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Fin 1949, la 4e République, traverse son existence au rythme des scandales, "l'affaire des Généraux" devient la partie émergée de l'iceberg. Au milieu de cet imbroglio politico-judiciaire, Pierre Malet, bien malgré lui, se retrouve au coeur de l'action. Le crime crapuleux et sanglant s'invite bientôt dans l'affaire, entre espionnage et trahison. Pierre, va devoir faire un nouveau voyage en Indochine, pour un dénouement pour le moins inattendu.
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Seitenzahl: 314
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Du même auteur : Les sacrifiés de l’an 40.
Édition BoD, septembre 2021.
: Nom de code Grenelle.
Édition BoD, février 2022.
: La grande invasion
Édition BoD, septembre 2022.
: Direction guerre froide
Édition BoD, février 2023.
: Les méandres du Mékong.
Édition BoD, septembre 2023.
Introduction
Chapitre 1 : Qui ? Détective
Chapitre 2 : Le bourreau de Béthune
Chapitre 3 : Le rapport Revers
Chapitre 4 : Orchestre funèbre
Chapitre 5 : L’étrange Monsieur Peyré
Chapitre 6 : L’affaire des généraux
Chapitre 7 : Le jour du crime
Chapitre 8 : Peyré. Le grand déballage
Chapitre 9 : Dernier hommage
Chapitre 10 : Le jour d’après
Chapitre 11 : L’ombre d’un doute
Chapitre 12 : Usurpation d’identité ?
Chapitre 13 : Le faux N’Guyen Do Daï
Chapitre 14 : L’enquête en sous-marin
Chapitre 15 : Agent triple
Chapitre 16 : L’heure des comptes
Chapitre 17 : Quand la presse s’en mêle
Chapitre 18 : La commission en folie
Chapitre 19 : La remobilisation
Chapitre 20 : Dans la peau de Philippe Magnan
Chapitre 21 : « Tonton », le tonkinois
Chapitre 22 : A la poursuite de l’Ombre Rouge
Chapitre 23 : Garde à vue
Chapitre 24 : Dans les fastes de la République
Epilogue : Les conséquences
Été 1949, plus de deux ans se sont écoulés, depuis le retour de Pierre Malet et de Frida Dupire d’Indochine. Ils ont tous les deux quitté l’armée. Pierre a fait son retour à la D.S.T avec la fonction de commissaire, pendant que Frida trouve une place de secrétaire de rédaction dans un journal.
« Qui ? Détective », un héritage d’après-guerre de l’hebdomadaire « Détective » fondé en novembre 1928 par les frères Joseph et Georges Kessel. Consacré essentiellement aux faits divers, le journal aborde également, faits de société et politique. Son côté iconoclaste, irrite certains. Néanmoins la qualité de ses écrits, sous la plume de François Mauriac, André Gide, Georges Simenon, Francis Carco ou Albert Londres, ne peut souffrir de la moindre contestation.
Face à ses détracteurs, Joseph Kessel répond « le crime existe, c’est une réalité, l’information vaut mieux que le silence ! » Le récit qui suit, confirme le postulat de Kessel où la presse s’efforce d’éclairer, les cachotteries et les mensonges « de la réelle politique ».
Comme dans les ouvrages précédents, afin d’éviter toute ambiguïté, sur des propos ou des situations imaginaires, les personnes physiques décrites dans ce roman ayant vécu ces événements, sont marquées d’un *. Pour la fluidité du roman, certaines dates sont changées. Néanmoins les textes et dialogues rapportés « dans l’affaire des généraux », s’efforcent de rester fidèles au récit de Philippe Bernert dans « Roger Wybot et la bataille pour la DST ».
Lundi 29 août 1949, les aoûtiens s’apprêtent à reprendre le travail, pendant qu’au volant d’une Jaguar cabriolet, un chauffeur cherche désespérément un endroit pour se garer. Il est vrai qu’à deux pas de la gare Montparnasse, les retours de vacances, ne favorisent pas le stationnement. Le chauffeur, finit par trouver une place dans la rue du Texel.
