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Bientôt de retour de Berlin, Pierre Malet au gré d'une nouvelle mutation, se voit parachuté en Indochine avec toute sa famille en novembre 1946. La peau souvent tannée par six années de guerre, le capitaine se retrouve encore une fois, au centre de problèmes aux solutions incertaines. De Saïgon à Hanoï en passant par Haïphong et Hué, au milieu de cultures inconnues, tiraillé par des décisions politiques improbables. Pierre, saura t'il encore une fois faire les bons choix ?...
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Seitenzahl: 308
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Photos de couvertures : droits réservés
Du même auteur : Les sacrifiés de l’an 40.
Édition BoD, septembre 2021.
: Nom de code Grenelle.
Édition BoD, février 2022.
: La grande invasion.
Édition BoD, septembre 2022.
: Direction guerre froide.
Édition BoD, février 2023.
Introduction
Chapitre 1 : Frageboden falsifié
Chapitre 2 : Sauver von Riegsburg ?
Chapitre 3 : Raison d’état
Chapitre 4 : Situation critique
Chapitre 5 : Aloïs Dupire, le fils maudit
Chapitre 6 : Ombre rouge en toile de fond
Chapitre 7 : Collaboration Franco-Britannique
Chapitre 8 : Indochine, affaire sérieuse
Chapitre 9 : Heureux évènements
Chapitre 10 : Une paix bien trompeuse
Chapitre 11 : Troquer le Tonkin ?
Chapitre 12 : Si vis pacem parabellum
Chapitre 13 : Haro sur Haïphong
Chapitre 14 : Bras vengeur
Chapitre 15 : 19 décembre 1946, le rouge est mis !
Chapitre 16 : Khan Hoï, ton univers impitoyable !
Chapitre 17 : Je survivrai
Chapitre 18 : La confrontation
Chapitre 19 : L’absence baroque
Chapitre 20 : 4
e
République, pour un nouveau départ ?
Chapitre 21 : L’étrange missive
Chapitre 22 : Du tirage dans la presse
Chapitre 23 : Dong contre Piastre
Chapitre 24 : Le départ
Épilogue : Le triste sort de la 4
e
République
(Résumé de l’épisode précédent « Direction guerre froide. »)
Avec la fin du 2e conflit mondial, Pierre Fixin Malet, pense voir le bout d’un tunnel entamé en août 1939. En spécialiste du contre-espionnage, le chemin du capitaine Malet, « alias Grenelle », semble tout tracé à la D.S.T. Le retrait du pouvoir du général De Gaulle en janvier 1946, fait ressortir de vieux dossiers, concernant le B.C.R.A. Cet organisme, plaque tournante de la résistance française à Londres de 1940 à 1945, devient l’objet de toutes les suspicions. Son chef le colonel André Dewavrin, « alias Passy » et le trésorier, le capitaine Raymond Landrieux, sont accusés de détournement de fonds secrets. Landrieux, témoin de mariage de l’union entre Pierre Malet et Mathilde Seigneur, se retrouve au centre du problème.
Afin d’échapper à la tourmente, où tous les coups sont permis, Pierre choisit une mutation en juin 1946, dans les troupes d’occupation en Allemagne à Berlin. Incorporé au 46e Bataillon d’Infanterie, il devient le chef des transmissions du régiment, accompagné de son adjointe à Paris, l’adjudante Frida Dupire. Confrontée « à la guerre froide » contre le bloc soviétique, dans une Allemagne coupée en deux, Frida subit un enlèvement douloureux, avant d’échapper de peu à la mort. Une seule question taraude le clan français : qui se cache derrière « l’Ombre Rouge » ?
Comme dans les ouvrages précédents, afin d’éviter toute ambiguïté, sur des propos ou des situations imaginaires, les personnes physiques décrites dans ce roman ayant vécu ces événements, sont marquées d’un *.
Dimanche 28 juillet 1946, 48 heures se sont écoulées, depuis la libération rocambolesque de l’adjudante Dupire. Aucune manifestation du côté soviétique ne vient nous troubler, ils se tiennent dans le plus profond silence radio. De leur côté, les autorités allemandes ne sont pas dupes. Elles se doutent bien que le 46e Bataillon d’Infanterie, a dû tenir un rôle dans la fusillade. Néanmoins, ni plainte, ni corps retrouvé, ne peut leur permettre d’ouvrir une enquête. De ce fait, le problème se retrouve étouffé de lui-même, au grand soulagement de tous.
Mathilde et moi décidons de nous accorder un moment de détente. Nous confions pour la journée, notre petite Marie à sa nounou Heidi. Le soleil radieux sur Berlin, nous donne l’occasion de visiter « l’endroit à la mode » du moment, le Reichstadt. Depuis, que les troupes d’occupation se sont installées, les allées et venues dans le sanctuaire du nazisme, sont si importantes, que désormais il faut une autorisation spéciale pour pouvoir y pénétrer. Cette autorisation, je n’ai aucun mal à l’obtenir.
Arrivés sur place, des adolescents nous proposent de troquer des « Croix de Fer » et autres insignes nazis, contre des cigarettes ou des devises étrangères. Mathilde leur tend son paquet d’américaines, tout en refusant les objets.
