Les épouses Bridgewater: La série du ménage Bridgewater - Tomes 1 - 3 - Vanessa Vale - E-Book

Les épouses Bridgewater: La série du ménage Bridgewater - Tomes 1 - 3 E-Book

Vale Vanessa

0,0
17,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Les 3 volumes de la série du ménage Bridgewater.

Leur Mariée enlevée


Emma James se pensait à l'abri du besoin, bien protégée par son rang social, l’argent laissé par son père et la vigilance de son demi-frère. Elle se trompait... Quand elle découvre les noirs secrets de son tuteur, il s'attaque à elle et la vend à un bordel perdu au fin fond du Far West, histoire de la faire taire. Obligée d'y travailler, sa seule issue est de participer à une mise aux enchères. Une enchère de vierges... dont elle est le plus beau lot.

Il suffit à Whitmore Kane et à Ian Stewart d'un regard pour comprendre qu'Emma James est destinée à leur appartenir. Le mariage reste la meilleure manière d'affirmer leur emprise... Ils surenchérissent, jusqu'à emporter la mise. Ils accompagnent leur nouvelle épouse jusqu'au Ranch de Bridgewater et lui enseignent les différentes façons de satisfaire un mari, ou plutôt ses maris. Mais une menace venue du bout du monde plane sur Ian et assombrit leurs nouvelles relations. Ensemble, sauront-ils combattre ces démons du passé et bâtir un nouvel avenir ?

La mariée égarée

Quand le père insensible de Laurel Sinclair accepte de la vendre contre un lopin de terre, elle décide de prendre la fuite pour échapper à ce funeste destin. Mais cette fugue en pleine tempête de neige s'avère être une erreur monumentale.
Dans son malheur, elle a pourtant la chance de rencontrer Mason et Brody, qui sauvent cette belle rousse évanouie près de son cheval blessé. Ils la ramènent chez eux et se mettent en tête de la conquérir, tous deux persuadés qu'ils parviendront à la convaincre d'entamer ensemble un ménage à trois.

Laurel ignore tout de cette étrange coutume qui veut qu'à Bridgewater deux hommes épousent la même femme, mais elle tombe vite amoureuse de ces deux protecteurs qui lui révèlent un monde de plaisirs charnels dont elle ne soupçonnait pas l'existence. Peu à peu, elle commence à apprécier leurs conseils et le sentiment de sécurité qu'ils lui procurent.

Leur mariée envoûtée

Que dire alors de trois hommes jurant fidélité à la même épouse ? Impensable pour la belle Olivia Weston. Elle est vouée à n'épouser qu'un homme – un homme qu’elle n'aime pas.

Mais devant la cruauté de ce fiancé, Olivia décide de renoncer à ses vœux et attire très vite l'attention de trois éleveurs beaux et virils. Cross, Rhys et Simon n'ont rien en commun, mais ils ont le même but en tête : ils veulent épouser Olivia, la protéger et lui révéler d'indicibles plaisirs charnels.

Olivia, que cette solution séduit et enchante, a peur de n'être qu'une marie-couche-toi-là et d'avoir accepté la proposition un peu vite. Quel genre de femme s'amourache de trois hommes en même temps ? Quel genre de femme accepterait de devenir le jouet de leur attention lubrique ? Pourtant, l'alchimie entre ces nombreux époux fonctionne d'emblée. Pourra-t-elle le nier ? Ou acceptera-t-elle de devenir l'épouse la plus heureuse de Bridgewater ?



 

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Les épouses Bridgewater

La série du ménage Bridgewater - Tomes 1 - 3

Vanessa Vale

Copyright © 2019 par Vanessa Vale

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont les produits de l’imagination de l’auteur et utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, entreprises, sociétés, événements ou lieux ne serait qu’une pure coïncidence.

Tous droits réservés.

Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris les systèmes de stockage et de recherche d’information, sans l’autorisation écrite de l’auteur, sauf pour l’utilisation de citations brèves dans une critique du livre.

Conception de la couverture : Bridger Media

Création graphique : Bigstock- Lenor; Period Images

Obtenez Un Livre Gratuit !

Abonnez-vous à ma liste de diffusion pour être le premier à connaître les nouveautés, les livres gratuits, les promotions et autres informations de l’auteur.

livresromance.com

Contents

Leur Mariée enlevée

Chapter 1

Chapter 2

Chapter 3

Chapter 4

Chapter 5

Chapter 6

Chapter 7

Chapter 8

Chapter 9

Chapter 10

Chapter 11

Chapter 12

Chapter 13

Chapter 14

Chapter 15

Chapter 16

Chapter 17

La mariée égarée

Chapter 1

Chapter 2

Chapter 3

Chapter 4

Chapter 5

Chapter 6

Chapter 7

Chapter 8

Chapter 9

Chapter 10

Chapter 11

Chapter 12

Chapter 13

Chapter 14

Chapter 15

Chapter 16

Leur mariée envoûtée

Chapter 1

Chapter 2

Chapter 3

Chapter 4

Chapter 5

Chapter 6

Chapter 7

Chapter 8

Chapter 9

Chapter 10

Chapter 11

Chapter 12

Chapter 13

Chapter 14

Chapter 15

Chapter 16

Chapter 17

Chapter 18

Obtenez Un Livre Gratuit !

Contacter Vanessa Vale

À propos de l'auteur

Leur Mariée enlevée

La série du ménage Bridgewater - 1

1

EMMA

« Faites d'elle ce que vous voudrez. Je m'en lave les mains. »

Ces mots accompagnèrent mon réveil, alors qu'une épaisse et inhabituelle brume m'entravait encore l'esprit. Tous mes souvenirs s'embrouillaient, j'avais les oreilles garnies de coton, les paupières lourdes, chargées de plomb, impossibles à ouvrir, et un goût amer collé sur la langue. Mon crâne résonnait au rythme des battements de mon cœur. Je n'avais pas le courage de quitter la chaleur rassurante de cet état de stupeur.

« Pourtant, il ne serait pas bien difficile de la caser. Un mariage rapide. Avec ce visage et ce corps, elle peut attirer n'importe quel homme, répondit une femme devant l'insistance de son interlocuteur.

— Non, dit l'autre d'un ton d'emphase, sec. Cela ne saurait suffire. L'argent, s'il vous plaît. »

J'avais suffisamment recouvré mes esprits pour reconnaître cette voix. C'était celle de mon demi-frère, Thomas. À qui parlait-il et pourquoi ? Le sujet de cette conversation était étrange, comme tout le reste. Pourquoi venaient-ils débattre dans ma chambre, alors même que j'y dormais ? Il fallait que j'en aie le cœur net.

Après un dernier effort, je parvins à me redresser et à soulever une paupière avant d'ouvrir grand les yeux, surprise. Je n'étais pas dans ma chambre ! Les murs n'étaient pas bleu œuf de merle, mais rouge rubis criard. Mal éclairée, la pièce était parée de couleurs tapageuses, des rideaux de velours rouge pendaient aux fenêtres. L'endroit respirait la décadence, l'extravagance, les méfaits sordides. Je me frottai les yeux afin de m'assurer que je ne rêvais pas et il me fallut un moment pour reprendre mes esprits.

Près de la porte, Thomas se tenait debout, bien droit, et présentait ses paumes à la femme avec laquelle il discutait, qu'il dépassait d'une tête. Elle portait une robe de satin vert émeraude dont débordaient son ample poitrine, mais qui soulignait sa taille fine. Ses cheveux d'un noir de jais étaient coiffés à la dernière mode, dans un inventif chignon qui laissait retomber quelques boucles sur sa nuque. Elle était belle avec sa peau d'albâtre, ses lèvres joliment maquillée et ses yeux assombris par une touche de khôl. Elle était tout aussi décadente que ce décor.

Elle s'approcha avec grâce d'un grand bureau, situé devant une cheminée sans feu, et en tira doucement un des tiroirs. Ses yeux se posèrent sur moi et elle découvrit que j'étais réveillée, mais ne l'indiqua pas à Thomas. Elle récupéra une petite liasse de billets qu'elle lui tendit. Il était grand, robuste et imposant, capable de toiser la plupart des hommes. Mais pas cette femme. Elle ne broncha pas, ne minauda pas. Elle releva le menton avec dédain en terminant la transaction.

