’ils hésiteraient d’égorger une présumée faible femme, subodorant qu’ils n’en sortiraient pas grandis avec le meurtre d’une « meuf ».
Plus simplement, le CE envisagerait de discrètement saboter les groupes électrogènes. En effet et sauf d’être surpris en flagrant délit, ce serait une action moins dangereuse que le combat corps à corps et en final surtout, but recherché, cela rendrait pour un temps les brouilleurs indisponibles.
— Un double effet kiss-cool, renchérit joyeusement Mazout, qui rangea alors spontanément son poignard, n’ayant plus dans l’immédiat sa fonction redoutable d’outil d’égorgement.
En partageant son plan, ses collègues convinrent que ce serait l’hypothèse la moins pire pour réussir leur projet.
Aussi, soulagé de la tournure de sa prochaine intervention, Tonio envoya Alain pour porter ce message oral à Yvon. D’ailleurs, celui-ci devait depuis se faire des cheveux blancs, n’ayant plus depuis deux heures de nouvelles.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ex officier supérieur des Forces Spéciales,
Georges Brau a écrit plusieurs romans basés sur ses aventures professionnelles qui l'ont très souvent éloigné de sa famille. À l’heure de sa retraite, il a donc tout naturellement éprouvé le besoin d’écrire autrement ce qui a donné vie à deux contes pour enfants et à ce roman.
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Seitenzahl: 692
Veröffentlichungsjahr: 2019
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Georges Brau
Uchronie pour guerriers de l’ombre
Roman
© Lys Bleu Éditions – Georges Brau
ISBN : 978-2-85113-841-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants causes, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Avant-propos
L’uchronie est l’appellation d’une fiction inspirée d’un évènement historique. Cela implique aux lecteurs trop pragmatiques à se laisser entraîner par la narration d’un scénario qui dépeint avec justesse le quotidien de paras d’élite des « Forces Spéciales », les célèbres « guerriers de l’ombre ».
Une extrapolation évènementielle, avec en fil rouge, la période ultra stressante de « la guerre-froide » opposant l’OTAN au Pacte de Varsovie, ennemi conventionnel désigné de l’époque considérée.
Période des années 1970-1980 constellée d’évènements gravissimes à la limite de d’enclencher une troisième guerre mondiale, notamment si d’aventure cette longue crise aurait dégénéré…
Dans ce roman, le lecteur renoue avec cette année 1978, riche en fréquents heurts diplomatiques qui progressivement entraînent le monde vers le risque d’un conflit imminent. Une véritable épée de Damoclès brandie sur l’Europe et où la belliqueuse URSS et ses états satellites guettent le moindre prétexte aux frontières pour se déclarer la guerre.
Une ambiance conflictuelle où prépositionné aux premières loges, le 13e Régiment de Dragons parachutistes s’entraîne à sa mission de renseigner l’Etat-Major de la 1e Armée à Strasbourg. En effet, leurs équipes de recherche, (ER), se sont spécialisées à mener des patrouilles profondes au plus près des frontières afin de déterminer précisément l’axe d’effort choisi par de potentiels envahisseurs, nommés diplomatiquement : « ennemi conventionnel ».
En clair : signaler les pénétrantes qu’emprunteraient l’URSS et leurs états satellites dans l’hypothèse où ils mettraient leurs menaces à exécution.
Avant d’entreprendre ce retour dans le temps, le lecteur doit essentiellement se replonger dans l’ambiance de « guerre-froide » et noter l’absence regrettable de performants satellites espions actuels. Aussi, soucieux de s’éviter les déboires de 1940 et de la présumée infranchissable « Ligne Maginot », les stratèges misent sur la compétence de ces ER du 13e RDP, déployées discrètement en rideaux d’alerte près des frontières, tout près de là où se massent des centaines de divisions ennemies.
Par ailleurs et plus que jamais, toutes ressemblances à des personnes ou à des lieux ne seraient que pure coïncidence…
Nota : à l’adresse de « spécialistes », pour d’évidentes raisons de confidentialité, certains termes tactiques et techniques sont « volontairement erronés », même si parfois ressemblants.
De même pour ces personnages qui n’auraient jamais été réunis en cette même période. Conséquence d’amicaux clins d’œil à mes frères d’armes…
Mille excuses également à tous ceux qui auraient plus que mérité d’y figurer, nombreux s’y reconnaîtront.
Pour faciliter la compréhension à ceux qui n’ont pas vécu cette « guerre-froide » et leurs évolutions depuis d’actualité, des retours sont mentionnées en italique.
Mention spéciale à Olivier, initiateur de l’idée d’uchronie et à Yannick et Alain, mes talentueux illustrateurs…
1
Contexte
1
« Eugénie »
En cette fin d’automnede l’année 1978,unebruineincessante rendait la piste d’atterrissage luisante, de haut presque semblable à un long cours d’eau. Des intempéries de saison qui n’empêchaient nullement une inaccoutumée effervescence sur ce tarmac de Friedrishaffen. En l’occurrence une charmante bourgade de la République Fédérale d’Allemagne située au bord du lac de Constance, alias le Bodensee et qui disposait de ce petit aéroport capable d’accueillir des avions de ligne et autres gros porteurs.
Pour mémoire, consécutif au traité de Yalta après la Deuxième Guerre mondiale, l’Allemagne était séparée en deux, RFA partie occidentale alliée à l’OTAN et la RDA, régime communiste affilié au Pacte de Varsovie.
Depuis deux heures, plusieurs avions de transport français du type Transal et une escadrille d’hélicoptères Puma ainsi que quelques Gazelles pour transport de VIP venaient d’y atterrir, d’où l’inhabituelle effervescence.
Cette flotte d’aéronefs militaires était spécialement venue participer à une manœuvre franco-française, dont l’épicentre se déroulerait près de la frontière Tchécoslovaque d’alors.
Pour l’heure, très affairées dans un carrousel soutenu, des citernes de carburant sillonnaient les parkings afin de refaire les pleins à ras bord de tous ces appareils français.
Depuis peu et bien à l’écart dans de grands hangars affrétés pour la circonstance, le 13e Régiment de Dragons Parachutistes venait d’y regrouper ses deux escadrons de recherche.
Ces lieux étaient plutôt spartiates et serviraient de base avancée opérationnelle, terme BAO*, avant la mise en place nocturne et aéroportée de ces seules troupes concernées.
À l’époque, le 13e RDP ne possédait que deux escadrons spécialisés dans les patrouilles profondes. Depuis, le Régiment en a plus que le double… avec en plus du tronc commun à l’acquisition du renseignement, chaque unité possède sa spécialité, Montagne, Nautique, Troisième Dimension, etc.
En ce petit matin pluvieux,exceptées de rares ER*, celles très récemment engagées en Afrique, une trentaine d’équipes de recherche aéroportée (RA*) se préparaient à subir le contrôle de leur encadrement. Suite à quoi, pour les nuits et jours à venir et durant environ trois semaines et un canevas tactique défini, leurs personnels seraient en charge de signaler sur d’éventuelles pénétrantes la présence de cet ennemi dit « conventionnel »…
Un annuel exercice qui servirait de test d’évaluation opérationnelle à cette unité de renseignement, seule à l’époque dans l’Armée française « autorisée » à agir en électron libre, limite « semi-clandestine » près d’une frontière ennemie, et ce à partir d’un territoire allié.
Au crépuscule, ces ER seraient effectivement déployées dans la région plein est de la ville de Nuremberg en RFA, afin de renseigner sur un belligérant fictif. Pour la circonstance, il serait dénommé « État Carmin », couleur approchante du rouge des drapeaux communistes du Pacte de Varsovie.
À ce récurent thème de mission tactique, les organisateurs de la manœuvre proposaient aux participants de coller au plus près à cette actuelle ambiance de « guerre froide », notamment susceptible de dégénérer en un imminent conflit ouvert.
Même si chez ces paras, nul ne serait dupe, cet entraînement annuel concrétiserait ce qui pourrait bientôt advenir si les diplomates d’URSS mettraient brutalement leurs menaces à exécution.
Bref, aucune ambiguïté ou d’inutiles naïfs questionnements sur la dangerosité effective de ces Pays communistes limitrophes à la RFA.
En ces heures sombres d’un futur conflit, au 13e RDP on s’y intéressait de près au point d’en connaître précisément les organigrammes et matériels, conscients du grand danger de deux états particulièrement belliqueux : La RDA et La Tchécoslovaquie.