L’intérieur de la chancellerie, a été parfaitement nettoyé de tous ses décombres. Les impacts des éclats des projectiles sont aussi présents qu’ailleurs, toutefois les murs nus et l’absence de meubles, donnent au lieu une grandeur majestueuse des plus impressionnantes. Nous déambulons désormais, dans les jardins de la chancellerie. L’entrée du bunker d’Hitler, nous ait toutefois interdite, terminant ainsi notre visite de manière un peu frustrante.
Lundi 29 juillet, Frida Dupire censée être au repos, est de nouveau mobilisée. La radio vient d’intercepter un message chiffré, en provenance du Q G soviétique. Entre l’écriture cyrillique, le déchiffrage et la traduction, la lecture du message ne peut se faire qu’en fin d’après-midi. Mon adjoint le lieutenant Parmentier, me tend le pli comprenant le travail de Frida et des radios :
- Avez-vous remarqué mon capitaine, que le message concerne la fusillade de Jeudi dernier et qu’ils sont à la recherche du fameux L.O.R (voir Direction guerre froide) ? je prends connaissance du texte d’un air dubitatif.
- Bon, je vais en informer le général, pour lui demander son sentiment ! aussitôt dit aussitôt fait.
- Oui entrez capitaine, vous venez me parler du message des soviets je suppose ? À propos, comment va l’adjudante ?
- L’adjudante, ne travaille pour l’instant « que d’un bras », mais se montre toujours aussi efficace ! Voici le message mon général ! Ganeval* décroche son téléphone pour prévenir son chef d’état-major.
- Oui commandant, pouvez-vous passer à mon bureau ?
Dufour s’exécute sur le champ, le général n’a plus qu’à lui tendre la dépêche. Le chef de bataillon sourit d’un air goguenard.
- L’adjudante, va pouvoir nous ressortir sa théorie fumeuse sur « l’Ombre Rouge » pour L.O.R ! Le général temporise la remarque de Dufour.
- D’abord, au moins maintenant, nous avons la certitude que les soviétiques sont derrières toute cette affaire ! Et vous capitaine, quel est votre avis ?
- Je pense à la personne qui est tombée dans la Sprée, pendant la transaction ! Nous ne savons pas si elle a pu s’en sortir et je me demande, s’il ne pourrait pas s’agir de L.O.R ? Ganeval comme à son habitude, ne laisse pas l’initiative à Dufour.
- Effectivement, c’est une possibilité ! Capitaine, je vais vous demander deux choses ! Primo, restez attentif auprès des autorités allemandes, afin de savoir s’ils repêchent prochainement un corps dans la Sprée ! Secundo, demandez aux transmissions d’être particulièrement vigilant sur les échanges radio des soviétiques.
Mercredi 31 juillet, le soleil se veut toujours aussi lumineux sur Berlin, quand Mathilde affolée, se précipite dans mon bureau :
- Pierre, Marie a disparu !
- Comment ça disparu ?
- Heidi, l’a amenée comme prévu ce matin au jardin zoologique, depuis je n’ai plus de nouvelles, ni de l’une ni de l’autre ! j’essaye de me montrer rassurant.
- Mais il est à peine 18 heures !
- Il n’était pas envisagé qu’elles y passent autant de temps ! En plus le jardin ferme à 17 heures, elles devraient déjà être rentrées !
J’essaye de raison garder, en ne montrant pas mon inquiétude à Mathilde. Mais j’avoue que je me pose des questions. Suite à l’enlèvement de Frida Dupire, il ne faudrait pas maintenant que les Ruscofs s’en prennent à Marie. Toutefois, je me rassure en me disant que les soviétiques, n’oseraient pas intervenir dans le secteur anglais, en limite du secteur américain. Mathilde en attendant s’impatiente :
- Bon Pierre que fait-on ?
- Je vais au central téléphonique, je me renseigne sur le numéro de téléphone du commissariat le plus proche du parc zoologique et j’appelle !
- Très bien, je viens avec toi !
En chemin, nous croisons Frida à qui Mathilde explique la situation. Nous voilà tous les trois au standard, le préposé après avoir consulté le bottin, compose le numéro du commissariat, situé à Burggrafenstrasse, à moins de 200m du jardin zoologique.
La personne qui décroche, ne parle pas le français et s’exprime dans un très mauvais anglais. Mathilde, me fait signe de passer le combiné à Frida pour une meilleure compréhension : « Wir suchen, Heidi Klung ? (Nous recherchons Heidi Klung) … Wie kommt es, du mir sagst, dass sie in haft ist ? (Comment ça, vous me dites qu’elle est en garde à vue !) …Ist ein Kleines Mädchen bei ihr ? (Y’a-t-il une petite fille avec elle ?) …Sehr Gut, wir kommen ! (Très bien, nous arrivons !) » Frida, nous confirme qu’elles sont toutes les deux saines et sauves, mais retenues au commissariat.
Je me précipite sur le premier véhicule de service disponible, une Opel Olympia. Mathilde à la fois excitée et rassurée, demande alors à Frida :
- Viens avec nous, tu ne seras pas de trop pour nous faire la traduction, vue la complexité de la situation ! de mon côté, j’essaye de comprendre.
- Comment peut-on mettre en garde vue et pour quelles raisons, une adolescente d’à peine 15 ans, accompagnée d’une gamine de 3 ans ?