Un homme jeune descend du bolide. Il est plutôt bien mis, pour les amateurs de Zazous. Porte une veste en tweed déstructurée, sur un pantalon long, large et trop court, découvrant des bottines à semelles épaisses. Sa chemise ouverte, blanche immaculée, se voit rehaussée d'un foulard multicolore. Bref, il ne manque que le parapluie pour compléter la panoplie.
Après avoir pris soin de mettre ses lunettes, sur ses cheveux blonds, bouclés mi-long, il se débarrasse de ses gants de conduite, avant de saisir une serviette de cuir et un journal posé négligemment sur le siège passager. Puis il déboule sur le pavé d’un pas alerte, pour se rendre rue Vercingétorix. Il s’arrête à la hauteur du numéro 26, un bâtiment banal, simplement identifiable par une plaque en métal doré portant l’inscription « Éditions Nuit et Jour ».
Il pousse la lourde porte en bois de l’immeuble, pour s’engouffrer sous un porche et sans même saluer la concierge, monte sur sa droite quatre à quatre les marches d’un escalier jusqu’au deuxième étage. Le voilà arrivé à sa destination, la rédaction de « Qui ? Détective ».
Dans les bureaux, au milieu du crépitement des machines à écrire, il s’adresse à l’assistance d’un ton guilleret.
- Bonjour Frida, bonjour à tous ! Le « boss » est-il là ?
- Bonjour Monsieur de la Parent ! Oui Monsieur Barois* est présent, mais il est en conférence de rédaction !
- Bon ce n’est pas bien grave, je vais attendre ! il pose nonchalamment une fesse sur le bureau de Frida, tout en lui tendant son journal.
- Avez-vous lu mon dernier article sur l’affaire du petit Bernard Perrin, c'est sorti en kiosque ce matin ?
- Vous savez très bien Monsieur de la Parent, que je suis tenue de lire tous les articles avant leurs impressions !
- Frida, vous pouvez m’appeler « Jean Hub » ! Et alors qu’en avez-vous pensé !
- Pas mal ! Le chroniqueur, marque un mouvement d’étonnement en se dressant sur ses deux jambes.
- Comment ça pas mal ? Vous voulez dire génial !
- N’exagérons rien ! Je vous rappelle que pour l’instant, ni vous ni la police, ne savez où se trouve le gamin !
- Au fait Frida ça vous dirait d’aller faire un tour un de ces quatre, dans mon XK 120 ? Intérieur cuir Connolly, couleur fauve, 6 cylindres, 160 chevaux, plus de 200 km/heure…
- Dites-moi, « Jean Hubert », vous êtes journaliste, ou vendeur de voitures d’occasion ?
- Mais enfin Frida, je ne comprends pas ? Aucune jolie fille comme vous, ne peut résister à une pareille proposition !
- Vous oubliez juste un détail, je suis mariée !
- Ah bon, non je ne savais pas ! Je constate que vous ne portez pas d’alliance ?
- Je ne peux pas tout vous dire ! J’ai une existence un peu spéciale et compliquée en ce moment, avec un fils de deux ans et une belle fille de six ans ! Mais si vous voulez, vous pouvez toujours inviter Pierre, la personne avec qui je partage ma vie, il sera certainement très intéressé par votre Jaguar ! « Jean Hub », ne se démonte pas.
- Pourquoi pas ! Et votre Pierre, que fait-il dans la vie ?
- Il est commissaire à la D.S.T !
- Vraiment ? Mais c’est très intéressant !
- Ah non, Jean Hubert, là je vous vois venir ! Vous ne tirerez aucune information, venant de sa part !
