ORAN 1962 - Georges Brau - E-Book

ORAN 1962 E-Book

Georges Brau

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Beschreibung

Fin de mars 1962, en cette caravelle l'arrachant définitivement de son pays natal l'Algérie, Paul, Pied-Noir de dix-huit ans, analyse objectivement les évènements lui valant cette déchéance, où menotté ,il s'envole vers Marseille et son pénitencier: le Baumettes. Au bilan, une adolescence perturbée après avoir aveuglément suivi son idéal afin de conserver son Algérie Française au sein des clandestins commandos Delta de l'OAS. En Final, son arrestation alors qu'en protection du Général Jouhaud, ex-putschiste réfugié depuis peu au boulevard Front de mer à Oran... Ex-officier supérieur d'organismes qualifiés de spéciaux, l'auteur entraîne le lecteur dans les deux dernières années tourmentées que vécut son héros à Oran avant l'indépendance de l'Algérie, récit à base d'évènements réels mais volontairement romancés.*une saga de la jeunesse de ce futur para de l'ombre et de sa précoce expérience au combat qui plus tard l'aiderait lors de ses palpitantes aventures militaires...

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Georges Brau

ORAN 1962

Alternative morbide

Roman

© Lys Bleu Éditions – Georges Brau

ISBN : 979-10-422-0060-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Pour Paul

La valise ou le cercueil

Du même auteur

Éditions Esprit de tous les combats :

Safari de Sarajevo au Darfour, 2005 ;

Éditions Libre Label :

Loups de Guerre, 2007 ;

Nébuleuse Afghane, 2009 ;

Éditions du Rocher :

Passé par les armes, 2013 ;

Mission spéciale au Sahel, 2015 ;

Éditions Les Eaux Troubles :

Entre deux Feux, 2017 ;

Filière pour Mossoul, 2018 ;

Traque en Centrafrique, 2019 ;

Éditions le Lys Bleu :

Uchronie pour guerriers de l’ombre, 2019 ;

Labyrinthe en Libye, 2020 ;

Missing au Congo, 2020 ;

Peshmerga for ever, 2021 ;

Hallali de Libye au Haut-Karabakh, 2021 ;

Mission Présumée d’Impossible, 2022 ;

Jeunesse

Éditons Mon petit Éditeur :

La légende du Dragon d’Orx, 2012 ;

Éditions Édilivre :

Le secret des rives de l’Uhabia, 2015 ;

Éditions le Lys bleu :

Le trésor des naufrageurs de l’île d’Oléron, 2018.

Avant-propos

Cher lecteur, en priorité notez que ce roman n’est nullement autobiographique, même si largement parsemé d’évocations inspirées de souvenirs de jeunesse.

Et à ce propos, certains mots et expressions y sont notés en italique, idiomes de l’époque et spécifiques à ce langage coloré chez les Pieds-Noirs.

Un lexique à la fin du livre vous en livre sa traduction.

Avant de vous faire pénétrer dans cet univers définitivement révolu, il reste impératif à se situer dans son contexte d’alors et notamment de sa réalité historique.

Un constat souvent très différent de celui transcrit par de pseudos historiens qui revisitent les évènements, uniquement motivés par l’intérêt politique partisan lequel s’inscrit systématiquement dans le culte de la repentance.

Pour exemple, d’omettre sans objectivité, l’apport bénéfique amené à ce pays depuis 1830 par ces Français d’Algérie et ne s’attardant nullement sur ces marécages d’alors et les endémies éradiquées et d’en construire en lieu et place un territoire enfin salubre et en pleine expansion économique et sociale, aux antipodes de ce qu’ils en ont fait à ce jour…

Ce récit romancé, débute en l’année 1961. Il se déroule dans le département d’Oran, deuxième ville en Algérie française…

En préambule, un rappel s’impose afin de mieux comprendre la genèse de l’exode de la population Pied-Noir en métropole en 1962. Ces vrais Français appelés de façon péjorative par leurs compatriotes métropolitains : « les rapatriés ». À l’origine de ce départ forcé, dès 1954 de récurrents attentats du FLN. Ce parti algérien revendiquant l’indépendance de l’Algérie et pour en accélérer le processus, de façon odieuse perpétrant des crimes horribles sur des civils Pieds-Noirs désarmés afin de les inciter de quitter au plus vite leur pays natal. Un pays pourtant qui leur appartenait au même titre que ces autochtones, d’autant que construit totalement de leurs mains depuis 1830.

Viendrait ensuite et hélas ce rendez-vous de l’histoire avec ce 13 mai 1958, date fatidique où les Pieds-Noirs appelèrent le Général de Gaulle à leur venir en aide afin de pacifier leurs départements avec l’armée française. Sous-entendu, de mettre définitivement fin aux incessants attentats du FLN.

Après le célèbre : « Je vous ai compris », ce fut à la place un irréversible processus politicien amenant au lâche abandon des Pieds-Noirs.

Une duplicité jamais condamnée à ce jour, qui conduisit l’Algérie vers son indépendance.

L’engrenage d’une funeste tragédie où les morts des deux bords se comptèrent par milliers, sans oublier le sacrifice inutile de milliers de soldats métropolitains abattus pour être venus pacifier le pays.

Bref, le constat révoltant d’une grande traîtrise, avec pour conséquence la signature des accords d’Évian. Accords qui donneraient l’indépendance à l’Algérie sans en mesurer les conséquences immédiates ni celles futures et devenues depuis contemporaines.

Sous-entendu, d’actuels Algériens incapables de vivre dans leur pays indépendant et revendiqué comme tel et depuis ruiné par leurs dirigeants du FLN et désormais pour seul avenir de venir grossir en France les flux migratoires.

Afin de répliquer à ce félon abandon des Pieds-Noirs, ce fut en logiques représailles d’assister au Putsch de quatre généraux factieux, puis à la création de l’Organisation de l’Armée secrète, l’OAS.

Armée secrète en résistance afin de garder ce territoire aux Pieds-Noirs, territoire depuis 1830 créé à la sueur d’immenses efforts au cours de longues décennies.

À la suite des sanglants évènements, ne restait plus pour seule alternative à ces Français nés en Algérie d’opter pour « la valise ou le cercueil ».

Dès lors et en légitime quête d’idéal, parmi cette résistance, de jeunes générations furent embrigadées avec pour seule motivation de défendre et sauvegarder la terre de leurs ancêtres.

En toute objectivité et à garder en mémoire, la majorité de ce million de Pieds-Noirs n’était pas tous de riches colons. La plupart vivaient même précairement. Une caricature politique distillée en métropole afin de les discréditer et les dénoncer comme des nantis qui honteusement asservissaient les autochtones…

Cette vérité établie, notez que toutes ressemblances avec des personnes ayant existé ou toujours de ce monde, ainsi que des circonstances relatées dans les lignes de ce roman ne seraient que de pures coïncidences.