Nous arrivons au commissariat sur le coup de 18h45. Le planton nous confirme qu’Heidi est bien mise en garde à vue. Le ton monte, Frida exige de voir un officier de police. Le préposé, finit par appeler son supérieur, un certain Otto Schwartz.
Le Polizei chef, mince, la quarantaine, visage en lame de couteau, cheveu blond platine plaqué en arrière, nous accueille plutôt fraîchement. Son français n’est pas mauvais, notre dialogue devrait s’en trouver simplifié. Je pose le décor d’entrée :
- Vous détenez dans vos murs mademoiselle Klung et ma fille Marie ! Pourquoi ?
- Fräulein Klung, n’avait pas de papiers sur elle et s’est montrée particulièrement insolente, lors de son arrestation ! Naturellement, nous libérons votre fille, par contre Fräulein Klung, bleibt in Polizeigawahsarm (reste en garde à vue) !
- Je ne comprends pas, vos méthodes ! D’une part, je suis obligé de faire la démarche pour retrouver ma fille, alors que vous auriez dû nous prévenir ! D’autre part Melle Klung, est mineure et sous la protection de l’armée française !
- Peut-être, mais elle est de nationalité allemande ! Donc, dépendante de notre juridiction ! Cette fois Frida sort de ses gonds et éructe sur le commissaire en allemand.
- Vous comptez nous mettre en garde à vue, nous aussi ? Ou préférez-vous, que nous prévenions le Bürgermeister Arthur Werner* ?
Finalement après de longs palabres, Schwartz accepte de libérer Heidi en même temps que Marie. Nous voilà tous les cinq dans l’Opel. Frida monte à l’avant, pendant que Marie pleurniche dans les bras de sa mère à l’arrière. Il est temps, que j’aie une petite explication avec la baby-sitter :
- Dis-moi Heidi, je voudrais que tu me donnes ta version des faits et de votre arrestation ?
- Nous étions tranquillement en train de regarder les hippopotames avec Marie, quand des policiers m’ont demandé mes papiers ! Je leur ai dit, que je les avais oubliés au quartier Napoléon et ils nous ont embarquées toutes les deux !
- Et ensuite, au commissariat ! Heidi, pleine d’émotions, hausse le ton.
- Je me suis retrouvée face à Schwartz !...Je l’ai reconnu ce type !... Il s’appelle en réalité Wilfried Wagner !... C’est lui, qui a fait déporter mes parents en camp de concentration !
Puis elle éclate en sanglots. Silence dans la voiture, même Marie arrête ses jérémiades. Après un long moment de réflexion, je me dis que les propos d’Heidi, demandent confirmation, avec donc, une analyse plus profonde de ma part.
Dès le lendemain, je me confie du problème à Parmentier :
- Lieutenant, est ce que le nom d’Otto Schwartz, vous dit quelques choses ? Il prend le temps de la réflexion.
- C’est un policier je crois ?
- Oui, il exerce dans le commissariat, près du jardin zoologique ! Avez-vous eu l’occasion de compulser son Frageboden ? (Questionnaire administratif, imaginé par les alliés, pour détecter les activités suspectes des allemands pendant la guerre.)
- Peut-être, je ne sais plus ! ...Vous savez, j’en ai vu défiler tellement de ces documents ! De toutes façons, les Frageboden comme toutes les archives de la Reichskurlturhammer, sont conservées par le service d’information britannique ISC, situé au 45 Schlüterstrasse ! Le Major Wallich*, en est le premier responsable !
- Très bien, je vais le contacter ! Je ne sais pas grand-chose d’Heidi Klung, pouvez-vous m’en dire un peu plus ?
- Ses parents et son frère aîné, ont été déportés à Buchenwald en 1943 ! Le père était un opposant d’Hitler ! Lors de leurs arrestations, Heidi a réussi à s’échapper et à se planquer, jusqu’à la fin de la guerre ! D’après nos informations, le père, la mère et le frère, sont morts en déportation !
- Pauvre gamine, triste début d’existence ! Comment a-t-elle débarqué chez nous ?
- Nous sommes en relation, avec l’orphelinat qui l’avait recueillie ! De temps en temps, le centre nous confie des ados, pour les occuper et les sortir de leur confinement ! Heidi est particulièrement « démerde », depuis à sa demande, nous avons obtenu sa garde !
- Bon, merci lieutenant de m’avoir éclairé ! je sens Parmentier, pas très à l’aise dans ses brodequins, comme n’osant pas aborder un sujet délicat. Quelque chose ne va pas lieutenant ?
- Non… enfin si ! Je voudrais vous parler de l’adjudante Dupire !... Je la trouve froide, distante vis-à-vis de moi ! Vous qui la connaissez bien, auriez-vous une explication ?
