Les épouses Bridgewater: La série du ménage Bridgewater - Tomes 7 - 10 - Vanessa Vale - E-Book

Les épouses Bridgewater: La série du ménage Bridgewater - Tomes 7 - 10 E-Book

Vale Vanessa

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Beschreibung

Les 4 volumes de la série du ménage Bridgewater.

Leur mariée volée

Leur mariée insolente
Leur mariée rebelle
Leur mariée impétueuse

 

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Les épouses Bridgewater

La série du ménage Bridgewater - Tomes 7 - 10

Vanessa Vale

Copyright © 2020 par Vanessa Vale

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont les produits de l’imagination de l’auteur et utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, entreprises, sociétés, événements ou lieux ne serait qu’une pure coïncidence.

Tous droits réservés.

Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris les systèmes de stockage et de recherche d’information, sans l’autorisation écrite de l’auteur, sauf pour l’utilisation de citations brèves dans une critique du livre.

Conception de la couverture : Bridger Media

Création graphique : Period Images; fotolia.com- Jag_cz

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Table des matières

Leur mariée volée

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Leur mariée insolente

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Leur mariée rebelle

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Leur mariée impétueuse

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

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À propos de l'auteur

Leur mariée volée

La série du ménage Bridgewater - 7

Prologue

MARY

« A quatre pattes, ma chérie. »

L’homme se tenait à côté du lit, nu comme un ver, et caressait son sexe en érection. Un fluide clair s’écoulait de la pointe et le sourire diabolique sur son visage montrait qu’il passait un agréable moment. Il était séduisant, fin, musclé, et ses joues étaient assombries par une barbe taillée.

La femme eut un petit sourire faussement modeste et fit ce qu’il demandait. Elle ne portait qu’un corset couleur rouge sang dont les premières attaches étaient défaites, laissant déborder ses seins plantureux.

Je me tenais dans la pièce attenante, et regardais par un trou dans le mur, les mains posées sur la cloison. Chloé, une des nombreuses putains du Briar Rose se tenait à mes côtés, nos épaules l’une contre l’autre alors qu’elle espionnait par son propre judas.

La prostituée, désormais à quatre pattes, leva les fesses en arrière en les secouant, invitant l’homme à regarder sa chatte. Bien qu’aucun des deux protagonistes ne soit timide et que l’un d’eux soit même un professionnel, quelque chose suggérait que ce n’était pas leur première fois ensemble.

Cela faisait plusieurs mois que j’espionnais avec Chloé et je savais reconnaître ce genre de choses. Oui, je connaissais les termes appropriés pour désigner le membre d’un homme, l’intimité d’une femme et bien plus encore. Queue, chatte, cul, sperme. Ces mots ne me paraissaient plus crus ou salaces. Je m’étais rendue au bordel, innocemment la première fois, pour apporter des vêtements de seconde main collectés par l’Armée du salut. J’y avais rencontré Chloé et j’étais revenue par amitié. Et, admettons-le, parce que j’étais curieuse de découvrir ce qui se passait dans une maison-close. Ce qui se passait entre un homme et une femme.

J’haletai quand l’homme lui donna une fessée, laissant une marque rose s’imprimer sur sa peau claire.

« Tu vois, Nora aime ça, » chuchota Chloé.

Nul doute que la prostituée connaissait l’existence de ces judas de fortune, mais l’homme qui avait payé pour profiter de la plantureuse Nora l’ignorait. Ils servaient de mesures de sécurité—les hommes étant imprévisibles et parfois cruels—mais je les trouvais fort utiles pour espionner. Miss Rose, la matrone, semblait s’accommoder de mes activités raisonnablement innocentes tant que je restais cachée.

« Elle aime se faire fesser ? » murmurai-je en retour. Je voyais bien que c’était le cas, avec son air surpris et ses yeux flous. Moi aussi j’aimais ça, mais je ne pouvais pas le dire à Chloé, ni à quiconque. L’idée-même qu’un homme vienne frapper mes fesses nues me rendait humide entre les cuisses et faisait palpiter ma féminité, tout comme Nora.

Sa chatte était toute rose, et gonflée, et luisante de son excitation. La mienne devait l’être tout autant. J’avais envie qu’un homme me fasse la même chose. Pas le même homme qui s’affairait avec Nora, mais un homme. Mon homme, qui que ce soit. Moi aussi je voulais regarder par-dessus mon épaule avec un air de fausse-modestie, voir son sourire diabolique en retour. Je me mordis la lèvre pour étouffer un gémissement quand il la fessa de nouveau, le bruit de sa main sur sa peau résonnant à travers le mur.

J’avais déjà vu des putains faire semblant de prendre du plaisir avec des hommes, feignant leur excitation en échange d’argent. Mais Nora n’avait pas besoin de feindre quoi que ce soit avec celui-ci. Plutôt que d’enfouir son membre en elle—de la baiser, comme aurait dit Chloé—il s’agenouilla au bord du lit et posa sa bouche sur elle… là en bas.

« Oh mon dieu, » murmurai-je. Chloé étouffa un petit rire entre ses doigts. Je regardai mon amie, tout en boucles rousses et aux joues rosies, et je sus que j’avais les yeux grands ouverts. C’était nouveau.

« Il aime sa chatte, » murmura-t-elle.

Je remis l’œil contre le judas en entendant un cri de plaisir de Nora. Il léchait la chair de son intimité, l’aspirant, la mordillant aussi. Oh mon dieu. Sa barbe commençait à luire de son excitation.

« C’est ça ma chérie, jouis pour moi, lui dit l’homme. Jouis sur mes doigts et après je te baiserai. »

— Oui ! » cria Nora. L’homme essuya sa bouche de sa main libre et fit un va et vient dans sa chatte avec son doigt sur lequel elle se contractait.

Impossible de ne pas me tortiller en regardant cet homme donner autant de plaisir à Nora. Il était tellement impatient de la voir jouir qu’il temporisait son propre plaisir. J’avais envie de ça, d’un homme qui me ferait passer avant lui-même.

L’homme la fessa de nouveau. Sa queue était gonflée et luisante, attendant manifestement sa libération. « Maintenant, ma chérie. Maintenant. »

Et Nora obéit, criant son propre plaisir. L’expression de son visage semblait extatique. Un abandon des plus sauvages. Elle ne pensait à rien d’autre que le plaisir que l’homme arrachait à son corps. Le sourire de ce dernier en disait son long sur le pouvoir exercé sur son corps.

Mon dieu que j’en avais envie, cruellement. Mais je n’étais pas une putain du Briar Rose. J’étais l’héritière d’un géant du cuivre et je n’aurais même pas dû savoir ce que baiser voulait dire. Je n’aurais même pas dû connaître ce mot. Mais c’était le cas. Cela faisait-il de moi une dévergondée ? Probablement, mais ma vie était si morne, si stricte et si ennuyeuse que mes visites à Chloé et la découverte d’un tout autre monde étaient mes seules sources d’amusement. D’espoir.

D’espoir qu’il y aurait un homme quelque part qui me désirerait comme cet homme désirait Nora. Je voulais être sauvage, pas guindée. Je voulais partager mes désirs les plus secrets avec une personne qui saurait les assouvir, pas les écraser sous le talon de la bonne société.

J’en voulais plus que je n’en aurais jamais de la part du futur mari qu’on m’avait désigné. Si mon père allait au bout de son idée, ce serait Mr Benson et lui ne me fesserait jamais, ni ne lécherait ma chatte, ou même me prendrait par derrière comme l’homme avec Nora. A la place, je serais allongée sur le dos, il ferait sombre et Mr Benson relèverait ma chemise de nuit pour profiter de moi, me remplir de sa semence. Ce serait désagréable, collant et gênant ; je n’y trouverais aucun plaisir. Je n’y trouverais… rien.