Et ce, même si concordant curieusement avec des évènements historiques.

En revanche et dans ce récit, transpire en permanence la nostalgie du soleil de là-bas et aussi de sa belle mer méditerranée, tout comme le joli cadre de la ville d’Oran avec son immaculée Vierge Marie de Santa-Cruz, statue érigée pour protéger ses fidèles chrétiens Pieds-Noirs.

Prologue

Entrapercevant une colonne de prisonniers menottés et escortés manu militari par des gardes mobiles, soudain des cris d’encouragements s’élevèrent de la foule.

En l’occurrence, un inattendu chahut de futurs rapatriés qui étaient agglutinés derrière des barrières pour faire la chaîne à la Sénia, l’aéroport d’Oran. De pauvres gens qui impatiemment attendaient à s’embarquer au plus vite pour la métropole par peur des Algériens.

En communion avec ces malheureux jeunes compatriotes entraperçus, ensemble ces voyageurs en partance scandèrent le célèbre ti-ti-ti… ta-ta de l’Algérie Française.

Une foule avec pour unique bagage, une petite valise par personne autorisée, une bien maigre richesse consentie pour le début de leur exode. Ils venaient juste d’abandonner leurs modestes biens et pire, les racines de leurs aïeux aux cimetières. Seuls et à jamais, ne leur restaient que de bons souvenirs et déjà naissante pour la plupart d’entre eux, une obsédante nostalgie.

À la Sénia, ces rapatriés constituaient une longue file qui impatiemment attendait leur tour d’embarquer. Certains déjà là depuis quarante-huit heures afin de prendre enfin un avion et de s’envoler sans regret vers la France qui pourtant les avait abandonnés.

L’espoir de quitter au plus vite et définitivement leur chère ville d’Oran, car à l’unanime évidence, ils s’y sentiraient désormais en grand danger. Aussi résignés, ultra tristes et à la fois hyper révoltés de cette injustice subie, ils appliquaient contre leur gré, la célèbre devise de l’OAS offrant pour seule alternative : « La valise ou le cercueil ». Pour eux, l’option s’était imposée d’elle-même, leur petite valise à leurs pieds en témoignant. Tous intimement persuadés qu’ils risqueraient à coup sûr leur vie à demeurer plus longtemps sur leur ancien territoire.

D’ailleurs, le 5 juillet 1962, les malheureux retardataires à rejoindre leur métropole leur donneraient raison. Un sinistre bilan avec plus de trois mille Pieds-Noirs abattus et égorgés par les Algériens ou disparus en cette même ville d’Oran.

Un génocide jamais justifié et à ce jour toujours sans la moindre repentance. Seule et irrecevable, la fallacieuse excuse d’une vengeance sans discernement sur des innocents, et ce en vertu de prétendus sévices endurés depuis plus de deux cents ans de colonisation…

Sur ce tarmac de la Sénia et à la vue de ces jeunes combattants menottés, cela déclencha de multiples clameurs pour saluer avec compassion cette vingtaine de compatriotes en partance vers un pénitencier.

Parmi cette cohorte de prisonniers, nombreux n’étaient que de jeunes lycéens, la plupart encore imberbes.

Toutefois, ce commando marchait fièrement en levant la tête sous un soleil déjà haut dans le ciel et inondant de ses brûlants rayons cet aéroport.

En grande sueur, cahin-caha, la file indienne de détenus rejoignait le transporteur aérien réquisitionné à cet effet afin de les conduire sous peu vers leur destination, la prison.

Tout le long de ces barrières installées afin de canaliser l’immense foule en exode, ces prisonniers furent alors autorisés à doubler d’assez près la compacte et longue file d’attente.

À la vue de leurs compatriotes, ces jeunes l’accomplissaient avant leur dernier voyage comme si défilant un 14 juillet, le tout sous les tonnerres d’acclamations.

Bref, une étrange parade de ces apprentis soldats sans uniforme, ni nullement bardés de médailles, mais convaincus d’avoir bravement tenté d’accomplir leur devoir.

En clair, de s’être vaillamment battus pour leur idéal : l’Algérie Française.

D’où avec enthousiasme, d’entendre ces futurs rapatriés les saluant avec frénésie et aussi pour nombreux de grande admiration.

Ce fut reçu tel un respectueux adieu envers ces vaincus de l’OAS, une jeunesse combattante et qui bien en vain avait tenté de sauvegarder leur pays de l’indépendance et de ses irrémédiables accords d’Évian.

Pour ces jeunes combattants de l’ombre, un rêve fou et utopique, car la décision élyséenne était désormais irrévocable après le référendum où le oui à l’indépendance fut majoritaire et objectivement compréhensible.

Concrètement les métropolitains de l’hexagone n’avaient que faire de ces cinq départements français, car bien trop lointains de leurs soucis quotidiens et surtout aussi d’y envoyer leurs enfants pour se battre et mourir à défendre de riches colons.

Ils ignoraient évidemment que ce million de « rapatriés » n’était nullement des colons et loin de là…

Caravelle

Au sein de ce groupe de prisonniers, peu fier de lui en dépit des louanges adressées parmi un immense brouhaha, le jeune Paul suivait tranquillement sa cohorte de camarades. Des frères d’armes tout comme lui et qui avaient jusqu’à ce jour essayé de conserver ce magnifique territoire à la France.

Mais hélas et d’ici peu, pour Paul comme pour ses malheureux compagnons, tous seraient emprisonnés à Marseille dans la maison d’arrêt des Baumettes.

Une colonne escortée sans ménagement par des gardes mobiles en dépit que ces jeunes soient désarmés et peu virulents car solidement menottés.

Toutefois et attirant avec émoi son attention, de cette foule hurlante, l’adolescent perçut nettement qu’on l’appelait à plein poumon par son prénom.

Il s’agissait d’une voix féminine ou alors aurait-il pris ses rêves ou ses espérances pour une réalité.

Scrutant en vain cette masse de gens agglutinés derrière les barrières, Paul ne put jamais identifier si la personne l’appelant lui était connue.

Sauf peut-être cette jeune fille assise sur sa valise, laquelle actionnait un mouchoir blanc pour dire un au revoir ou plus probablement un adieu définitif à ces futurs bagnards.

Pourtant et hasard du destin, la jolie Marie l’avait reconnu et spontanément l’appelait à tue-tête. Mais trois fois hélas, sans que Paul n’ait pu correctement la distinguer parmi ces centaines de personnes alignées le long des barrières.

Bref, et comme un signe définitif du destin, la fin d’un bel amour platonique et d’une liaison jamais jusqu’à ce jour hélas esquissée.

Étroitement surveillés, lui et ses inoffensifs camarades entendaient avec émotion leurs compatriotes entonner la chanson patriotique « Les Africains ». Ce bel hymne Pied-Noir de reconnaissance identitaire et qui pour eux dans ce grand désarroi momentanément remplaçait la Marseillaise.

