Le Vieil Homme dans le coin - Baronne Emma Orczy - E-Book

Le Vieil Homme dans le coin E-Book

Baronne Emma Orczy

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Plusieurs affaires de crimes racontées par Le Vieil Homme dans le coin...

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Le Vieil Homme dans le coin

Le Vieil Homme dans le coinLE MYSTÈRE DE LA RUE FENCHURCHLE VOL DE PHILLIMORE TERRACELA MORT MYSTÉRIEUSE DANS LE MÉTROPOLITAINLE VOL DE LA BANQUE DE PRÉVOYANCEL’ASSASSINAT DANS LE PARC DU RÉGENTLE MYSTÈRE D’YORKLE MYSTÈRE DE LIVERPOOLLE MYSTÈRE DE BRIGHTONLE MYSTÈRE D’ÉDIMBOURGLE MYSTÈRE DE DUBLINLE MEURTRE DE BIRMINGHAMUNE MORT MYSTÉRIEUSE DANS LA RUE PERCYPage de copyright

Le Vieil Homme dans le coin

 Baronne Emma Orczy

LE MYSTÈRE DE LA RUE FENCHURCH

I

L’étrange vieil homme qui se trouvait dans le coin, à la table voisine de la mienne, posa son verre de lait et s’accouda.

— Des mystères ? dit-il. Il n’y a de mystère en aucun crime si les investigations sont intelligentes !

Stupéfaite, je le regardai par-dessus les journaux que j’étais en train de lire. Avais-je commenté à haute voix l’article qui m’intéressait tant, je n’en sais rien, mais les paroles de ce bonhomme se trouvaient en directe réponse à mes pensées.

Son apparence, en tout cas, suffit à m’intriguer. Je n’avais jamais vu un vieillard si blême, si mince, et muni de si drôles de cheveux pâles, comiquement ramenés en travers d’un crâne glabre.

Il paraissait timide et nerveux. Incessamment, il tourmentait une cordelette entre ses doigts maigres et longs ; il y accumulait, pour les défaire ensuite, des nœuds extraordinairement compliqués…

Je m’aperçus par la suite qu’il ne pouvait guère parler sans manier quelque ficelle.

— Et cependant, ainsi que cet article l’expose, rien que dans l’année dernière, six crimes ont complètement dérouté la police et leurs auteurs sont encore en liberté !… répondis-je.

— Pardonnez-moi, dit-il doucement, je ne me suis jamais aventuré jusqu’à prétendre qu’il n’y a pas de mystères pour la police : j’ai simplement fait remarquer qu’il ne saurait y en avoir lorsque le crime est examiné avec intelligence.

— Même dans l’affaire de la rue Fenchurch ? demandai-je, d’un ton sceptique.

— Surtout pas dans le prétendu mystère de la rue Fenchurch, répliqua-t-il tranquillement.

À cette époque, le « mystère de la rue Fenchurch », ainsi que l’on disait, déroutait tous les esprits en Angleterre. Et cela depuis un an. L’attitude de ce petit vieux était donc un peu prétentieuse.

Je répliquai, non sans ironie :

— Quel dommage, vraiment, que vous n’offriez pas vos services à la police, ils lui seraient fort utiles.

— Je crois bien qu’elle ne les accepterait pas. Et puis, si je devenais un détective officiel, mon sentiment et mon devoir se trouveraient trop souvent en conflit direct. Il arrive, en effet, que mes vives sympathies vont au criminel assez subtil pour rouler nos détectives.

Certainement le cas auquel vous venez de faire allusion commença par me dérouter, moi comme les autres, poursuivit-il.

Vous le rappelez-vous bien ?… Le 12 décembre dernier, une femme pauvrement vêtue, mais qui semblait, par je ne sais quoi dans sa démarche et son regard, avoir connu des jours meilleurs, informa Scotland Yard[1] de la disparition de son mari, un M. William Kershaw, sans occupation fixe depuis quelque temps. Elle était accompagnée par un ami, un gros Allemand bouffi, blême, quasi huileux. Tous deux racontèrent une histoire qui mit immédiatement la police en mouvement.

Il paraît que le 10 décembre, à environ deux heures de l’après-midi, Karl Muller, l’Allemand, avait été voir son ami William Kershaw pour lui réclamer une petite somme – quelque chose comme dix livres – que ce dernier lui devait. En arrivant au malpropre logement de la rue Charlotte, il trouva William Kershaw dans un extraordinaire état d’émotion et sa femme, qui est très nerveuse, tout en pleurs…

Muller essaya d’exposer l’objet de sa visite, mais Kershaw, gesticulant et bavardant, ne l’écouta pas et eut l’aplomb de lui demander un nouveau prêt de deux livres. Cette somme, déclara-t-il, procurerait une fortune et à lui-même et à l’ami qui l’aiderait.