Je ne vais pas lui avouer que Maurice Parmentier, n’est pas du tout le genre de Frida et qu’elle préfère les grands bruns dans mon genre, plutôt que les rouquins, même si ça doit flatter mon ego :
- Vous savez lieutenant, l’adjudante a aussi connu son cortège de malheurs ! Son parcours, comporte bien des similitudes avec celui d’Heidi ! De plus son frère, dont elle n’a plus aucune nouvelle, s’était enrôlé dans la Waffen-SS ! je vois le visage de Parmentier se décomposer, je m’efforce de le rassurer. Et puis je pense que Frida, n’aime pas mélanger le travail avec sa vie privée ! (Même si sur ce point, je n’en suis pas tout à fait sûr)
J’appelle le jour même l’ISC, pour obtenir un rendez-vous avec le major Wallich. Ce dernier, me le fixe au lundi suivant en fin de matinée. À la demande de Marie, visiblement attirée par les hippopotames, nous retournons au jardin zoologique le dimanche. Frida, qui s’ennuie profondément demande à nous accompagner. Mathilde ni voit pas d’inconvénient, d’autant que son entente avec Marie est parfaite. Il fait beau, des policiers allemands font des rondes, sans nous poser la moindre question. Le fait d’entendre parler français, ne les incitent pas à nous demander nos papiers.
Lundi 5 août, je me présente à l’heure convenue au 45 Schüterstrasse. Les anglais font bien les choses, un planton m’accompagne jusqu’à l’ascenseur. Parvenu au quatrième étage, j’erre dans un dédale de couloirs, avant de trouver à la dernière porte, mon destinataire. L'inscription ne laisse aucune ambiguïté : « Major Walter Wallich, section Renseignement ISC ». Je frappe naturellement, avant que l’on me fasse signe d’entrer. À ma grande surprise, un sergent-chef, plutôt rondouillard m’accueille :
- Je suis le Chef Hurst*, soyez le bienvenu mon capitaine, le Major ne va pas tarder ! Vous prendrez bien une tasse de thé, en attendant ? Il est vrai « qu’en territoire britannique », certaines traditions ne peuvent se décliner, y compris à 11 heures du matin.
- Bien volontiers sergent ! il m’invite ensuite à m’asseoir. J’ai à peine le temps de goûter mon breuvage que le Major fait son apparition. C’est un homme de petite taille, maigre, presque maladif.
- Je suis heureux de vous rencontrer Capitaine Fixin Malet ! Passons dans mon bureau voulez-vous ! Depuis combien de temps nous avez-vous rejoint à Berlin ?
- Très exactement cinq semaines aujourd’hui ! Je regrette, que nous n’ayons pas eu l’occasion de nous rencontrer plus tôt !
Mon œil, est attiré par l’énorme bureau sculpté et surchargé, derrière lequel Wallich s’installe, ainsi abrité il parait minuscule. Le major s’en aperçoit :
- Je vois que ce meuble vous attire ! Figurez-vous qu’il a une histoire, il a appartenu au SS Gruppenfürher Hinckel* ! Mais dites-moi, nous n’avons pas eu le temps de développer au téléphone, quel est le but de votre démarche aujourd’hui ?
- Je cherche des renseignements sur le Polizeichef, Otto Schwartz ! Wallich se frotte le menton.
- Je vois ! il s’assombrit.
- Vous avez l’air contrarié ? Je suppose, qu’il existe un Frageboden le concernant ?
- Oui bien sûr ! Nous avons beau être en position de force à Berlin, il est toujours délicat d’enquêter sur un chef de la police local en place ! Sergent, veuillez me ressortir le dossier Otto Schwartz !
Le temps que Hurst s’exécute, nous échangeons avec Wallich sur Londres pendant la guerre. Nous constatons, que nous aurions pu déjà faire connaissance à cette époque, dans la capitale britannique. Le sergent revient avec un dossier relativement épais. Le major me le tend : « Il est à vous » ! Je tombe sur le Frageboden rédigé naturellement en anglais et en allemand :
- Je constate que Schwartz, était déjà policier en 1936, et qu'il a été membre de la feldgendarme pendant la guerre, avec le grade de Feldwebel (Sergent-Chef) ! Il fut ensuite arrêté par les américains, sur le front de Normandie en 1944 !
- Oui, je ne vois pas où vous voulez en venir ?
- Policier en 1936, on peut raisonnable penser qu’il a dû faire la chasse aux juifs, avant la guerre ? Et puis la Feldgendarmerie, n’est pas non plus toute blanche pendant le conflit ! C’est un peu juste, pour le maintenir à un tel poste aujourd’hui, non ?
- Écoutez capitaine, je me souviens maintenant de l’avoir soumis à deux interrogatoires ! Je ne vous cache pas que Schwartz, ne m’était d’aucune sympathie ! Toutefois, on doit lui reconnaître une certaine compétence, en matière de police ! Aujourd’hui, il est difficile de mettre en place des gens avec les qualités nécessaires exempts de tout reproche ! La commission a tranché sur son cas, il n’est pas le seul sur lequel nous avions des suspicions et des doutes !
- Je vois, dernière chose, est-ce qu’un officier au nom de Wilfried Wagner vous dit quelque chose ?
- Pas du tout ! Y’a-t-il un rapport avec Schwartz ?
- Je pense qu’il s’agit de la même et unique personne ! Wallich reste bouche bée.
- Ah bon ! Écoutez, je ne pense pas que nous ayons la possibilité de vous répondre aujourd’hui sur ce point ! Mais je vous promets, que nous allons effectuer des recherches et nous vous tiendrons au courant !
- Très bien, je vous remercie Major !
- Maintenant, c’est à mon tour de vous poser une question ! Les autorités allemandes, nous ont questionnés sur une fusillade qui s’est déroulée, il y une dizaine de jours dans le quartier de Spandau ! Auriez-vous des informations sur le sujet ?