Quand l’homme et Nora eurent trouvé chacun leur propre plaisir, dans une démonstration particulièrement sonore, Chloé et moi reculèrent du mur. Une autre putain, Betty, passa la tête dans l’encadrement de la porte. « Mary, ton prétendant est là, murmura-t-elle.

— Mr Benson ? » Mon cœur manqua un battement à l’idée qu’il ait pu me voir. Hautement improbable mais tout autant perturbant. « Il est ici ? »

L’idée de voir mon futur mari baiser une autre femme me donna la nausée.

Betty hocha la tête, sans entrain. « Oui, et il a apporté un fouet pour Tess. »

Chloé me regarda et me suivit quand je courus après Betty. La panique m’envahit en pensant à ce que j’allais voir à travers cet autre judas, et que si j’étais mariée à Mr Benson, je serais loin d’avoir le même plaisir que Nora venait de trouver avec cet homme.

1

MARY

Le sifflement du train me fit sursauter alors que je descendais sur le quai.

« Prenez garde, Miss Millard, » dit Mr Corbin en me prenant gentiment par l’épaule jusqu’à ce que je repose le pied sur la terre ferme. Malgré la chaleur, je pouvais sentir la douceur de son geste à travers ma manche.

Le quai de la gare de Butte était bondé, des gens y descendaient après un long voyage depuis l’Est. Les futurs mineurs étaient impatients de trouver leur propre veine de cuivre et de faire fortune dans une des villes les plus riches du moment.

Je ne partageais pas la même impatience, je n’arrivais que de Billings, pas de Minneapolis ou même Chicago, et j’avais vécu toute ma vie à Butte. La ville m’était familière et j’avais perdu l’espoir qui habitait les autres. Bien sûr, je n’avais pas besoin de travailler pour gagner ma vie. Pas parce que j’étais une femme, mais parce que mon père était plus riche que Crésus. Ses propres mots, pas les miens.

Ainsi les voyages à travers le Montana étaient trop courts, et je n’étais pas prête à retourner auprès de mon père et ses intentions. Bien que passer le mois chez ma grand-mère était loin d’être excitant, cela m’avait au moins permis de retarder ce que je considérais comme inéluctable. Je mourrais d’envie de faire demi-tour et de reprendre le train, laisser Butte derrière moi et filer vers de lointaines contrées.

La main de Mr Corbin resta sur moi plus longtemps que nécessaire. Je me retournai pour regarder l’homme—l’un des deux qui s’étaient montrés doux et attentionnés pendant le voyage. Nous avions discuté aimablement pendant des heures et ils—lui et son ami, Mr Sullivan—m’avaient escortée vers le wagon-restaurant pour le déjeuner pour que je n’aie pas à rester seule. Cela n’avait rien eu d’une épreuve que de passer un peu de temps avec deux hommes séduisants.

Avec ses cheveux blonds et son sourire en coin, Mr Corbin faisait certainement tourner les têtes où qu’il aille. Il avait clairement fait tourner la mienne. Tout comme son ami Mr Sullivan. J’avais passé des heures à débattre en silence lequel me plaisait le plus. Préférais-je un blond ou un brun ? Un volubile ou un énigmatique ? De toute manière, tous les deux s’étaient comportés en vrais gentlemen. Malheureusement.

Même en cet instant, avec sa main posée sur mon coude au bout du quai, Mr Corbin veillait à conserver une distance convenable et se montrait prévenant. Personne ne remettrait en question son côté chevaleresque. Il ne faisait rien de mal, mais j’en voulais plus… les attentions d’un homme envers sa femme. Je voulais ressentir cette connexion, ce lien plus intime que je lisais dans les yeux de mes amies et leurs époux. Les regards échangés en secret, les caresses, leurs mains unies. J’avais aussi envie qu’on me prenne avec une grande sauvagerie. De me faire baiser, comme Chloé disait.

Mais ces hommes me voyaient comme une dame et je n’avais pas le droit d’avoir une telle attitude dévergondée. Zut.

Malheureusement, la main de Mr Corbin sur mon coude serait le seul contact que je recevrais de lui. J’avais pourtant envie qu’il m’en donne davantage. Je voulais sentir sa peau contre la mienne, pas à travers le tissu de ma robe.

« Merci, » murmurai-je, souhaitant qu’il me passe sa main dans le dos, qu’il retire les épingles de mes cheveux, qu’il défasse les attaches de mon corset. Comme j’étais vierge, j’étais censée ne rien savoir de ce qu’un homme pouvait faire après l’avoir retiré, mais je le savais pourtant. Pas au sens pratique, mais j’en avais assez vu de ce qui se passait entre un homme et une femme pour avoir envie de la même chose. C’est Chloé qui avait attisé ma curiosité sur les caractères mâles et il semblait que j’avais été bien corrompue. Bien que souillée, je conservais ma vertu.

Si mon père apprenait mes visites au Briar Rose et mon amitié avec Chloé, ou encore ce qu’elle m’avait montré, il ne me laisserait plus sortir. Il m’enverrait certainement au couvent en bordure de la ville, chez les sœurs de l’Immaculée Conception, jusqu’à savoir que faire de moi.

J’avais aussi découvert que mon existence protégée s’accompagnait d’une vision déformée et préconçue des filles comme Chloé. Les dames de l’Armée du salut avaient dit que les prostituées étaient pauvres alors qu’elles gagnaient bien leur vie et n’avaient pas besoin des vêtements de seconde main que je leur apportais. J’avais aussi découvert que les hommes que mon père avait fait défiler devant moi n’avaient rien de gentlemen. J’en avais reconnu plusieurs à travers les judas de l’établissement. Ce que j’avais vu aurait fait défaillir les dames de l’Armée du salut. Mais cela m’avait rendu très mouillée entre les cuisses et impatiente des attentions d’un homme.

Grâce à mes observations secrètes, j’avais vu le vrai Reginald Benson, l’homme qui remontait le quai dans ma direction accompagné de mon père, et ce n’était pas un homme dont je souhaitais recevoir les attentions. Sachant ce qu’il avait fait à Tess, je ne voulais même pas me trouver sur le même quai que lui. Je frémis en repensant à ses cris pendant qu’elle se faisait fouetter. Heureusement, Chloé avait raconté que Big Sam était venu à sa rescousse et qu’elle s’en remettrait. Mr Benson avait été à jamais banni du Briar Rose, mais cela ne signifiait pas qu’il changerait ses manières. Il trouverait simplement quelqu’un d’autre à torturer. Et si je me mariais avec lui…

Et pourtant, il semblait avoir gagné les grâces de mon père et ils marchaient tous les deux vers moi. Soit mon père ignorait les penchants cruels de l’homme, soit il s’en moquait.

« Oh mon dieu, » murmurai-je. Mon père voulait me caser avec Mr Benson. Ils ne viendraient pas me chercher tous les deux à la gare—ensemble—sinon. De la bile monta dans le fond de ma gorge en réalisant que je serais celle qui unirait les deux plus grandes mines de la ville, chacun possédant l’une d’entre elles.

Je n’irais pas au couvent ; j’allais me marier avec Mr Benson, et rapidement.

Je ne pouvais pas laisser faire une chose pareille. Je ne survivrais pas à la cruauté du fouet ni à toute autre horrible chose que Mr Benson avait en tête. Il n’y aurait personne pour me secourir. Pas de Big Sam. En tant qu’épouse, je pouvais être battue—ou pire—sans aucun recours. Je serais sa chose. Je frémis à cette idée et serrai le bras de Mr Corbin.