Devant de nombreux VIP extérieurs venus assistés à ce test régimentaire pour au passage jauger de la valeur opérationnelle de cette unité, un officier supérieur de l’unité fut désigné pour expliquer toute la manœuvre et en première phase, sa mise en place aéroportée en début de soirée.
Mais auparavant, face à l’étonnement général de ces VIP découvrant le déballage de ces ER en ces hangars, le lieutenant-colonel (GRS) leur commenta les us et coutumes du 13. Il s’attarda sur ces préalables vérifications pour contrôler les matériels ainsi que des connaissances de procédures, celles uniquement spécifiques à la RA. Toutefois, avant de commenter ces contrôles des plus originaux pour ces VIP, l’orateur préféra développer les différents procédés de mise en place en territoire hostile.
Il vanta les techniques aéroportées hautement maîtrisées par ces réputés « guerriers de l’ombre » et que ces VIP allaient exceptionnellement ensuite rencontrer en chair et en os. Une attraction en perspective, car « leur légende » interpellait ces observateurs venus dans ces hangars afin de concrètement en juger.
À l’époque, les personnels du régiment n’étaient pas cagoulés et hormis leurs allures athlétiques dans leurs inédites tenues guérillas, rien ne les différenciait d’autres militaires. Seuls leurs modes d’opération sur le terrain et leurs matériels spécifiques de dernière génération alimentaient en grande partie « leur légende ».
Dans son speech, l’officier informa que cette nuit plusieurs ER seraient mises en place sur une zone précise et de façons différentes. Quelques-unes par sauts avec ouverture automatique de parachutes, tels d’anodins parachutistes. Toutefois à la grande différence qu’ils seraient largués sur des Droping-zones opérationnelles, clairières en plein bois n’excédant pas les limites d’un stade de football. D’où la dangerosité du saut si incident de dérive suite à une météo capricieuse.
D’autres ER composées uniquement de chuteurs opérationnels sauteraient en « ouverture commandée », un saut de nuit à quatre mille mètres d’altitude pour une arrivée dans un mouchoir de poche, ironisa avec respect le commentateur.
Enfin, pour clore ce panel de ces différentes mises en place, en collaboration étroite depuis plusieurs années avec l’ALAT*, des ER seraient posées au sol par hélitreuillage tactique en milieu d’une clairière et à l’abri des vues.
Peu importeraient ces différents modes de mise en place, en tronc commun, tous ces personnels seraient surtout testés sur leurs capacités d’acquisition du renseignement Humint*. En clair, un largage de capteurs visuels éparpillés derrière ou auprès des lignes ennemies pour renseigner sur les options tactiques de ces unités « Carmin », et ce soir, exceptionnellement en périphérie de la frontière tchécoslovaque.
Inspecté par ce Général de la 1re Armée de Strasbourg et son état-major spécialement venu assister à cet exercice peu commun, dans ces hangars aux larges courants d’air, stoïques et peu inquiets, les participants s’y étaient regroupés pour ce contrôle.
Ce furent d’abord ceux de l’escadron situé le plus proche de l’aérodrome, car cantonnés à Langenargen, petite ville située sur ce même lac de Constance. D’ailleurs, le « 2 », appellation numérique de cet escadron, ou passants rouges, n’avait eu qu’un court déplacement de quinze kilomètres pour rejoindre la BAO de Fried.
En revanche, en garnison à Dieuze en Lorraine, pour rejoindre ce même tarmac allemand, le « 3 » avait utilisé deux Transal, avions spécialement affectés à cet exercice régimentaire.
Pour ce début d’inspection aucun protocole particulier, un contact physique direct pour que ces VIP découvrent dans la pénombre intime des hangars, une centaine de parachutistes à l’intriguant surnom « de guerriers de l’ombre ».
Sous leurs yeux très intéressés débuta ce contrôle, un même rituel précédant chaque exercice régimentaire et toute nocturne mise en place aéroportée.
La discrétion était une seconde nature chez tous ces commandos d’exception, du moins c’est ce qu’expliquerait avec un certain brio l’orateur de service. De temporairement se « caser » dans ces hangars fut la raison essentielle d’éviter de s’exposer aux vues de curieux militaires allemands gravitant autour de ce même tarmac.
D’un regard, les VIP constatèrent que le calme y régnait en dépit de la forte résonnance en ces lieux de tôle. Il s’en dégageait même une palpable sérénité, de quoi constater objectivement que si même soumis à de pointilleuses vérifications, ces paras y seraient habitués…
La fraîcheur de ce début novembre, associée aux courants d’air avaient contraint ces VIP à se couvrir de leur parka ainsi que de bienvenus chèches pour protéger leurs cous.
Très intéressés puisque tout nouveau pour la plupart d’entre eux, ils y assistèrent, notant sur des carnets des questions à élucider plus tard, comme judicieusement conseillés par leur commentateur.
Au préalable, il avait prévenu que les photos seraient interdites, ce qui fâcha l’un d’eux, prétextant que c’était uniquement pour la gazette mensuelle de leur général. Mais la dérogation ne fut pas consentie pour autant.
En marge de la sérénité des contrôlés, en fil rouge le sérieux de ces méthodiques vérifications exigerait à ne rien tolérer autre que des procédures internes. Les officiers opérations de chaque escadron (OFF-OPS*) en étaient les responsables, n’hésitant pas à « pinailler » au besoin face à la moindre anomalie. Un critère qualitatif y était exigé et chaque fois estimé à sa juste valeur.
Premier étonnement, les VIP découvrirent l’inédit accoutrement de ces équipiers de l’ombre. Prêts à combattre, ils étaient revêtus de leur tenue guérilla. Un robuste treillis spécifique à la RA, moins fragile que le treillis classique et bâti avec des poches multiples et aux utilités diverses. Notamment et qui intéressa beaucoup les VIP, ce large col contenant des gadgets bien cachés, comme du fil nylon et des hameçons en prévision de pêche pour la survie ou bien encore une flexible lame de scie métallique, dans l’hypothèse de besoin d’évasion.
Enthousiastes, de quoi captiver l’attention de ces VIP, certains extrapolant à bâtons rompus sur ces paras à l’équipement peu conventionnel.
Stoïques et patientes, les ER attendaient leur tour de « passer à la moulinette » de leurs « voraces* », lesquels procédaient en détail aux « vérifs » devant ces visiteurs galonnés, sans toutefois faire du zèle dans leur contrôle mais toujours l’œil bien aux aguets.
Parmi ces ER, indéniablement ces VIP constatèrent que des équipiers sembleraient plus habitués à être « voracés ». L’explication en serait des plus simples, puisqu’opérant de longue date au 13e RDP, donc plus décontractés face à leurs étalages présentés aux contrôleurs.
S’adressant à brûle-pourpoint à l’un deux, le sort voulu que ce soit le S/C (HGD) du « 2 », un grand gabarit au franc-parler et au sourire narquois qui ne se démonta nullement pour répondre.
— Mon colonel, c’est toujours le même protocole à chaque manœuvre et cela pour nous restera anecdotique en comparaison à ce qui nous attendra physiquement dès cette nuit sur le terrain…
Satisfait de la réponse, l’adjoint du général tenta une autre question :
— Pourtant vous êtes aussi entraînés à cela, ce devrait aussi être anecdotique.
Limite perfide, la question dérida davantage l’interpellé qui répliqua sur le même ton.
— Non et hélas, mon colonel, car dans le cas de la nuit prochaine, les cinquante kilos à dos ne resteront jamais dans le domaine de l’anecdotique, même pour ceux comme moi avec déjà dix ans de RA* au compteur. Venez plus tard quand tout sera rangé pour « goûter » quelques minutes au poids de mon « menhir ». Si absence de potion magique ou comme Obélisque vous n’y êtes pas tombé dedans tout petit, « la bovinante » à endurer sera toujours bien plus « craignos » que ce rituel contrôle par nos cadres.
— Pas de problème, je viendrai l’essayer. Un test qui nous fera sans doute mieux mesurer vos appréhensions.
Amusés par la répartie directe de ce colosse qu’ils baptisèrent « craignos » consécutivement à sa réplique, les VIP continuèrent la visite sous les commentaires précis de leur guide. Il leur développa qu’à l’inspection, toutes les ER passeraient « à la trappe », selon le jargon local, un test qualitatif selon un barème spécifique au régiment.