Après un quart d’heure de tergiversations, Kershaw, pour convaincre l’Allemand qui ne voulait rien savoir, se décida à lui expliquer le grand secret qui, affirmait-il, leur rapporterait des millions.

… J’avais posé mon journal. Cet étrange bonhomme, avec son air nerveux, ses yeux timides et son toupet filasse, avait une façon de raconter extraordinairement intense, presque fascinante…

— Brièvement, voici l’histoire, continua-t-il, que l’Allemand raconta à la police et qui fut confirmée dans tous ses détails par Mme Kershaw :

Une trentaine d’années auparavant, Kershaw, alors âgé de vingt ans et étudiant en médecine dans un hôpital de Londres, avait un camarade intime nommé Barker avec lequel il vivait.

Un de leurs amis habitait avec eux. Ce dernier rapporta un soir à la maison une grosse somme d’argent gagnée par lui aux courses. Et, le lendemain, il fut trouvé assassiné dans son lit.

Kershaw, heureusement pour lui, put produire un net alibi. Il avait passé toute la nuit à l’hôpital. Quant à Barker, il disparut aussitôt et la police ne put le retrouver. Mais Kershaw affirmait avoir été plus heureux que la police.

Selon lui, Barker était parvenu à quitter le pays et, après diverses vicissitudes en Amérique et ailleurs, avait fini par s’établir à Vladivostok, en Sibérie asiatique, où, sous le nom de Smethurst, il avait amassé une énorme fortune dans le commerce des fourrures. Là-bas, tout le monde connaissait Smethurst, le millionnaire sibérien.

L’affirmation de Kershaw, d’après laquelle Smethurst se serait appelé jadis Barker et aurait commis un meurtre il y a trente ans, ne fut jamais prouvée, notez-le… Je relate seulement ce que Kershaw dit à son ami l’Allemand et à sa femme, ce mémorable après-midi du 10 décembre dernier…

Selon lui, Smethurst, dans sa si adroite carrière, avait commis plusieurs fois la gaffe énorme de correspondre avec son ancien ami William Kershaw !…

Deux des lettres en question présentaient peu d’intérêt, ayant été écrites plus de vingt ans auparavant, et en outre Kershaw les avait, affirmait-il, perdues depuis longtemps.

La première – toujours selon lui – portait le timbre de New York où Smethurst, alias Barker, se trouvait dans le dénuement après avoir dépensé tout l’argent du crime.

Kershaw, alors en une situation très prospère, lui avait envoyé un billet de banque de dix livres en mémoire de leur ancienne amitié. Plus tard, les affaires de Kershaw ayant commencé à déchoir, Smethurst, comme déjà il s’appelait, envoya à son tour de l’argent – cinquante livres – à son ami d’autrefois.

Après cela, selon ce que Muller avait cru comprendre, Kershaw s’était adressé plusieurs fois à la bourse toujours croissante de Smethurst et avait fini par accompagner ses demandes de diverses menaces – menaces qui, vu l’éloignement de la contrée où vivait le millionnaire, étaient plus que futiles…

Mais maintenant quelque chose de décisif se préparait.

Kershaw, après un dernier moment d’hésitation, remit à son ami l’Allemand ces deux dernières lettres, qui paraissaient avoir été écrites par Smethurst et qui, vous vous le rappelez, jouèrent un rôle si important dans la mystérieuse histoire de ce crime extraordinaire.

— J’ai le texte de ces deux lettres, ajouta le bonhomme en sortant des paperasses d’un vieux portefeuille.

Il commença à lire :

« Monsieur,

« Vos demandes d’argent sont injustifiables et scandaleuses. Je vous ai déjà aidé plus que vous ne le méritez. Néanmoins en souvenir du bon vieux temps et parce qu’une fois vous êtes venu à mon aide alors que je me trouvais dans de terribles difficultés, je veux bien vous laisser en imposer une fois de plus à ma bonté. Un de mes amis, un marchand russe auquel j’ai vendu mon négoce, part dans quelques jours sur son yacht, le Tsarskoë-Selo, pour un long voyage qui le mènera dans de nombreux ports d’Asie et d’Europe. Il m’a invité à l’accompagner en Angleterre.

« Las des pays étrangers et désireux de revoir la vieille patrie après trente ans d’absence, j’ai accepté son invitation. Je ne sais quand nous arriverons en Europe, mais je vous promets qu’aussitôt que cela sera possible, je vous donnerai rendez-vous à Londres.

« Rappelez-vous que si vos demandes sont exagérées j’y opposerai un net refus et que nul homme au monde ne se soumettrait moins que moi à un chantage.

« Recevez mes salutations.