Oui, c’était un geste impétueux et désespéré. Mais dans moins d’une minute, ils me trouveraient et m’emmèneraient.

Je le regardai frénétiquement. « Je… J’ai besoin de votre aide. »

Mr Corbin ouvrit grands les yeux en regardant la manière dont je me cramponnais à lui, regardant autour de lui pour détecter d’éventuels dangers. Il me plaça derrière lui pour me protéger.

« Que se passe-t-il, ma chérie ? » demanda-t-il, quand ses grands yeux clairs croisèrent enfin les miens. Je déglutis, il était beaucoup trop attirant et inquiet à la fois. Un tel instinct protecteur n’était pas passé inaperçu, pas plus que le terme affectueux qu’il avait employé.

« Mon père est venu me chercher, avec un homme dont… je ne souhaite pas recevoir les attentions. »

Il parcourut le quai du regard. Malgré la confusion qui régnait, je savais qu’il repèrerait le duo à ma recherche. J’étais pour une fois reconnaissante que Butte soit aussi agitée.

« L’un ressemble à un poêle pansu et l’autre a des cheveux noirs et une moustache ? » demanda-t-il.

J’acquiesçai et gardai la tête tournée, frissonnant à la description de Mr Benson. Mr Corbin se retourna de sorte que son corps empêche les deux hommes de m’apercevoir, me laissant encore quelques instants de répit. Il était si grand que j’étais bien dissimulée derrière son large torse. Je lui arrivais à peine à hauteur d’épaule. Je me sentais protégée et étrangement en sécurité.

« Oui. Il y a tant à dire et si peu de temps, mais mon père veut me marier à l’homme à la moustache.

— Et ce n’est pas votre souhait ? » Il parlait d’une voix basse, profonde et calme, contrairement à moi. Mes paumes étaient moites et mon cœur battait frénétiquement dans ma poitrine.

Je frissonnais à l’idée de devenir la femme de Mr Benson. « Je ne… je ne supporterai pas qu’il me touche. »

Mr Corbin sembla devenir plus grand, plus alerte. « S’il a fait quoi que ce soit d’inapproprié, je le tuerai. »

Ses mots tranchants comme une lame de rasoir me firent esquisser un sourire, mais je craignis qu’il ne soit sincère. Je n’avais pas peur qu’il tue quelqu’un, au contraire, je le trouvais protecteur et rassurant.

D’un bref regard par-dessus l’épaule de Mr Corbin, je les vis se rapprocher. « Faites comme si vous étiez mon prétendant, » dis-je à la hâte. L’idée était grotesque, mais c’était la seule qui m’était venue. Cela pouvait fonctionner, Mr Corbin avait le bon âge, il n’était pas marié—ou du moins n’avait pas mentionné sa femme pendant notre trajet en train—et avait un statut social le rendant crédible auprès de mon père et de Mr Benson.

Ce fut son tour de sourire. « Quand on me demande en mariage, j’attends au moins que la personne mette un genou à terre. »

Dans une petite moue, je luttai contre sa désinvolture dans un moment aussi fatidique. « Mon père veut me marier à cet homme pour étendre son emprise sur les mines. Je serai la troisième femme de cet homme, la première est morte en mettant un enfant au monde et la deuxième a mystérieusement disparu. »

Tout amusement disparut du visage de Mr Corbin.

« Votre aide permettra de retarder ce qui semble inéluctable, mais cela me laissera le temps de m’enfuir.

— Vous enfuir ? » demanda-t-il d’une voix glaciale.

— J’ai gagné du temps en passant un mois avec ma grand-mère à Billings, mais les deux hommes sont impatients. Ils ne seraient pas venus me chercher à la gare sinon. Ils n’ont pas pour habitude de s’occuper d’autrui.

— Vous les craignez à ce point ? » demanda-t-il. Ses yeux parcouraient mon visage comme pour y lire la vérité. »

Je déviai mon regard vers les boutons de sa chemise pour ne pas avoir à le regarder dans les yeux, « Peur de lui ? » J’acquiesçai. « Absolument. Je l’ai vu en compagnie de prostituées et je sais que nous ne sommes pas… assortis. Nos désirs sont à l’opposé les uns des autres. »

Le temps manquait pour m’étendre sur la cruauté de Mr Benson.

Mr Corbin arqua un de ses pâles sourcils. « J’adorerais entendre le récit de vos désirs, mais une autre fois. » Il regarda derrière lui. « Si votre père est à ce point déterminé à vous marier à cet homme, un fiancé ne l’en empêchera pas. Je reconnais votre nom ma chérie, et celui de votre père est puissant dans la région. »

Je baissai les épaules et des larmes me montèrent aux yeux. Personne ne s’opposerait à Mr Gregory Millard. Dès que mon père m’aurait trouvée, je serai condamnée à épouser un homme affreux. La seule idée de Mr Benson nu et me chevauchant, me touchant, me baisant, me faisant mal, me fit grimacer.

« Que se passe-t-il ? » Mr Sullivan venait de descendre du train et se tenait à côté de nous. Il était le compagnon de voyage de Mr Corbin et s’était joint à nous dans notre discussion et notre repas. Il était à plus grand que Mr Corbin et bien plus intimidant.

Côte à côte, leurs larges corps me protégeaient du soleil, et, espérons, de mon père.

J’avais appris qu’ils venaient de la ville de Miles et qu’ils descendaient également à Butte, avant de poursuivre à cheval jusqu’à Bridgewater. J’avais entendu parler de cette communauté à quelques heures de cheval de la ville, mais n’avais encore jamais rencontré de ses membres.

Je levai les yeux vers Mr Sullivan, tout en cheveux sombres et en décontraction. Il posa deux sacoches de cuir à ses pieds. Alors que Mr Corbin était souriant, Mr Sullivan semblait plus renfermé. Il était difficile de deviner ses pensées, de déterminer s’il avait trouvé ma présence à table pesante ou pas. Il s’était contenté de me regarder. Ça avait été pour le moins déstabilisant, comme si cet homme pouvait voir en moi jusqu’au moindre secret. Dans le wagon restaurant, Mr Corbin avait donné une grande claque dans le dos de son ami en riant de son austérité.

« Miss Millard ne souhaite pas se laisser courtiser par l’homme qui approche avec son père. Elle a demandé à ce que je joue à être son prétendant, mais cela ne marchera pas. »

Mr Sullivan observa la foule et bien que je ne puisse pas voir, je sus le moment où il les avait repérés. « Benson. Merde, vous devez épouser Reggie Benson ? »

J’ouvris grand la bouche et pas à cause de son langage grossier. Bien qu’aucun d’entre eux ne semble dans le besoin, ils n’étaient pas habillés à la dernière mode comme les puissants de la région. Ils ne semblaient pas du genre à s’associer à Mr Benson, mais je pouvais me tromper. Qui étaient-ils ? Je devais être folle pour rechercher leur aide.