« Thomas. » Je dus m'éclaircir la gorge, car ma voix était enrouée. « Thomas, qu'est-ce qu'il se passe ? »

Ses pupilles sombres s'étrécirent quand il fixa son regard sur moi. Leur intense noirceur ne trahissait que la haine. Une haine nouvelle qui venait remplacer le complet désintérêt qu'il me réservait habituellement. J'avais cinq ans quand son père avait épousé ma mère, Thomas en avait quinze – nos deux parents veufs depuis des années. Ils s'étaient unis pour des raisons pécuniaires plutôt qu'affectives et, à leur mort – lui à cause d'une chute de cheval, elle une année plus tard des suites d'une maladie des poumons –, je m'étais retrouvée sous la tutelle de Thomas. Bien qu'il n'ait jamais fait preuve d'affection à mon égard, je n'avais jamais manqué de rien.

« Te voilà réveillée, grommela-t-il en grimaçant. Je pensais que cette dose de laudanum aurait plus d'effet. »

Je restai bouche bée. Du laudanum ? Pas étonnant que j'aie du mal à faire le net. « Quoi... Je ne comprends rien. » Je passai une main dans mes cheveux – plusieurs de mes épingles à cheveux étaient tombés et de longues mèches s'échappaient de mon chignon serré. Humectant mes lèvres sèches, je fixai tour à tour cette inconnue et mon Thomas.

Mon demi-frère était un homme séduisant, d'un genre austère et traditionnel. Il était toujours précis, concis et rigoureux. Strict également, sévère. Avec son costume noir, ses cheveux noirs et gominés, sa moustache fournie, mais bien entretenue, il avait fière allure. D'aucuns affirmaient que nous nous ressemblions, malgré notre absence de lien de parenté – le même bleu brillant de nos yeux, les mêmes cheveux noirs comme la nuit. Pourtant, nos physionomies différaient en tout. Les habits de Thomas reflétaient ses émotions : austère et nerveux, des traits qu'il tenait de son père. De mon côté, j'avais la réputation de rester toujours placide et de préserver la paix du foyer. À la mort de nos parents, j'avais emménagé avec Thomas, son épouse, Mary, et leurs trois enfants. Au milieu de tout ce remue-ménage, j'étais toujours capable de garder ma bonne humeur, contrairement à mon frère de nature moins généreuse.

Thomas soupira, comme si j’étais un enfant récalcitrant lui faisant perdre son temps. « Je te présente Madame Pratt. Je lui cède ta tutelle. »

Madame Pratt ne ressemblait à aucune des femmes mariées que je connaissais. Aucune n'aurait osé porter cette même robe colorée, au tissu soyeux et à la coupe audacieuse. Son visage ne trahissait aucune émotion, comme si elle rien de cette conversation ne l’intéressait.

« Je n'ai pas besoin d'une nouvelle tutrice, Thomas. » Je remuai pour m'extirper du fauteuil dans lequel j'avais dormi. Pouvait-on dire « dormir, » quand il s'agissait d'un sommeil artificiel, drogué ? Ce fauteuil jurait avec le reste des meubles qui décoraient la pièce, sans doute le bureau de Madame Pratt. Je ne souhaitais pas mener cette conversation en restant allongée, je me sentais désavantagée. J'ajustai ma robe et tâchai de me rendre présentable, mais je ne pouvais pas faire grand-chose sans miroir ni peigne. « Si tu trouves que je gêne, je suis tout à fait capable de me trouver mon propre foyer, je ne suis pas sans ressources. »

Notre père avait possédé une mine d'or, près de Virginia City, et l'argent avait coulé à flot pendant un temps. Après quelques placements judicieux, notre famille n'avait plus jamais manqué de rien. Le chemin de fer nous livrait tous nos caprices, malgré notre situation reculée dans le fin fond du Montana. Cette fortune avait aidé Thomas à affermir son rang au sein du conseil municipal. Ses intérêts en politique et son avenir à Washington l'invitaient à dépenser ces fonds avec discernement.

« Non. Tu n'as plus rien. » Il scruta les ongles d'une de ses mains.

À ces mots, je me levai d'un bond, stupéfaite. Les murs vacillèrent un instant et je dus m'agripper au fauteuil pour rester debout. Je n'avais plus rien ? Le compte aurait dû me suffire toute une vie. « Plus rien ? Comment ? »

Il haussa les épaules négligemment, croisant brièvement mon regard. « J'ai tout pris

— Mais c'est mon argent. » J'écarquillai les yeux, je sentais mon estomac se nouer, sans doute sous l'effet des opiacés, mais peut-être aussi sous le coup des paroles de mon frère et de son indifférence.

« Rien ne m'empêchait de le prendre et je l'ai pris. En tant que tuteur légal, j'ai le droit de gérer tes fonds. La banque ne peut rien faire contre cela.

— Pourquoi ? » demandai-je, incrédule. Il savait très bien que je ne parlais pas de ses droits ni de la banque, mais de la moralité de ses actions.

Madame Pratt se contentait d'écouter, les mains jointes au niveau de la taille. Je ne devais compter sur aucune aide.

« Tu as vu quelque chose que tu n'aurais jamais dû voir. J'ai besoin que tu disparaisses.

— Comment... » Ayant compris ses insinuations, je ne terminai pas ma phrase. J'avais effectivement vu quelque chose. Un matin que Mary et moi emmenions les enfants à l'école avant de rejoindre les dames auxiliaires afin de planifier le prochain pique-nique municipal, un des enfants avait oublié son déjeuner et je m'étais portée volontaire pour retourner à la maison et le lui rapporter pendant que Mary irait à notre rendez-vous. Vu l'ennui qui régnait au cours de ces réunions, je n'étais pas mécontente d'y échapper et d'éviter ainsi les manigances des femmes plus âgées qui tenaient absolument à me trouver un mari. J'avais tout juste vingt-deux ans et mon célibat les démangeait. Leur but était de me caser avant mon prochain anniversaire. De mon côté, je n'y voyais aucune urgence et le profil méfiant et désagréable de mes prétendants n'arrangeait rien à l'affaire.

Mais je n'avais pas trouvé le déjeuner dans la cuisine, j'y avais découvert Clara, notre femme de chambre, allongée sur la table. La jupe de son uniforme gris lui remontait jusqu'à la taille, ses collants blancs pendus à une de ses chevilles, et Allen, le secrétaire personnel de Thomas, se tenait entre ses cuisses écartées. Sa braguette était défaite et son membre viril déballé – il besognait Clara avec vigueur. Je n'avais pas prononcé le moindre mot, cachée dans l'embrasure de la porte. Le couple n'avait pas soupçonné ma présence et j'avais assisté à leurs ébats. J'avais bien une petite idée des choses que faisaient ensemble un homme et une femme, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en apprendre plus, en tout cas pas de cette manière. Pas sur la table de la cuisine !

Avant de mourir, ma mère m'avait incitée à ne faire ces choses que la nuit, dans le noir complet, sans jamais montrer le moindre centimètre carré de peau – sauf quand il était impossible de faire autrement. Devant l'intensité et la vigueur des mouvements d'Allen, je me disais que Clara devait souffrir ou qu'elle allait bientôt s'en plaindre, mais l'expression de son visage, sa façon de rejeter la tête en arrière et de s'agiter contre la table en bois me fit rapidement comprendre que je me trompais. Elle adorait ça ! Mère m'avait décrit une corvée, mais Clara ne partageait vraisemblablement pas cet avis. L'extase qui se lisait sur son visage était sincère.

J'avais ressenti un picotement entre mes cuisses à l'idée de vivre la même chose, de me sentir à la merci d'un homme et d'oublier tout le reste. Quand Clara avait commencé à se caresser la poitrine, j'avais senti mes tétons se durcir, brûlants d'être touchés. Elle ne s'était pas contentée d'apprécier les attentions d'Allen. Rien qu'à voir sa façon de se cambrer et de gémir, il était évident qu'elle en raffolait. J'aurais voulu ressentir les mêmes émotions. Je voulais crier de plaisir. L'idée d'être malmenée par un homme de cette manière m'excitait. Mon sexe s'était gonflé d'une humidité inhabituelle et je m'étais mise à le caresser d'une main légère, sans soulever ma robe. Je n'avais retiré ma main qu'après avoir ressenti un éclair de plaisir, je m'étais retrouvée stupéfaite. Si mes doigts suffisaient à me procurer de telles sensations, qu'allais-je bien pouvoir ressentir sous les coups de boutoir d'un homme viril ?