En aparté aux VIP, prenant le relais de l’orateur, le chef de corps du 13 commenta dans le détail cette phase particulière où l’ER serait d’abord jugée sur l’opérationnalité de leurs équipements. Un contrôle quasiment que pour la forme, puisque les semaines précédentes, toutes ces ER avaient scrupuleusement préparé leurs « matos ». Pas masochistes, les équipiers ne feraient jamais d’impasses puisqu’ensuite, ils seraient sur le terrain les seuls utilisateurs et donc logiques bénéficiaires.
Nul besoin d’épiloguer davantage, les VIP hochant la tête en signe de compréhension avant de passer à l’inspection des moyens d’acquisition, comme par exemple les cyclopes, capteurs optiques longue distance de nuit, et autres plus classiques JVN*. Quelques visiteurs furent invités à les manipuler puisque peu utilisés dans les unités classiques.
Puis s’en suivrait l’important passage au crible des transmissions en compagnie d’officiers spécialistes. Ceux-ci secondèrent le CDC pour divulguer les caractéristiques techniques de ces spéciaux appareils, exclusivement en dotation au 13e RDP, dont même certains à titre expérimental.
Très intéressés et pour cause de découvrir ces nouveautés, les VIP furent ensuite attentifs au sondage pratiqué sur les connaissances des strictes procédures, des interrogations ciblées et menées à partir de cas concrets. En l’occurrence, d’exclusives réglementations à appliquer une fois les ER « lâchées » en zone hostile.
Plus concrètement, il leur fut expliqué qu’il s’agissait de la vérification des savoir-faire adaptés à de possibles situations de crise rencontrées inopinément sur le terrain. Des contingences nullement limitatives, car au fil des « débriefings », le but serait à chaque occasion d’améliorer ces enseignements afin de devenir quasiment des actes-réflexes chez l’équipier.
Pour clore ce contrôle, seraient évaluées les connaissances des matériels et armements spécifiques au Pacte de Varsovie. Une longue séquence qui laisserait complètement pantois ces auditeurs extérieurs, éberlués par ces identifications sans faille, une grande érudition chez ces ER.
Indépendamment du contexte de l’inspection de ses employeurs, le CDC insista pour expliquer que tous ces divers contrôles étaient menés dans un rituel systématique. Nulle ER n’y échapperait, aussi talentueuse ou expérimentée soit-elle.
Ainsi, de tout grade et de toute fonction, chacun passerait dans les sas d’évaluation avec des censeurs peu conciliants.
Un crible sélectif aussi bien avant la manœuvre qu’à la fin de celle-ci, le but principal étant d’en tirer le maximum d’enseignements.
Bref, des contrôles réglés comme du papier à musique, le CDC n’excluant pas qu’absolument tout serait passé au peigne fin. Une vérification exigeante, mais qui en finale, éviteraient aux ER des impasses dommageables pour la réussite de leur mission, le tout avec pour finalité de garantir un maximum de chances de survie aux exécutants.
2
Détails de contrôle
Limite feignant d’ignorer la présence de ces VIP, les OFF-OPS des escadrons opéraient de façon méthodique. Face à eux, les sacs des ER étaient déballés dans une présentation uniforme pour exposer tous les indispensables impédimentas, y compris les deux kilos d’emport personnel autorisés, souvent du lard, miche de pain ou aussi du tabac.
À titre indicatif, le présentateur commenta que le poids du sac, le révolutionnaire sac à clé, flirtait en moyenne au-dessus des cinquante kilos.
Sceptique, ce robuste colonel de l’infanterie qui avait interpellé le CE* (HGD), voulut alors en ressentir les effets. Aidé pour l’occasion, une fois équipé, l’officier blêmit. Et pour cause, d’expérience il connaissait les dégâts qu’un sac de quinze à vingt kilos peut causer chez son porteur, alors bien plus du double, il en resta médusé…
Dès lors, lui comme ses acolytes regarda tout autrement ces paras. La nuit durant, et ce en tout terrain, ils allaient se « coltiner » ce « menhir ». Une appréciation respectueuse, saluée unanimement par ces VIP, certains les assimilant même à des Sherpas du Népal, pour transporter à dos d’homme ce lourd et imposant paquetage. Si volumineux et pesant, qu’il fut par certains rebaptisé « menhir » (HGD) en référence à l’actualité de la dernière BD d’Astérix…
Dans ces longs hangars clos pour cet inédit contrôle, un peu comme au souk afin d’en faciliter l’inspection, leurs étalages s’exposaient sur le sol et de façon uniforme, protégés par des ponchos. Un panel d’équipements et de matériels divers qui intéressèrent singulièrement ces visiteurs d’un jour, interpellant directement les équipiers pour en connaître en détail leur utilité.
À tour de rôle, des CE commentèrent l’intérêt de chacun de ces moyens, histoire pour l’ER de rester autonome durant les trois longues semaines de la mission, voire plus. Une check-list établit de longue date et où rien n’y serait superflu.
En aparté, l’officier en charge des explications précisa qu’au remballage, pas moyen non plus de tricher. Les ER resteraient sous surveillance jusqu’à leur mise en place aéroportée. Sous-entendu, l’existence de petits malins qui ne manquaient pas dans les escadrons.
Comme dirait plus tard un certain OSA*, ancien CE de l’époque : « la confiance n’exclut jamais le contrôle »…
Ainsi, à la dernière manœuvre régimentaire en mai, deux ACE* et un RER* firent l’objet d’un deuxième déballage avant de grimper dans l’avion. Une fouille vue de tous, procédé dissuasif pour l’exemple où ils se firent confisquer deux cartouches de cigarettes et un supplémentaire litre de pinard…
Toutefois, soucieux d’évoluer avec les avancées technologiques dans le domaine de l’équipement, depuis peu, plusieurs dérogations furent tolérées.
Avec humour, le commentaire du CDC expliqua que ces jeunes générations, bien informés des progrès équipementiers, cherchaient à se simplifier la vie sur le terrain sans en altérer leur opérationnalité.
Dépourvu de cette progression technique, le régiment aurait certainement végété. Mais l’avènement à temps plein d’une cellule innovation au 13e RDP y pallierait, histoire à ne jamais regretter d’avoir malencontreusement loupé le salutaire train du progrès, le tout quand même avec les grognes de certains traditionalistes…
Pour illustrer cet avènement, concrètement, le CDC présenta des sacs de couchage d’alpinistes au Général, ceux remplaçant les encombrantes « literies de campagne » de l’armée française. Il spécifia cependant que chaque équipier pour l’acquérir irait de ses propres deniers.
Questionné pour l’occasion, le CE* à la moustache fringante, le CE (PCI), démontra que ce couchage était moins volumineux et surtout plus chaud, insistant également sur le gain de place non négligeable. D’un humour grinçant (PCI) ironisa que seule la couleur choquerait leurs « censeurs », d’où ces housses légères et moins criardes pour les camoufler, la sienne conçue artistiquement par sa maman.
Cela valut la réplique du Général, demandant à la féliciter.
L’hiver bientôt là, le CDC changea de sujet en présentant les vêtements grand-froid type « Himalaya » ainsi que ses douillets chaussons. Des tenues spéciales 13 pour vivre en caches H 24, et ce durant plusieurs jours et nuits à observer en statique l’ennemi tout en résistant bien aux durs frimas.
— Ce soir et à cette latitude de Nuremberg, les gelées seront aussi du voyage, précisa-t-il.
Puis, s’en suivirent des commentaires à bâtons rompus sur la nécessité d’isolants tapis de sol et autres bâches en plastiques noirs pour recouvrir les rondins de la cache avant d’y ensuite étaler largement la terre de la fouille. Une autre sensiblement du même gabarit servirait de toile de tente itinérante pendant la période exfiltration.
Un aparté critiqua la guitoune classique en dotation dans l’armée, d’une part réputée de prendre trop de place, même quand pliée serrée et d’autre part quand trempée, elle infligerait un poids supplémentaire aux cinquante kilos déjà existants. D’où l’usage généralisé de cette pratique bâche noire, à recouvrir de verdure pour en camoufler sa couleur, son seul défaut.
Intrigués à la vue des sacs bulle en néoprène, le CDC s’étendit sur leur raison d’être lors d’incontournables franchissements de fleuves rencontrés en chemin. Des habitacles hyper étanches pour ne jamais tremper le paquetage et surtout l’arme.