Jean Barois, le rédacteur en chef, finit par sortir de sa conférence : « Ah, de la Parent, vous êtes arrivé ! Je vous attendais, passons dans mon bureau, voulez-vous ! » Le beau parleur accaparé, Frida peut se consacrer de nouveau à son travail.
Vingt minutes plus tard, les deux hommes font une nouvelle incursion dans la salle de rédaction. Jean Hubert, ne s’éternise pas et salue tout le monde à la volée. « Le boss » en profite pour se tourner vers Frida.
- Le « pinup-boy » ne vous a pas trop importunée ? Frida sourit.
- Qui ça, « Jean Hub » ? Oui c’est vrai, il est un peu collant, mais il m’amuse avec sa méthode de drague un peu lourdingue ! Vous n’avez pas l’air de beaucoup l’apprécier ?
- J’ai horreur, que l’on m’impose un collaborateur !
- Ah bon et qui a pu se le permettre ?
- Jacques Chaban Delmas en personne ! Comme vous le savez, nous appartenons depuis la fin de la guerre au Groupe Beyler ! Par contre, vous ne savez sans doute pas, qu’André Beyler s’est associé au maire de Bordeaux, pour reprendre l’hebdomadaire ! (Historique).
- Cela dit, de la Parent, possède tout de même une sacrée plume ! Vous avez-vous même reconnu, qu’il avait bien mené son investigation dans l’affaire « Marie Besnard », en juillet dernier ! le patron s’assombrit soudain et marque un temps d’hésitation avant de répondre.
- Certes ! Mais je méfie toujours des gens, qui exerce une profession comme un loisir, parce qu’ils n’ont pas besoin d’argent pour vivre !
- Son titre de noblesse, remonte à qu’elle moment ? Période napoléonienne ? Barois explose de rire.
- Vous rigolez ? Son père, s’appelle en réalité Jean Lapparent très gros propriétaire de filatures à Roubaix ! Du côté de sa mère, également roturière, la famille possède une exploitation vinicole importante à Paulhac, d’où sa relation avec Chaban ! Il n’y a rien de plus facile pour s’acheter une particule, lorsque l’on est bourré de fric ! Jean Hubert est fils unique, les parents et les grands parents se montrent très généreux à son égard ! Sa mamie bordelaise, lui a même payé sa Jaguar dernièrement ! Frida, semble déçue et se ferme.
- Je vois !
- Mais dites-moi Frida, je ne sais pratiquement rien de vous, j’ai cru comprendre que vous aviez un fils ?
- Ah vous aussi, vous vous intéressez à ma vie privée ? Oui j’ai un fils de deux ans Aloïs et je partage ma vie avec Pierre, qui a lui-même une fille Marie, âgée de six ans !
- Mais vous n’êtes pas mariés ensemble ?
- C’est une longue histoire ! J’ai connu Pierre en janvier 45, lorsque la DST a vu le jour ! J’étais dans l’armée, je servais d’auxiliaire à Monsieur Wybot ! Pierre était déjà fiancé avec Mathilde, la petite Marie avait deux ans ! Pierre et Mathilde se sont mariés, peu de temps après ! Puis au gré des mutations, nous nous sommes retrouvés d’abord à Berlin, puis en Indochine fin 46 ! Mathilde a été enlevée peu de temps après à Hanoï par le vietminh ! Toutes nos tentatives pour entrer en contact avec elle, sont restées vaines ! Il semble que Mathilde, se soit accoutumée volontairement de la vie vietnamienne ! Depuis nous n’avons plus aucune nouvelle !
- Histoire singulière ! À priori, pensez-vous qu’elle puisse être toujours vivante ?
- Effectivement, le doute subsiste ! De ce fait, Pierre et moi nous n’avons pas pu nous marier à ce jour !
- Et depuis ?
- Nous avons tous les deux quitté l’armée, pour rentrer en France en mars 47 ! Pierre, est retourné travailler pour la DST et moi je suis tombée enceinte ! Vous connaissez la suite !