Allen avait encore effectué quelques va-et-vient avant de se raidir et de gémir comme s'il venait d'être blessé. Au moment de séparer son sexe violacé, humide et luisant, de celui de Clara, il y avait révélé une crème blanche et généreuse. Il avait placé les pieds de son amante au bord de la table de manière à l'exhiber dans toute sa vulnérabilité. La jeune femme n'avait pourtant pas semblé s'en soucier, trop essoufflée pour se laisser aller à la pudeur ou simplement trop impudique.

Je m'étais délectée de sa débauche, de son corps repu et satisfait. Je désirais connaître les mêmes sensations et je voulais qu'un homme me les procure. Pas Allen, mais un homme rien qu'à moi.

Ce désir s'était vite évaporé quand Thomas, que je n'avais pas vu jusque-là, était apparu et avait pris la place d'Allen entre les cuisses de Clara. Il s'était penché pour lui agripper le corsage et l'avait arraché – les boutons ricochaient un peu partout dans la pièce. Il avait approché ses lèvres des tétons nus de Clara et les avait sucés, l'un après l'autre. Je n'avais jamais imaginé qu'un homme puisse faire cela.

Ensuite, il avait ouvert sa braguette et libéré son membre. Il était plus gros et plus long que celui d'Allen et quelques gouttes perlaient à son extrémité. Le secrétaire était resté tout près, rhabillé et captivé, les bras croisés contre son torse. Thomas avait ajusté sa position de manière à mieux satisfaire Clara et elle s'était cambrée, le dos soulevée, au moment où il s'était enfoncé complètement – des gémissements de plaisir résonnaient dans toutes la pièce.

Mon halètement m'avait trahie à ce moment, j'avais dû émettre un son qui tranchait avec les cris que poussait la femme qu'il étreignait, parce qu'il s'était alors tourné vers moi. Au lieu d'arrêter, il avait intensifié ses mouvements, la tête de Clara dansant contre le bois.

« Tu peux regarder, ça m'est égal, m'avait dit Thomas en souriant, positionnant ses paumes contre la table de manière à mieux pénétrer Clara. Ce n'est pas plus mal qu'une vierge en profite. Tu pourrais apprendre quelques trucs. »

À ces mots, je m'étais enfuie, sans plus penser au déjeuner manquant.

Tout cela s'était déroulé quelques jours auparavant et depuis je n'avais fait que croiser Thomas, j'avais fait mon possible pour l'éviter. Je ne savais pas quoi lui dire et ne savais pas si je serais capable d’à nouveau le regarder dans les yeux maintenant que je savais non seulement qu'il partageait ses conquêtes avec son secrétaire, mais qu'il avait surtout brisé ses vœux de mariage. Mary soupçonnait-elle ces infidélités ? Je me doutais bien qu'il ne s'agissait pas d'une première fois. Les deux hommes avaient eu l'air beaucoup trop à l'aise et devaient avoir partagé ce genre d'intimité avant. Je m'étais très vite éloignée de Clara et d'Allen également.

« Tu sais très bien de quoi je parle. Je ne peux pas te laisser déballer tous mes petits secrets à tous les habitants de la ville. Et puis ces tendances au voyeurisme ne siéent pas à une femme de ton rang. Je ne peux décemment pas te caser avec un de mes amis en connaissant ces penchants indécents. »

2

EMMA

Il avait prononcé ces derniers mots comme s'il m'accusait d'avoir participé à sa place à ces ébats coupables. Il me reprochait à moi des penchants indécents ? Alors qu'il n'avait aucun respect pour sa pauvre épouse !

« Voyeurisme ? Je n'aurais pas continué à regarder si j'avais su. Vous étiez dans la cuisine en pleine journée. Thomas, je n'aurais... »

Il m'interrompit d'un geste de la main. « Peu importe de toute façon. Je ne peux pas risquer ma carrière en te gardant près de moi. Il suffirait d'un mot de trop pour que mon avenir à Washington s'évapore.

— Tous les hommes entretiennent des maîtresses, Thomas. Cela ne surprendrait personne, lui répondis-je. Mary est sûrement déjà au courant. »

Il rit froidement. « Mary ? Je ne m'inquiète pas de ma femme ou de ce qu'elle peut en penser. Je sais qu'elle ne dira jamais rien contre moi. Je suis en position de m'en assurer. »

Je grimaçai en imaginant ce qui allait lui garantir ce silence. Mary était une femme docile et je commençais à comprendre pourquoi. Elle n'avait aucun droit de protester ou de se plaindre des caprices de son mari. Une bonne épouse restait toujours à la merci de son homme.

« Et tu ne t'inquiètes pas de savoir ce qu'en diront Allen et Clara ? » Je n'étais pas la seule à partager le secret de ses aventures extra-conjugales.

Thomas leva les yeux au ciel. « Parlons sérieusement, Clara n'a aucune importance et Allen connaît sa place. Il est tout aussi déterminé que moi à rejoindre Washington. »

Je n'osais imaginer le sort qu'il réserverait à Clara s'il était vraiment capable de vendre un membre de sa famille à Madame Pratt. Je me tordais les mains. Thomas ne comptait reculer devant rien pour se débarrasser des problèmes et des tracas qui se trouvaient dans son passage. Et c’était tout ce que je représentais maintenant pour lui.

Je n'avais aucune raison de rester là à l'écouter. Je m'approchai de la porte, prête à partir, mais il leva la main. « Tu n'as plus d'argent, plus d'amis. Il ne te reste que les vêtements que tu as sur le dos. »

Je secouai la tête, encore incrédule. « C'est de la folie, Thomas ! » Frustrée, j'agitai mes mains devant moi. « J'ai encore des amis, une belle-sœur et des voisins ! J'ai l'argent de Père ! Il me suffit de passer cette porte, de trouver dans la rue quelqu'un que je connais et je sais qu'on m'aidera.

— Je te répète que tu n'as plus d'argent et nous ne sommes pas à Helena. »

Les bras ballants, je sentis un vide envahir mon ventre. « Quoi ? Tu ne peux pas. Je suis adulte.

— C'est vrai, mais dans son testament ton père me confiait ta garde jusqu'à ce que tu fêtes ton vingt-cinquième anniversaire ou que tu te maries. Tu n'as voulu épouser personne et je peux faire ce que je veux de ton argent.

— C'est toi qui as fait fuir tous les bons partis ! criai-je, comprenant finalement ses manigances. Tu as toujours voulu me dépouiller. »

Il m’adressa un sourire sans chaleur. « Nous nous trouvons à Simms, dans l'établissement de Madame Pratt. Si tu passes cette porte, tu te retrouveras à la rue dans une ville que tu ne connais pas, où tu ne connais personne qui pourrait venir à ton secours et, pour survivre, tu n'auras pas d'autre choix que de revenir ici. De toute façon, je ne crois pas qu'elle te laisserait partir. Madame Pratt ? » Il ne lui laissa pas le temps de répondre. « Elle m'a versé une coquette somme et elle voudra sans doute que tu la rembourses en écartant les cuisses. (il renifla.) Tu as eu l'air d'apprécier les batifolages de Clara, tu ne seras pas dépaysée. » Il me détailla des pieds à la tête avant de se tourner vers Madame Pratt. « Ce fut un plaisir de faire affaire avec vous.

— Monsieur James, » acquiesça-t-elle en lui ouvrant la porte. Elle allait vraiment le laisser partir ?

Thomas quitta la pièce et je me vidai de toutes mes émotions. Je venais d'être vendue à un bordel ! Cette idée même me paraissait ridicule, inimaginable, et pourtant j'en étais là. J'avais les larmes aux yeux.

« Ne broyez pas du noir, Miss James. Au moins, vous ne dépendez plus du bon vouloir de cet homme odieux. » Elle grimaça et ferma la porte derrière lui. J'eus l'impression que ma vie s'achevait, que cette porte me la dérobait et que j'allais devoir m'en bâtir une nouvelle. Et c'était peut-être ce qui m'effrayait le plus. À quoi pourrait bien ressembler cette nouvelle vie ? Allais-je devoir m'occuper d'hommes en tout genre comme l'avait fait Clara avec Allen ou souffrir entre les mains cruelles d'hommes tel que Thomas ?