Avec une pointe d’humour, il rajouta :
— Par définition, l’équipier du 13 restant toujours étanche et résistant…
Ce qui fit sourire les VIP, admiratifs devant ces « beaux bébés » très en muscle…
Là aussi en innovation récente et à peine brevetée opérationnelle, le CE (FGT) présenta son bateau spéléo avec ses drisses de cinquante mètres pour les va et vient nécessaires au franchissement de coupures humides. Une pratique devenue habituelle et où accessoirement la pagaie de fortune serait occasionnellement leur pelle-us.
Questionné (FGT) vanta les mérites du bateau, mais étant d’un naturel modeste, il conserva qu’il en serait avec son pote Paul les innovateurs. Devant l’œil interrogateur des VIP, il confirma que ce ne fut pas une mince affaire pour en obtenir le label RA.
Pour rester dans le domaine du liquide, il montra ses deux bidons individuels US, moins volumineux que les traditionnels du paquetage, insistant sur la particularité qui ne brûlait pas les lèvres pour boire le café ou la soupe, même quand soumis à la flamme directe du bleuet. Là aussi, le CE spécifia que chacun y allait de sa bourse, histoire de plus tard se simplifier la vie sur le terrain.
Réflexions qui interpellèrent le général, au point de demander à un de ces adjoints de le lui rappeler plus tard, jugeant au passage anormal que ces coûts soient supportés par les personnels alors qu’ils œuvraient pour la patrie…
Un clin d’œil complice du CDC à (FGT) montra que cette inspection n’était pas qu’une corvée supplémentaire à endurer.
Encouragé par l’intérêt porté à sa présentation, le lieutenant mit ensuite en valeur ses nourrices, dénommées « vache à eau » et qui permettraient en cache d’avoir suffisamment d’approvisionnement sans à devoir ressortir fréquemment, source toujours de danger.
Inévitables, vinrent ensuite les linges de rechange rangés dans des housses étanches et complétant ce « Barnum », allusion au chapiteau d’un cirque célèbre et comme tel où tout rangement trouverait sa place contingentée…
Autres accessoires surprenants, d’un regard ultra interrogatif, les VIP visionnaient les solides outils de terrassement. Leurs embouts en ferraille étaient momentanément protégés par du scotch TAP*. Un procédé pour s’éviter d’accidentelles coupures hors emploi et également pour en camoufler de malencontreux reflets.
L’aiguisage à l’extrême avait lustré les pointes de pioche, de pelle, de scie et autre hachette ainsi que de la pelle-us et de la serpette. Résultats d’un travail manuel effectué depuis une dizaine de jours pour leur faciliter dès le lendemain la confection de la cache.
À ce propos de cache, pour sa fermeture, on expliqua l’usage de ces planchettes s’emboîtant entre-elles pour devenir la protectrice trappe, procédé pour plus facilement se glisser ou s’extirper de leur trou. Déjà ainsi conditionné et prête à l’emploi, ce serait un gain de temps dans la finition de leur abri souterrain.
En revanche, si jugée encombrante et avec surplus de poids, la liberté était laissée à chaque CE de s’en équiper ou pas. Dans ce cas contraire, la trappe serait à construire sur place avec branches ad hoc.
Toujours très intéressé, ce même colonel de l’infanterie demanda comment faisaient-ils alors quand problème de besoins hygiéniques.
L’ACE* (ADM) ne se démonta nullement et y répondit.
— On évite un maximum de sortir de la cache dans la journée. Perso j’urine dans une poche en plastique, à vider ensuite et pour la grande commission, on attend la nuit pour se soulager et toujours avec la pelle-us pour enterrer étrons et papier-Q.
D’inévitables impondérables durant la mission renseignement, mais auxquels vite on s’y habitue, d’ailleurs pas d’autres choix. Pour la toilette corporelle, elle est négligée, assujettis à un manque d’eau et d’aisance dans la cache, d’où la barbe hirsute au retour de mission.
Dans les visages de VIP, l’étonnement s’affichait et ils mesuraient la vie hautement spartiate de ces équipiers de recherche, leur admiration allant crescendo.
Moins « voracée », car fournie par l’Intendance*, l’alimentation complétait une grande part à devoir ranger et afin de rester autonome durant trois semaines. Dans l’hypothèse où plus de temps à passer sur le terrain, comme en cas exceptionnel de « Longue exfiltration* », des BLM, boîtes à lettres mortes leur seraient indiqué par Tram radio avec des coordonnées précises. Ainsi, les ER trouveraient dans un trou camouflé, un complément en nutrition pour finir la mission et selon ceux chargés de les réapprovisionner, en cadeau parfois des cigarettes et chaussettes neuves. Ce qui ne serait pas du luxe après un mois entier passé sur le terrain…
Toutes leurs denrées étaient conditionnées dans des boîtes « Tupperware », accessoires pratiques pour un rangement « au carré » avec étanchéité garantie. Ces rations lyophilisées étaient nouvelles et logeaient facilement dans ces boîtes légères.
Interrogé, un ACE (CNT) leur confia que les cadres mariés recommandaient à leurs épouses ces féminines réunions Tupperware où autour d’un thé et « papotages », elles y récupéraient ces boîtes, peu onéreuses, mais hélas pas toujours du coloris discret, goût féminin oblige…
Propos ironiques qui amusèrent beaucoup la galerie de VIP.
Par ailleurs, ces rations lyophilisées étaient très appréciées. D’abord, pour leurs variétés et leur haute qualité nourricière. Réduites par procédé chimique, seul inconvénient, elles nécessiteraient pour leur cuisson un apport conséquent en eau.
Mais rien de comparable avec les « raskets » de l’armée française, toutefois seraient emmenées en complément des boîtes de bœuf, péjorativement dénommées boîtes de singe, ainsi que pâté, thon ou sardines. Enfin, du pain de guerre et une miche de campagne ainsi que fruits secs et barres chocolatées, café, sucres et paquets de cigarettes ou tabac pour pipe, selon, complétaient la liste dite : « de vie courante ».
Associé à la « bouffe » et tout aussi indispensable, le petit bleuet au gaz et ses recharges pour cuire leur nourriture. Également, les pastilles de Méta, alcool solidifié pour se faire un café sans avoir à tout déballer. Certaines poches de la tenue guérilla prêtes à les accueillir, souvent proches de l’incontournable briquet Zippo ou autres mèches amadou en prévision si plus de recharge ou pierre à briquet usée…
Incontournables même si encombrantes : les gamelles, dont la spéciale collective équipe. S’y associaient couverts et couteaux à multiples usages, pour compléter la panoplie de vie en campagne.
Selon les VIP, toujours si intéressés, ces contrôleurs du 13 semblaient drillés à vérifier d’un regard l’ensemble de ces impédimentas. Certains s’arrêtaient même pour les manipuler, car par le passé également chefs d’équipe, donc avec une expérience aiguisée.
Dans ces hangars aux lumières blafardes, équipiers comme OFF-OPS n’ignoraient qu’aucune impasse n’aurait d’intérêt pour s’alléger ou pire encore emmenés dans un état déficient.
Les enseignements tirés après chaque manœuvre en avaient auparavant et très largement démontré leurs utilités…
Ce contrôle du « matos » terminé et classé en opération de principe, les OFF-OPS* enchaînèrent plus sérieusement sur les bonnes connaissances des procédures.
Là aussi, rares seraient ceux pris en faute dans leurs questionnaires-pièges. Parfois, l’intimidation des plus jeunes les ferait légèrement bafouiller, mais indéniablement, tous connaissaient sur le bout des ongles ces stricts règlements.
Pour détendre l’atmosphère, l’OPS-OPS du « 2 » venait de se souvenir d’une mésaventure de son ancien RER* et il l’interpella de façon plutôt sympathique.
— Hé, Biloute, t’as pas emmené une paire de groles supplémentaire ?
L’altercation se passait d’explications, les rires les précédant.
— Non mon capitaine, regardez par vous-même j’ai là des toutes neuves, de super GOODYEAR rodées à MECAREG. Mais j’espère que vous ne nous avez pas encore programmés pour une longue-ex, répliqua l’interpellé, apparemment décontracté, prouvant la bonne franchise de ces contacts.
— Si cela ne tenait qu’à moi, vous y aurez tous droit, cela vous ferez la « bite », propos suivis de rires communicatifs.
— Même aussi les Bretons, mon capitaine ?