Je m’éclaircis la voix et croisai le regard sombre de Mr Sullivan. « Oui, mon père insiste lourdement pour étendre son empire minier. Comme Mr Benson possède la Beauty Belle, je suis sûre de ses intentions. »

Mr Sullivan hocha la tête d’un air décidé. « Alors nous allons le tuer. »

Avant même que je puisse bafouiller une réponse à cette violente solution qu’ils proposaient pour régler mon problème, Mr Corbin prit la parole. « J’ai déjà fait cette proposition. »

Mr Sullivan grogna. « Parker a raison, Miss Millard. Un fiancé ne dissuadera pas Benson. »

Mais quelle idée. Je regardai mes pieds, dégoutée. Aucun doute que je serais mariée à Mr Benson dans le mois à venir. M’éclaircissant la voix, je fis mon sourire le plus forcé. J’étais plutôt douée pour feindre la joie. « Oui, je comprends. C’était une idée saugrenue. Merci de m’avoir fait passer le temps dans le train mais je— »

Mr Sullivan me coupa la parole. « Un fiancé ne le dissuadera pas, répéta-t-il. Mais un mari, oui. Pas Parker. Sur le papier, vous devriez être légalement mariée avec moi.

— Je vous demande pardon ?

— S’il est comme vous le décrivez, je ne peux décemment pas vous laisser l’épouser. »

Je jetai un œil à Mr Corbin qui acquiesçait de la tête.

Le choc transpirait même de ma voix. « Oui, et vous m’épouseriez à sa place ? »

Mr Sullivan posa un doigt sur mes lèvres et mes yeux s’ouvrirent à ce contact osé.

Il sourit alors, largement et diaboliquement. « Oui, exactement. A bon entendeur, je ne suis pas comme Benson. J’aurai des besoins mais sans jamais vous contraindre. Épousez-moi et je vous protégerai de ma vie. »

Si ses doigts n’avaient pas retenu mes lèvres, ma bouche en serait tombée grande ouverte, prise au dépourvu par tant de véhémence.

2

PARKER

A l’instant où Miss Millard était montée dans le train à Billings, j’avais su que c’était elle, l’élue, l’unique. Bien que le porteur l’ait suivie pour convoyer son petit sac, elle avait chancelé dans la coursive quand le train était reparti. Elle avait balancé ses mains d’un siège à l’autre pour garder l’équilibre. J’avais bondi de mon siège, arrachant Sully au livre posé sur ses genoux pour lui monter la femme que nous allions épouser.

Sa robe était coupée à la dernière mode, une soie vert pâle et brillante, mais qui ne serait pas aussi douce sous mes doigts que la peau de son cou. Je n’avais pas besoin d’être une femme pour reconnaitre le style en vogue ou le prix des tissus. Son petit chapeau posé sur ses boucles blondes était parfaitement assorti. L’ensemble était parfaitement convenable, des longues manches jusqu’au col haut, mais ne cachait en rien ses courbes lascives.

Pour une femme aussi petite—elle m’arrivait à peine à hauteur d’épaule—elle avait des seins rebondis et de larges hanches. Elle était voluptueuse, un rien moins que pulpeuse mais c’était comme ça que j’aimais les femmes. Quand elle chevaucherait ma queue, et ce n’était qu’une question de temps, je pourrais saisir ses hanches rebondies. Quand je la fesserais, et vu son apparence aimable, ce serait plus par plaisir que par punition, elle frémirait sous ma paume et prendrait une adorable teinte rosée. Ses seins rempliraient généreusement mes mains. Et j’imaginais déjà ses yeux, dévorés par la passion, quand je tirerais sur ses tétons pointant.

Je m’avançai pour prendre son sac au porteur avant de lui glisser une pièce tirée de ma poche. Dans un petit signe de tête, il tourna les talons et s’éloigna vers l’arrière de la voiture. Ayant déposé son sac sous le siège, je lui fis signe de venir s’asseoir en face de nous. Bien que le wagon ne soit pas plein et qu’elle aurait pu choisir toute autre place, je lui avais ôté cette possibilité. Ses bonnes manières lui intimaient d’accepter. Sully se leva par galanterie, prenant garde à baisser la tête, il était si grand, et lui fit signe de nous rejoindre. Un petit signe de tête était tout ce qu’il avait fallu pour que je ressente son approbation.

En moins d’une minute, nos vies avaient basculé. Inéluctablement. La jeune beauté aux cheveux blonds serait à nous. Et ainsi nous lui avions parlé depuis Billings jusqu’à Butte. Ou plutôt, je lui avais parlé. Sully parlait peu mais avait passé son temps à la regarder de près. J’avais remarqué la courbure de ses lèvres quand elle souriait, chaque tâche de rousseur de son nez, la courbe insolente de son oreille. Nous avions parlé de tout, de sa visite à sa grand-mère, à ses lectures, sans oublier la politique dans le territoire du Montana. Elle était cultivée, manifestement bien élevée. Bien que ma queue ait envie de son corps, j’étais ravi de voir qu’elle était un esprit aussi affûté que bienveillant dans un emballage tout autant délicieux.

Il était facile de fantasmer sur elle en écoutant sa voix douce, comment celle-ci crierait mon nom quand je lui donnerais du plaisir, comment elle supplierait Sully de la prendre. Plus fort. Plus profond. Plus vite.

Heureusement, un troupeau d’élans était apparu au loin. Pendant qu’elle les avait regardés, j’en avais profité pour remettre ma queue en place, celle-ci étant sur le point d’éclater dans l’étroitesse de mon pantalon. Sully s’était contenté de grimacer.

Et alors, une fois arrêtés à Butte, et après que je l’aie aidée à descendre du train, j’avais été ravi qu’elle se tourne vers moi. A cet instant, je ne savais pas qu’elle paniquait, mais je la considérais déjà comme mienne et je résoudrais le moindre de ses problèmes. Tout comme Sully. Quand j’avais découvert qui elle était, l’héritière d’un des grands noms du cuivre et que son père indélicat la destinait à un odieux arrangement, mes instincts protecteurs avaient pris le dessus. Quand j’avais découvert qu’elle était sur le point d’épouser cet enfoiré de Benson, je fus reconnaissant que Sully nous ait rejoints.

Benson était impitoyable. Un affairiste véreux qui faisait passer l’argent avant les gens. Ses mines n’étaient pas sûres, les éboulements y étaient dangereusement fréquents, sachant qu’un homme était facilement remplaçable par deux autres tout autant désespérés. Le cuivre était extrait à un rythme qui faisait de lui un homme encore plus riche que les propriétaires de la voie ferrée. Estimant la fortune du père de Miss Millard, j’en conclus qu’il devait être encore plus riche.

Rares étaient les hommes ayant un sens des affaires aussi poussé, utilisant leurs mineurs comme des pions, et même leurs filles innocentes pour agrandir leur empire. Notre conversation avait réchauffé le cœur de Miss Millard et l’avait fait rire. Je savais qu’elle deviendrait une épouse craintive si elle épousait Benson. Il n’y aurait ni humour, ni tendresse, ni amour. Il la baiserait certainement, mais sans qu’elle ne ressente une once de plaisir ou de désir. Benson avait survécu à deux femmes et à toutes les prostituées de Butte. Il était connu pour son infâme cruauté—assez pour que Miss Millard en ait eu vent—et seules les plus blasées aux penchants les plus sombres pouvaient apprécier ses pratiques.

Miss Millard avait tout d’une femme passionnée, je n’en avais aucun doute. Ce serait notre plaisir que d’éveiller le sien. De découvrir ce qu’elle aimait, ce qui la ferait balbutier mon nom, crier celui de Sully pendant que nous la baiserions. Mais seule une bague à son doigt et notre besoin de la protéger de Benson pourrait le garantir. Elle devait s’attendre à un arrangement temporaire, et dans sa panique, elle ne pouvait se rendre compte que temporaire était exclu. Un engagement à court terme ne ferait que reculer les projets de son père. Un vrai mariage était la seule manière d’empêcher l’inévitable.