Un chant chaudement revendiqué cependant en restant conscients qu’ils ne pourraient plus conserver leur ex-patrie, lieu de leur naissance et pour certains, avec une longue lignée d’ancêtres de plusieurs générations.

Énervés face à une pacifique manifestation qui ne se voulait qu’honorifique et non vindicative, les gardes mobiles bousculèrent de nouveau leurs prisonniers afin de leur faire accélérer le pas vers leur avion.

Cela eut pour réaction d’augmenter les sifflets et autres quolibets peu flatteurs par tous ces témoins oculaires à cette répréhensible et gratuite répression sur des adolescents menottés.

Parvenue enfin au bout de ce long tarmac, la cohorte embarqua dans une splendide Caravelle blanche, avion mythique d’alors, afin de sous peu rejoindre Marseille et dans la foulée pour une incarcération au pénitencier des Baumettes.

Mais loin de s’émerveiller devant cette splendide Caravelle, Paul entendait toujours résonner dans son cerveau cet appel féminin scandant son prénom, un cri de désespoir qui devrait longtemps le hanter.

Même si peu certain, mais positivant, l’adolescent s’auto persuada que cela provenait bien de la jolie Marie, son premier amour de jeunesse.

Puis assis et coincé dans son fauteuil, Paul repensa encore aux circonstances et à l’origine de son emprisonnement, sans se soucier des réacteurs en marche et d’un décollage imminent.

Concentré sur son arrestation, en objective mémoire pour l’adolescent ce fut une sentence logique avec sans avocat pour le défendre. Et ce, même si son statut de mineur, puisque la majorité officiellement alors était vingt et un ans.

Dans leur cas de prisonniers politiques ou selon l’avocat général, il ne s’agissait que de potentiels terroristes, donc aucune dérogation ne protégea ces adolescents à des peines d’emprisonnement.

Bref, un verdict sans appel et où tous furent jugés comme terroristes, puisque pris en flagrant délit avec armes à la main alors que venus protéger ce 25 mars 1962 le Général Jouhaud.

Incident regrettable où toujours en cavale, cet ex-général putschiste était venu se réfugier au 14e étage de cet immeuble « Le Panoramique », résidence située sur le boulevard Front de Mer.

En totale opposition au Général de Gaulle comme ses autres camarades aux cinq étoiles, ce dernier des quatre généraux séditieux s’était rendu sans résister afin d’éviter toute effusion de sang entre compatriotes et forces de l’ordre françaises.

Toutefois, il ignorait que son escorte tomberait ensuite dans une souricière, et ce en dépit d’accords préalables obtenus si quittant ces lieux sans résistance.

Un traquenard peu glorieux mais habituel quand on veut éradiquer toute résistance qualifiée d’illégitime.

Confortablement assis pour ce court voyage l’amenant manu militari en métropole, posément Paul analysa comment ces évènements s’étaient brusquement accélérés en si peu de temps. Notamment pendant ces deux dernières années de son adolescence.

En priorité, avec en principale émotion mêlée d’amertume, il ressentait d’être devenu une sorte de paria pour La France, mais aussi et bien plus tristement, pour sa propre famille.

Afin de ne rien oublier dans son analyse, l’adolescent revisita de proches souvenirs afin de comprendre ce qui l’avait si vite conduit à cette déchéance de futur prisonnier du pénitencier marseillais des Baumettes.

Une étude objective afin de peut-être se préparer à un éventuel meilleur avenir, même si celui-ci a priori compromis et afin peut-être plus tard de s’éviter semblables désagréments, telle son imminente incarcération.

Dans cette pertinente vision des évènements transpirait l’évidence mémorielle d’avoir à plusieurs reprises été prévenu par ses parents. Ceux-ci lui avaient maintes fois fait la leçon afin d’éviter d’appartenir à l’OAS, car cela finirait mal pour lui.

D’ailleurs, preuve aujourd’hui en était faite, bien menotté dans cette Caravelle.

Mais ses pensées s’estompèrent dès que les réacteurs se mirent en pleine puissance, puis très vite fut le gracieux et puissant envol de ce bel aéroplane, le tout accompagné de larmes difficilement contenues.

Paul jeta un dernier regard furtif vers le hublot pour son définitif adieu à sa terre natale.

Et une fois en vol de croisière, son cerveau actionna alors sa machine à remonter le temps, tout en pensant curieusement à ce poème de Lamartine : « Ô temps, suspend ton vol et vous heures propices suspendez votre cours. Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ».

Cela résumait ce que serait son court voyage en avion, alors que sa mémoire promptement mise en marche afin de remonter le fil de ses souvenirs et avec immanquablement la présente tristesse sécrétée par de la nostalgie.

Un peu comme si déjà écrits pour un roman classique, mais avec des lettres de sang et d’inévitables drames.

Un épilogue tragique l’entraînant tout droit vers un autre pays. Une métropole où il y serait nullement le bienvenu puisqu’étiqueté avec le peu enviable statut de repris de justice en qualité de membre actif de l’OAS…

Environnement

Pour remonter le temps durant ce court voyage le menant avec ses complices jusqu’à Marseille, Paul se remémora avec précision ce début de mois d’avril 1961. Un délai à peine d’un an en arrière avec des souvenirs récents bien en tête. De quoi se revoir en cette belle et sympathique ville d’Oran, classée après la capitale Alger, de deuxième ville et département français en Algérie.

Un souvenir qui débutait au cours d’une belle journée déjà particulièrement chaude. Toutefois, Pieds-Noirs comme autochtones s’en accommodaient. D’abord car natifs et donc acclimatés et aussi mais moins avoués, limite résignés.

En effet et à ces grandes chaleurs du Sahara, plus grand-chose à entreprendre pour s’opposer à ce climat méditerranéen. Une époque où les Oranais ne disposaient pas de climatisation et d’ailleurs à quoi bon, ce « machin réfrigérant » donnant des angines et des coliques.

Aussi, survivaient-ils allègrement à ce chaud climat et ne s’en plaignaient que rarement, avec en échappatoires, l’excuse d’une anisette ou d’une tranche de pastèque pour se rafraîchir.

En fait, l’appellation canicule n’existait pas encore là-bas.

Bref, limite blasé, chaque habitant en Afrique n’ignorait pas qu’aux heures les plus chaudes de l’après-midi, ces hautes températures étaient inévitables et donc se résigner de faire avec.

Cependant, il existait d’efficaces moyens pour épisodiquement s’en préserver. Cela passerait par le port de vêtements appropriés, garde-robes de shorts et chemisettes, de préférence de couleur blanche, amples et légers. Ou bien encore pour ces dames, jupes et robes courtes avec l’usage gracieux et répétitif de leurs beaux éventails et d’inévitables concours à celles qui en possédaient les plus colorés.