Une allusion à l’origine de l’officier.
— Surtout ces arsouilles, une bonne cure sans alcool pour mes potes…
Une façon gouailleuse de répondre, où quatre ans auparavant et en manœuvre, alors CE, ce capitaine avait dû rafistoler les rangers du RER avec du scotch TAP. Les groles n’avaient pas supporté le long kilométrage en tout terrain, bâillant complètement, telles les chaussures de Charlot dans son film « Les Temps modernes ».
Des anecdotes qui déridèrent les VIP, constatant au passage la relation forte chez ces équipiers et leur encadrement, même si le sérieux du contrôle oublié pour un instant.
Changeant de registre, le capitaine RV posa comme pièges des petits détails. Comme par exemple en cas de capture, comment rapidement se débarrasser des documents et codes nécessaires au conditionnement des messages.
En réponse instantanée, Biloute lui répondit :
— Prévoir dans la cache un trou indécelable, pour vite les y glisser et qu’ils ne soient jamais récupérés par l’ennemi.
Plusieurs cas concrets fictifs furent posés pour bien vérifier les meilleures réactions à adopter. Des situations probables en conflit et voulues pour leurs solutions qu’elles deviennent quasiment à devenir des actes réflexes.
Nul ne perdrait de vue que dans le contexte où l’ER serait logiquement exténuée, sans négliger la présence d’un stress permanent, elles bénéficieraient en main courante de ces solutions proposées par de telles procédures.
Seule différence perceptible dans ce qui ressemblerait parfois à un interrogatoire, cela se voudrait plus incisif auprès des jeunes OBS*. En effet, ces appelés du contingent seraient « malmenés » par ces « voraces » afin de s’assurer que, même si eux formés en peu de temps, qu’ils soient effectivement sur la même longueur d’onde que leur encadrement. Au passage, une belle évaluation de l’instruction RA* des escadrons, unités qui excellaient pour transformer rapidement leurs recrues en solides apprentis guerriers de l’ombre.
Une fois ces savoir-faire abordés, les OFF-OPS vérifièrent la mémorisation de l’infiltration à mener en ZI*, zone d’insécurité, l’itinéraire appris par cœur pour s’approcher discrètement de l’ennemi.
À ce propos, il fut fait une large parenthèse aux VIP pour leur expliquer que la mise en place aéroportée se faisait chaque fois suffisamment loin de l’axe à contrôler. Un gage de sécurité pour ne pas être repérés et pouvoir ensuite une fois installés en cache, leur indiquer les pénétrantes sous surveillance.
Revers de la médaille, l’obligation de nuit à s’en approcher en tout terrain, chemins, routes, ponts, et autres points caractéristiques totalement proscrits.
Quand on se souvenait du poids du sac, le challenge exigé sur une courte durée interpella facilement tous les VIP, nul besoin d’un dessin.
Comme énoncé, l’itinéraire était obligatoirement appris par cœur par chaque équipier et notamment avec l’aide du « chevelu ». Au demeurant, un travail topographique du CE exécuté en amont de la mission et de ce contrôle et qui sur un calque reproduisait les courbes de niveau ainsi que les thalwegs à devoir côtoyer.
Dans ce minutieux relevé y apparaissaient les dénivelées en coloris rouge et les rivières à franchir ou parfois de grands rus en bleu. De quoi concrètement et d’un seul regard, illustrer le relief du terrain jusqu’à leur terminus.
Travail ensuite de mémoire, chaque équipier devrait en connaître les moindres détails, notamment en cas où l’ER éclaterait suite à un incident comme une malencontreuse rencontre avec le plastron.
En pareil cas, en suivant le timing impératif des procédures, chacun rejoindrait seul ou à plusieurs l’objectif assigné.
Bref, l’excellente connaissance de l’itinéraire serait un gage de réussite et de sécurité pour tous au cours de l’infiltration de nuit avec en seule autre orientation pour évoluer sur cette zone boisée : la boussole.
Nul n’ignorait que Nuremberg avait été une ville autrement célèbre, connue principalement pour avoir été le siège du procès des dirigeants nazis à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Une justice avec plusieurs condamnations à mort pour crimes de guerre avec nombreux accusés exécutés par pendaison.
Toutefois ce soir, l’aspect historique y serait occulté. La concentration des ER se focalisant uniquement sur la mise en place aéroportée. Celle-ci passée et de préférence sans bobo, s’en suivrait cette longue et pénible infiltration en ZI, une épreuve physique harassante à assumer au sein d’une forêt hermétique dont une dizaine de kilomètres serait foulée par leurs rangers.
Autre règle immuable au 13e RDP, aucune annotation ne serait portée sur la portion de carte servant au CE, précaution pour qu’en cas de capture, l’ennemi ignore la destination finale de l’ER.
Le chevelu serait avant le départ détruit ou récupéré par l’OFF-OPS. Aussi, seule la torture pourrait éventuellement délier les langues, mais heureusement les équipiers n’en seraient pas encore à ce stade de prisonnier, certains relativisant que ce ne serait là une énième manœuvre franco-française en RFA…
Le CDC commenta que les ER engagées pour cet annuel exercice étaient qualitativement disparates. De grandes différences à noter, notamment niveau des expériences dans cette discipline du renseignement Humint*. Il expliqua aux VIP que de jeunes CE venaient d’être récemment diplômés après leur sélectif stage de formation.
L’aparté au Général développa que peu de candidats finissaient le stage, un apprentissage hyper exigeant, tant physiquement que moralement. Un tri des plus sélectifs ou nombreux et souvent non des moindres abandonnait en chemin.
Aussi, pour les « puceaux CE de ce soir », à leur compteur, ils n’avaient vécu que deux exercices majeurs pour s’aguerrir et mettre en pratique leurs nouveaux savoir-faire.
Cette nuit, ils inscriraient fièrement à leur tableau de chasse ce test régimentaire : « Eugénie », le must au 13e RDP.
Ce n’était pas de leur faire injure que de signaler qu’ils étaient les moins expérimentés à ces vérifications des OFF-OPS. Ils se trouvaient là en concurrence avec des CE « plus moustachus » et au palmarès élogieux, dont plusieurs années dans la spécialité RA.
La différence était flagrante lors du test de l’officier renseignement. Ces « Chibanis » possédaient de meilleures connaissances d’identifications des matériels soviétiques et pays satellites, y compris de leurs organigrammes lors d’un écoulement divisionnaire.
Aujourd’hui, le vorace du « 2 », capitaine chuteur-OPS (BRD) tentait vainement de les mettre en difficulté, poussant même jusque dans le détail à identifier des unités d’accompagnement en logistique.
Mais vaine tentative, « ces Moustachus » restèrent incollables…
(BRD) ne décela aucune ignorance et pour cause, les équipiers « bouffaient » à outrance de l’identification.
Autre contrôle, vint le tour de l’officier transmissions pour les matériels techniques. Là, ce serait également une autre paire de manches face à des sous-officiers ACE* qualifiés d’hyper compétents. D’ailleurs, ce sondage fut rapide et sans anicroche pour énumérer les différents « quartzs* » à utiliser, ainsi que la vérification des heures des TRAM*, indispensables rendez-vous radio pour recevoir les ordres.
Pour être adjoint en ER, cela nécessiterait de plusieurs années d’apprentissage dans cette sélective spécialité et les meilleurs ensuite postuleraient au statut de CE…
Au bilan, aucune ER n’échappa à ces divers contrôles pointus, avec à la clé, l’appréciation qualitative de leur effective compétence. Un rituel qui permettait de « jauger » les exécutants avant de vérifier concrètement sur le terrain de leur prochaine réussite.
Plutôt satisfait, même si ces vérifications jugées procédurières et peu dynamiques, le CDC venait de démontrer au Général de tutelle et à ces VIP qu’il avait à sa disposition un outil hyper aiguisé et qui ne demanderait plus qu’à être employé.
3
Ambiance avant mission
Libérées et soulagées des pointilleux « voraces »*, les ER remballèrent leur équipement dans un rangement méticuleux pour être en configuration commando RA.
Dans ce remballage, les « vétérans » sembleraient les plus sereins, effectivement, ils rangeaient leur « matos » sans se presser. D’expérience, ils n’ignoraient pas de disposer de quelques heures de standby avant leur embarquement programmé au « crépuscule des braves ».