Et elle aurait un vrai mariage. Sully serait son mari, il assurerait mieux sa protection que moi. C’était une décision aussi hâtive que sensée, de lui laisser le volet juridique de notre union. En devenant son mari, il la protégerait de Benson et de son père, par la seule force de son nom. Avec son histoire et sa notoriété, personne n’oserait interférer.

Quand il la préviendrait qu’il n’était pas comme Benson, qu’il lui formulerait des demandes, alors seulement elle en découvrirait la nature. Cela impliquait juste de laisser deux mâles dominants prendre le contrôle de son lit, et de quelques autres endroits. Certes, Benson aurait exercé le contrôle sur sa femme, mais sans amour. A partir de ce moment, Miss Millard serait le centre de notre attention et se retrouverait là où était sa place, entre nous deux.

Quand Sully ôta son doigt de sa bouche, il se pencha pour lui dire. « Souris mon amour. Tu n’es plus seule désormais. »

C’était vrai. Elle ne serait plus seule. Elle ne serait plus seule face à son père et serait préservée des types comme Benson. Ils ne pourraient plus la toucher. Ni physiquement, ni émotionnellement.

S’unir à deux hommes n’était pas une norme sociétale, surtout pas à Butte. Dans le ranch de Bridgewater, c’était pourtant le standard. Tout le monde se mariait ainsi : deux—voire plus—hommes pour chaque épouse.

« Je ne connais même pas votre prénom, » murmura-t-elle, offrant à Sully, un bref regard avant de faire face aux deux hommes qui s’approchaient. Je regardai ses mains lisser les plis de sa robe, en se mordillant la lèvre de nervosité.

« Sully. » Il passa sa main le long de son bras. « Ne t’inquiète pas ma chérie. Nous prendrons soin de toi. Toujours. »

Après une profonde inspiration—qui fit gonfler ses seins sous sa robe—elle rejeta ses épaules en arrière et leva le menton comme une reine. Je sentais sa nervosité et sa peur, mais elle les cachait bien. Je me demandais simplement dans quel cadre elle avait été amenée à développer cette capacité.

Son père et Benson approchèrent, leurs chaussures cirées résonnant sur le sol en brique. Je savais que dès qu’ils poseraient les yeux sur Miss Millard—merde, nous ne savions même pas son prénom—elle serait perdue, mais ils avaient déjà posé les yeux sur elle et la manière dont Sully la tenait de manière aussi possessive.

Bien que son père soit petit et rondouillard, son costume sur mesure lui allait parfaitement. Ses cheveux gris se raréfiaient et le haut luisant de son crâne était rouge et taché par le soleil. Des bajoues ornaient son cou. Avec son physique, il ne semblait pas du genre à se faire refuser quoi que ce soit. Cela signifiait qu’il ne serait pas ravi d’apprendre que Benson n’épouserait pas sa fille.

Benson était l’opposé de Millard. Grand et fin, il avait un air lugubre d’une personne. Ses mots, ses ordres, apportaient des résultats immédiats. Lui aussi, était habillé de manière immaculée, un costume neuf aussi noir que ses cheveux et sa moustache ; on aurait dit qu’il portait le deuil.

« Mary, » dit Mr Millard à sa fille.

Mary. Le ton qu’il avait mis dans ce seul mot avait tellement de sens. Rien ne reflétait le plaisir de voir sa fille après un mois de séparation. Il ne la prit pas dans ses bras, il ne posa pas une main sur son épaule. Il ne sourit même pas. Mary fit un pas de plus en ma direction.

« Bonjour, père. Mr Benson. » Elle pencha la tête en guise de salut. « C’est très aimable d’être venu me chercher à la gare, mais c’était inutile.

— Je présume que ta visite à ta grand-mère a été agréable.

D’après ce que Mary—je préférais l’appeler ainsi que Miss Millard—avait dit, à propos de la femme en question, elle devait être la mère de l’homme. Je l’imaginais comme une vieille chouette.

« Oui, en effet. »

Elle pouvait mentir à son père, mais une fois que nous serions mariés, elle passerait sur mes genoux si elle tentait de nous cacher la vérité.

Millard regarda Sully et le rejeta d’emblée. J’essayai de contenir un sourire, l’homme ne réalisait pas qui il venait de repousser.

« Alors nous ferions bien d’y aller. Mr Benson est impatient de nous emmener dîner et te raccompagnera à la maison ensuite. »

Mr Benson regarda Mary d’un air absent, presque cliniquement, pas comme un fiancé impatient de retrouver sa promise après un mois de séparation.

Mary secoua la tête mais Sully parla à sa place. « Cela n’arrivera pas Mr Millard. »

Les deux hommes finirent par lui accorder leur attention. « Et qui êtes-vous pour dicter les actions de Mary ? De contester mon autorité sur elle ? »

Il haussa légèrement les épaules et je le sentis contenir sa colère face à cet homme hautain. « Je suis son mari, alors je pense que c’est mon autorité qu’elle doit suivre désormais. »

Mary se raidit en entendant cela, mais je sus que c’était de cette manière que Millard voyait sa fille, une de ses sbires qui devait suivre ses ordres sans hésitation.

La peau de Millard devint rouge écarlate et je craignis qu’il fasse une crise d’apoplexie sur le quai. Benson semblait garder ses émotions… à l’intérieur.

Si Sully leur avait donné son nom, leur réaction aurait été toute autre. Mais il avait préféré ne pas le faire.

« Je ne sais pas pour qui vous vous prenez, mais Mary Millard est ma promise. » La voix de Benson porta fort sur le quai bondé et de nombreux passants se retournèrent.

« Était, Benson. Elle était votre promise. Elle est mariée avec moi. Maintenant, si vous voulez bien nous excuser. »

Sully fit un pas en direction de la sortie de la gare, gardant Mary près de lui, mais l’homme ne lui lâcha pas la main. Je ne m’étais pas imaginé que cela se déroule facilement de toute façon.

« Je veux une preuve, » dit Benson.

Je regardai Mary et lus la peur dans son regard. S’inquiétait-elle que Sully change d’avis et la laisse en pâture à ces deux-là ? Aucune chance. Benson devrait m’éliminer d’abord, et Sully ensuite s’il voulait l’atteindre.

Embrassant Mary sur la tempe, Sully murmura. « Dis-leur ma chérie. »

De mon point de vue, je sentais son odeur, florale et rayonnante. Je ne pouvais qu’imaginer combien ses cheveux étaient soyeux contre les lèvres de Sully. J’avais hâte de me débarrasser de ces deux hommes et de me retrouver seul avec elle et Sully, mes doigts me démangeaient de la prendre également.

« Je… je suis mariée. Il est mon mari. » Elle releva le menton d’un cran.

Benson jeta un œil sur Mary avant de l’ignorer. « Ce n’est pas la preuve que je recherche.

— C’est le sang sur les draps que vous recherchez ? Je vous promets qu’elle est complétement à moi, » déclara Sully avec aplomb.

Dans un éclat de surprise après cette sanglante allusion à la virginité de Mary, celle-ci prit la parole. « Il m’a baisée. C’est ça que vous voulez entendre ? La première fois, il m’a laissée être dessus. Et la seconde, il n’a pas pu se retenir et m’a prise par derrière. »

Mr Benson et mon père étaient tous les deux si abasourdis par cette déclaration qu’ils se contentèrent de cligner des yeux. Mais où diable avait-elle appris tout ça ? 

« Vulgaire, » marmonna Benson, comme si elle devenue répugnante.

Jela trouvais encore plus intrigante qu’auparavant. Elle connaissait le sens du mot baiser mais son attitude indiquait encore l’innocence. Qu’était-elle ? Une vierge ou une putain ? Je voulais me débarrasser de ces bâtards pour trouver la réponse.