Pour la chaleur et aux alentours des 13 heures, surtout s’éviter les effets néfastes de Kadour, appellation sympathique du soleil. Ainsi et en ces heures cruciales, Oran devenait une ville morte et pour ses résidents, l’obligation d’une sieste à l’ombre, histoire de se préserver de cette « cagna ».

Principale cause à ces hautes températures, périodiquement ce vent du sud appelé « Siroco », bise véhiculant un air extrêmement chaud du Sahara. Avec lui, d’inévitables dégâts matériels, comme la sécheresse par endroits ou de voir fondre le goudron des rues.

Aussi dans pareil cas, chaque Oranais n’aspirait plus qu’à se baigner à la mer où à la piscine de la JMO. Une façon de se rafraîchir dans une eau à vingt-cinq degrés en moyenne et assez fraîche pour saisir les plus frileux de ces baigneurs.

Bref, les Oranais étaient résignés et nul besoin d’user encore de la salive par de stériles explications sur l’incontournable climat africain, leur pays natal. D’autant qu’en ce mois-ci, encore rien de comparable avec un prochain été bien plus torride. En attendant, consommer de grosses tranches de pastèques pour se rafraîchir le gosier.

Dans ce contexte climatique de bientôt Pâques, Paul habitait au 34 rue de Nancy, la coquette villa Paule, étrangement du même prénom que lui, mais au féminin.

Demeure qui se situait au bout d’une longue rue légèrement excentrée du centre de ce très peuplé quartier Miramar.

Cependant et gros atout à sa situation urbaine, cette rue de Nancy était parallèle au magnifique boulevard Front de mer, donc facilement accessible car à deux pas de cette résidence.

Une magnifique promenade aux heures fraîches et un lieu de drague idéal tout âge confondu.

Un boulevard aussi long que le grand port d’Oran et qui bénéficiait d’une vue imprenable. Avec en bonus, ce vivifiant air marin et pour finaliser ce beau panorama et en fond de tableau, la majestueuse montagne de Santa-Cruz.

Hormis sa dénivelée relative, le haut de cette petite montagne s’ornait d’une lumineuse basilique avec à son sommet la statue de la Vierge Marie. Une statue de la foi chrétienne qui protégeait et veillait sur tous les Oranais.

Selon la légende, ou alors l’histoire, souvent ces deux s’imbriquant, on racontait qu’au début du siècle et afin d’enrayer une épidémie de peste décimant la population, le maire de la ville avait ordonné d’y ériger une Sainte Vierge.

Une splendide statue visible de loin et qui fut ensuite baptisée du joli nom de la montagne.

Très vite et sans autres explications que celle opportune d’un véritable miracle, rapidement cette peste disparut complètement de la ville. D’où la dévotion des Oranais pour leur Sainte Patronne avec de nombreuses ascensions en sa montagne et autres processions pour La remercier. Notamment comme en cette période pascale avec la traditionnelle et succulente « Mouna » à déguster. Une brioche typique qui après la messe ravissait les papilles des gourmands.

Pour la journée souvenir évoquée par Paul, en ces débuts de vacances scolaires de Pâques, plus que jamais acoquiné de son inséparable pote Jean-Noël, leur futur emploi du temps des loisirs ferait place à d’âpres discussions. Un long débat et de vifs échanges avant d’obtenir un tacite accord.

Âgés de dix-sept-ans et scolarisés en classe de première au lycée Lamoricière, chacun d’eux argumentait avec ferveur aux meilleures activités pour ces vacances scolaires.

Jean-Noël ouvrit le débat, essayant de résonner son ami pour le suivre vers des loisirs de préférence nautiques.

— Polo ma parole, tu es « maboul » ? Tu préfères te rendre à la préparation militaire en lieu et place de venir à la piscine et d’y draguer les jolies baigneuses.

— Arrêtes un peu ton cinéma « coulot ». Toi tu as encore envie d’aller fricoter avec cette Raymonde. Elle est mignonne certes, mais la malheureuse est aussi plate qu’une limande, que dis-je une vraie planche à laver.

— Tu es « scelloso » ou quoi ? Tu aurais mieux à proposer toi « bobétone » ?

Paul ne lui répondit pas, comme si d’office admettant cette répartie, même si à son actif de séducteur en herbe, quelques légers flirts acquis en surprise-partie, mais nullement de quoi trop pavoiser.

En ville d’Oran et en règle générale, de culture à majorité hispanique, les filles se montraient réservées. Pour ces garçons parfois trop entreprenants, à leur goût elles seraient bien trop sages. Y compris pour Paul, plutôt beau gosse et jusqu’à ce jour sans ne jamais n’avoir pu concrétiser.

Bref et à regret, encore puceau, même si ne l’avouant jamais. Juste de petits baisers pour uniquement s’éveiller l’appétit sexuel, mais jamais de vrais « gros pelotages de nichons ».

Des rêves de beaucoup d’adolescents oranais et avec en cachette leurs plaisirs solitaires dont « du tirage sur l’élastique », selon l’expression à la mode.

Dès lors et convaincu d’avoir mouché son ami, Paul en souriait encore à pleines dents.

En revanche, souvent avec son ironie de mise, l’estocade de Jean-Noël ne tarda pas pour riposter et en espérant terrasser son pote.

Une réplique cinglante mais énoncée sur le ton gouailleur de la plaisanterie, car ces deux-là s’aimaient bien.

Aussi et limite impatient, le blondinet lui envoya la sauce :

— « Falso », tu ne me l’avoues pas, mais je sais très bien que tu es amoureux de cette jolie Marie. Mais alors et si tu veux mon humble avis, d’une, elle est trop bien pour toi. De deux et en plus, elle ne s’intéresse qu’à des gars de son âge et pas à un mioche boutonneux comme toi.

Jean-Noël était satisfait, il venait de faire précisément mouche par cette allusion à la jolie Marie.

La réponse ne tarda pas.

— Ouais et hélas tu n’as pas tort mon pote. Cependant et mis à part que je n’ai pas plus d’acné que tu en affiches sur ta face de bouc. Bientôt à Miramar, on devra tous t’appeler Minitel.

Les rires fusèrentà la suite de cette réplique avant que Paul ne reprenne la discussion.

— Avoue-le quand même, c’est la plus belle de notre quartier. Lieu servant de référence car où vivait Paul et évinçant d’un revers de main, toute inopportune concurrence venue d’ailleurs. Cependant sans être très objectif et en le sachant pertinemment.

L’échange verbal s’acheva sur cet indéniable constat. En son for intérieur, Paul s’avoua d’être amoureux de cette jolie jeune fille habitant à cent mètres de sa rue de Nancy et à quelques pâtés de maisons.

D’ailleurs et à l’occasion, il guettait ses sorties de l’immeuble « des Dragages », nom d’une résidence cossue de Miramar où elle y résidait avec sa famille.