J’éclate de rire : « Absolument Major ! Mais il serait trop long d’en parler aujourd’hui ! Je vous promets de vous inviter à déjeuner dès que possible, pour en débattre !...
Dans notre bulle berlinoise, bien que nous recevions la presse avec 48 heures de décalage, nous sommes souvent coupés de l’actualité française des faits divers. Depuis la démission du général De Gaulle en janvier dernier, son successeur Felix Gouin, n’a tenu que quatre mois à la tête de l’état. Georges Bidault, le remplace depuis juin avec pour tâche principale, de mettre en place la constitution de la future 4e république.
Puisque que nous parlons démocratie, nous nos alliés américains et britanniques, nous battons pour mettre en place, la première élection libre en Allemagne depuis 1932. Une première tentative a échoué le 31 mars dernier, avec une possible alliance entre le parti-sociale-démocrate et le parti communiste. Dans deux quartiers, situés dans le secteur soviétique à Friedrichshain et Prenzlauer Berg, une fois les bureaux de votes ouverts, des soldats de l’Armée Rouge ont confisqué les urnes, annulant ainsi le processus démocratique (historique). Les soviétiques, conservent dans un coin de leurs têtes, l’idée de garder la main mise sur l’ensemble de la ville de Berlin.
Avec Frida désormais débarrassée de son attelle, nous commençons chaque journée par un footing matinal. Il est bien loin le temps, où je foulais la cendrée de Colombes à toutes enjambées. Mes récupérations, ne sont plus du tout les mêmes.
Jeudi 8 août, je reçois un coup de fil du Major Wallich, m’indiquant qu’il a bien les informations demandées sur Wilfried Wagner. Comme convenu, je l’invite le lendemain « au quartier Napoléon » pour déjeuner. Il arrive avec un dossier pas très épais.
Lorsque nous recevons des hôtes de marque au quartier Napoléon, nous bénéficions d’un cabinet particulier, dans lequel les repas sont servis en grande pompe par les militaires des cuisines, vêtus de veste blanche et pantalon noir. Le repas du jour, est plus local que français, avec jarret de porc choucroute, arrosés de vin de Moselle.
Le major se montre toujours aussi aimable :
- Dites-moi capitaine, maintenant que je vais tenir ma promesse, j’attends que vous teniez la vôtre sur « l’incident » de la Spandau ? Je me livre bien volontiers aux confidences tout en souriant.
- Oui, je vous confirme que nous sommes bien responsables de la fusillade ! Il s’agissait pour nous, de récupérer saine et sauve, une de nos sous-officiers de transmissions, qui avait été enlevée !
- Nous pouvons supposer que les soviétiques, portent la responsabilité de cet enlèvement ?
- Sans aucun doute, et puisque vous abordez le sujet, des indices concordants nous amènent à « l’ombre rouge » ! Wallich ouvre grand les yeux.
- The « Red Shadow » ! Tous les services secrets alliés sont dessus, pour l’instant sans résultat !
- L’adjudante Dupire, victime de l’enlèvement, avait émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un sujet allemand retourné par les soviétiques, qui chercherait à passer à l’Ouest ?
- Tout est possible ! Cela dit, nous n’avons pas envisagé cette piste ! D’autant, qu’une partie de ses activités pendant la guerre, nous emmène en Indochine !
- Vraiment ? C’est incroyable, que les services français n’aient pas d’information sur le sujet, dans leurs propres colonies !
Le Major sourit à son tour et me tend le dossier concernant Wilfried Wagner, tout en le commentant :
- Wagner est né le 18 avril 1902 à Leipzig, il faisait partie de l’état-major d’Himmler, jusqu’en 1943 avec le grade d’Obersturmbannfürher (Lieutenant-Colonel dans la SS) ! Puis par la force des choses, il a été transféré sur le front de l’Est ! Nous avons ensuite perdu sa trace !
Pendant que Wallich me donne des explications, je compulse le dossier, tout en me remémorant les propos d’Heidi Klung. Je tombe sur une photo de groupe, sur laquelle Wagner figure :
- Ne trouvez-vous pas major, que sur cette photo Wagner, pourrait être Otto Schwartz ? Même silhouette, même visage en lame de couteau, approximativement le même âge ! je lui tends une loupe.
- La photo n’est pas très bonne, mais je vous l’accorde, la ressemblance est évidente ! Qu’est-ce qui vous a mené sur cette piste ?
- Nous avons sous notre protection, une orpheline allemande de quinze ans, qui prétend que Schwartz serait Wagner et aurait fait déporter ses parents en camp de concentration !
- Je vois ! Si nous partons du principe que son Frageboden, n’est qu’un faux bien maquillé et puisque nous avons un témoin à charge, cela mérite de rouvrir une enquête ! Je vais faire le nécessaire et je vous tiens au courant !
Après avoir pris congé l’un de l’autre, je me replonge dans les dossiers du quotidien. Dimanche 11 août, en début de soirée, alors que nous avons passé un week-end tranquille avec Mathilde, le standard me prévient, qu’un appel venant de France m’attend. Il s’agit de ma sœur Jacqueline au bout du fil :
- Comment vas-tu ma grande, ça me fait plaisir de t’entendre !
Pour toute réponse, je n’entends que des reniflements dans le combiné.
- Quelque chose ne va pas ?