« FRANCIS SMETHURST. »

— La seconde lettre portait le timbre de Southampton, continua tranquillement le bonhomme en jouant avec sa ficelle, et, détail curieux, elle était la seule parmi celles que Kershaw déclarait avoir reçues de Smethurst dont il possédât encore l’enveloppe et qui fût datée. Elle était très brève :

« Monsieur,

« Conformément à ma récente lettre, je vous informe que le Tsarskoë-Selo touchera à Tilbury mercredi prochain, 10 courant. Je descendrai à terre et immédiatement me rendrai à Londres par le premier train. Vous pourrez me trouver à la gare de la rue Fenchurch, assez tard dans l’après-midi, salle d’attente des premières.

« Comme depuis trente ans mon visage a certainement beaucoup changé, je vous préviens que je porterai une forte pelisse et un bonnet d’astrakan.

« Vous pourrez ainsi vous présenter à moi et j’écouterai personnellement ce que vous avez à me dire.

« Recevez mes salutations.

« FRANCIS SMETHURST. »

— C’est cette dernière lettre qui causait l’émotion frénétique de William Kershaw et les pleurs de sa femme. Il arpentait la pièce comme une bête fauve en gesticulant sauvagement et en balbutiant.

Mme Kershaw, toutefois, était pleine d’appréhensions. Elle se défiait de cet étranger qui, selon le récit même de son mari, avait déjà un crime sur la conscience et qui, redoutait-elle, en risquerait bien un autre pour se délivrer d’un ennemi dangereux… Le rendez-vous pouvait être un piège mortel : en tout cas, il était bien singulier ! Pourquoi, par exemple, Smethurst ne préférait-il pas simplement voir Kershaw à son hôtel le jour suivant ? Mille pourquoi et comment la rendaient très anxieuse… Et puis, sachant que la loi est sévère pour les maîtres chanteurs, elle désapprouvait encore ce projet au nom de la morale !

Mais les visions de fortune mises en l’imagination du gros Allemand par les dires de Kershaw l’avaient décidé.

Il prêta les deux livres nécessaires à son ami pour se vêtir proprement avant de rencontrer le millionnaire.

Une demi-heure après, Kershaw quittait son logis.

Sa femme l’attendit aussi anxieusement que vainement toute la nuit. Le jour suivant, elle fit au hasard quelques recherches dans les environs de la rue Fenchurch et le 12, elle alla à Scotland Yard faire une déclaration affolée et remettre aux détectives de service les deux lettres signées Smethurst.

II

Le bonhomme, dans le coin, avait achevé son verre de lait. Ses petits yeux bridés contemplaient avec satisfaction l’intérêt évident que je prenais à ses paroles.

— Ce ne fut que le 31 décembre, reprit-il, qu’un cadavre abominablement décomposé fut trouvé par deux débardeurs au fond d’une barque hors d’usage…

Cette barque avait été un certain temps amarrée au pied de l’un de ces escaliers qui, entre de grands entrepôts, mènent à la Tamise, dans l’est de Londres.

J’ai une photographie de l’endroit. Tenez !

Il la prit dans son portefeuille et la plaça devant moi.

— Vous voyez cet escalier sinistre, aux marches branlantes, qui se continue, au sommet, par cette sombre ruelle… La barque n’y était plus quand je pris cet instantané, mais, hein ! quel endroit parfait pour couper la gorge à quelqu’un, confortablement, sans nul risque d’être interrompu !

Le corps, ainsi que je l’ai dit, était décomposé d’une façon terrible et se trouvait là, probablement, depuis huit à dix jours, mais la taille, l’aspect général, et divers objets, tels qu’une bague d’argent, une épingle de cravate et des boutons de manchettes, permirent à Mme Kershaw de déclarer que ce cadavre était bien celui de son mari. Naturellement elle désigna à grands cris Smethurst comme le meurtrier !

La police trouva cette accusation très légitime et deux jours après la découverte du corps dans la barque, le millionnaire sibérien était arrêté dans son appartement luxueux de l’hôtel Cecil.

Dès que le récit de Mme Kershaw et les lettres de Smethurst parurent dans les journaux, je recherchai anxieusement le motif du crime attribué par la police à Smethurst. Mais, à ce moment, je n’y voyais encore pas clair dans ce cas compliqué. La théorie généralement acceptée était que le faux Russe avait voulu se débarrasser d’un maître chanteur gênant. Eh bien ! ne vous a-t-il pas paru que ce motif était peu sérieux ?

En réponse à la question du bonhomme, je dus reconnaître qu’au contraire ce motif m’avait, alors et toujours, paru fort important.

— Vous avez mal réfléchi, répliqua-t-il. Certainement un homme qui avait réussi à édifier une immense fortune par ses propres efforts ne pouvait être assez imbécile pour redouter quoi que ce soit d’un type comme Kershaw. Il devait savoir que ce dernier ne détenait pas de preuves définitives contre lui… Avez-vous jamais vu le portrait de Smethurst ?

Je répondis que j’avais vu le portrait de Smethurst, au moment de l’affaire, dans les journaux illustrés.

Le bonhomme fouilla une fois de plus dans son portefeuille et plaça devant moi une petite photographie.

— Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans cette figure ?

— Une expression curieusement étonnée, due à l’absence totale de sourcils et à la coupe singulière des cheveux.

— C’est ce qui me sauta aux yeux quand, en me frayant péniblement un chemin dans le public du tribunal, le jour de l’enquête du coroner[2], j’aperçus pour la première fois le millionnaire au banc des accusés. Il m’apparut comme un homme de haute taille, l’air militaire, raide, la face bronzée et tannée. Il ne portait ni moustache ni barbe et ses cheveux étaient tondus d’aussi près que possible, comme ceux d’un conscrit français. Mais ce qui ressortait surtout dans sa physionomie devenue vraiment un peu slave, c’était cette totale absence de sourcils et même de cils qui lui donnait un air, comme vous disiez, sans cesse étonné.

Il était très calme. Il bavardait et même plaisantait avec son avocat, Sir Arthur Inglewood. Pendant les dépositions, il se tint assis très placidement, la tête dans les mains, comme un homme qui rêve.

Muller et Mme Kershaw sanglotante recommencèrent le récit qu’ils avaient déjà fait à la police.

Vous m’avez dit, je crois, que vous n’eûtes pas la curiosité d’assister à la séance du tribunal, ce jour-là. Voici un instantané que j’ai pu y prendre de Mme Kershaw. Voyez-la telle qu’elle se tenait à la barre, étouffant de sanglots, avec un chapeau qui avait jadis porté des roses et sur lequel des débris de pétales rouges pendillaient encore parmi le noir intense du deuil !

Elle avait certes une haine atroce contre le prisonnier… Elle s’étranglait de douleur et de colère en parlant. Les larmes inépuisables, qu’elle devait sans cesse essuyer, rendaient sa déposition peu compréhensible… J’imagine qu’elle avait beaucoup aimé son vagabond de mari, car, autour de son annulaire gauche, une énorme alliance était garnie de noir !…

Quant à Muller, il était obèse, pompeux et conscient de son importance. Ses doigts gras couverts de bagues de cuivre serraient les deux lettres que vous savez.

Il fut abondant en réponses et multiplia les accusations solennelles contre le millionnaire qui avait attiré et tué son cher ami « Filliam Gershaw » dans un horrible coin de l’Est[3] de Londres !…

Je crois que l’avocat de Smethurst, Sir Arthur Inglewood, désappointa beaucoup Muller en ne le questionnant pas !

Lorsque l’Allemand eut emmené hors de la salle Mme Kershaw presque évanouie, l’agent D 21 vint déposer sur l’arrestation :

Le prisonnier, dit-il, paraissait stupéfait quand on l’arrêta et ne rien comprendre à l’accusation portée contre lui. D’ailleurs, se rendant sans doute compte que toute résistance était inutile, il avait suivi paisiblement l’agent dans un cab sans que personne, dans l’élégant et encombré hôtel Cecil, pût même soupçonner que quelque chose d’anormal venait d’avoir lieu.

L’agent sorti, un grand mouvement de curiosité courut parmi les spectateurs, car James Buckland, porteur à la gare de la rue Fenchurch, commençait sa déposition très attendue.

Au fond, elle ne contenait pas grand-chose : À six heures de l’après-midi du 10 décembre, au milieu d’un brouillard terriblement épais, le train 55, venant de Tilbury, arriva avec une heure de retard. Buckland, qui se trouvait sur le quai, fut appelé par un voyageur de première classe.

Celui-ci était emmitouflé dans une énorme pelisse et portait un grand bonnet de fourrure. Il avait beaucoup de bagages marqués F. S. et il ordonna à James Buckland de les amarrer tous sur une voiture, à l’exception d’un petit sac qu’il garda à la main.

Lorsque tout fut placé et attaché convenablement, l’étranger à la pelisse paya le porteur, dit au cocher d’attendre, et se dirigea vers la salle d’attente des premières – tenant toujours à la main le petit sac.

« Je restai un instant, ajouta James Buckland, à causer avec le cocher du brouillard et du retard général des trains, puis, comme le rapide de Southampton venait d’être signalé, je m’éloignai. »

Le magistrat insista beaucoup sur l’heure à laquelle l’étranger s’était dirigé vers la salle d’attente.

Le porteur fut formel, il n’était pas une minute de plus que six heures quinze.

Sir Arthur Inglewood, cette fois encore, ne posa pas de question[4].

On appela le cocher. Son témoignage corrobora celui de James Buckland quant à l’heure où le gentleman à la pelisse l’avait engagé, et lui avait dit d’attendre après avoir garni de bagages l’intérieur et l’extérieur de sa voiture.

Le brave homme attendit, en effet. Il attendit même si longtemps dans le brouillard épais qu’il pensait déjà à déposer tous les bagages au bureau des objets perdus, quand, vers neuf heures moins le quart, il vit revenir le gentleman à la pelisse et au bonnet de fourrure qui monta dans la voiture en donnant l’adresse de l’hôtel Cecil.