J'essuyai frénétiquement mes joues humides. « Maigre consolation, répondis-je en fixant les motifs orientaux et extravagants du tapis. L'alternative, du moins la description qu'en fait Thomas, n'est guère attrayante.

— Cet homme, votre demi-frère, vous a vendue. » Elle désigna la porte de l'index. « Il ne mérite pas qu'on s'attarde sur son sort. Je vous le dis, bon débarras. » Sa douce voix s'alourdit de notes sévères alors qu'elle balayait mon passé d'un revers de main.

« Pourquoi avoir accepté de traiter avec lui, alors ? Pourquoi m'avoir achetée ? »

Ses jupons bruissèrent quand elle traversa la pièce. « Pour gagner de l'argent, bien sûr. J'ai malgré tout un petit faible pour les femmes dont la vie est en danger. Faites-moi confiance, vous êtes plus en sécurité sous mon toit que sous le sien. »

Je relevai le menton, beaucoup moins convaincue. « J'imagine, tout dépend de ce que vous comptez faire de moi.

— Tu es vierge, » affirma-t-elle.

Je rougis furieusement, les joues en feu.

« Il me suffit de voir ta réaction pour savoir que j'ai raison, » répondit-elle en s'asseyant sur la chaise à côté de son bureau. Elle gardait le dos bien droit et ajustait sa robe. Elle n'était peut-être qu'une mère maquerelle, mais elle affichait les manières d'une dame.

Je baissai les yeux et fixai la robe d'un bleu pâle que j'avais passée le matin même. Thomas avait dû verser le laudanum dans mon café, me disais-je. Je le buvais noir et l'amertume avait très bien pu masquer le poison. Je me rappelai avoir mangé quelques tartines de marmelade dans le séjour et puis plus rien.

« J'imagine que pour vous la virginité est une marchandise comme une autre. Vous êtes une mère maquerelle, n'est-ce pas ? » Je voulais m'assurer de sa profession. Je me doutais bien qu'elle ne gérait pas une agence de gouvernantes.

Elle acquiesça. « Effectivement. Mais contrairement à ce Monsieur James, je vais te laisser le choix. »

Je haussai un sourcil, prête à entendre mes options, qui n'allaient sans doute pas me plaire, j'en avais bien peur. Mieux valait-il sans doute s'asseoir et j'allais donc m'effondrer dans le fauteuil qui m'avait servi de lit.

« Tu peux travailler pour rembourser ta dette. Vu ton innocence, tu seras tout de suite très populaire, je t'assure. Tu es très jolie qui plus est – le succès ne se démentirait pas de sitôt. Tu es tombée dans la meilleure maison de passe de la région et nous satisfaisons même les demandes les plus inhabituelles. Les autres filles t'apprendront tout ce que tu dois savoir pour combler un homme, en plus des façons les plus agréables de baiser. »

Je restai bouche bée en entendant ces mots grossiers, mais ils étaient en rapport avec sa profession et devaient faire partie de son quotidien.

Pour me calmer et reprendre le fil de mes pensées, je baissai les yeux et fixai mes mains. Une douleur sourde m'emplissait le crâne – sans doute le contre-coup de la fourberie de Thomas – et j'avais du mal à réfléchir clairement. « Et... Et l'autre option ?

— Tu peux me rembourser en une soirée. Et même dès ce soir. »

La proposition était trop belle pour être vraie et je savais qu'il y aurait un lourd prix à payer. Elle vendait certes des plaisirs charnels, mais elle restait malgré tout une femme d'affaires.

« Ah ? demandai-je, impatiente d'en apprendre plus.

— J'organise une vente de mariées. »

Je fixai Madame Pratt, sans savoir quoi dire. Venait-elle de prononcer les mots « vente » et « mariées » dans la même phrase ? J'allais être vendue au plus offrant ?

« Je vous demande pardon ? » dis-je, décontenancée.

Madame Pratt me sourit aimablement. « Je connais plusieurs hommes à la recherche d'une épouse qui saurait assouvir leurs plus intenses pulsions et accepter leur forte personnalité. »

Je fronçai les sourcils. Je me sentais bien incapable de jouer ce rôle. « Comme vous l'avez dit vous-même, je suis vierge. Je n'y connais rien et les mots « intenses pulsions » ne veulent rien dire pour moi.

— Et c'est une très bonne chose, dit-elle en acquiesçant. Je n'ai jamais dit que tu devais savoir quoi que ce soit, mais que tu devais être capable de les assouvir. »

Je grimaçai. « Et il y a une différence ?

— D'importance. » J'espérais qu'elle clarifierait ses propos, mais elle garda le silence.

« Pourquoi êtes-vous aussi certaine que je saurai répondre à ces... attentes ?

— À en croire Monsieur James, la vue d'une femme en train de se faire baiser t'a émoustillée. Est-ce que c'est la vérité ? »

J'essayai tant bien que mal de garder ma contenance. Admettre que le plaisir de Clara m'avait émue revenait à dire que je ne valais pas mieux que les autres filles de Madame Pratt. Cela voulait dire que j'étais réellement une débauchée. J'avais peut-être ma place dans ce bordel.

« Eh bien ? demanda Madame Pratt.

— La femme en question se faisait prendre par deux hommes. Je n'imaginais pas que de telles choses étaient possibles. »

Elle écarquilla légèrement les yeux. « Ils étaient deux alors ? Et les voir t'excitait ? Intéressant. » Voyant que je gardais le silence – j'avais peur de laisser échapper un autre secret –, elle continua. « Tu l'étais, excitée ? » Elle manipulait mes paroles à sa guise. « Ne t'inquiète pas, tu n'as aucune raison de me cacher ces choses. Je dirige un bordel. J'ai déjà tout vu et tout entendu. Rien de ce que tu diras ne pourra me choquer. »

J'étais incapable de parler, mais j'acquiesçai.

« Ça t'a plu de les regarder ? »

J'acquiesçai à nouveau. « J'ai pris du plaisir à espionner le premier homme et cette femme. Je me serais bien passée de voir mon demi-frère.

— Tu aurais aimé prendre sa place et te faire baiser ? »

J'affrontai son regard, sans ciller. « Oui, » murmurai-je.

Elle se leva, sa robe satinée flamboyant à la lumière. « Que choisis-tu ? Travailler ou épouser le plus offrant ? » Elle me fixait de ses yeux bleus. Elle attendait.

Ses mots ôtaient toute importance à ma vie, comme si cette décision était facile. Je n'étais réveillée que depuis quelques minutes, ma tête me faisait encore mal. Et je devais choisir dans l’instant ? « Jamais je n'épouserai un homme comme Thomas. » Mes mains, calées entre mes cuisses, se crispèrent. « Je préfère encore être ravagée par une multitude d'hommes que de passer une vie entière dans le mensonge, l'indifférence et l'infidélité. Ce serait comme vivre dans une prison sans avoir aucun moyen d'y échapper. Vous l'avez rencontré. Me proposer de vivre avec un type dans son genre... Vous ne vaudriez pas mieux que lui. »

Les yeux de Madame Pratt trahirent un soupçon d'émotion. De l'admiration ? De la surprise ? Impossible de le savoir. « Jamais je ne céderai une femme à un homme qui ne serait ni généreux ni tendre. Je suis exigeante avec ma clientèle et protectrice avec les femmes que je présente. Au lit, dominer ne veut pas dire être cruel. »

Je ne comprenais pas bien cette dernière phrase. « Pourquoi un mariage ? Pourquoi ne pas simplement vendre ma virginité ?

— Tu n'y gagnerais rien après cette première expérience. Une fois souillée, tu n'aurais pas plus de valeur que les autres de mes filles. Plus question de mariage après ça, ton destin serait scellé. Le mariage te permettra de rester une femme respectable. Je ne supporte pas les hommes qui se contentent de prendre et ne rendent jamais rien aux femmes. Mais tu peux encore rester ici et travailler pour moi, si tu préfères. »

Je n'avais aucune envie de me prostituer, l'idée même me donner envie de vomir, mais seule la parole de cette femme m'assurait que je n'allais pas tomber entre les mains d'un salaud. Ses principes étranges – ce souci de ma vertu alors même qu'elle me vendait au plus offrant – me surprenait et me la présentait sous un jour différent.