- Raymond… est mort ! je marque un temps d’hésitation, avant de comprendre.
- Raymond Landrieux* ?
- Oui, il s’est pendu hier dans sa cellule au fort de Montrouge ! J'ai du mal à le croire.
- Tu peux m’en dire un peu plus ?
- Non !... C’est Monique qui m’a prévenue en fin d’après-midi !... Je ne sais pas comment, elle a pu le savoir !
- Tu as une idée sur la date de ses obsèques ?
- Pas du tout, je me renseigne et je te tiens au courant !
- Bon, je vais essayer de me libérer ! Je t’embrasse et embrasse Monique !
En raccrochant, je n’en reviens toujours pas. Comment Raymond a-t-il pu faire une chose pareille ? Un tas d’idées, plus ou moins sordides me passent par la tête. Je me remémore ma visite à l’hôpital de Metz, mes discussions avec « Passy », qui pensait être empoisonné ! (Voir « Direction guerre froide ») La théorie du complot, me triture les méninges. Et si Landrieux, avait « été suicidé » ? En attendant, il va falloir que je l’annonce à Mathilde. À mon retour dans notre logement, je dois être blanc comme un linge pour que ma chérie me pose la question :
- Pierre, tu es malade, tu ne te sens pas bien ?
- Jacqueline vient de m’appeler, Raymond s’est suicidé !
Pour toute réponse, Mathilde se précipite dans mes bras en pleurant. Marie comme d’habitude, dans ce genre de situation, se joint à nous en serrant les jambes de sa maman.
- As-tu mis Frida au courant ?
- Non je viens de l’apprendre ! Je lui dirai demain matin.
Inutile de vous dire, que je passe une nuit particulièrement pénible à ressasser toute l’histoire du BCRA, depuis ma rencontre avec Raymond Landrieux.
Lundi 12 août, je retrouve l’adjudante Dupire au central radio et je lui annonce la nouvelle sans détour. Depuis 9 mois que je connais Frida, je crois que c’est la première fois que je la vois pleurer. Raymond Landrieux, malgré son côté horripilant de dragueur invétéré, en vertu de son humour et sa gentillesse, finissait par charmer toutes les femmes.
Le soir, ma sœur me rappelle pour m’indiquer que les obsèques, doivent se dérouler vendredi prochain à Fresnes. Je n’ai pas besoin de demander audience au Général Ganeval*, pour obtenir une permission, ce dernier me demande de venir le lendemain à son bureau.
- Ah capitaine, vous êtes convoqué à Baden Baden, voici votre ordre de mission ! Il me tend une enveloppe, je marque ma surprise.
- À Baden Baden, pourquoi faire ?
- Vous êtes attendu comme témoin dans le procès d’un certain Manfred von Riegsburg ! Vous connaissez je suppose ?
- Oui mon général !
Je n’ai guère envie de m’étendre sur le sujet avec Ganeval. J’ai l’impression de prendre un nouveau coup de masse sur la tête. Je l’avais presque oublié, l’ex de ma sœur Jacqueline (voir « Nom de code Grenelle »). Me voilà de nouveau, confronté et poursuivi par mon passé. J’ouvre l’enveloppe contenant l’ordre de mission.
Je dois prendre l’avion pour Baden Baden ce vendredi au départ du terrain de Tegel. La première audience du procès, doit se dérouler le lundi suivant. Cette convocation, ne pouvait pas tomber plus mal. Mathilde naturellement vient aux nouvelles.
- Pierre, tu as réussi à avoir ta perm pour les obsèques ?
- Non, je dois me rendre à Baden Baden, comme témoin dans le procès de Manfred von Riegsburg ! Mathilde, reste bouche bée et met quelques secondes avant de réagir.
- Que comptes -tu faire ?
- D’abord prévenir Jacqueline, que je ne peux pas me déplacer aux obsèques de Raymond ! Ensuite, je me demande si je dois lui donner la véritable raison ? Ma chérie vient se blottir contre moi, dans son attitude de chat qu’elle affectionne.
- Tu ne crois pas, que tu lui dois la vérité, après tout ce qu’ils ont vécu ensemble, non ?
Comment pouvoir résister à une telle proposition. Je finis par m’exécuter et réussit à joindre ma sœur, à son travail à l’hôpital d’Argenteuil.
- Jacqueline, je n’ai pas la possibilité de me déplacer pour les obsèques de Raymond, je dois me rendre à Baden Baden, comme témoin, dans le procès de Manfred von Riegsburg ! je reçois un long blanc pour toute réponse, puis…
- Pierre, si c’est une de tes blagues, ce n’est pas drôle !
- Non je t’assure, je ne plaisante pas ! Les deux sujets sont trop sérieux, pour pouvoir faire des plaisanteries dessus ! nouveau blanc, puis ma sœur, reprend d’une voix toute timide.
- Tu crois, que je pourrai le rencontrer ? La question parfaitement inattendue, me désarçonne.
- Je ne sais pas !... Écoute, je te propose une chose ! … Si tu as les moyens de te libérer après les obsèques de Raymond, rejoins-moi à Baden Baden samedi ou dimanche ! Nous verrons sur place !
- Très bien, je vois comment je peux m’arranger avec l’hôpital et je te tiens au courant !
Bien entendu, Mathilde ne manque pas de me demander des nouvelles de sa belle-sœur.