Parfois et sur un coup de tête quand s’enhardissant, le jeune garçon la suivait discrètement. En priorité pour admirer ses affriolantes courbes féminines, même si la demoiselle réservée dans ses tenues vestimentaires et aussi par ses sages attitudes.

Bref, ce n’était nullement une « allumeuse » comme certaines aimaient à l’être.

Pour elle, nul besoin d’artifices supplémentaires pour attirer les garçons, sa beauté y suffirait.

Marie n’aguichait aucun prétendant et trois fois hélas, notamment pour ce soupirant, Paul inconnu d’elle puisque jamais officiellement déclaré.

L’avait-elle ne serait-ce qu’une seule fois déjà remarqué, notamment quand prise en filature ?

La réponse négative affecta l’adolescent à la suite de son analyse.

À l’évidence, les filles étaient plus matures que le sexe opposé. Cela s’additionnant à son désavantage avec une différence d’âge de peu d’années les séparant.

Pour son malheur, le soupirant restait conscient de son handicape d’âge en sa défaveur et qui annihilerait facilement d’hypothétiques rencontres amoureuses ou ne serait-ce que l’ébauche d’un léger flirt.

Aussi s’évadait-il à rêver d’une rencontre platonique, une quête de Graal inaccessible, puisque jamais à ce jour il ne l’avait rencontrée en tête à tête et encore moins dans des cercles d’amis en surprise-partie. En fait, cette jolie Marie fréquentait une élite oranaise, elle-même issue d’une famille fortunée, donc évoluant dans un milieu aisé et de rencontres avec des garçons possédant de belles voitures de sport.

Pour le malheureux cas de l’infortuné Paul, la comparaison se limiterait à son vieux vélo rouillé.

Aussi et à son grand regret, cela l’obligerait à l’avenir de s’astreindre à une drague impossible.

Afin alors d’apaiser sa vivace blessure amoureuse et atteint d’un grand vague à l’âme, l’adolescent se réfugiait dans des lectures. Au hit-parade de ces choix littéraires, les poèmes de Rimbaud ou de Lamartine ou encore de s’adonner à la lecture des « Pléiades », cherchant à retenir de mémoire ce type de strophes :

« Je ne me contente pas des joyaux que le ciel a mis à la portée de l’homme ni des bijoux pour lesquels il s’affole et je recherche toute autre chose… »

À la réflexion, la fin de sa strophe lui sembla caduque et il se fit la promesse d’y revenir bientôt.

Comme beaucoup d’adolescents, Paul espérait trouver un bel idéal capable de le motiver et peut-être découvrir un émoustillant but dans sa future vie d’adulte. Un peu comme si déjà désireux de brûler les étapes, ce difficile palier transitoire de l’adolescence.

Il n’en était pas moins vrai qu’à dix-sept ans son avenir restait flou et n’avait pas grand sens puisque dénué d’inspirations.

Il n’était pour l’heure uniquement attiré par le sport, beaucoup moins par les études, et depuis la puberté naissante, également par les conquêtes passagères de jolies filles.

Bref, rien d’affriolant, à part peut-être et de plus en plus à rechercher une comptabilité machiste de filles séduites, des challenges entre potes dans une compétition loyale mais en bout de course souvent peu flatteuse.

Alors et en désespoir de cause, il préférait s’abandonner à dévorer Edmond Rostand et son héros, Cyrano de Bergerac, dont avec Jean-Noël, ils connaissaient par cœur les tirades et aimaient à les citer comme ce genre de réplique :

« Nous sommes les cadets de Gascogne de Carbon de Casteljaloux,

Les Cadets de Gascogne, bretteurs, menteurs et qui font cocus tous les jaloux ».

Tirades dont ils étaient fiers au point d’en attraper le fou rire. Mais ensuite et quand une fois de nouveau seul avec son spleen, revenaient en fantômes pour le hanter, ses échecs amoureux et un avenir mal défini avant de passer enfin le rubicond et parvenir à sa majorité.

Préparation Militaire

Les yeux fixés sur le hublot de cette caravelle, Paul se souvenait exactement et comme si c’était hier de cette joute orale avec son ami et il en souriait car coïncidant avec le début de son enrôlement dans l’OAS.

Les rires estompés, Paul changea vite de sujet, pas trop du genre à s’appesantir sur son actuelle déchéance amoureuse. D’autant que bien conscient des évènements beaucoup plus tragiques qui journellement en Algérie les accompagnaient. En cause, de nombreux attentats se déroulant dans le pays, ceux-ci assurément plus gravissimes que ses amours non réciproques.

En ce sombre registre des faits divers, les listes des victimes du terrorisme s’allongeaient en détaillant leurs patronymes et âges, mêlant affreusement sexes différents et avec de nombreux enfants abattus.

De tragiques rubriques où la majorité était des civils, comptabilisés de chaque côté des deux belligérants, sans n’oublier de jeunes appelés métropolitains venus mourir en pays inconnu pour tenter avec plus ou moins de réussite de le pacifier. Une ambiance de guerre et d’insécurité, même si le gouvernement la cataloguait honteusement de « simple maintien de l’ordre ». Un déni d’une guerre pourtant effective, mais hélas à cette époque jamais officialisée comme telle.

Bref, de quoi inciter le jeune Paul de connaître en urgence à se servir d’une arme, ce qu’il confirma à Jean-Noël avant de se quitter.

Afin de s’instruire dans cette originale discipline, quoi de plus pratique que puiser des expériences militaires auprès d’un encadrement compétent. D’où son engagement à la préparation militaire et qui lui servirait plus tard lorsqu’appelé à faire son obligatoire service national, avec en premier bénéfice, le choix de l’unité à laquelle il appartiendrait.

Une option entérinée de longue date, comme l’avaient précédemment accompli ses deux frères, mais de préférence pour Paul ce serait un service national chez les Parachutistes.

Un désir, même si encore pas très sûr d’oser sauter d’un avion en parachute. Puisqu’en fait et souvent avec honte à la piscine, il avait déjà peur de sauter du plongeoir de cinq mètres, alors de s’élancer dans le vide en plein ciel…

Dans ses rêves, effectivement Paul espérait devenir un fringant parachutiste. Ébahi et envieux, son choix émanait de la vision de ces paras déambulant en ville et s’attirant les regards enjôleurs des jolies demoiselles oranaises.

Certes, leur seyante tenue camouflée les valorisait un maximum, sans oublier ce beau et fringant béret rouge en couvre-chef, ainsi que le fait d’arborer fièrement à leur ceinturon une longue dague effilée.

Bref, une virilité naturelle et de grande classe, au point de dissuader de s’attaquer à leurs personnes, tous paraissant quasi invincibles.

Du moins, ce serait l’image pleine d’admiration que leur portait le jeune Paul.