« J'imagine sans mal le quotidien d'une épouse. Vous pourriez peut-être me décrire l'alternative ? »

Ma requête l'amusa. « Mes filles travaillent de six heures du soir à six heures du matin et peuvent enchaîner jusqu'à une vingtaine de clients. Tu trouveras très vite tes points forts et ils t'aideront à bâtir ta réputation. Au début, bien sûr, ton atout majeur restera ton innocence, mais elle n'a qu'un temps, ensuite il faudra choisir. » Elle haussa négligemment les épaules. « Certaines ne veulent que baiser, d'autres deviennent de bonnes suceuses. Quelques-unes apprécient de la prendre dans le cul. Et puis il y a les jeux de cordes, les jeux de rôle, les partouzes et d'autres choses encore. »

Je l'interrompis d'un geste de la main, incapable d'en entendre davantage. J'en étais restée à cette vingtaine d'hommes par nuit. De toute évidence, elle m'aiguillait vers le mariage. Depuis le départ, elle n'avait sans doute pas d'autres idées en tête et cette histoire de choix n'était qu'une illusion. Je m'humectai les lèvres avant de poser ma question. « Combien avez-vous payé Thomas ?

— Sept-cents dollars. »

Je haussai les sourcils, surprise. Cette somme ne représentait rien pour notre famille et j'aurais pu la rembourser après un simple aller-retour à la banque. Enfin, plus maintenant.

« La passe est à moins d'un dollar et il faudrait t'enfiler des centaines de clients avant d'être quitte. Tu y serais pour un bon moment. Et après ça... » Elle haussa les épaules et laissa le silence terminer pour elle. « Ou alors tu pourrais t'échapper dès ce soir. »

Je grimaçai. D'une manière perverse et alambiquée, elle m'aidait. Elle ne pouvait pas se contenter de me laisser partir ; il y avait trop d'argent en jeu. Ce mariage nous tirait une épine du pied à toutes les deux. Je n'avais pas vraiment le choix. Je n'avais pas le choix du marié non plus. Madame Pratt resterait seule juge le concernant ou les concernant, elle réduirait la liste des prétendants à une poignée d'hommes ayant les moyens de la payer. À en juger par sa profession et son sens des affaires, elle les choisirait en fonction de leurs besoins sexuels et de leur compte en banque. « Vous pouvez me garantir que l'homme que j'épouserai ne sera ni un poivrot, ni un vieillard, ni un mari violent ? »

Elle me regarda dans les yeux. « Promis.

— Alors je... Je choisis les enchères.

— Sage décision. » Elle traversa la pièce et ouvrit la porte. « Comme je le disais, ces hommes veulent que tu combles certaines attentes bien précises. Dominer ne veut pas dire être cruel. Tu feras bien de ne pas l'oublier. »

3

EMMA

Quelques heures plus tard, je me tenais devant un groupe d'hommes, vêtue d'une simple nuisette que j'avais achetée quelques jours auparavant. Madame Pratt, qui paraissait pourtant aimable, préférait en montrer un peu plus à ses clients que ce que ma robe laissait deviner. Je me retrouvais à déplorer les qualités mêmes qui m'avaient poussée à faire cet achat – le tissu était si fin qu'il en était presque translucide. Je refusais de regarder les hommes devant moi, je ne voulais rien voir des expressions de leurs visages tandis qu'ils me détaillaient comme un vulgaire cheval. Je préférais encore fixer mes pieds.

Les yeux baissés, je commençai à me demander ce qu'ils pouvaient voir de moi. La couleur de mes tétons était clairement visible, mes tétons s'étaient même dressés. Cette nuisette m'arrivait jusqu'à mi-cuisse et j'étais certaine qu'ils pouvaient distinguer la noirceur de mon entrejambe. Les jolies dentelles qui en égayaient l'ourlet ne faisaient qu'attire le regard à cet endroit. J'avais éprouvé un certain plaisir à porter des sous-vêtements affriolants sous mes robes pudiques, tant que j'avais été la seule à le savoir, mais les exhiber de cette manière devant toute une ribambelle d'hommes me mortifiait, m'humiliait et m'effrayait même.

Je n'arrivais pas à m'empêcher de me couvrir avec mes bras, de tirer sur l'ourlet de la nuisette, les doigts tremblants, mais Madame Pratt m'avait assuré que mon futur époux préférerait pouvoir se rincer l’œil avant d'effectuer son achat. Il aurait sans doute donc mieux valu que je sois complètement nue, mais je n'allais certainement pas lancer cette idée. Heureusement, la petite pièce dans laquelle nous nous trouvions n'était pas particulièrement bien éclairée, ne s'y allumaient que quelques lampes qui produisaient une faible lumière jaunâtre. Il ne faisait pas froid, mais j'avais malgré tout la chair de poule. Une légère odeur de kérosène mêlée à celle du tabac emplissait l'air.

Je restais plantée là, debout, les bras le long du corps et les doigts pressés les uns contre les autres. Je fuyais toujours du regard ces hommes dont les murmures s'amplifiaient. Madame Pratt était la seule autre personne dans la pièce et je savais très bien que tous les hommes calés au fond de leur chaise en demi-cercle autour de moi avaient le regard braqué sur mon corps. Ils pouvaient se payer n'importe quelle femme en bas, alors pourquoi me choisir, moi ? Pourquoi s'embarrasser d'une vierge sans la moindre expérience quand le bâtiment grouillait de véritables courtisanes prêtes à assouvir leurs pulsions sans réclamer en retour la moindre promesse ? De toute évidence, des hommes qui préféraient ignorer cette option devaient avoir des intentions sincères. J'en avais entraperçu quatre en entrant, mais je n'avais pas osé croiser leur regard. Je n'avais bien sûr pas peur d'être reconnue par l'un d'entre eux – les chances d'une pareille coïncidence étaient faibles dans cette ville –, mais je préférais ne rien voir de leurs réactions devant ce déshabillé. Je ne voulais pas voir leur tête au moment où ils découvriraient mon corps.

« Elle est vierge ? » demanda un homme à ma droite.

Madame Pratt, qui se tenait derrière moi, répondit d'un voix saccadée et étonnamment tranchante. « Je ne vous permets pas de douter de l'intégrité de mes enchères, Monsieur Pierce. »

L'homme déglutit pour marquer sa désapprobation, mais ne répondit rien pas.

« Je veux la voir nue, ajouta un autre.

— Emma, me demanda Madame Pratt sans lui répondre. Qu'as-tu déjà montré à un homme ? »

Je tournai la tête en direction de sa voix et levai les yeux vers elle. « Madame ? » demandai-je d'une voix à peine audible.

« Un homme a-t-il déjà vu tes chevilles ? »

Cette idée même me fit rougir. « Non. » Je baissai le regard et m'intéressai au tapis à mes pieds.

« Ton poignet ? »

Je secouai la tête. « Non.

— C'est la première fois qu'un homme te voit en nuisette ? »

Pourquoi s'évertuait-elle à souligner toute l'ampleur de mon innocence ? Je pris une profonde inspiration pour calmer les battements de mon cœur. J'avais l'impression qu'il allait me traverser la poitrine. Je lui répondis malgré tout : « Oui, madame.

— Monsieur Rivers, vous comprendrez donc que nous réservions la primeur de sa nudité à son futur mari. Il vous suffit de faire la meilleure enchère pour devenir ce fieffé veinard. »

Une voix résonna à ma gauche. « A-t-elle été entraînée à assouvir les besoins d'un mari ?

— Bien sûr que non, Monsieur Potter. Cet entraînement n'incombe qu'à son mari.

— Qui y prendra un grand plaisir. » Cette voix provenait d'un homme en face de moi. Le timbre en était grave, rauque, mais plein d'assurance. Je ne voyais que ses pieds et le bas de ses jambes. Des bottes en cuir, un pantalon noir. Je ne voulais pas lever les yeux. Un plaisir, avait-il dit ? Cet homme se ferait un plaisir de m'apprendre à assouvir ses pulsions ? L'image de Clara, les jambes écartées à la merci des désirs d'Allen, me vint à l'esprit. S'était-elle, elle aussi, pliée aux exigences de son homme ?