Cette fois encore, Sir Arthur Inglewood ne fit pas de commentaires. Quant à Francis Smethurst, il s’était mis à sommeiller !…

On a rarement vu défense et accusé faire preuve d’une pareille indifférence.

Le témoin suivant, l’agent Thomas Taylor, déclara avoir remarqué un individu mal vêtu, aux cheveux et à la barbe peu soignés, qui traînait à la station et dans les salles d’attente l’après-midi du 10 décembre et semblait guetter l’arrivée des trains sur le quai de Tilbury et Southend.

Deux autres témoins, qui ne se connaissaient pas, avaient également vu le même type errer dans la salle d’attente de première classe à six heures quinze, le mercredi 10 décembre, et aller droit à un gentleman en pelisse et bonnet de fourrure qui venait justement d’entrer là. Gentleman et miséreux conversèrent pendant quelque temps sans que personne pût les entendre, ensuite ils sortirent ensemble. Pour quelle direction ? Cela, nul ne le savait !

Francis Smethurst s’éveillait de son apathie : il s’entretint tout bas avec son avocat qui s’inclina affirmativement et sourit.

Les employés de l’hôtel Cecil déposèrent simplement que M. Smethurst était arrivé le mercredi 10 décembre, vers neuf heures et demie du soir, dans un cab, avec quantité de bagages.

Cela termina l’audition des témoins.

On lut ensuite une lettre du chef de la police de Vladivostok. Elle disait grand bien de Smethurst, anglais naturalisé russe, et elle confirmait tout ce que l’on savait déjà de lui, notamment la vente de son négoce et son départ sur le yacht Tsarskoë-Selo.

L’audience – très élégante – attendait impatiemment que Sir Arthur Inglewood prît la parole.

Celui-ci, vous le savez, est l’avocat le plus « chic » de ce temps ; ses attitudes penchées, son parler dédaigneusement traînard, sont célèbres et même très copiés dans le monde.

Mais, cette fois, la cause était bien mauvaise !

Le millionnaire sibérien semblait déjà presque suspendu à la potence quand Sir Arthur Inglewood se leva et prit une attitude élégante derrière sa table…

Il y eut des sourires. Lorsqu’on court à une défaite, la pose n’est-elle pas spécialement insupportable ?

Il attendit, pour mieux produire son effet – c’est un acteur-né ! – et certainement il ne le « rata » point quand, en traînant la voix, il dit :

« On nous accuse d’avoir assassiné un certain William Kershaw le mercredi 10 décembre, entre six heures quinze et huit heures quarante-cinq ? Je répondrai en présentant simplement deux témoins qui ont vu ce même William Kershaw vivant le mardi 16 décembre dans l’après-midi, c’est-à-dire six jours après le prétendu assassinat. »

Vous devinez l’effet !… Ce fut comme si une bombe avait fait explosion dans la salle.

Le président même était frappé de stupeur. On n’en revenait pas. Je n’ai jamais vu une foule aussi violemment surprise !

— Quant à moi, ajouta le vieux dans le coin, avec cet étrange mélange de nervosité et de vanité candide qui le caractérisait, quant à moi, j’avais déjà ma petite opinion décisive sur l’affaire et je ne fus pas autrement surpris. Le patron d’un hôtel de Commercial Road[5], nommé Torriani, et un garçon à son service, déposèrent alors tous deux en ce sens :

Le 10 décembre, à environ trois heures et demie de l’après-midi, un type mal vêtu entra dans la salle publique de l’hôtel et demanda du thé. Il était aimable et exubérant. Il dit au garçon que bientôt tout le monde parlerait de lui, et que, grâce à un coup inattendu de fortune, il allait devenir très riche – et autres vantardises.

À peine venait-il de partir que le garçon s’aperçut qu’il avait oublié son parapluie. Il courut après le client bavard, mais ne l’aperçut pas. Selon la coutume, le Signor Torriani mit le parapluie soigneusement de côté dans son bureau.

Or, presque une semaine plus tard, le mardi 16, à environ une heure de l’après-midi, le même type mal soigné vint chercher son parapluie. Il déjeuna là et bavarda encore, longuement, avec le garçon. Ce dernier et le Signor Torriani donnèrent de lui une description qui coïncidait exactement avec celle fournie par Mme Kershaw et par Muller.

Et à peine le prétendu assassiné venait-il de tourner le dos – en état évident d’ivresse – que, sous la table où il avait déjeuné, le garçon trouva un portefeuille contenant diverses lettres et notes, toutes adressées à William Kershaw.

Ce portefeuille fut aussitôt remis au tribunal par le Signor Torriani, et Karl Muller, rappelé, le reconnut immédiatement pour celui de son cher et tant pleuré ami « Filliam ».