« Je veux voir un acte de mariage, » ordonna Benson.

Sully haussa négligemment les épaules. Il avait le pouvoir—et sans même avoir usé de son nom célèbre—et voulait qu’il apparaisse clairement qu’ils ne lui faisaient pas peur. Pas plus qu’à moi, pas le moins du monde, mais je ne voulais pas qu’ils effrayent Mary. Sully n’en serait pas moins un gentleman s’il mentait pour elle.

« Il n’y en a pas, répondit-il au bâtard. Vous pouvez vérifier les registres à Billings. La première église presbytérienne au coin de la rue principale et de la quatrième rue. » Et certainement pour attiser encore la colère de l’homme, il ajouta. « Ma queue a besoin d’être soulagée, vous m’empêchez de baiser mon épouse. »

Sully descendit sa main contre sa taille et la posa de sorte que son petit doigt caresse la délicieuse courbe de ses fesses. Cela ne passa pas inaperçu.

Le chef de gare siffla et le train se remit en route, le bruit des wagons s’entrechoquant empêchait toute conversation. Bien que ni Benson, ni Millard n’aient de muscles, ni d’armes, ils avaient de l’argent et pouvaient s’offrir les deux. La vie de Sully était menacée désormais. Il le savait. Je le voyais dans leurs regards durs. Ils n’avaient pas besoin de dire ou d’insinuer quoi que ce soit. Avant que le train n’ait complètement disparu, ils avaient tourné les talons et quitté les lieux. Bien que j’aie l’espoir de ne plus jamais les revoir, je savais que ce ne serait pas le cas.

Sully écarta Mary pour que nous puissions la regarder tous les deux. « Tout va bien ? »

Elle pencha la tête en arrière et nous regarda tous les deux avant d’acquiescer. Elle prit une profonde inspiration. « Je vous remercie de votre aide, mais j’ai probablement mis votre vie en danger. »

Je ris. « Qu’ils essayent, ma chérie. Qu’ils essayent. Cela dit, je ne pense pas qu’il soit sage de rester en ville.

— Hum, oui, commenta Mary. Je suis sûre d’être bannie de tous les hôtels, restaurants et même les dortoirs dans l’heure. Mon père a le bras long. »

Elle ne semblait plus effrayée, ni en colère. Abattue, peut-être.

Je regardai vers Sully. « Nous irons à Bridgewater, nous y serons en sécurité. Je t’assure que plus rien ne te retient à Butte. »

Elle regarda Sully et fronça les sourcils. « Vous… vous avez rempli votre mission. Je me suis débarrassée des deux hommes, et maintenant qu’ils pensent que nous sommes… intimes, Mr Benson ne voudra plus de moi. »

Sully rit. « Je te veux toujours, vierge ou pas. Ce n’est pas ta chatte qui intéresse Benson, mais ton héritage. Pour moi, c’est clairement le contraire. »

Elle ouvrit grande la bouche à ces mots très crus. Elle était définitivement vierge. Je parierais cinquante dollars là-dessus.

« C’est hors de question que nous te laissions seule à Butte à te débrouiller toute seule, ajouta Sully. Ils te marieront à Benson dès l’aube s’ils te mettent la main dessus, et nous vivants, cela n’arrivera pas. J’ai dit que je t’aiderais, que je serai ton mari, et c’est exactement ce que je compte faire. »

« C’est exact ma belle ajoutai-je en passant ma main sur son bras, me déplaçant pour qu’elle se retrouve à sa place, entre nous deux. Tu es coincée avec nous.

— A Bridgewater, nous serons prêts à accueillir les hommes de ton père ou de Benson, ajouta Sully.

— Oh mon dieu, ils vous tueront pour me reprendre. » Son visage pâlit.

Je la pris par les épaules et me baissai pour la regarder dans les yeux. « Il essayera, mais sans succès. Tu ne nous crois pas capables, Sully et moi, de prendre soin de toi ? »

Elle regarda Sully par-dessus son épaule, puis reposa ses yeux sur moi. « Si. »

Je souris. « C’est bien.

— Le soleil se couche et nous n’avons pas de provisions, commenta Sully.

— Et je doute que nous puissions en trouver. Pas plus que nos chevaux, » ajoutai-je. Si Benson et Millard sont passés à l’acte, nous serons exclus de tout commerce, relais et même blanchisserie chinoise d’ici demain matin. » Ils avaient leur propre forme de pouvoir.

« Il nous faut un endroit où passer la nuit. Un endroit sûr. Un endroit sur lequel ils n’ont pas la main, » ajoutai-je en regardant Sully à la recherche d’une idée.

Mary tourna les talons et se mit en marche. Le quai était presque vide maintenant que le train était parti et il nous fallut la rattraper à longues enjambées.

« Je connais l’endroit idéal, dit-elle. Dîtes-moi Messieurs, que pensez-vous des putains ? »

3

SULLY

« Ma chérie, cela mérite quelques explications, » je me penchai et murmurai dans l’oreille de Mary.

Elle nous avait menés à travers la ville vers la porte arrière du Briar Rose, une maison close. Millard et Benson n’avaient pas eu le temps d’envoyer leurs sbires nous harceler et notre trajet se déroula sans encombre. Je détestais Butte. Au même titre que toute autre ville. Trop de gens, trop de raisons de s’attirer des ennuis. Je me donnais habituellement du mal pour éviter d’en avoir, mais aujourd’hui, ils m’avaient rattrapé sous la forme d’une beauté aux cheveux blonds. Oh oui, elle était innocente, mais elle me tentait—et Parker—d’autant plus. Aucun doute qu’elle était la femme faite pour nous, peu importe ses problèmes.

Et au lieu d’éviter les conflits présents et futurs dans ma vie, j’avais accepté Mary telle qu’elle était. Ce qui la troublait me troublait moi. Je me chargerais de ce qui la menaçait. Elle ne pourrait que devenir ma femme. Avec mon histoire rocambolesque, j’étais son meilleur choix. Personne ne s’en prendrait à elle pour m’avoir épousé. Mais Mary semblait nous mener de surprise en surprise. Comment la petite vierge connaissait-elle la porte arrière d’un bordel ? Quelle jeune fille innocente était accueillie avec une familiarité qui montrait qu’elle était une habituée des lieux ?

« Un bordel ? » demanda Parker.

Bien que ni Parker ni moi n’ayons jamais mis les pieds dans cet établissement en particulier, il ressemblait à tout autre bordel. Dans le passé, nous avions pour habitude de rentrer par la porte de devant. Cette nuit, nous voilà passant par la contre-allée puis par la cuisine qui sentait atrocement le chou bouilli. Deux prostituées étaient assises à table, en corset et chemisette. Une autre fille entra la pièce, aperçut Mary et pris la fuite.

Mary salua une des filles et refusa un bol de chou que lui tendait le cuisinier. Comment Mary était-elle liée à cet endroit ? A en juger par son attitude dans le train et son dégout accompagné de peur de Benson, j’aurais parié qu’elle était vierge. Mais quel genre de vierge était aussi familière avec les filles d’une maison close ?

Une femme vêtue d’une culotte et d’un corset entra par les portes battantes, suivie par la musique du piano. Elle était de taille moyenne avec une poitrine généreuse qui débordait de son décolleté. Elle avait de longues jambes fuselées, la peau crémeuse. Avec ses cheveux roux incandescents, elle se démarquait des autres filles. Pour une prostituée, elle savait manifestement attirer l’attention.

« Mary ! » cria-t-elle, courant vers elle pour enlacer notre jeune épouse—nous serions mariés avant le lever du jour.