Plus tard, quand à son tour devenu l’un des leurs, il s’était esclaffé en entendant un camarade plaisanter sur l’effective admiration portée par les femmes sur ce beau fleuron de l’élite de l’armée française :

« Les femmes baveuses, la culotte à main, regardaient les paras défiler, des hommes, des vrais, on les veut… »

Pour sûr pensa-t-il en y rêvant de nouveau, que la jolie Marie le regarderait beaucoup mieux, mais trois fois hélas, il n’avait pas encore déjà l’âge d’accomplir son devoir militaire.

Ainsi et à cette heure matinale, succédant à son long différent oral mais non moins amical avec son pote Jean-Noël, Paul se rendit à l’instruction militaire. Un engagement des plus volontaires, avec en préambule à son programme d’en baver un maximum aussi bien physiquement que moralement, et ce en compagnie d’autres collègues du lycée.

Au menu du jour, un parcours du combattant plutôt « hard », même si aménagé pour leurs corps encore frêles d’adolescents et en bonus de belles suées en perspective.

La priorité exigée par leur encadrement de professionnels serait d’atteindre un optimal dépassement de soi et avec en final, au sens propre comme au figuré, d’être complètement lessivé. Cependant en prime, très heureux et plutôt fier de l’effort accompli.

En ce début d’entraînement, fourbu et vanné, ses précédents rêves de guerrier au beau béret rouge s’évaporaient à grande vitesse. Il baignait dans des sueurs qui l’obligeaient à s’abreuver sous peine de se déshydrater.

Bref, des exercices physiques où l’encadrement militaire ne ménagerait nullement ces apprentis-soldats tout en les conseillant mais toujours de façon virile, un monde bien différent que leurs moins exigeants enseignants du Lycée Lamoricière.

En permanence, ces cadres n’hésitaient pas à les insulter afin de les stimuler. Ils les traitaient de différents pseudonymes peu flatteurs, les plus fréquents les assimilant à de vulgaires « couilles de loups ». Ou bien encore plus vexants et péjoratifs, à de « grandes chochottes » ou voire pour varier leur coloré vocabulaire, à de « petites mauviettes ».

Épuisés, le moral enfoui dans leurs chaussettes, nombreux abandonneraient en chemin, préférant plus sagement aller draguer ou se baigner, exercices bien moins contraignants et surtout plus agréables.

À comparer objectivement, des disciplines moins ardues que ces pénibles exercices physiques où pompes et autres abdominaux alternaient en permanence et le tout sous le joug de leur peu de complaisants instructeurs.

Heureusement viendrait ensuite la récompense suprême pour ceux ayant réussi ces premiers tests sélectifs : le très concret tir au fusil. De quoi enfin connaître ce que Paul rechercherait loin du farnienté et autres dragues de filles choisies par son pote Jean-Noël.

Mais auparavant avant de goûter à cette récompense, s’imposerait une instruction indispensable sur le tir, la performante IST.

Au programme, la connaissance approfondie de vieux MAS 36, des fusils semi-automatiques à démonter et remonter, y compris avec les yeux bandés. Ce test reposait sur une hypothèse de combat pour régler un incident de tir alors qu’étant plongé dans le noir de la nuit.

Bref, connaître parfaitement le fonctionnement de son fusil et avec la consigne notifiée sur des pancartes publicitaires accolées aux murs et mentionnant sans ambiguïté de : « savoir tuer pour vivre ».

Cet exercice manuel fut sans difficulté pour un Paul qui d’ailleurs y excella. Il obtint le record de vitesse de son groupe avec le démontage et remontage les yeux bandés.

Puis et enfin, ce fut l’utilisation de cette arme en position de tireur couché à effectuer sur des cibles situées à deux cents mètres de distance.

Là encore, le jeune Paul s’avéra être un excellent tireur. Ses cinq impacts de balles bien groupés, lesquelles lui valurent des encouragements de son moniteur.

Une belle récompense au point d’en oublier les précédents sévices endurés ainsi que les harassantes fatigues ressenties.

Satisfait de sa prestation, moralement Paul se sentait déjà prêt à revenir le lendemain. Notammentà la suite de l’alléchante promesse de tirer au pistolet mitrailleur, le fameux PM MAT49, la mitraillette ou sulfateuse, comme on l’appelait là-bas.

Plutôt intéressé par ces armements, avec la permission de son moniteur, l’apprenti-soldat récupéra des fiches afin de les apprendre par cœur, une assimilation beaucoup moins indigeste que ses cours de latin ou d’histoire-géo.

D’ailleurs, ce particulier grand intérêt n’échappa pas à un de ses instructeurs.

— Oh le Polo, tu m’as l’air d’aimer l’armée ?

— Oui mon adjudant, peut-être bien que j’en ferai plus tard mon métier comme mon grand-père maternel.

— Ah oui, il a aussi fait l’armée.

— Oui, en 1914, il s’est engagé et a fait carrière comme vous dans la légion. Un bel exemple pour moi, car de nuit cet Alsacien d’à peine seize ans a traversé le Rhin à la nage pour ne pas être Allemand et ensuite fait la guerre et obtenu beaucoup de médailles.

Paul était très fier de ce grand-père pourtant qu’il n’avait jamais connu, tout comme celui paternel, lequel tout au contraire, nullement l’esprit guerrier.

En effet, malchanceux d’avoir tiré le mauvais numéro à son service militaire, il serait contraint d’accomplir sept longues années d’armée au lieu comme la majorité des conscrits des deux ans obligatoires, une règle de l’époque très inégalitaire.

Aussi et afin de s’éviter cette sanction, instituteur, il se porta volontaire en Algérie pour instruire les autochtones pendant dix ans. Mais en final, aimant trop ce pays, il y demeura jusqu’à sa mort.

Amusé par ces confidences, l’instructeur se présenta sous le prénom de Manu et d’emblée s’afficha comme aussi Pied-Noir, mais natif de Tlemcen, en arabe le port des moutons, une ville moyenne à environ quatre-vingts kilomètres d’Oran.

Visiblement, cet adjudant semblait intéressé par cet apprenti-soldat qui tirait plutôt bien et aimerait le métier des armes.

Durant cette pause et se mettant à fumer, Manu proposa une cigarette à Paul, mais ce dernier refusa poliment. En revanche, il accepta un Orangina, comprenant vite que ce sympathique adjudant Pied-Noir avait des idées derrière la tête.

D’ailleurs, cela ne se fit guère attendre alors que son interlocuteur venait d’engloutir cul-sec une bière Kro.

— Tu serais libre ce soir à dix-huit heures ?

— Oui mon adjudant, je suis en vacances scolaires,

— Quand on est que les deux, appelle-moi Manu. Alors, rendez-vous au café du Centre à la Place des victoires, tu connais ?

— Oui, c’est près du cinéma « L’Idéal ».

— OK alors ça marche.

Acceptant ce rendez-vous, même si inquiet pour la suite à venir, Paul rentra déjeuner chez lui et déjà assez excité par ce futur rencart. Intérêt d’autant décuplé puisqu’avant de se quitter, Manu lui avait recommandé de n’en parler à personne, ce que lui avait promis-juré son jeune complice.