Cela vous démolissait sérieusement l’accusation, n’est-ce pas ?

Pourtant, il fallait encore expliquer le rendez-vous donné par lettre, la rencontre à la gare, et fournir un exact emploi du temps pendant deux heures et demie de ce soir brumeux…

Le vieux dans le coin fit une longue pause comme pour taquiner à plaisir mon impatience.

Il n’y avait pas un pouce de sa ficelle qui ne fût rempli de nœuds extraordinairement compliqués.

— Je vous assure, reprit-il enfin, qu’à ce moment même tout le « mystère » était pour moi aussi clair que le jour !… Je me demandais même comment le président pouvait perdre son temps – et le mien – à questionner l’accusé, d’une façon qu’il croyait serrée, sur son passé…

Francis Smethurst, qui avait dépouillé toute sa somnolence, répondait avec un curieux nasillement et un très léger accent étranger. Il démentit avec calme le récit de Kershaw et déclara qu’il ne s’était jamais appelé Barker et n’avait jamais été mêlé à aucune affaire de meurtre.

— Mais vous connaissiez ce Kershaw, demanda le président, puisque vous lui avez écrit.

— Pardon, je n’ai jamais, à ma connaissance, vu ce Kershaw et je jure que je ne lui ai jamais écrit.

— Vous ne lui avez jamais écrit ? répliqua le président. C’est une affirmation hardie, puisque j’ai dans les mains deux lettres de vous adressées à lui !

— Mais je n’ai pas écrit ces lettres ! Elles ne sont aucunement de mon écriture.

— Et cela nous le prouvons aussitôt, ajouta Sir Arthur Inglewood de son ton le plus fatigué en faisant passer une liasse de papiers au président. Voici un grand nombre de lettres écrites par mon client depuis qu’il a débarqué en Angleterre et certaines le furent sous mes yeux !

La preuve supplémentaire était d’ailleurs facile.

L’accusé, à la requête du président, écrivit et signa quelques lignes sur une feuille de papier.

Il fut aisé de lire, dans la contenance ahurie du magistrat, que les deux écritures n’offraient pas la plus petite similitude.

Alors, qui avait donné rendez-vous à William Kershaw à la gare de la rue Fenchurch ?

L’accusé exposa de la façon la plus satisfaisante son emploi du temps depuis son débarquement :

— J’arrivai en Angleterre sur le Tsarskoë-Selo, un yacht appartenant à un de mes amis. Quand nous fûmes à l’embouchure de la Tamise, le brouillard était si épais que je dus attendre vingt-quatre heures avant de pouvoir aborder.

« Mon ami, qui est russe, ne voulut pas m’imiter car cette contrée obscure le terrifiait vraiment. Il avait hâte d’arriver sous des cieux plus souriants, et il continua aussitôt sa route pour Madère.

« Quant à moi, dès à terre, je pris le train pour Londres… Je fis placer mes bagages sur une voiture ainsi que le porteur et le cocher vous l’ont dit, puis je cherchai le buffet où je désirais me rafraîchir. Comme je traversais la salle d’attente, je fus accosté par un individu pauvrement vêtu, qui se mit à me raconter une lamentable histoire.

« Qui était-il réellement, je n’en sais rien ! Il se donnait pour un ancien soldat qui après avoir servi avec cœur son pays se trouvait dans un dénuement extrême. Il me demanda de l’accompagner jusqu’à son logis où je pourrais voir, affirmait-il, sa femme et son enfant mourant de faim et vérifier ainsi son récit.

« Or, remarquez-le, c’était mon premier jour dans la vieille patrie, où je revenais après trente ans d’absence, les poches pleines d’or, et c’était aussi la première requête qui m’était présentée !… D’autre part, je suis très businessman, même dans la charité, et j’ai horreur d’être « mis dedans ». Je suivis donc cet homme à travers des rues pleines de brouillard… Il marchait silencieusement à côté de moi. Je n’avais pas la moindre notion de l’endroit où je me trouvais. Soudain, je me tournai vers mon solliciteur pour lui poser quelque question et je m’aperçus qu’il n’était plus là !… Comprenant sans doute que je ne lui donnerais pas d’argent avant d’avoir vu sa famille affamée, il avait pris la poudre d’escampette et cherché un bienfaiteur plus crédule…

« L’endroit où je me trouvais était lugubrement désert : ni omnibus, ni cab ; et il faut être londonien pour savoir combien il est aisé de se perdre dans nos brouillards[6].

« Je retournai sur mes pas et essayai de revenir vers la gare, mais je ne réussis qu’à m’enfoncer dans des endroits plus déserts encore. J’errai à tâtons pendant environ deux heures et demie. Je suis même surpris d’avoir pu tout de même retrouver la gare, ou plutôt de m’être cogné à un policeman qui me montra le chemin.

— Et comment expliquez-vous que Kershaw ait pu connaître votre départ, le nom du yacht, la date de votre arrivée à Londres et tous vos mouvements ? demanda le juge.