Elles sourirent, elle se connaissaient bien. L’une étant blonde et l’autre rousse, et n’étaient pas sœurs. Comment deux femmes aux origines si différentes étaient-elles devenues amies ?

« Je… j’ai besoin de ton aide, » avoua Mary.

La femme jeta un œil à Parker et moi. Nous étions grands et menaçants dans la cuisine qui semblait avoir rétréci. Elle papillonna des yeux. « Je vois. »

Alors que les ricanements de son amie poursuivaient, Mary fit les présentations. « Voici Mr Corbin et Mr Sullivan. Messieurs, je vous présente mon amie Chloé. »

Parker m’imita quand j’ôtai mon chapeau pour la saluer. De Parker et moi, j’étais le taiseux et le plus patient et même lui n’abreuvait pas Mary de questions. Il y en avait trop, mais les réponses viendraient. Et sinon, elle serait fessée jusqu’à nous les donner. Je doutais que quiconque dans ce bâtiment ne prendrait ombrage que je la mette sur mes genoux, que je remonte sa jupe et colore de rose son adorable petit cul.

« Nous avons besoin d’un endroit où passer la nuit, » dit Mary à son amie.

Chloé regarda Mary attentivement. « Je vais chercher Miss Rose. »

Elle tourna les talons et sortit avant que Mary ne puisse dire autre chose que, « Mais—»

En attendant, je l’attirai vers la cage d’escalier pour un peu d’intimité. Avec les marches au-dessus d’elle, Mary n’avait d’autre choix que de se concentrer sur nous.

« Explique, » dis-je.

Un seul mot, mais il était assez clair. Mary allait répondre.

Elle se lécha les lèvres et nous regarda tous les deux. « Je suis bénévole à l’Armée du salut, et l’an passé, on m’a demandé d’apporter des vêtements, des gants et autres au Briar Rose. J’ai rencontré Chloé et nous sommes devenues amies. »

J’écarquillai les yeux en l’entendant. « Personne de l’Armée du salut n’a eu vent de tes visites supplémentaires ? demandai-je.

— Ou ton père ? » ajouta Parker.

Elle secoua la tête. « Mon père ne fait pas attention à moi. Sa venue à la gare était un événement étrange. C’est pour ça que je suis sûre qu’il est sérieux dans ses intentions. Je savais qu’il avait pour projet de me marier et je me doutais que c’était à Mr Benson, mais je n’en étais pas sûre avant que cela ne se produise. C’est pourquoi je suis partie rendre visite à ma grand-mère. » Elle frissonna. « La mère de mon père. Vous imaginez à quel point ce mois a été agréable. » Elle soupira. « Mais c’était toujours mieux que les machinations de mon père. J’ai gagné du temps mais je ne suis qu’une femme et ce n’est pas comme si j’avais vraiment le choix. »

Cette confession en disait long sur sa situation, les libertés d’une femme étaient limitées, peu importe sa richesse. Bien qu’elle n’ait pas besoin de travailler, elle était condamnée à obéir à son père, puis à son mari, une fois mariée.

« Tu n’es pas qu’une femme, lui dis-je. Nous sommes dans un putain de bordel. J’ai comme l’impression que nous allons combler plusieurs vides en toi. »

Tout comme sa bouche, sa chatte, et un jour prochain son cul, mais Mary ne perçut pas le double sens de mes mots.

Une femme s’éclaircit la voix. Parker fit un pas en arrière pour faire face à celle qui était sans aucun doute la matrone appelée Miss Rose. Elle portait une robe qui rivalisait avec celle de Mary en termes de goût et de qualité. Elle avait la trentaine et de petites rides sur son beau visage. Rien ne devait résister à son examen attentif.

« Mary Millard, quand Chloé m’a dit que tu étais avec deux hommes et que tu voulais une chambre, j’ai manqué de m’évanouir. »

Mary s’avança, d’un air contrit. Je ne savais pas si Mary avait encore une mère, mais vu comme elle se faisait gronder, je me disais que cette femme ferait une excellente mère de substitution.

« Tu es une bonne fille. Bien que tu regardes à travers les judas pour attiser ta curiosité, cela dépasse les bornes et cela ne te ressemble pas. »

Mary releva la tête et je vis ses joues rouges.

« Je… nous n’avions nulle part où aller. »

Miss Rose claqua des doigts et les deux filles à table se levèrent avant de quitter la pièce. Le cuisinier sortit également, nous laissant seuls tous les cinq. Bien que Chloé ne dise rien, elle écoutait attentivement.

« Tu espères cacher une aventure avec deux hommes en venant ici ? »

Mary ouvrit grande la bouche. « Quoi ? Non ! »

Miss Rose plissa les lèvres. « Alors, explique. »

Le coin de ma bouche s’agita en entendant l’exact même mot que moi il y a quelques minutes. Nous nous ressemblions, pas le genre à faire de longues phrases. C’était du meilleur augure pour notre mariage si Mary répondait si bien à de courtes instructions, car elle saurait bien vite que Parker et moi étions aux commandes. Pas seulement dans la chambre—ou dans tout endroit où nous la baiserions—mais aussi en ce qui concerne sa sécurité et son bien-être. Comme en cet instant, Miss Rose s’assurait de son bien-être. Une bonne fille comme Mary n’amenait pas deux hommes dans un bordel pour faire des folies des corps.

Mary récapitula une brève version de son malheur pendant que Miss Rose écoutait attentivement.

« C’était la bonne décision, Mr Benson a été exclu et sait qu’il ne peut pas entrer. Quand à ton père, il aime bien que les filles viennent à lui, répondit Miss Rose et je vis Mary frémir à la désagréable mention de son père. Tu es la bienvenue ici. »

Mary sourit en se dirigeant vers les escaliers.

« Attends, » dit Miss Rose en lui prenant la main. Mary se retourna, et attendit.

« Messieurs, quelles sont vos intentions envers cette femme. Je suppose que vous n’êtes pas des demeurés et avez compris qu’elle n’est pas une prostituée.

— Oui, M’dame, nous le savons, lui dis-je. Notre intention est de l’épouser. »

Chloé et Miss Rose répondirent d’une seule voix. « Tous les deux ? »

Miss Rose ne semblait pas surprise le moins du monde, mais Chloé ne semblait jamais avoir entendu parler d’un ménage à trois. Dans sa profession, elle avait pourtant dû en voir des choses.

« Tous les deux ? répéta Mary.

— Oui, tous les deux. C’est ce que nous t’avons dit à la gare, » ajoutai-je.

Mary fronça les sourcils. « Tu as dit que tu serais temporairement mon mari, c’est tout. »

Je secouai doucement la tête. « Nous avions dit que nous prendrions soin de toi, que nous te protégerions. Cela implique de se marier. Comme a dit Miss Rose, tu es une bonne fille et tu le resteras jusqu’à ce que nous soyons unis. Alors seulement nous te montrerons comment devenir une vilaine petite fille. » Je ne pus m’empêcher de sourire en pensant à toutes les choses coquines que nous allions lui montrer. Et les aimerait toutes.

Sa bouche s’ouvrit de surprise.

« Ces hommes, » commença Chloé. Elle tapota Mary dans le dos. « Ne t’inquiète pas ma chérie. Ils sont séduisants à souhait. Ils vont te faire beaucoup de bien. Fais-moi confiance, tu vas adorer te prendre deux hommes à la fois.

Elle continua de rire et Mary rougit de plus belle.

« Vous devez être de Bridgewater, » dit Miss Rose en nous regardant.