- Votre ami, a une situation relativement confortable ! Trouvezvous une réelle motivation, pour votre travail de secrétaire ?
- Financièrement, je n’ai pas besoin de travailler ! Mais je ne me vois pas passer mes journée à m’occuper uniquement de mon fils et de ma belle-fille ! Lorsque vous m’avez engagée, pour être tout à fait franche avec vous, j’ai sauté sur le job parce que je n’avais rien d’autre ! Je me suis dit Frida, prend ce travail et continue de chercher de ton côté ! Depuis, j’ai pris mes marques et je me sens parfaitement dans mon élément !
- Vous qui avez travaillé avec Roger Wybot, comment pourriezvous le qualifier ?
- Intelligent, avec une grosse capacité de travail, froid déterminé, impitoyable envers lui-même et envers les autres ! Il ne pense qu’au service, et n’a pas de loisir ! Bref, il a parfaitement le profil de l’emploi ! Je me pose toujours la question, de savoir comment Pierre peut s’entendre avec lui ?
- Nous pourrions peut-être consacrer un article sur la DST, lors d’une prochaine édition ?
- Alors là, je ne peux que vous en dissuader ! Les services de renseignement doivent rester secrets, je suis bien placée pour le savoir ! J’ai baigné dans ce milieu, pendant plus de deux ans et demi, depuis je suis toujours soumise à un régime de confidentialité ! Lorsque je retrouve Pierre le soir dans notre appartement, je ne lui pose pas une seule question sur son emploi du temps de la journée !
- Bon, bon, très bien ! je m’en voudrais d’insister ! Désormais, je comprends mieux votre discrétion ! Vieille déformation professionnelle sans doute ?
Pour toute réponse, Frida se contente de sourire.
Mercredi 31 août, Jean Hubert toujours aussi dithyrambique, fait son entrée à la rédaction de Qui ? Détective. Il se précipite sur Frida :
- J’ai réussi à obtenir deux places, samedi soir « à Wagram » pour le combat vedette, Jean Stock, Laurent Dauthuille ! sans lever la tête de ses papiers, la secrétaire lui répond.
- C’est très bien ! Je suis très contente pour vous, j’espère que vous allez passer une bonne soirée ! Le journaliste semble tétanisé par sa réponse et met un laps de temps avant de réagir.
- Eh ben, je pensais que nous aurions pu nous y rendre ensemble ?
- N'y comptez pas ! Vous savez très bien, que j’ai une vie de famille ! sans se démonter « Jean Hub », imagine un autre stratagème.
- Bon dans ce cas, j’ai une solution ! Si Stock l’emporte, je vous invite au restaurant un midi, si c’est Dauthuille vous payez l’addition ! En tout bien, tout honneur, bien sûr ! Frida explose de rire. Mais bien décidée de se débarrasser du charmeur, elle finit par céder.
- Vous savez Jean Hubert, je ne connais pas grand-chose à la boxe, mais si ça peut vous faire plaisir !...
Le reste de la semaine à Paris, s’écoule sans nuage. Il n’en est pas de même à l’international. La presse quotidienne, s’épanche sur l’Union Soviétique, qui annonce officiellement avoir réalisé des essais nucléaires dans l’Oural. La Guerre Froide, monte d’un cran supplémentaire.
Lundi 5 septembre, contrairement à son habitude de la Parent, fait grise mine en arrivant à la rédaction. Frida s’en inquiète.
- Avez-vous passé une mauvaise soirée à la salle Wagram ? Les deux boxeurs, ont sans doute fait match nul ?
- Pire ! l’arbitre a déclaré un « No-Contest », notre déjeuner tombe à l’eau !
- J’avoue Jean Hubert, que je ne comprends pas votre charabia ?
- Un « No-Contest » se décrète, lorsque l’arbitre décide que des irrégularités, peuvent truquer le résultat ! En l’occurrence, il a estimé que « le coin » des deux boxeurs, avait dépassé les bornes du management ! Je ne vous explique pas le tollé dans la salle ! Si vous voulez plus de détails, j’ai acheté « l’Équipe » !