Tels des ogres affamés dévorant leurs proies, leurs « menhirs » grossissaient à vue d’œil, ingurgitant un à un ces divers impédimentas étalés sur les ponchos. Dans un ordre précis, les compartimentages à l’intérieur du sac étaient précis, conformément aux critères spécifiques de la maison 13 avec l’exigence prioritaire pour l’opérationnel.
Aux observateurs les épiant, un distinguo inhérent au « menhir » leur sautait aux yeux au cours de ces méthodiques répartitions. En effet, en deux compartiments distincts, pour le sac chaque équipier commençait par l’essentiel : le sac mission. Il concernait les matériels idoines pour acquérir et diffuser le renseignement. Ainsi selon sa fonction au sein du team, chacun possédait sa check-list et s’y conformait à la lettre, un rangement expérimenté de longue date par leurs compétents prédécesseurs.
Ensuite, comme ils le nommaient, mais tout en le respectant autant, car des plus indispensables pour « être et durer », viendrait ce péjorativement nommé : « le reste ».
En clair, ce qui logerait dans le sac « allègement ». Un nécessaire pour le rustique confort à s’accorder sur le terrain où s’y associait la majeure partie des provisions.
Comme pour une fusée, ce premier étage était le complément à larguer par un système rapide pour se désolidariser de ce lest. But recherché pour rester véloce si incidemment « coursé par l’omniprésent plastron ». Un largage instantané d’une vingtaine de kilos, de quoi s’alléger un maximum, au risque de se prendre pour une Montgolfière, mais sans trop hélas s’envoler pour autant, dixit l’humour grinçant d’équipiers.
Également et dans ce voyeurisme exceptionnellement autorisé pour ces VIP, ils distinguaient nettement les spécialités aéroportées de la mise en place de ce soir.
Les plus nombreuses ER seraient dénommées péjorativement de « cordes à vache » par leur commentateur, celles désignées pour sauter en OA, parachute à ouverture automatique. De visu, elles assumaient un gros travail une fois leur « menhir » clos, leurs équipiers s’attelaient à l’éreintant conditionnement de leur gaine collective.
Un job non de tout repos, puisque à loger côte à côte leurs cinq « menhirs », certes auparavant délestés du sac mission qu’ils garderaient sur eux durant leur saut avec aussi leur arme.
Leur gaine se présentait en un bloc rudimentaire, cinq sacs d’allègement et leurs armatures contenus solidement par un filet de protection aux mailles serrées et de couleur marron.
Préparatifs exigeants avec quelques suées en perspectives, pour obtenir le « bloc » recommandé.
Une fois celui-ci obtenu et vérifier que les outils de terrassement ne dépassaient pas de trop du « bloc » compact, seul responsable, l’ACE sanglerait sur sa partie supérieure un parachute qui ralentirait la gaine à leur même vitesse de descente. Un pépin se déployant instantanément dès « le bloc » basculant dans le vide.
Ce futur largage « du colis » serait exécuté sur ordre du chef largueur. Aux paras ensuite de le suivre au plus près durant les trois cents mètres de descente de nuit, et ce jusqu’au contact du plancher des vaches.
Pour l’heure, la gaine collective terminée, « gueulant » le numéro de perception, rituel chez les paras, les équipiers percevaient leurs parachutes individuels ainsi que le ventral de secours. Ensuite, chacun se préparerait, ajustant « son piège » selon sa morphologie. Toutefois, ils disposaient encore de temps pour s’équiper complètement en y adjoignant le sac mission et l’arme. Entretemps, les pépins seraient alignés dans de rigoureux faisceaux bien alignés, un rituel également chez les troupes aéroportées.
Bien à l’écart des « cordes à vache » s’étaient regroupés les chuteurs opérationnels, ceux qui effectueraient un saut à ouverture commandée retardée, dit SOCR*. Ils préparaient chacun des gaines individuelles pour « transporter » leur « menhir » durant ce jump à haute altitude. Un poids conséquent à supporter par leurs épaules et ce en plus du pépin, alors que la gaine s’appuierait sur leurs cuisses.
Auparavant, la vérification de leurs parachutes accomplie, ils l’ajusteraient à leur morphologie, le pliage de la voile effectué préalablement par la BOMAP*, organisme spécialisé pour l’entretien et suivi des parachutes, dont leur pliage.
Resteraient enfin les dernières ER qui seraient bien plus « simplement » héliportées. Cela nécessiterait les rapides vérifications des baudriers et de ses accessoires comme les mousquetons pour ensuite s’assurer à la corde d’hélitreuillage. Elles se feraient déposer en une clairière anodine, à l’abri des vues, seulement dénoncées par l’inévitable bruit des rotors.
À leur programme, de nuit également, une descente rapide par corde lisse, les gants fumeraient un maximum jusqu’au toucher du sol et sans ne jamais lâcher prise.
Là, une fois désolidarisés de leur « cordon ombilical » ils seraient fin prêts pour l’infiltration, les JVN* en batteries pour explorer la ZI, tout en regardant le Puma s’éloigner, sa mission pour lui terminée.
Sans doute qu’en regardant son ombre se profiler au-dessus de la clairière, les plus anxieux espéreraient le revoir au plus tôt. Mais il leur faudrait attendre au moins trois longues semaines avant d’enfin les ramener au bercail.
Tous ces précis réglages techniques de mise en place terminés, vint enfin l’heure d’avaler un revigorant repas froid. Il leur fallait prendre des forces pour rester en pleine forme à ce test régimentaire programmé de longue date avec présence de patentés observateurs.
À ce propos, parmi ces VIP, peu appartiendraient à des armées alliées, la majorité étant des Français.
Telles d’effilées épées de Damoclès les menaçant, quelques officiers d’État-major de la Région EST possédaient la mauvaise réputation d’être de confirmés détracteurs du régiment. Parmi ce florilège très anti-13e RDP, leur mission serait d’essayer de prouver l’inefficacité de cette pourtant très séduisante unité parachutiste.
En clair, démontrer si ce régiment aurait de l’avenir pour exercer avec efficacité sa spécialité de Rens Humint.
Selon leur avis teinté de partialité, les progrès technologiques préconiseraient à court terme leur inéluctable remplacement, dont l’imminente concurrence de performants satellites-espions de dernière génération. Conjointement ensuite se positionnerait l’arrivée massive de drones, appareils télécommandés et déjà très développés dans les armées aux USA. Bref, des prétextes hautement fondés pour argumenter la plaidoirie de ces stratèges de salon, contexte douillet en comparaison à celui bien plus rustique du 13e RDP.
En un mot, ils ne croyaient plus à l’avenir du Rens-Humint assuré uniquement par ces seuls et énigmatiques « guerriers de l’ombre ». Du moins, si tentés qu’un jour ces détracteurs y avaient cru ou alors autre hypothèse et sans ne l’avouer : les jalouseraient…
Faute d’autres arguments plus convaincants que ces perspectives du futur, ils défendaient un argument peu encourageant pour les intéressés, l’envoi de ces paras « au casse-pipe », avec guère de chance en final de s’en sortir.
En guerre ouverte et non comme actuellement en guerre froide, ces prévisions ne seraient pas dénuées de fondements…
Dégustant un solide encas pris sur le pouce, ignorant ces observateurs partis au mess, les paras resteraient plus préoccupés par ce contexte très différent à celles de précédentes manœuvres.
Ils échangeaient leurs idées en dégustant leur « casse-dalle » des cuisines du deuxième escadron, associés à du pinard pour faire un minimum plaisir à ceux qui allaient bientôt en « chier ». Mais compte tenu du contexte de « guerre froide », en jeu de mots, des plaisantins rajouteraient : « comme des Russes ».
Les échanges tournaient invariablement autour du bien-fondé ou pas de « jouer » ce soir cet exercice, le spectre de l’hyper tension internationale suffisant à leurs prétextes. Une conjoncture inquiétante non ignorée puisqu’elle faisait la Une des éditoriaux, lesquels soulignaient la néfaste dégradation des relations entre le Pacte de Varsovie et les États alliés de l’OTAN.
Depuis quarante-huit heures, « de sérieuses et répétitives prises de bec officielles » s’accéléreraient dans leurs altercations. D’où depuis, ces risques de conflit qui transpiraient à grosses gouttes entre ces deux Blocs, chacun désireux de dominer la suprématie mondiale.
Pour l’époque, reléguée alors à un rôle subalterne, la Chine avec son leader Mao y serait momentanément exclue, plus préoccupée à « régler » sa propre révolution culturelle.