Ce lieu de retrouvailles avait de suite interpellé l’adolescent, puisque n’ignorant nullement que ce troquet était le fréquent rendez-vous d’agitateurs locaux. Les « activistes », comme on les nommait alors avant que l’OAS soit créée et ne les intègre dans leur armée secrète.

Souvent, des descentes de la gendarmerie mobile étaient diligentées pour y « ramasser » ces présumés activistes, mais malins, ceux-ci feraient en sorte de présenter des alibis irréfutables et libérés après quelques jours passés en préventive dans d’insalubres cachots.

Plus tard, ce mouvement para militaire de l’OAS succéderait aux militaires de ce putsch avorté d’Alger.

En permanence, le gouvernement citait leurs actions en les qualifiant de terrorisme, alors que la volonté de ces clandestins ne consisterait à ne vouloir conserver que l’Algérie à la France. Puisqu’unanimement, revendiquant d’être des Français à part entière.

En l’occurrence, Paul citerait fièrement son parrain Georges de s’être battu pour la France comme Tirailleur Marocain. Une unité en majorité composée d’autochtones et de Pieds-Noirs, qui s’illustra notamment lors des rudes et sanglants combats au célèbre Monté Cassino.

Depuis et en exactions répressives contre ces forces de l’ordre toujours trop présentes pour endiguer les fréquentes manifestations, des actes subversifs avec des « stroungas » se multipliaient. Des bombes artisanales contre des lieux officiels ou chez des autorités pro Gaullistes et désireuses d’empêcher les Pieds-Noirs à vivre dans ces deux départements français, bref chez eux…

Famille et contexte

Toujours dans cet avion l’éloignant de sa terre natale, Paul continuait à se souvenir de ces évènements l’ayant conduit à ce futur emprisonnement aux Baumettes.

Ce même jour-là à Oran, il était à peine dix-sept heures, quand Paul confia à sa mère qu’il irait sous peu rejoindre ses copains, présentant pour excuse de s’y rendre pour des compétitions de baby-foot au café du coin.

L’excuse agréée, Paul reçut en cadeau de sa gentille génitrice quelques pièces pour s’adonner à ce jeu.

Pourtant la maman n’était nullement dupe, aussi lui demanda-t-elle avec un sourire complice la raison d’un tel élégant accoutrement pour une simple confrontation de baby-foot :

— Je trouve que tu t’es fait un peu trop « wapo » pour aller jouer au baby ou à ce flipper américain avec tes amis, ces foutus appareils américains qui vous piquent tout votre argent de poche. Mais dis-moi Polo, tes copains où ils trouvent l’argent pour le dépenser si bêtement ? Chez leurs mères aussi ?

L’adolescent sourit et embrassa de nouveau sa maman, lui confiant que les autres mères n’étaient pas aussi généreuses que la sienne. Compliment qui la ravit, juste avant de reprendre mais sur un ton moins plaisantin. Un reproche habituel d’une maman qui maniait souvent le chaud et le froid, mais sans toutefois être très sévère envers ses quatre enfants.

— Dis-moi mon chéri, tu as encore pris la belle chemise de ton frère, s’il te voyait, je te promets que tu aurais encore droit à une raclée bien méritée.

— Mais Maman, à la mienne du dimanche manque toujours deux boutons et tu ne me l’as pas encore recousue. Mais, grand merci pour cet argent Maman.

Le sourire crispé de la mère s’effaça avant de reprendre son discours.

— Parce que tu crois pour ta chemise que je n’ai que cela à faire dans la maison ? Va donc lui proposer à ta grand-mère, elle le fera mieux que moi. Mais surtout fais attention à ce soir et ne rentre pas trop tard, le couvre-feu est à huit heures pétantes. Ces salopards de gardes mobiles tirent sur tout ce qui bouge et sans ne regarder les âges de leurs victimes.

— Oui Mman !

Une promesse qu’il pensait tenir, le fils respectant trop sa génitrice pour lui mentir.

Jusqu’à ce jour, Paul n’avait jamais eu de conflits particuliers avec ses parents. Bien élevé et d’un caractère souple, il les respectait même si parfois les trouvant trop exigeants sur ses résultats scolaires.

Avec objectivité, il pensait qu’il n’était pas le seul dans ce cas, les parents toujours désireux que leurs enfants soient les meilleurs pour se préparer un meilleur avenir que le leur. Une singulière façon de prouver leur amour, mais sans pour autant leurs enfants de les en blâmer.

En ce qui concernait Paul, la barre recherchée était trop haute, puisque impossible de rivaliser avec son frère aîné. En l’occurrence, un premier de la classe qui raflait tous les prix d’excellences et accessits.

Frère aîné que l’on désignait comme étant le parangon des lycéens au point de le classifier dans la catégorie des élites.

Probablement que son secret résidait de le voir toujours avec un livre à la main pour enrichir son cerveau, alors que Paul préférait jouer au ballon… Bref, son aîné était un puits de science avec une mémoire défiant toute concurrence et pour le résumer de façon triviale, il ne serait pas la moitié d’un con, ricana mentalement Paul mais pensé avec un total respect.

Admiratif, son cadet le respectait, d’autant que volontiers et chaque fois quand sollicité, cet aîné aiderait ses jeunes frères. De suite prêt à tout abandonner, il se métamorphosait en professeur agrégé et était pédagogue afin de développer au mieux la faible matière grise de ses deux cadets. Même si parfois avec de grandes difficultés et de maigres réussites, mais en bout de chaîne ses précieux conseils les propulsaient parmi le premier tiers de leur classe.

Hélas et depuis peu, son aîné était parti accomplir son service militaire et combattait avec les commandos de chasse dans le djebel.

En fait pour avoir participé au putsch d’Alger, disciplinairement son régiment fut muté à la frontière marocaine pour pacifier cette région aux mains des fellagas.

Outre d’être son grand frère et à respecter comme tel, Paul en était d’autant fier que celui-ci avait été blessé à la jambe lors d’un musclé engagement guerrier.

Plâtré et arborant ses médailles fraîchement acquises pour son héroïsme, son cadet garderait à jamais en mémoire cette séquence quand en convalescence Paul était venu l’accueillir à la gare d’Oran.

Il assista alors à de nombreux témoignages et respect de frères d’armes de toutes origines, des paras et légionnaires et autres biffins qui saluaient avec grande déférence ce héros boitillant.

Un témoignage que l’adolescent conserverait en mémoire toute sa vie durant.

D’ailleurs et plus tard quant à son tour croisant des blessés, il n’hésiterait jamais à les saluer de la même manière…

Son deuxième frère était plus âgé que Paul de trois ans. C’était le plus doué de la fratrie dans le sport. Notamment en natation et football disciplines où il était régulièrement sélectionné en Oranie depuis l’âge de minime. Des gênes du paternel dont il aurait bénéficié bien plus que ses deux autres frères.