« Précisément, ajouta Madame Pratt qui me tira de mes rêveries. Puis-je commencer ? Les enchères débutent à mille dollars. »

Ce montant élevé me surprit. Tant que cela ? Pas étonnant que Madame Pratt désire à ce point me vendre au plus offrant. Elle allait récupérer sa mise de départ et se faire un joli bénéfice au passage.

Et le prix ne fit que grimper. Je n'osais pas regarder qui enchérissait. Je n'ignorais pas l'importance de ce qui se tramait devant moi. Toutes ces voix étaient celles des hommes qui voulaient m'épouser. M'épouser. Et ils étaient prêts à payer une petite fortune pour le faire. Il n'y aurait ni cour, ni dîners, ni balades, ni chaperons. Nous n'échangerions jamais de confidences, ni de sourires aguicheurs ou de baisers volés. Ces hommes enchérissaient à cause de ma pureté, de mon apparence et d'une promesse de Madame Pratt, qui leur assurait que je comblerais leurs attentes. Du bout des doigts, j'ajustai ma nuisette tout en continuant à détailler l'impression cachemire du tapis, tâchant de calmer ma respiration. J'allais devoir me débarrasser de mes rêves de mariage d'amour et les remplacer par un arrangement sordide et répugnant.

« Adjugée, vendue ! » dit Madame Pratt qui me fit sursauter. Quoi ? C'était déjà terminé ? Tout s'était passé si vite, il avait suffi d'une minute ou deux, et pourtant toute ma vie venait de basculer irrévocablement. J'étais trop effrayée pour lever les yeux et découvrir l'homme que j'allais devoir épouser. Je n'étais pas très sûre de vouloir savoir qui avait gagné. Dès que je verrai son visage toute cette histoire allait devenir réalité. « Monsieur Kane, Monsieur Monroe, félicitations. Veuillez me suivre, s'il vous plaît. Le docteur et le juge de paix vous attendent dans mon bureau. »

Venait-elle de prononcer deux noms ? Impossible. Elle me prit le bras et me guida hors de la pièce. Tandis que nous traversions le couloir, je remarquai que l'homme aux bottes et au pantalon noir nous suivait. S'agissait-il de Monsieur Kane ? Allait-il devenir mon mari ? Au détour du couloir, je vis qu'un deuxième homme suivait un peu en retrait. J'étais perdue, décontenancée. Tout s'était passé si vite. Nous allions apparemment nous marier dans l'heure. Madame Pratt était une femme d'affaires aguerrie et ne prendrait pas le risque de voir son client, Monsieur Kane, changer d'avis. Une cérémonie de mariage lui garantirait la vente.

Le juge de paix était un homme petit et rond qui portait une moustache éparse. Il lui restait toutefois plus de poils au-dessus des lèvres qu'au sommet du crâne. Une bible à la main, il se leva en nous voyant entrer. Et le docteur l'imita, du moins il devait s'agir du docteur. Il était grand et svelte, tout en longueur, mais séduisant dans son costume sombre. Je jetai un œil en direction de l'homme aux bottes et au pantalon noir, sans oser vraiment le regarder de peur que la réalité me rattrape. L'homme qui le suivait se positionna dans un coin de la pièce. Il portait des vêtements moins formels ; un pantalon noir, une chemise blanche. Ses cheveux étaient plus longs que de rigueur et sa peau bronzée indiquait qu'il passait ses journées au grand air. La couleur de ses cheveux me rappelait un champ de blé, ses boucles comme éclairées par un soleil d'été. De ses yeux verts et perçants, il me dévisageait. Je me sentais presque nue, je ne portais toujours que ma nuisette. J'avais la sensation qu'il voyait à travers le tissu, qu'il voyait ma peau vierge. Au moment où nos regards s'étaient croisés, j'eus l'impression qu'il me perçait à jour, qu'il lisait dans mes pensées. Dans le but de préserver ma pudeur, je ne pus m'empêcher de croiser les bras contre ma poitrine.

Je sentis mes joues s'enflammer et mes tétons se dresser en l'imaginant me reluquer. Devinant, en périphérie de ma vision, le coin de son sourire, je compris qu'il ne viendrait pas à mon secours dans cette parodie de mariage.

« Docteur Carmichael, souhaitez-vous entamer votre auscultation ? » demanda Madame Pratt et je la fusillai du regard.

J'étais comme paralysée. Une auscultation ? Là ? Devant ces hommes ? Je fis le dos rond et tâchai de me protéger du mieux que je le pouvais. Le docteur fit un pas dans ma direction et me vit sursauter.

« Attendez, » l'interrompit Kane en levant la main pour l'arrêter. Je reconnus la voix que j'avais entendu au cours des enchères. « Tu ne veux donc pas voir le visage de l'homme que tu vas épouser ? » Sa voix était grave, sévère, et je compris qu'il s'adressait à moi. Un accent britannique colorait ses paroles, abrégeait ses voyelles. Que venait faire un Anglais dans cet endroit, dans ce bordel où il s'apprêtait à épouser une inconnue ? Sa façon d'interrompre Madame Pratt et le docteur révélait tout son pouvoir et attisait ma curiosité et mes peurs à son égard.

Je fermai brièvement les yeux et avalai ma salive. Je ne pouvais plus y échapper. Je tournai la tête et regardai droit devant moi, mais je ne vis que les boutons de sa chemise blanche. Je relevai le menton et découvris pour la première fois mon futur époux, qui me coupa le souffle. Je remarquai en premier ses yeux. Sombres, tellement sombres qu'ils en étaient noirs – des arcades saillantes les surplombaient. Il me regardait avec une telle intensité, une telle expression de possessivité, que j'eus du mal à détourner les yeux. Il avait les cheveux tout aussi noirs, avec des reflets presque bleutées. Ils étaient coupés court sur les côtés et un peu plus long sur le dessus, une mèche lui retombait sur le front. Son nez était fin, mais légèrement de travers, sans doute cassé depuis quelque temps déjà. Sa mâchoire robuste et bien définie se couvrait de favoris sombres. Ses lèvres pleines s'étiraient en un sourire satisfait, comme s'il savait déjà que j'étais impressionnée par ce que je voyais devant moi.

Il était beau et tellement séduisant. Et grand, il faisait près de deux mètres tout en étant large d'épaules – des épaules vigoureuses et musclées que sa chemise blanche mettait bien en valeur, tout comme son torse ferme qui s'affinait au niveau de la taille. Ses jambes, que je n'avais pas remarquées dans l'autre pièce, étaient longues et, de toute évidence, puissantes. S'il n'avait pas parlé, jamais je n'aurais deviné qu'il était étranger.

À côté de lui, j'étais toute petite, minuscule même. Cet homme, mon futur mari, n'aurait aucun mal à me blesser s'il lui en prenait l'envie, mais la lueur de désir ardent que je lisais dans ses yeux m'indiquait qu'il avait d'autres projets, qu'il attendait autre chose de moi. Je déglutis.

« Eh ben, voilà. Je vois enfin ton visage. Ces yeux bleus sont surprenants chez une femme aux cheveux si noirs. »

Sa voix d'homme cultivé, malgré son caractère rocailleux et rauque, se nuançait d'une touche, comment dire, de tendresse peut-être ? Une tendresse inattendue. Il sourit et une fossette apparut au milieu de sa joue.

« Comment tu t'appelles ? demanda-t-il.

— Emma. Emma James, lui répondis-je, ensorcelée par la douceur de sa voix.

— Je m'appelle Whitmore Kane, mais tout le monde m'appelle Kane. »

Kane. Mon mari s'appelait Kane et il était anglais. Allait-il m'obliger à vivre en Angleterre ? Cette idée m'effrayait. Je ne connaissais rien de l'Angleterre, rien de la vie en dehors du Montana.

« Ian, » dit-il. L'homme qui était resté dans son coin s'approcha, tira une liasse de billets de sa poche de pantalon et la tendit à Madame Pratt après avoir recompté. Cet homme était-il le secrétaire de Kane, comme Allen était celui de Thomas ?