- Ah bon ce n’est que ça ! Frida rit de bon cœur ! Notre resto tombe à l’eau, mais afin de vous consoler, je vous invite pour un dîner un soir à la maison ! Vous qui rêvez de rencontrer Pierre, c’est le moment ou jamais ! Jeudi vous conviendraitil ? « Jean Hub », n’en croit pas ses oreilles et met un instant avant de réagir.
- Oui… Frida ! Bien-sûr…avec plaisir !
Le soir en rentrant dans leur appartement de la rue du Docteur Roux, Frida annonce la nouvelle à Pierre.
- Mon chéri, nous aurons un invité surprise, jeudi prochain pour dîner !
- Ah bon, je peux connaître son identité ?
- Jean Hubert, un collègue du journal !
- Encore un de tes prétendants je suppose ?
- Tout à fait ! Mais tu sais mon chéri, si tu ne voulais pas que ta compagne se fasse draguer, il fallait te mettre en couple avec « un cageot » ! De mémoire, « tes ex » Monique et Mathilde, étaient loin d’être « des thons » également ? Tu as trop bon goût mon amour !
La petite Marie, qui suit la conversation assidûment, intervient.
- Papa, c’est quoi un thon ? Je croyais que c’était un poisson ? Pour le cageot, je n’ai pas compris non plus !
- D’abord ma chérie nous ne devons pas dire « c’est quoi », « mais qu’est-ce que c’est » ? Un cageot et un thon, sont des expressions argotiques, désignant des dames très laides ! Marie réfléchit un instant.
- C’est comme si tu parlais « d’un boudin » ? Frida explose de rire.
- Dis-donc Pierre, elle fait des progrès Marie à l’école ! La petite fille se reprend.
- Mais toi Frida … tu n’es pas un boudin… et tata Jacqueline, non plus ! Pierre, change de sujet.
- Et ce Jean Hubert, comment est-il ?
- Un beau garçon, de bonne famille ! Très démerde dans son boulot et passablement frimeur ! Néanmoins, sympathique et attachant ! Rassure-toi, ce n’est pas mon genre, il est trop jeune pour moi ! Tu sais bien mon chéri, qu’en dehors de toi, je préfère les hommes d’âge mûr ! Pierre sourit.
- Ah oui je sais ! Il te faut un « Bad boy » du style d’Astier de la Vigerie ! (Voir Direction guerre froide).
Jeudi 8 septembre, de la Parent se pointe au domicile de Pierre et Frida, dans une tenue toujours aussi excentrique. Il a troqué sa veste en tweed, pour une autre à large carreaux qu’il porte sur un pantalon garance. Il tend un magnifique bouquet à la maîtresse de maison, et offre une bouteille de Château Grand-Puy Ducasse 1936 à son hôte, tout en précisant :
- Elle vient directement de la propriété du côté de ma mère ! Mais vous n’êtes pas obligé de l’ouvrir aujourd’hui ! Vous pouvez attendre une grande occasion ! Frida sourit.
- Mais Jean Hubert, vous accueillir ce soir, représente pour nous une grande occasion !
Pendant l’apéritif, « Jean Hub » cherche à en savoir un peu plus sur Pierre et son passé.
- Capitaine, j’ai cru comprendre que vous aviez traversé la guerre dans des conditions difficiles ?
- Comme la majorité des français, je suppose ! Et vous personnellement ? Pour une fois de la Parent, répond avec modestie.
- Lorsque la guerre s’est déclarée en 39, je venais d'entrer au lycée à Roubaix ! Puis, je me suis retrouvé à la fac de droit de Lille en 42 ! J’étais surprotégé par ma famille, presque étouffé ! Pour obtenir plus de liberté, j’ai réussi à les convaincre qu’il fallait que je rejoigne la Sorbonne pour mes études ! Nous étions en 44, c’est ainsi que j’ai pu participer modestement à la libération de Paris sur les barricades ! Pierre poursuit « l’interrogatoire ».