— Je ne peux expliquer rien de tout cela. Je prouve, n’est-ce pas, que je n’écrivis jamais ces lettres et que ce Kershaw ne fut pas tué par moi ! Le reste ne me regarde pas.

— Connaissez-vous quelqu’un, ici ou ailleurs, qui ait pu être au courant de vos déplacements, et de la date de votre arrivée ?

— Mes anciens employés de Vladivostok étaient au courant de mon départ, naturellement, mais ils ne peuvent avoir écrit ces lettres, puisque aucun d’eux ne connaît un mot d’anglais.

— Ainsi, vous ne pouvez jeter aucune lumière sur cette affaire mystérieuse et vous ne pouvez aider en rien la police ?

— L’affaire est aussi mystérieuse pour moi que pour vous et pour la police.

Francis Smethurst fut renvoyé indemne par le jury, naturellement.

Les deux points écrasants de sa défense étaient :

1°) La preuve qu’il n’avait jamais écrit les lettres annonçant et donnant le rendez-vous, et 2°) le fait que l’homme qu’on l’accusait d’avoir assassiné le 10 décembre avait été vu en vie et bien portant le 16.

Mais, alors, qui donc avait instruit Kershaw des mouvements de Smethurst le millionnaire ?

. . . . . . . . . . .

Ici le lecteur est prié de se recueillir et d’essayer d’expliquer lui-même ce mystère.

. . . . . . . . . . .

III

Le vieux dans le coin me regarda plaisamment, la tête inclinée de côté, puis il reprit son morceau de ficelle et commença, tout en parlant, à défaire les nœuds qu’il y avait élaborés.

— Repassons, si vous le voulez bien, par la série de raisonnements que je suivis moi-même et qui vous mènera inévitablement, comme elle m’y mena, à la solution du mystère.

C’est bien simple, allez ! Il suffit de ne pas avoir de parti pris, et de laisser parler les faits.

D’abord, il est impossible que Smethurst n’ait pas connu Kershaw puisque son arrivée en Angleterre était indiquée avec précision à celui-ci dans deux lettres. Je n’ai jamais cru, même lorsque je ne voyais pas encore clair dans l’affaire, qu’un autre que Smethurst eût écrit ces deux lettres. Vous répondrez qu’à l’audience il fut prouvé que cette lettre n’avait pas été écrite par l’accusé. C’est exact.

— Mais… commençai-je.

— Attendez, attendez, interrompit-il en continuant à libérer sa ficelle. On prouva bien que, six jours après le meurtre, William Kershaw était vivant et déjeunait à l’hôtel Torriani, où, très à propos, il laissait un portefeuille, comme pour qu’il n’y eût aucune erreur sur son identité – mais on ne s’est jamais demandé où Smethurst, le millionnaire, se trouvait ce même après-midi.

— Vous ne voulez pourtant pas dire…

— Un instant, s’il vous plaît !… Comment se fait-il que le patron de l’hôtel Torriani ait été cité en témoignage ?…

— Grâce aux légitimes recherches accomplies à la requête de Sir Arthur Inglewood !

— Oui, mais – attention, voilà mon point de départ ! – les hôtels sont littéralement innombrables dans Londres… Il est curieux qu’en si peu de temps on ait découvert celui que William Kershaw visita deux fois. D’autant plus curieux que la police avait tenu l’affaire sous le boisseau jusqu’à l’arrestation et n’avait pas fait insérer dans les journaux la question ordinaire : « Si quelqu’un peut donner des renseignements sur… etc. » !

Sir Arthur Inglewood a eu vraiment la main heureuse !… Si heureuse que certainement son client avait dû, peu à peu, d’une façon ou d’une autre, très adroitement, l’aiguiller sur la bonne voie… C’est la facilité avec laquelle cet hôtel fut retrouvé qui me mit moi aussi sur la bonne voie !…

Ensuite on ne demanda jamais à Mme Kershaw de produire un spécimen de l’écriture de son mari. Pourquoi ?… Parce que notre intelligente police prit dès le début la fausse piste. Persuadée que Kershaw est mort, elle s’en tient à rechercher son cadavre.

Le 31 décembre, dans un coin sinistre, on trouve un corps : on présume que c’est celui de William Kershaw. Je vous ai montré la photographie de l’endroit, qui est affreusement noir et désert. N’est-ce pas celui qu’une lâche canaille choisirait pour amener un quasi-étranger – par temps de brouillard, c’est facile –, l’égorger d’abord, le voler ensuite de ses valeurs, de ses papiers, de son identité ?… On trouva le cadavre dans une vieille barque qui avait été amarrée quelque temps contre le mur au pied de cet escalier. Il était dans un état de décomposition avancée et, rappelez-vous, ne put être vraiment identifié, mais, comme il portait des vêtements et divers bijoux ayant appartenu à William Kershaw, la police ne devina pas que c’était le corps de Francis Smethurst et que William Kershaw était l’assassin.