Entre deux bouchées et un gorgeon pour faire couler, des critiques ironisaient sur l’intérêt de participer ce soir à cette « bovinante d’hiver ». À l’évidence, ils auraient préféré conserver leurs forces pour la vraie guerre, celle appréhendée effectivement et qui ne saurait tarder. Des propos volontiers frondeurs, un défouloir d’opportunité, inspiré d’indicateurs médiatiques très inquiétants au point d’être depuis peu passés au rouge foncé. Sauf miracle, même les plus optimistes ne verraient plus d’issues pacifiques.
En revanche et peut-être déjà, à prévoir des échauffourées aux abords des frontières, histoire pour chacun des antagonistes à montrer ses forces et de marquer son territoire avec le secret espoir d’en annexer d’autres.
Les derniers communiqués indiquaient que la « guerre froide » aurait tendance à court terme de dégénérer en une méga tuerie qui dépasserait du double l’ensemble des pertes humaines des deux derniers conflits mondiaux.
Les pessimistes déclarations à l’ONU alertaient de façon officieuse que leurs nations ne tarderaient plus à s’affronter en une troisième guerre mondiale, si aucune résolution pacifique au plus tôt, sans quoi hélas quasiment inévitable deviendrait l’affrontement.
Jamais le dernier, de nature rebelle, le lieutenant René s’indignait face à qui voudrait l’entendre. Officier technicien d’origine, ex-sous-officier admis sur concours à l’épaulette, il provenait de l’arme du Génie parachutiste. Sa dernière affectation méritait le respect unanime, instructeur au CNEC de Montlouis, lieu réputé par son critère d’excellence, site reconnu parmi les meilleurs centres commando de France et d’ailleurs.
Dans ce temple d’aguerrissement, au prix de rudes efforts physiques et surtout moraux, les cadres de l’armée française y obtenaient l’esprit de cohésion. Panacée, pour revendiquer et porter avec fierté ce brevet sur l’uniforme…
Muté récemment dans la spécialité RA, ce stage CE n’avait nullement marqué physiquement René, même si non habitué au sélectif et pénible port du « menhir ».
En binôme avec son grand ami le Lt Paul, OT* et également doté d’une grande expérience parachutiste mais lui comme fantassin, ces deux trublions avaient eu quelques différents avec leur encadrement de stage. Sans doute que leur ancienneté serait restée hermétique à des bahutages mal perçus.
Peu malléables, d’un caractère très affirmé, ils n’avaient pas eu la côte auprès du directeur de stage, au point d’être sanctionnés d’une épreuve de rattrapage pour résultats passables en épreuves théoriques. Un peu comme au bac, avait ironisé Paul, même si leur épreuve « terrain » hautement réussi.
Toutefois et très honnêtement, ils reconnaissaient leurs lacunes sur des matières théoriques, comme en RENS ou en codes de transmissions, en comparaison à d’ex ACE du même stage aux connaissances bien meilleures, puisque accumulées depuis plusieurs années dans la spécialité.
Seul atout non contestable et pour cause, leur expérience avérée de vie en campagne.
Bref, René comme Paul ne cachaient jamais leurs opinions, leurs expériences de combattant par ailleurs les y aidant…
À cette pause casse-croûte, les propos de René n’étaient nullement équivoques, même si privé du soutien de Paul, ce dernier parti au coup de sifflet avec son équipe en OPEX* au Tchad.
Son avis se voulait direct et comme à son habitude : percutant.
— Au lieu de nous emmerder avec ces contrôles « à la con » sur nos boîtes Tupperware (réflexion d’un vorace ironisant sur la couleur rose d’un boîtier), les OPS feraient mieux de nous préparer à la vraie guerre.
Plus posé, avec à son brillant palmarès de plusieurs « Manip 13 » et récemment auréolé de son stage jungle chez les Marines US, le Lt Christian fut plus tolérant envers les contrôleurs, mais tout en restant solidaire de son collègue lieutenant.
Au grand « 2 », les lieutenants CE étaient d’autant une famille liée consécutif à leur éloignement en RFA. Un bloc solidaire dont ils entretenaient la cohésion dans leur mess, « la raïma » située à l’extérieur du quartier à Langen, quelques facéties y furent célèbres…
— René, ne t’énerve pas trop tôt. Conserve plutôt tes forces pour le plastron du 110 RI. Le capitaine RV craint qu’à l’occasion, te croyant toujours instructeur à Montlouis, tu ne fasses prisonniers ces plastrons, les foutes à poil et les ligotent à un arbre, recouverts de confiture pour attirer les bourdons et autres ours PD !
Fou rire général des personnels du « 2 », même si certains pensaient que René, volontiers frondeur sur les procédures, en serait bien capable.
Bref, des discussions pour tuer le temps avant de passer aux choses sérieuses : la mise en place tactique.
En réponse, René sourit volontiers à son ami et rajouta :
Une boutade typique à la René, puis la discussion s’orienta sur la Géopolitique, un thème abordé pour meubler le temps.
Cela débuta par un passage en revue des « va-t’en guerre » de l’Est, aux organigrammes si bien connus. Un rigide régime communiste qui favorisait l’endoctrinement des masses populaires. Une motivation plutôt orientée belliqueuse, d’autant que convaincue de posséder de meilleures capacités militaires que l’OTAN, aviation comprise.
D’ailleurs et certainement par défi, récemment et sous prétexte de grandes manœuvres, « Les Rouges » s’étaient massés aux frontières. Ce mois-ci, des débordements y furent signalés, mais sans en venir aux mains.
Partout à l’est, on assistait à la mobilisation des troupes. Les parades de soldats Tchèques étaient diffusées à la télé, les experts identifiant ceux susceptibles d’emprunter en éclaireurs les pénétrantes au sud de Nuremberg. Des axes stratégiques à investir et si sans oppositions de l’OTAN, pourquoi pas alors déferler « vent du cul dans la plaine » jusqu’à Strasbourg.
Ce n’était là qu’un secret de polichinelle, car depuis le traité de Yalta, les dirigeants du Soviet-Suprême armaient massivement leurs divisions. De plus et parallèlement, l’endoctrinement des masses populaires insufflait en permanence l’idée d’agresser l’OTAN, dont le « Satan américain », grande barrière pour enfin anéantir définitivement le système capitaliste.
Dans cette analyse géopolitique commentée par le Lt Christian, sous-jacent transpirait l’excellent prétexte des « Rouges » d’en favoriser au plus vite un conflit international.
En effet, le Kremlin commençait à s’inquiéter de la réelle fidélité des Républiques satellites. Des révoltes venaient d’être sévèrement réprimées dans le sang, en mémoire toujours celle hongroise à Budapest, capitale qui avait eu l’impudence d’exiger son autonomie. La répression y fut exemplaire pour dissuader de potentiels candidats à cette indépendance de tutelle de l’URSS.
Sévèrement réprimés, les Hongrois s’en souviendraient longtemps, mais n’empêchant pas ce vent de révolte qui pointait timidement son nez au sein du Pacte de Varsovie. D’où cette solution d’urgence pour enrayer ce néfaste processus en marche, en déclarant la guerre à l’Occident. Nul doute qu’elle renforcerait l’esprit nationaliste des pays satellites. Car quand on affronte un Bloc étranger au sien, d’autant de culture différente et particulièrement jalousée par ses richesses et mode de vie, on serait d’autant motivé à guerroyer, expliqua pragmatiquement Christian.
D’où au final, ces conditions qui concouraient tragiquement à l’inévitable escalade d’une guerre qualifiée encore de « froide », mais prête à bientôt embraser l’Europe.
Réprimandés par l’ONU et soucieuse d’y mettre la manière en masquant adroitement leur politique de « va-t’en guerre », les Soviets prétextèrent que ces regroupements armés aux frontières ne resteraient que des manœuvres de cohésion.
Cependant, en évaluant avec crainte ces grandes unités déployées au bord des no man’s land, ces divisions affichaient avec bravades d’alarmantes concentrations, dont l’effective mobilisation de pays satellites. Là-bas, largement diffusé sur les chaînes de télévision et principaux journaux, on annonçait le rappel systématique de réservistes, dont même ceux plus vraiment en âge de se battre…
En revanche et différemment qu’en Europe, ces rappelés de dernière minute seraient équipés d’armement moderne, publicité à l’appui sur de performants T72, dernier char de combat après les T62. De quoi, selon le commentateur, à vite donner envie à les tester contre le monde capitaliste.