« Nous nous passerons des services du docteur, » indiqua Ian à Madame Pratt qui venait d'empocher l'argent. Il était grand et fort également, il avait des cheveux clairs et un regard sérieux.

« Vous ne souhaitez pas que je vérifie sa virginité ? demanda le docteur, comme si je ne me trouvais pas dans la pièce. C'est un examen rapide. Il suffit qu'elle s'allonge dans ce fauteuil, les genoux contre la poitrine, et j'insère un peu mes doigts de manière à tâter l'hymen. Il vous faut certainement une preuve vu la somme versée. »

Le procédé que le docteur venait de décrire me fit pâlir. Il comptait me tripoter devant trois témoins, sans compter Madame Pratt ? Je fis un pas en arrière et me cognai contre Ian. Heureusement, il avait déjà annoncé que cet examen désagréable ne serait pas nécessaire. Je sursautai malgré tout à son contact et m'éloignai de quelques pas. Cette pièce était vraiment trop petite !

« Je vous assure que je suis tout à fait capable de l'examiner moi-même, » répliqua Kane.

Le docteur ne sembla pas décontenancé par cette réponse et il se contenta d'acquiescer comme s'il le comprenait très bien. « Certainement.

— Tenez, m'sieur le docteur, je vous ouvre la porte. Pas nécessaire qu'on vous retienne, » dit aimablement Ian, avec un fort accent.

Le docteur Carmichael attrapa une sacoche noire qui était posée sur le bureau de Madame Pratt et passa la porte que Ian ferma derrière lui.

Je pouvais enfin respirer. Il avait suffi qu'il quitte la pièce pour que je sois moins tendue.

Madame Pratt se tourna vers le juge de paix. « Nous sommes tous prêts, Monsieur Molesly. »

Je me trouvais à nouveau instantanément tendue. J'allais devoir épouser un Anglais que je ne connaissais pas du tout.

« Et après la cérémonie, je serais ravie de vous accompagner en bas et de vous laisser entre les mains d'une de mes filles.

— Est-ce que Rachel est disponible ? » demanda-t-il avec un regard brillant d'avidité.

Madame Pratt acquiesça. « Bien sûr. Elle a même demandé de vos nouvelles. »

Cette flatterie le fit se dresser comme un paon – pourtant ces paroles n'avaient sans doute rien de sincère. Elles eurent néanmoins le mérite de l'inciter à accélérer la cérémonie. J'en vins à douter de l'honnêteté de sa vocation. Il s'éclaircit la gorge et commença : « Nous sommes réunis... »

Ce matin encore, j'étais une héritière attablée devant son petit-déjeuner. Et je me retrouvais maintenant en nuisette, mariée à un bel étranger qui venait tout juste de m'acheter, au cours d'une vente aux enchères organisée par un bordel.

4

EMMA

« Vous voulez peut-être examiner votre achat ? » commenta Madame Pratt. Elle venait de se débarrasser du juge de paix, sans doute déjà blotti dans les bras de sa Rachel. Cette cérémonie inhabituelle ne lui avait posé aucun problème – ce n'était pas la première fois qu'il s'y collait ; les cajoleries de Rachel n'étaient de toute évidence qu'un moyen de paiement comme un autre.

Ian se plaça à côté de Kane. Tous deux étaient grands et larges d'épaules. Je n'avais aucune idée de leur profession, mais elle devait leur demander des efforts physiques importants, comment expliquer autrement leurs muscles saillants ? Je n'avais pas affaire au genre de gentilshommes qui restent confortablement installés derrière un bureau. De par leur posture, de par l'intensité qu'ils exsudaient, je devinais leur puissance. Et l'un d'entre était mon mari. L'autre me regardait pourtant avec une lueur possessive. Je les trouvais tous deux très séduisants.

« En effet, » répondit Kane.

Je restai bouche bée, les yeux écarquillés et je fis un pas en arrière, une main levée comme seule défense. « Vous ne pensez tout de même pas... »

Kane leva la main pour m'interrompre. « M'épouser te tire certainement d'une situation bien fâcheuse. J'ai payé une coquette somme pour obtenir ta main. Je pense donc avoir gagné le droit d'inspecter la marchandise. »

La marchandise ? J'avais à nouveau les joues en feu, mais cette fois je ne me sentais pas humiliée, mais indignée. « Je ne suis pas une jument qu'on prépare à la saillie. »

Kane haussa ses sourcils sombres. Il me transperça de ses yeux noirs. « Ah non ? »

Ses mots me laissèrent sans voix et je me détournai, incapable d'affronter son regard.

« Tenez. » Madame Pratt tendit un bocal à Ian. « Ça vous aidera un peu.

— Pas la peine, répondit Kane. Sa petite chatte sera pleine de mouille quand j'y mettrai la main. »

Ma petite chatte ? Je n'avais encore jamais entendu ce terme auparavant et pourtant je savais que c'était un mot grossier qui désignait mon intimité. Je serrai les cuisses. Il allait fourrer ses doigts en moi. Juste là. Je ne savais pas ce que voulait dire cette histoire de mouille, mais cet homme ne manquait pas de confiance en lui.

« T'inquiète pas, fillette. Kane va te faire aimer ça, aucun doute. Si vous pouviez nous laisser, Madame Pratt, s'il vous plaît, » dit Ian. Pas Kane, mais Ian. Il comptait rester avec nous ? Dans cette situation ? Je ravalai ma salive et mes angoisses devant de ce duo d'hommes dominants.

Nous laisser ? Je doutais sincèrement que j'allais aimer les caresses qu'avait en tête Kane. Séduisant ou non, il ne m'inspirait pas confiance et j'avais de bonnes raisons de rester méfiante. Cette journée me réservait trop de chamboulements pour que je ne reste pas sur mes gardes.

Madame Pratt ne se fit pas prier pour quitter la pièce ; elle avait empoché son argent et s'était vite débarrassée de moi. Maintenant que j'avais prononcé mes vœux, devant Dieu et devant la loi, Kane ne pouvait plus changer d'avis.

Nous nous retrouvions seuls tous les trois et la pièce me parut tout de suite moins étroite. À côté de Kane et de Ian, je me sentais pourtant minuscule. Menacée, dominée.

« Ton mari ne te plaît pas ? » demanda Kane avec humour.

Le ton qu'il employait me fit faire volte-face pour lui tenir tête, mais je vis à l'expression de son visage que c'était exactement la réaction qu'il attendait. Il voulait que je le regarde, que je les regarde.

« Vos intentions me déplaisent, oui.

— Nous sommes tes maris. Nous finirons bien par te toucher. »

J'écarquillai à nouveau les yeux et je fis quelques pas en arrière, apeurée. « Nous ? Vous deux ? J'ai dû mal entendre. »

Ils secouèrent tous deux la tête. « Non, tu as parfaitement compris. » Kane pointa Ian du doigt et ajouta : « Nous sommes tous les deux tes maris. »

Je trouvais l'idée ridicule et je savais que l'expression de mon visage ne le dissimulait pas. « Je ne peux pas avoir deux maris !

— Légalement, tu es l'épouse de Kane, fillette, mais tu es également la mienne. Je m'appelle Ian Stewart. » La voix d'Ian était encore plus rauque que celle de Kane, plus sombre et il avait un accent plus marqué.

Je secouai la tête, les larmes que j'avais retenues jusque-là me montèrent aux yeux et coulèrent le long de mes joues. « Mais pourquoi ? Je ne comprends pas.

— Comme tu le devines à notre accent, nous sommes britanniques.

— Parle pour toi, grommela Ian. Moi, je suis écossais.

— Je... Je ne vais pas aller vivre en Angleterre, dis-je en secouant violemment la tête.

— Et nous non plus. Nous venons peut-être d'un autre pays, mais notre vie est ici, dans le Montana. »

Il n'avait pas l'air d'être le genre d'hommes qui maniait aisément les mensonges et je me dis que je n'allais peut-être finalement pas vivre dans un pays étranger. J'avais seulement épousé des étrangers. Quelle étrange idée !