- Depuis, pourquoi vous ne vous êtes pas risqué dans le milieu du textile, ou dans le domaine vinicole ? Devenir chroniqueur à « Détective », représente-t-il un choix de votre part ?
- Non, je ne voulais pas retomber sous le joug familial ! Pour le journal, il s’agit d’un pur hasard et d’un peu de piston aussi, il faut bien le dire ! Mais je ne me plains pas, mon travail m’amuse beaucoup ! Frida cherche à le titiller.
- Songez-vous à fonder un foyer ?
- Pour cela, il me faut trouver l’âme sœur ! Pour l’instant je me contente de quelques conquêtes, pas assez nombreuses à mon goût ! Pierre, le pousse dans ses derniers retranchements.
- Avec des femmes mariées aussi ? Jean Hubert soupire.
- Parfois ! Mais jamais, avec des femmes vivant en concubinage ! la réponse, a au moins le mérite de clore le débat sur le sujet. Frida enchaîne.
- Vous n’êtes pas tenté de chercher autre chose ? Un quotidien plus prestigieux « Le Monde » où « l’Équipe », vous qui êtes un passionné de boxe ?
- Je sais bien que « Détective » a parfois une mauvaise réputation ! Sincèrement, je pense que l’hebdomadaire est d’utilité publique ! Nous faisons presque le même métier, tous les deux capitaine !
- Capitaine c’était avant ! Aujourd’hui je suis commissaire ! Sans vouloir dénigrer le travail de la presse, les enquêtes que nous menons chacun de notre côté, n’ont rien à voir !
- Vous savez Pierre, j’en suis beaucoup moins persuadé que vous ! Vous verrez bien qu’un jour, la presse d’investigation et la police finiront par se rejoindre ! Il suffit de trouver simplement le bon sujet, au bon moment !
Le reste de la soirée, se passe dans la plus parfaite décontraction. Après avoir pris congé de Jean Hubert, Pierre fait part de son impression à Frida.
- J’ai trouvé ton pote, beaucoup moins frimeur que tu me l’avais décrit !
- Oui je suis moi-même très étonnée ! C’est la première fois que je le vois aussi posé !
Mercredi 14 septembre, dans le bureau de Jean Barois.
- De la Parent, je viens d’avoir l’info, une femme a été sauvagement assassinée et disséquée hier à Béthune ! C‘est une affaire pour vous !
- Oui chef, puis-je avoir un peu plus de détails ?
- Son corps a été retrouvé au petit matin près d’une église ! Je n’en sais pas plus, pour le reste débrouillez-vous !
Jean Hubert, semble satisfait de retrouver un peu d’action et s’adresse à Frida, en sortant du bureau du patron.
- Je pars pour Béthune ! ça vous dirait une petite sortie sur le terrain ?
- Même si j’en avais envie Jean Hubert, je ne peux pas ! J’ai la prochaine édition à boucler, sans vous reparler de ma vie de famille !
Dès le lendemain, préférant laisser la Jaguar au garage, le journaliste se dirige gare du Nord direction Béthune. Il arrive en début d’après-midi et se rend directement à la morgue. Il fait beau un homme mince en blouse blanche, tire sur une cigarette papier maïs. Sa silhouette désuète, avec une moustache blanche et des petites lunettes rondes cerclées de métal argenté, rappelle étrangement le Maréchal Lyautey.
- Je vous attendais de la Parent !
- Comment m’avez-vous reconnu ?
- On m’a fait de vous une description vestimentaire, ne laissant pas de place au doute !
- Vous êtes le légiste sans doute ?