Provocation ou dissuasion ?
Le dilemme restait entier, mais selon un René toujours très remonté, ce serait bien trop tard et hélas à le constater à nos dépens. L’Histoire avec un grand H majuscule n’étant qu’un éternel recommencement…
À ce stade avancé de pourrissement des pourparlers, dans ce poker menteur les surenchères ne manquaient pas et bien malin qui pourrait présager de l’avenir.
Nombreux croisaient déjà les doigts pour que les armes nucléaires restent stockées dans leurs silos ou bien dormantes dans les sous-marins patrouillant au fond des océans.
Une prière généralisée à l’ouest, pour que cela ne se « règle » qu’entre soldats avec de l’armement « classique », sans oublier les tranchantes baïonnettes.
Le rejet définitif d’armes NBC* serait la principale clause de sauvegarde de l’humanité, autrement on assisterait à un scénario catastrophe de la pire espèce…
Au PC de la BAO à Friedrishaffen, sans directive de leur employeur, le chef de corps du 13e RDP n’avait pas jugé opportun d’annuler l’exercice d’hiver.
Vieux soldat au sens noble de l’appellation, le CDC*, trigramme (GMT), avait même pris le temps de plaisanter sur cet hypothétique danger les menaçant. Ainsi, il claironna avec humour, que pour l’imminente manœuvre à assumer et une guerre entretemps de déclenchée :
— Ce sera tout bénéfice pour le régiment, rajoutant que ses fiers Dragons seraient aux premières loges pour démontrer leurs excellents et exclusifs savoir-faire du renseignement « Humint ».
Ce nocturne déploiement près de Nuremberg et de la frontière du Pays baptisé Carmin leur servirait « d’amuse-gueule », sous-entendu si plus tard : la guerre déclarée.
Ce soir de novembre, baptisée « Eugénie », en mémoire de l’Impératrice, épouse de Napoléon III et déjà au Second Empire illustre marraine de l’ex 13e Dragons, l’État-major du Bureau opération y testerait volontiers l’efficacité de ses deux escadrons de recherche.
Entre parenthèses, soucieux de maintenir ses traditions, le régiment les perpétuait en la personne de son Altesse Sérénissime la Princesse Alix Napoléon, sa nouvelle Marraine.
De descendance impériale, « l’intronisation » datait de la guerre d’Algérie, où à sa première rencontre avec le Régiment coïncidèrent les décès de plusieurs frères d’armes au cours d’un accrochage tragique avec les rebelles du FLN.
Des liens de sang qui la lient jusque de nos jours avec ses Dragons parachutistes, communion à respectueusement saluer.
Par ailleurs, à l’indépendance de l’Algérie en 1962, le 13e RDP fut rapatrié en Métropole avec pour garnisons successives Castres et Nancy, avant d’élire définitivement domicile à Dieuze en Lorraine sous le commandement du CDC (BZT).
C’est dans ce cadre que cette belle unité parachutiste reçut pour mission de s’orienter sur l’acquisition du renseignement en territoire ennemi. Tactiquement, un grand changement, puisqu’il ne s’agissait plus comme précédemment de neutraliser la rébellion fellagha dans les bleds algériens (clins d’œil aux anciens HBR et VLR) mais bien de renseigner sur l’actuelle menace du Pacte de Varsovie ».
Un changement radical qui se fit rapidement grâce à la légendaire et efficace faculté d’adaptation des parachutistes.
Ainsi et jusqu’en ces années 1978, le régiment se spécialisa à renseigner sur cet ennemi sobrement qualifié de « conventionnel ». Depuis peu, pour minimiser d’éventuelles susceptibilités, on le nommait « Carmin », couleur s’approchant du « Rouge ». Probablement à l’origine une énième démagogie pour ne pas heurter le parti communiste français, encore très virulent à cette époque. Toutefois, nul ne resterait dupe quant à l’identité exacte de la menace.
D’où leurs organigrammes et identifications des matériels connus par cœur par les ER, dans une comparaison mythologique avec l’Hydre de l’Herne et ses têtes multiples, tant ces pays satellites de l’URSS étaient tout aussi dangereux que les Russes, car à la fois bien armés et surtout hyper entraînés.
Aussi, pour ce 13e RDP « new-look » après l’Algérie, son combat consisterait à ces observations ponctuelles, même si en manœuvre, on ne s’approcherait jamais trop près des frontières concernées, comme d’ailleurs ce soir…
Un fringant capitaine du 13e RDP (TTR) ex-commandant d’unité du 1er escadron d’instruction fut chargé d’expliquer en détail la mission du régiment et ses premières conséquences avec notamment d’exigeantes sélections des personnels.
Au risque d’enfoncer de nouveau des portes ouvertes, il revint sur le contexte de la situation internationale et de la délicate projection préventive des ER bien au-delà des frontières et de préférence à programmer avant le déclenchement du conflit, tout en restant ultra-discrètes.
Un premier challenge où il en découlerait l’initiative d’avoir en avant-garde un escadron de recherche, « le 2 », unité autonome et prépositionnée en Allemagne pour se porter suffisamment à temps au-devant de tout déferlement d’envahisseurs.
Dans la stratégie d’alors, positionnement avantageux, d’envoyer ces commandos aéroportés ou héliportés, pour agir en patrouilles profondes au contact de l’ennemi, et ce en complète autonomie.
Il irait presque sans dire, insista l’orateur que pour assumer cette mission de tous les dangers, cela exigerait de posséder outre des qualités exceptionnelles de combattant, mais aussi un entraînement soutenu, comme ce soir d’ailleurs.
À la base et en filtre obligatoire, une sélection rigoureuse de candidats, de préférence à ce stade tous parachutistes confirmés ou en passe de vite le devenir.
Ensuite, dès leur agrément suite à un filtre sur leur dossier, éviter des origines douteuses ou des antécédents judiciaires, les tests physiques seraient ultra-sélectifs. Une fois cela réussi, resterait à « subir et endurer » un stage interne pour emmagasiner les excellents savoir-faire du régiment.
Là aussi et seulement en cas de réussite, les équipiers pourraient enfin arborer en plus de l’insigne régimentaire de l’Impératrice, le brevet de qualification de la recherche aéroportée.
(L’insigne de brevet qui viendrait bien plus tard que ces années de guerre froide et après son homologation, référence livre de Alain. À).
Toutefois insista encore ce capitaine, grand fumeur de pipe, pour parvenir à ce stade, il ne suffisait pas d’avoir de gros bras et d’être très endurant, comme le sont d’ailleurs en général tous les parachutistes d’unités classiques. Cela exigerait implicitement de détenir de grandes qualitésmorales et d’abnégation pour revêtir efficacement l’inégalable panoplie du parfait équipier de recherche. (TTR) savait de quoi il en retournait, lui-même CE et chuteur opérationnel fut la remarque en aparté glissée au général par le CDC.
Depuis, outre les épreuves physiques, des tests de psychologues sélectionneraient ce type de guerrier idoine pour mener à bien ce type de mission. Filtres indispensables pour éliminer quelques inévitables mythomanes ou autres trop « va-t’en guerre ».
Le capitaine (TRT) rouvrit cependant la parenthèse pour insister que seuls le volontariat et leur grande motivation seraient pris en compte chez ceux postulant à ce job inédit. Toutefois, il précisa évasivement que tout ne se résumerait pas simplement à ces deux seules conditions. Car ensuite pour acquérir le label « d’équipier de recherche », viendraient des épreuves ultra-sélectives pour déterminer sans trop se tromper sur les capacités réelles du prétendant.
Conséquences en cas d’échec, sanction directe : le renvoi immédiat. Cependant, même quand ce palier atteint, encore faudrait-il le confirmer dans le temps, notamment avec obligation de se maintenir toujours à un minima de niveau opérationnel, blessures malencontreuses à devoir prendre en compte pour « être et durer », crut-il bon de rajouter.
Mais en règle générale et pour y parvenir : un quotidien entraînement intensif et super exigeant.
D’où, ces fréquentes nocturnes mises en place par la voie des airs, suivies d’infiltrations ultra-discrètes pour apprendre à espionner l’ennemi conventionnel, tout en connaissant sur le bout des ongles les organigrammes de ces forces et leurs matériels utilisés.