- Alors, comment Jacqueline a-t-elle réagi ?
- Tu ne vas pas me croire ! Elle m’a demandé, si elle pourrait rencontrer Manfred ! Mathilde sourit.
- Ah l’Amour, toujours l’Amour !
Mercredi 14 août, comme tous les jours, je me penche sur la presse française, vieille de 48 heures. Mon attention est attirée par un article du « Monde ». Au milieu des titres principaux, dont celui consacré à la conférence de presse d’Edouard Depreux, Ministre de l’Intérieur, sur les problèmes des territoires extérieurs, figure un entrefilet de quelques lignes, consacré à la mort de Raymond Landrieux :
« Le Capitaine Landrieux, qui dirigea aux côté du colonel Passy, les services administratifs du BCRA, puis la DGER, et avait été chargé de la liquidation des services de renseignement français à Londres, s’est suicidé au fort de Montrouge, où il était interné. Il laisse une lettre à ses camarades de l’armée, dans laquelle il s’excusait du préjudice moral qu'il leur avait causé. On sait que le Capitaine Landrieux, était considéré comme un des principaux responsables des irrégularités, découvertes dans la manipulation des fonds de la DGER. (Texte reproduit dans son intégralité par l’auteur.)
À la lecture de ce récit, un grand vide m’envahit et je culpabilise. Pourquoi, n’ai-je pas bravé l’interdiction de Wybot de rencontrer Raymond, alors qu’il était au fond du trou ? (Voir Direction guerre froide.) Aurais-je pu à ce moment éviter le pire ? Toutes ces questions pour moi, restent sans réponse et ne sont pas faites pour me remonter le moral.
Il est temps de préparer mon déplacement à Baden Baden. Mon ordre de mission reste flou. Combien de temps doit durer le procès de von Riegsburg ? Seules indications, je dois me rendre le lundi 19 août à 9 heures précises, à la disposition de la DGJ (Direction Générale de la Justice) au Château de Rastatt. En attendant, je suis logé à partir du vendredi soir à l’hôtel Brenner, QG des troupes françaises. De ce fait je prévois du linge dans ma valise pour un déplacement d’une semaine. Frida tombe sur l’édition du « Monde » du lundi et ne manque de me poser des questions :
- Capitaine, le suicide de Raymond Landrieux, ne vous parait-il pas suspect ?
- Dans un premier temps, j’ai eu un doute ! Si l’on en croit la presse, il aurait laissé un ou plusieurs courriers ! Dans ce cas, j’attends de voir, je suppose qu’il a au moins écrit à Monique ?
- Il ne vous aurait tout de même pas oublié ? Je sens que mon visage se ferme. J’ai du mal à articuler.
- Je ne sais pas !... Il m’en a peut-être voulu, de l’avoir laissé tomber !...
- Comment voyez-vous la suite ?
- Avec le suicide de Raymond, il va falloir que la justice se bouge ! Passy est toujours sous les verrous ! Les juges ne vont avoir le choix, que d’organiser son procès ou de le libérer !
Ma sœur m’a envoyé un télégramme, elle arrive par le train en gare de Baden Baden dimanche à 17h30.
Vendredi 16 août, Marie sent bien que je vais devoir m’absenter et s’accroche à mes jambes. De son côté, Mathilde s’est fait une raison. Elle m’embrasse longuement, puis me demande de faire de même pour Jacqueline, avant de m’adresser le message suivant : « J’espère que tu vas sortir Manfred de son mauvais pas ! » Franchement des fois je me pose des questions, pour toute ma famille, « je dois être Superman, le faiseur de miracles ! »
Surprise en arrivant sur le tarmac de Tegel, un Messerschmitt Bf 110 aux cocardes tricolores, m’attend pour me transporter. Je m’adresse au pilote :
- Belle prise de guerre !
- Oui mon capitaine ! Excellent appareil mais rassurez-vous, il est désarmé ! comme si cette affirmation, devait me rassurer.
- Combien de temps allons-nous mettre ?
- Une petite heure de vol !
Le pilote, montre une certaine dextérité au décollage, afin d’éviter les deux tours radio émettrices mises en place par les soviétiques, avant l’implantation de la ZOF (Zone d’Occupation Française).
(Voir Direction guerre froide). Quant au reste du vol tout se passe sans encombre. Pour l’atterrissage, la piste de l’aérodrome de Baden Oos, à proximité du hameau d’Obere Breite, se montre sans commune mesure, par rapport au vétuste tarmac de Tegel.
Une voiture d’état-major m’attend. Le chauffeur se montre particulièrement aimable, presque déférent :
- Mes respects mon capitaine, tout est prêt pour vous accueillir !
- Sommes-nous loin de l’Hôtel Brenner ?
- À quelques minutes à peine, l’aérodrome comme le QG, sont situés dans le quartier ouest de la ville !
Au fur et à mesure que nous pénétrons dans Baden Baden, je suis surpris par l’architecture. Rien à voir avec Berlin et la quasi-totalité des villes allemandes, maisons et immeubles sont intacts. Je m’en ouvre à mon chauffeur :
- Dites-moi, je ne suis plus habitué à voir des constructions épargnées par les bombardements ?