Kane croisa les bras contre sa poitrine. « Nous sommes des militaires. Nous avons passé notre vie à défendre les territoires de la Reine et son drapeau. Nous avons été amenés à travailler du côté de Mohamir, au Moyen-Orient, et ce périple nous a ouvert l'esprit concernant les règles de propriété des épouses. »

Mohamir ? Je n'en avais jamais entendu parler, mais je n'étais pas très calée en géographie. « Propriété ? »

Ian balançait le bocal que lui avait donné Madame Pratt d'une main à l'autre comme s'il s'agissait d'une boule de neige. « Une épouse appartient à son mari, pas vrai ? Il peut faire ce qu'il veut d'elle. La maltraiter, la battre, l'insulter. Rien ne peut l'arrêter, ni la loi, ni dieu. Personne ne sauvera une femme de son mari. »

Je sentis mon visage pâlir et je vacillai. Ces hommes ressemblaient à Thomas. Madame Pratt m'avait promis que j'échapperais à la vie que me décrivait Ian. Il s'avança et m'agrippa le coude, son emprise restait étonnamment délicate, malgré sa force et ses mots durs.

« Du calme, fillette, murmura-t-il.

— S'il vous plaît... S'il vous plaît, ne me faites pas de mal, » chuchotai-je en détournant le visage, effrayée à l'idée de ce qu'il allait bien pouvoir me faire. Je ne survivrais pas contre ces deux hommes.

Kane s'approcha de moi et je levai la main pour couvrir mon visage.

« Emma. Emma, fillette, regarde-moi. » La voix d'Ian était insistante, mais sa main ne me serrait pas plus. Je tournai légèrement la tête et le regardai – les regardai –, les yeux mi-clos. Ils me dévisageaient attentivement, la mâchoire serrée, un tendon ressortait au cou d'Ian.

« Jamais nous ne te ferons de mal. Nous ne serons jamais cruels, jura Ian. Nous te chérirons et te respecterons à la mode orientale. Tu seras aimée et protégée.

— De nous deux, ajouta Kane sur un ton solennel. Tu es notre femme et tu nous appartiens. C'est notre devoir de nous assurer que tu es en sécurité, que tu es heureuse, que tu éprouves du plaisir. Et tout commence dès maintenant.

— En contrôlant ma virginité ? Vous ne faites confiance ni à moi ni à Madame Pratt, rétorquai-je.

— Tu éprouveras du plaisir à me voir examiner ton corps, je te le promets, soupira Kane, chagriné par le scepticisme qu'il lisait sur mon visage. Madame Pratt n'aurait pas accepté de quitter la pièce si elle n'avait pas agi de bonne foi, mais je dois savoir la vérité. Nous ne partirons pas d'ici tant que je n'en aurai pas le cœur net.

— Pourquoi ? » demandai-je, décontenancée. Pourquoi avait-il besoin de cette confirmation ? « Nous sommes mariés et il n'y plus aucun moyen de revenir en arrière. Je suis votre femme, vierge ou non. » Je les regardai tous les deux en prononçant ces derniers mots.

« Nous devons savoir si tu es vierge pour ne pas te faire mal la première fois. »

Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire. « Et ma parole ne vous suffit pas ?

— On ne te connaît pas encore, répliqua Kane. Mais nous allons très vite remédier à ça. »

Je reculai d'un pas, levai les yeux vers l'homme à qui j'appartenais désormais, affolée. « Vous... Vous m'y obligeriez ? »

Ian et Kane échangèrent un regard qui en disait long, sans prononcer le moindre mot. Ian fixa le bocal qu'il avait entre les mains, perdu dans ses pensées, et le posa sur le bureau.

« Je me répète, dit Kane. Je suis ton mari. Ian est ton mari. Tu n'as pas le choix, tu dois nous obéir, mais je te peux te promettre, tout comme Ian, que jamais nous n'aurons besoin de te forcer à faire quoi que ce soit. Tu seras au septième ciel avant même que nous ayons terminé. »

Tant d'arrogance ! « Vraiment ? Et pourquoi cela ?

— Parce que tu seras pleine de mouille et que tu n'auras qu'une envie, sentir nos mains sur ta peau, je vais enfoncer mes doigts dans ta petite chatte pour y vérifier ton pucelage et tu n'auras pas envie que je les retire. Je vais te donner tes premiers plaisirs. Tu mouilles ?

— Vous n'arrêtez pas de parler de mouille. » Je fronçai les sourcils, perdue. « Je ne sais même pas de quoi vous parlez. »

Au lieu de s'approcher de moi, il se dirigea vers le fauteuil moelleux et s'y installa. Il s'y étendit, posa ses avant-bras sur les accoudoirs et s'étira les jambes.

« Madame Pratt nous a dit que tu avais vu des gens baiser et que c'est comme ça que tu as atterri ici. » J'écarquillai une nouvelle fois les yeux, mais il continua. « Ils étaient au lit ?

— Non ! Vous sous-entendez que je l'ai fait exprès, que je me suis cachée.

— Ils t'ont laissé regarder alors ? demanda Ian qui se tenait toujours à côté de moi.

— Mais non ! répétai-je, agacée par ces deux hommes qui me bombardaient de questions. Je suis rentrée à la maison et je les ai trouvés là... dans la cuisine.

— Ah. Et est-ce que tu as vu sa queue ? »

Je ne savais pas comment répondre à cette question. Bien sûr que j'avais vu sa queue. Ils étaient en train de... de baiser ! Allais-je perdre de la valeur à leurs yeux si je leur avouais la vérité ?

« Est-ce qu'il lui baisait la chatte ? Il lui prenait la bouche ? Le cul ? demanda Kane.

— Monsieur Kane, par pitié ! » criai-je, les joues enflammées. J'y collais mes paumes. Comment pouvaient-ils parler de ces choses de cette manière ?

« Est-ce qu'elle mouillait, fillette ? continua Ian.

— Je ne sais pas...

— Entre les jambes. » Il m'interrompit de sa voix grave. « Est-ce qu'elle était mouillée entre les jambes ?

— Oui, répondis-je, frustrée et peu habituée à être traitée de la sorte.

— Et là, tout de suite, est-ce que ton minou est aussi mouillé que le sien l'était ? »

Je reculai encore d'un pas et me retrouvai collée contre le bureau. J'en agrippai la surface en bois qui se trouvait derrière moi. Elle me stabilisait, me donnait quelque chose à tenir pendant que le monde vacillait autour de moi. Allait-il un jour s'arrêter de tourner ?

« Bien sûr que non.

— Alors je vais remédier à cela, pour que mes doigts te pénètrent sans peine, répondit Kane, sûr de lui.

— Pourquoi y tenez-vous tant que ça, à me voir mouiller ? demandai-je.

— Parce que ça nous montre que tu es excitée. C'est un signe, une indication de ce qui te plaît, même quand tu affirmes le contraire.

— Quoi ? Non. » Il ne bougeait pas et ne disait rien, alors je continuai. « Je ne voulais rien de tout ça. Je n'ai jamais voulu en arriver là. Thomas m'a droguée et je me suis réveillée là. Je n'avais pas d'autres choix, c'était soit vous épouser, soit travailler pour Madame Pratt. Aucune de ces solutions ne me convenait, je ne voulais pas me marier. Avec aucun d'entre vous. Comment voulez-vous que je sois excitée alors que je n'ai pas mon mot à dire ?

— Qui est ce Thomas ? demanda Ian, les yeux plissés.

— Mon demi-frère.

— C'est lui que tu as surpris en train de baiser ? » demanda Kane.

Je m'humectai les lèvres. « J'ai d'abord vu son secrétaire avec une de nos servantes et ensuite Thomas est arrivé, mais ils m'ont vue et j'ai fui avant d'en voir plus. »

Ian acquiesça. « Je vois. Ton frangin n'a pas l'air d'être un homme honorable. Pas étonnant que tu te méfies des hommes.

— Tu as beau ne pas en vouloir – de ce mariage et de nos attentions –, tu as peut-être envie de nous résister, tu te dis peut-être que c'est la meilleure façon de réagir, mais ton corps nous dira la vérité, » dit Kane.

J'étais sceptique. En plein doute. De quoi parlait-il vraiment ? Mon corps pouvait-il réellement trahir mon esprit de cette manière et lui obéir à lui ? Tout cela était impossible, tout comme le fait d'épouser deux hommes. Et pourtant... Non, je saurai me contrôler. Je croisai les bras contre ma poitrine. « Comment comptez-vous vous y prendre ?