Ah ! ce fut artistement conçu et merveilleusement exécuté. Kershaw est un génie !… Un génie, je dis !…

Admirez tout cela, depuis sa bague qu’il passe au doigt de sa victime encore chaude, son épingle qu’il lui accroche à la cravate et ses boutons qu’il lui met aux manchettes, jusqu’au déguisement qu’il prend : il rase sa barbe et ses cheveux incultes, il rase même ses sourcils et coupe ses cils ; puis il endosse les riches vêtements du mort. Il avait une démarche traînarde et le dos voûté, il fait l’effort – surtout, plus tard, devant le juge ! – de se tenir droit et de marcher raide comme un fantassin allemand.

Peut-être aussi a-t-il recours à une de ces préparations à base de pyrogallol qui, adroitement employées et à petite dose, brunissent et tannent la peau d’une façon remarquable et qui ne se peuvent discerner. Il s’attendait à être arrêté. Le loisir ne lui manqua point de prendre toutes ses précautions, puisque le meurtre eut lieu le 10 décembre et que la police ne se présenta que le 2 janvier à l’hôtel Cecil. Entre son arrestation et sa libération, sa nouvelle personnalité physique n’avait pas le temps de se modifier.

Rien d’étonnant à ce que sa femme ne le reconnaisse pas, au tribunal. D’abord il est déguisé, maquillé, arrangé, et elle est, elle, aveuglée de larmes et de colère, à demi évanouie ; on dut l’emmener hors de la salle. En outre, pendant que Muller et elle déposent, il tient sa tête mi-enfouie en ses mains. Ils ne sont plus là lorsqu’il parle. D’ailleurs il nasille et affecte un accent étranger.

Sans doute n’ignorait-il pas l’aspect physique de Smethurst. C’est cette possibilité de lui ressembler qui a dû lui suggérer tout le plan. Et ce plan était certainement plus minutieux que nous ne le savons. Toutes les précautions devaient être prises. Ah ! on eût pu pousser plus loin les recherches, elles eussent été vaines !

Et puis quelle idée délicieuse, celle de revenir quelques jours après à l’hôtel Torriani où, l’après-midi du meurtre, il s’était arrêté et avait soigneusement laissé son parapluie !

Juste le temps de trouver une fausse barbe et une perruque absolument semblables aux cheveux et à la barbe qu’il avait rasés !…

Hein ! se déguiser, se maquiller en soi-même, est-ce splendide ?

Et il n’oublie pas de feindre l’ivresse et d’oublier son portefeuille ! Notez que Kershaw a beaucoup voyagé et que sans doute il eût su parler russe, s’il l’avait fallu !

Les risques – il y en a toujours dans les affaires de ce genre – étaient infimes. Peut-être, si par impossible il n’avait pas convaincu le jury et le coroner et qu’il eût été renvoyé devant la cour d’assises, les chances de Kershaw fussent-elles devenues moins bonnes. Et encore ! Il s’en serait certainement tiré. Il eût fallu, devant ce second tribunal, comme devant le premier, un concours exceptionnel de circonstances pour le confondre. Pour moi, ni sa femme ni Muller ne l’auraient davantage reconnu, et, l’accusation suivant la mauvaise piste une deuxième fois, le triomphe du merveilleux assassin n’aurait été que plus sensationnel.

Kershaw assassiné ? Impossible ! Il était à l’hôtel Torriani six jours après le meurtre, tandis que Smethurst le millionnaire faisait des emplettes dans les établissements chics de Piccadilly !… Ha ! ha ! ha !… Génial, je vous dis, ha ! ha ! ha !… génial !

Le bonhomme se levait, tout ricanant. Il prit son chapeau qui était extraordinairement ancien et sale, courba sa stature maigriotte en une révérence comique, et s’en fut – laissant devant moi une cordelette fripée mais libre de tout nœud.

Un instant, stupéfaite, je le suivis du regard à travers les vitres. Dans la foule il se racontait je ne sais quelles histoires et gesticulait…

[1] Le bureau central de la police de Londres.

[2] En Angleterre l’instruction judiciaire est publique et prend la forme d’une séance de tribunal ordinaire. Ce n’est pas le juge, nommé « coroner », mais un jury qui renvoie l’accusé en cour d’assises ou qui l’acquitte. La séance a lieu peu de temps après l’arrestation.

[3] L’Est de Londres – l’« East end » – comporte les quartiers les moins sûrs, Whitechapel, les Docks, Poplar, etc.

[4] En Angleterre, les avocats questionnent d’ordinaire beaucoup les témoins ; c’est ce qu’on appelle « cross examination ».

[5] Rue importante de Whitechapel.

[6] Pareille aventure dans la brume de Londres est extrêmement vraisemblable.