- Oui je sais, c’est surprenant pour le visiteur ! Je ne vous cache pas que j’ai eu la même impression en arrivant ! Rien à voir avec Berlin ! 5000 français, fonctionnaires, militaires, vivent dans le quartier ouest avec leurs familles ! Ici, personne ne respire dans la crainte des Ruscofs ! L’ambiance, en est d’autant plus décontractée !
L’hôtel Brenner est une immense construction sur cinq étages. Établissement de luxe depuis 1872, le lieu a servi de planque fin 1944 à l’écrivain Louis Ferdinand Céline et au comédien Robert Le Vigan, « les infréquentables collaborationnistes » (historique).
Désormais les troupes françaises y ont installé leurs GQG d’où partent toutes les directives pour la ZOF, y compris sur Berlin. L’ambiance est studieuse, tout en étant particulièrement bienveillante.
- Capitaine, voici les clefs de votre chambre au 3e étage ! Les repas sont servis dans la salle du restaurant de 12 à 14 heures et de 19 à 22 heures ! Vous avez quartier libre jusqu’à lundi matin, avec interdiction de rencontrer le prévenu avant son procès !
- Très bien ! Je cherche un logement pour ma sœur qui doit venir me rejoindre dimanche soir ! Pourriez-vous me recommander un Hôtel ?
- Sur Baden Baden c’est impossible ! Mais les familles de militaires sont acceptées à l’hôtel Brenner ! Vous avez un deuxième lit dans votre chambre à disposition !
Effectivement, je bénéficie de tout le confort avec salle de bains et mini-bar. Un dépliant de la ville repose sur la table de nuit. J’apprends que « Baden Baden », peut se traduire par « Bains les Bains », nom tiré de l’époque d’occupation romaine, créateur des premiers thermes dans la commune. Au même moment le téléphone sonne dans ma chambre :
- Capitaine Fixin Malet ?
- Lui-même ! À qui ai-je l’honneur !
- Commandant Jean Daniel Richard, je suis l’avocat de Manfred von Riesgburg ! Je souhaiterais vous rencontrer !
- Je suis désolé, mais je viens de recevoir l’interdiction de d'entrer en contact avec le prévenu !
- Avec le prévenu oui, mais pas avec son avocat ! je réfléchis un instant.
- Très bien, à quel moment le souhaitez-vous ?
- Vous êtes mon invité, ce soir à l’Hôtel der Kleine Prinz 36 Lichtentaler Strasse !
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Préférant rester discret et ne connaissant pas la ville, je prends un taxi pour me rendre à mon rendez-vous. Le chauffeur semble étonné. Dans un second temps, je me rends compte que j’aurais pu m’y rendre à pied. L’hôtel der Kleine Prinz, n’a rien à voir avec l’établissement Brenner. Bâti sur trois étages avec un volume beaucoup plus modeste, ils se montre toutefois presque aussi luxueux.
Je repère rapidement un commandant lisant le « Monde » dans un confortable fauteuil pullman. Son uniforme français, laisse moins de place au doute que son look « so british » :
- Commandant Richard ? Capitaine Fixin Malet !
- Très heureux capitaine, asseyez-vous ! Je suis au Whisky, prendrez-vous la même chose ?
- Bien volontiers ! Par curiosité, comment m’avez-vous trouvé ?
- Le Major von Riegsburg, a souhaité que vous soyez témoin dans son procès !
- Et vous attendez de ma part, que je sois un témoin à décharge naturellement !
- Bien entendu ! Pourquoi ? Il pourrait en être autrement ?
- Disons, que j’ai toujours entretenu avec le Graf des relations un peu spéciales et parfois ambiguës !
- À cause de votre sœur, je suppose ?
- Je vois que vous êtes au courant ! Oui, mais pas seulement !
- C’est-à-dire ? le commandant se montre intrigué.
- Comme vous devez le savoir nous nous sommes rencontrés à Paris en 1940 ! Je venais d’être nommé lieutenant, officiellement je faisais partie du BMA (Bureau des Menées Antinationaliste), une antenne du 2e bureau de Vichy, et officieusement je travaillais pour le BCRA de Londres ! Manfred von Riegsburg, était mon interlocuteur direct ! Richard me coupe.
- Je sais tout ça ! Justement, votre passé, plaide en sa faveur !
- Oui, mais il y’a ma sœur ! Je suppose que si vous êtes au courant, la cour doit l’être aussi ?
- Je n’ai pas l’intention de finasser sur le sujet ! Effectivement de premier abord, cela peut représenter un obstacle pour la défense, mais je crois pouvoir retourner le problème en avantage, pour notre cause !
- Que risque-t-il ?
- Il n’est jugé aujourd’hui, que pour ses activités en France ! Avec un risque de prendre 20 ans de prison, voire la perpétuité ! Je hausse le ton.
- C’est incroyable, ce n’est pas un nazi ! Il n’était dans l’Ahbwer en France, que le subordonné des Colonels Rudolf* et Garthe* !
- D’autant qu’Arnold Garthe et Friedrich Rudolf, ont pu se mettre à l’abri des ricains grâce aux dossiers qu’ils avaient réussis à réunir sur les soviétiques ! Je sais bien que le Graf, ne peut pas prendre à son compte toutes les exactions de l’Ahbwer ! Pourquoi croyez-vous, que j’aie pris la défense de von Riegsburg ! Mais passons à table voulez-vous !