J’acquiesçai. Bien que nous ne fassions pas étalage de nos pratiques, elle ne semblait pas surprise. Elle gardait certainement mieux les secrets que l’Eglise catholique et je n’avais pas peur qu’elle fasse exception pour nous. Elle devait d’ailleurs garder de plus lourds secrets que celui de Mary épousant deux hommes aimants et fidèles.

« Alors j’approuve, » ajouta-t-elle d’un hochement de tête décisif.

Mary retrouva enfin sa voix. « Miss Rose, comment pouvez-vous dire que se marier avec deux hommes est une bonne chose ?

— Je le pense vraiment, répondit-elle. Les temps sont durs et Butte est une ville rude. Il est difficile d’être une femme dans la région. Même avec de l’argent, tu n’étais pas heureuse. Qu’est-ce qui t’attend ici ? Ces hommes te désirent. Tous les deux. Certaines femmes se languissent d’un homme pour les protéger, et tu auras la chance d’en avoir deux. »

Mary s’approcha de Miss Rose et chuchota, « Mais… deux. Je n’ai jamais vu…. Je ne sais pas quoi faire avec deux hommes. »

La femme plus âgée lui sourit. « Ne t’inquiète pas, je suis persuadée qu’eux le savent très bien. »

4

SULLY

Oh que oui, nous le savions

« Mais—»

Miss Rose leva la main. « Si tu veux passer la nuit ici avec ces deux hommes, il faudra d’abord vous marier. »

Son ultimatum me plut beaucoup. Cela lui mettrait rapidement la bague au doigt et nous pourrions vraiment la protéger de Benson et de son père. Nous ne pourrions rien faire avant qu’elle ne soit légalement à nous et je ne salirais pas sa vertu en faisant autrement.

« Mais… toutes les filles. Aucune d’entre elles n’épouse les hommes qu’elles emmènent à l’étage ! » La voix de Mary reflétait la colère. « Pourquoi moi ?

— Es-tu une prostituée ? » demanda abruptement Miss Rose.

Mary détourna les yeux. « Non, murmura-t-elle.

— Alors tu te marieras. Je ne te laisserai pas accepter moins que cela. Si ta mère était encore en vie, elle serait bien d’accord avec moi. »

L’idée de Mary seule avec son père et ses plans odieux me rendit encore plus impatient à l’idée de l’épouser rapidement.

Mary nous regarda tous les deux. « Je viens à peine de vous rencontrer, avoua-t-elle. Comment pouvez-vous être aussi sûrs de vous ? »

J’avançai pour me placer droit devant elle. Elle prit une grande inspiration, laissant ses seins appuyer contre mon torse. Je passai mes phalanges sur sa joue si douce. Elle ferma les yeux et pencha la tête pour apprécier mon geste.

Elle nous désirait ; elle était juste trop innocente pour comprendre ce qu’elle ressentait. C’était déroutant et rapide, mais vrai.

« Tu connais Benson depuis bien longtemps. Connaître quelqu’un depuis longtemps ne garantit en rien un bon accord. »

Chloé lui caressa le bras. « C’est vrai, ma chérie. Parfois, tu ressens une connexion. Quand c’est le cas, saisis l’homme—ou les hommes—et ne lâche pas prise. »

Mary ne semblait pas troublée le moins du monde mais me surprit en levant la tête pour nous regarder Parker et moi.

« Je n’épouserai pas un homme—ou deux—s’ils sont infidèles. Mes visites à Chloé durant l’année passée m’ont ouvert les yeux sur le nombre d’hommes mariés—que je croise à l’église—et qui sont des coureurs de jupons. » Elle croisa les bras et lança un regard mauvais à Miss Rose. « Vous ne pouvez pas me forcer à les épouser si c’est le cas. »

Elle était inflexible et féroce sur son opinion et bien que j’aurais dû me sentir offensé par ses propos quant à mon honneur, je la respectais pour cela. Miss Rose ne pouvait pas la contredire ; elle souhaitait manifestement le meilleur pour Mary et cela n’impliquait pas un mari infidèle.

« Mary. » Parker posa sa main sur sa poitrine, juste sur son cœur. « Tu es à nous. Bien que tu sois légalement mariée à Sully, tu seras aussi ma femme. Je n’en veux aucune autre. Je te jure que je serai fidèle.

— Et moi aussi, » ajoutai-je.

Mary pencha la tête vers moi. Son esprit s’affairait, débattait, pesait le pour et le contre.

Miss Rose nous regarda, puis Mary, attentive.

Les yeux de Mary ne comportaient aucune confusion, rien que de la détermination pendant qu’elle considérait nos paroles. Ces mots étaient plus importants que la cérémonie de mariage à venir.

« Très bien. » Elle hocha la tête, comme si elle avait besoin que ce geste accompagne ses mots. « Nous ne pouvons pas aller à l’église, mon père le saura. »

Miss Rose balaya son argument du revers de la main. « Ton père est peut-être puissant dans cette ville, mais moi aussi j’ai des relations. » Elle pencha la tête vers le salon attenant. « Le juge Rathbone est ici. Je n’ai aucun doute qu’il sera ravi de vous marier. »

A la manière dont elle l’avait dit, j’avais compris que Miss Rose inciterait le juge à participer.

Chloé quitta précipitamment la cuisine, bien plus excitée que la mariée à l’idée de cette union.

Cela ne prit pas longtemps au juge pour apparaitre, traîné contre son gré par Chloé. Pour une femme si petite, elle était forte. Le juge avait la cinquantaine et des cheveux grisonnants, de l’embonpoint et de petites jambes. Il ne portait pas de veste et sa cravate était défaite, comme s’il avait été interrompu. Il inspecta la pièce et écarquilla les yeux en voyant Mary.

« Miss Millard, dit-il, sa voix pleine de surprise.

— Je suis sûre que cette petite cérémonie restera entre nous, n’est-ce-pas M. le juge ? demanda Miss Rose d’une voix douce comme le miel. Votre femme n’œuvre-t-elle pas à l’Armée du salut avec Miss Millard ? »

Les bajoues du juge tremblèrent quand il acquiesça.

« Je suis sûre que Miss Millard et ces hommes garderont eux aussi le secret de votre présence ici au Briar Rose, ainsi de ce que vous avez fait ce soir avec Elise. »

Le juge ouvrit grands les yeux. Il déglutit, pensant aux répercussions. Bombant le torse pour reprendre une attitude plus propre à sa condition, il demanda, « Qui est le marié ? »

Je m’avançai et pris position à côté de Mary. « C’est moi. »

Ce matin encore, je n’avais aucune idée que j’allais me marier. Et me voilà avec Parker à mes côtés. Nous nous engagions à passer nos vies avec cette femme et il ne serait pas possible de faire marche arrière. Je regardai Mary. Elle semblait calme et… magnifique. Ses cheveux blonds étaient toujours impeccables et son chapeau toujours parfaitement en place. Elle ne semblait pas affectée le moins du monde par ce qui s’était passé les deux dernières heures. Elle était résolue. Je l’étais moi aussi.

« Bien, dit le juge en jetant un œil à Parker. Vous avez amené un témoin ? »

Je n’allais pas expliquer que j’étais bien plus qu’un témoin, comme je ne voulais pas exposer tous nos secrets. J’avais confiance en l’homme et savait qu’il ne parlerait pas du mariage clandestin de la fille Millard, ce qu’il avait fait avec Elise devait être suffisamment licencieux pour le garantir. Mais cela ne signifiait pas que je voulais qu’il sache tout sur nous.

Le juge me regarda. « Bien que je connaisse Miss Millard, je ne vous connais pas, Monsieur ?

— Adam Sullivan. »