D’ailleurs et véridique à l’époque, il rivalisait avec le nageur Gotvalès qui deviendrait plus tard champion du monde du cent mètres nage libre. Mais son frérot préférait le football et délaissa les entraînements et compétitions de piscine.

Parallèlement, il était une grande fierté pour leur papa, lui ancien professionnel de football « acheté » par le club de Sète en France.

Bref, un bel héritage de gênes, dont Paul avait pour sa part que moyennement hérité, en revanche pour pallier ces manques, il les compenserait par l’ajout ultra productif d’un moral d’acier.

Moral qui ne le faisait jamais renoncé et il s’entraînait fort sans toutefois parvenir à rivaliser avec son cadet, cependant sans jamais en prendre nul ombrage et encore moins de jalousie.

Tout au contraire, cela le motiverait.

Enfin dans ce panel filial venait la perle de la famille, sa jolie petite sœur. Incontestablement, la chouchou de tous et futée, elle excellait pour exiger de ses grands frères d’accomplir ses moindres caprices.

C’était une belle famille de classe moyenne qui vivait heureuse en ce 34 rue de Nancy à Oran à la villa « Paule ». Une belle demeure louée par les parents, mais sans hélas jamais connaître l’origine de cette appellation féminine intriguant celui titulaire de cette homonymie…

Après ce long aparté pour mieux situer la famille en question, bien peigné, la raiesoigneusementdessinée du côté gauche, Paul se rendit d’un bon pas vers la turbulente Place des Victoires.

Celle-ci se situait à moins d’un kilomètre de chez lui et où depuis peu devenant quasi une habitude, elle servait de lieu de rencontre pour des manifestations pacifiques qui succédaient au putsch d’Alger.

Au programme plutôt bon enfant, lors de ces manifs se succédaient des chants, avec au hit-parade la Marseillaise, puis le chant des Africains et le tout accompagnés par les obligatoires Ti-ti-ti – … ta-ta.

Un brouhaha et un tohu-bohu scandés sur le même rythme par les nombreux participants.

En réponses immédiates, s’additionnaient les clacksons tonitruants de véhicules, souvent ceux-ci à fond afin de générer une cacophonie joyeuse qui regroupait toutes ces générations spontanément unies dans une même communion.

Cependant et aussi dangereusement qu’une épée de Damoclès, ces manifestants Pieds-Noirs restaient sous la proche surveillance d’une compagnie de peu sympathiques gendarmes-mobiles, les « Rouges » comme appelés par les Pieds-Noirs.

Leur liseré rouge sur leurs képis les différenciait notamment de « La blanche », gendarmes classiques et eux très appréciés de la population.

Ainsi, l’unité des Rouges attendait avec impatience l’ordre de disperser cette remuante et fanfaronne foule, bien peu peureuse même si désarmée et qui n’hésitait au cours de cette manif à pacifiquement les provoquer.

De son côté, Paul avait déjà participé à ces rassemblements pour démontrer l’attachement des Pieds-Noirs à conserver l’Algérie Française. Manifestations qui inévitablement se soldaient par des représailles et leurs lots de grenades lacrymogènes. Quand parfois insuffisants, l’ajout de charges musclées de ces forces de l’ordre, lesquelles appliquaient régulièrement leurs consignes de dispersions.

Le plus souvent, ces gardes mobiles n’y allaient pas de main morte sur des gens désarmés.

Chaque fois et à leur sinistre bilan des manifestants grièvement blessés, mais sans que jamais cela ne soit réprimandé en dépit d’un rapport de force très contestable puisque parmi ces dizaines de victimes, également des femmes et des enfants.

Les informations étaient censurées et pas de téléphone mobile ni d’internet à l’époque, donc facilement caché.

Après de telles ruées menées sans discernement, les séquelles étaient nombreuses avec des crânes sanguinolents, entaillés notamment par les crosses et autres matraques.

Bref, des visages et autres parties du corps ensanglantés et parfois aveuglément assénés sur des femmes ou adolescents.

La poudre d’escampette s’imposait naturellement, un réflexe si on ne voulait pas trop « morfler ». Une esquive tactique, avant de se regrouper plus loin et continuer à chanter le rituel : « C’est nous les Africains qui revenons de loin ».

Une riposte stérile, mais la seule arme pour répliquer. Un peu comme si cela pourrait changer quelque chose à un destin scellé à tout jamais dans les hautes sphères élyséennes du Général de Gaulle. Ce président de la République française qui abandonnait lâchement des Français, jugés coupables d’être nés ailleurs qu’en métropole.

N’ignorant nullement comment cela pourrait très vite dégénérer, Paul choisit de contourner la Place et d’éviter de se mêler aux manifestants, son rendez-vous primant davantage, même si effectivement quelques courses à accomplir pour s’éviter les représailles l’auraient bien amusé.

Ce fut donc prudemment en cette fin d’après-midi que Paul évita largement la foule jusqu’à tomber quand même sur un barrage policier.

Interpellé lors de ce contrôle, poliment il prétexta qu’il ne faisait que de rentrer sagement chez lui. Un mensonge plausible avec sa jolie gueule d’ange et lui permettant d’aborder le café du Centre sans risquer de dommageables anicroches…

Premier contact avec l’OAS

Ce premier contact de Paul avec l’OAS restait bien en mémoire et l’adolescent s’y attarda, se souvenant notamment de sa fébrilité lors de son entrée de plain-pied dans le monde des adultes.

Une étape cruciale dans la vie d’un adolescent de dix-sept ans.

Au fond de la salle bruyante, des consommateurs refaisaient le monde en dégustant l’inévitable apéro avec sa succulente kémia.

Là, sans ne rien montrer de ses sentiments ou alors de son éventuelle impatience, l’attendait tranquillement l’intrigant Manu.

En la circonstance et dénotant du treillis camouflé de ce matin, il revêtait une tenue civile plutôt sport.

Un changement moins martial, ce qui intrigua l’adolescent, même si pas né de la dernière pluie. En effet et à la réflexion, il serait évident qu’en tenue de légionnaire, l’individu serait trop repérable par d’éventuels espions à la solde du gouvernement et qui n’hésitaient pas à se mélanger à la clientèle de ce café.

Notamment ceux récemment débarqués en Algérie et surnommés du pseudonyme peu valorisant de « Barbouzes », même si plus de postiches pour se grimer et passer inaperçu comme dans les vieux films.

Installés à sa table, Manu était accompagné de cinq personnes inconnues de Paul. De prime abord, elles se montrèrent peu accueillantes envers ce nouvel arrivant, probablement du fait de son jeune âge, donc arbitrairement jugé peu mature et cela concourait en sa défaveur.

Après de rapides présentations, avec une pointe d’ironie, l’un des cinq qui se prénommait Gabriel envoya une désobligeante réplique sur ce nouveau venu.