- Absolument pour vous servir ! Je me nomme, Eugène Boudin comme le peintre, ! Mais je vous préviens le tableau n’est pas beau à voir ! De plus, j’ignore quelles relations vous entretenez en haut lieu et je ne veux pas le savoir, je regrette simplement que Monsieur le Sous-Préfet ait pu faire pression sur moi, pour que je vous reçoive ! Nous nageons en parfaite illégalité et je n’ai pas envie, que cela me retombe sur le nez !
- Rassurez-vous, j’aurais la discrétion d’une hyène ! Votre nom, ne figurera jamais dans aucun de mes articles !
Le légiste écrase sa clope et les deux hommes, continuent leur conversation en pénétrant dans le bâtiment. Sur une table, repose un corps recouvert d’un drap blanc. Le doc, dans un premier temps dévoile uniquement son visage. Une belle brune, aux cheveux milongs bouclés semble dormir.
- Francine Malinowski, 22 ans, boulangère de son état ! Jean Hubert sort son Zeïss et commence à photographier. Eugène Boudin proteste.
- Il est hors de question, que vous publiez, des photos prises dans cette salle, dans votre « canard » !
- Ne vous inquiétez pas, je les prends uniquement pour mon enquête personnelle !
- Êtes-vous prêt ? Je vais vous dévoiler le corps de la malheureuse !
Au même moment, le légiste ôte la totalité du drap, découvrant une dépouille horriblement mutilée. Jean Hubert, le visage stigmatisé par l’anatomie de la jeune fille, marque un mouvement de recul, avant de se reprendre et de continuer ses clichés. Boudin, poursuit ses explications.
- Comme vous pouvez le constater ses deux seins ont été découpés et le meurtrier s’est acharné sur le bas ventre !
- D’après vous, a-t-elle était violée ?
- J’ai retrouvé des traces de sperme dans ses entrailles ! Mais contenu de l’état du vagin, il est impossible de dire s’il s’agit de rapports consentis, ou pas ?
- À quelle heure remonte la mort ?
- Dans la nuit de mardi à mercredi, vers minuit ! La cause, un seul coup au cœur, avec un objet pointu, type poinçon !
- Que pensez-vous de ses différentes blessures ?
- Le meurtrier, a employé un outil très tranchant, type rasoir coupe choux, ou un scalpel de chirurgien ! Je ne sais pas s’il peut s’agir d’un professionnel, spécialiste du bistouri, mais les découpes sont plutôt franches et bien faites !
- Je ne comprends pas que la malheureuse, n’ait pas hurlé ! Pensez-vous que l’assassin l’a étouffée avant ?
- Francine, a été retrouvée avec un foulard fortement noué autour de sa bouche ! Aucun son n’aurait pu sortir de sa gorge ! De la Parent continue d’examiner le corps.
- Dites-moi, à part les blessures déjà signalées, je remarque ce cercle important autour du nombril, avec au centre des signes cabalistiques !
- Oui la marque a été réalisée, avec quelque chose de pointu ! Peut-être le même outil qui a provoqué la mort ! Mais cette fois le meurtrier, l’a utilisé comme s’il cherchait à dessiner quelque chose !
- Une chose est sûre, il faut un certain temps, pour tuer, découper et dessiner ?
- Sans aucun doute ! Toutefois, déterminer une durée parait bien difficile ! Tout dépend de l’adrénaline de l’assassin, au moment de passer à l’acte !
- Voyez-vous autres choses, à me dire ?
- Le procureur a confié l’enquête à la gendarmerie, de mon côté il me reste quelques analyses à effectuer !
- Je suppose que pour l’instant les gendarmes, n’ont aucune piste ?
- Je suis légiste ! Les enquêteurs n’ont pas l’habitude de me donner des informations sur leurs investigations, sauf en cas de nécessité !
- O.K doc, merci pour tout ! Dernier point pouvez-vous me donner l’adresse exacte, où le corps a été retrouvé ?
- Dans l’ancienne Église des récollets, 83 rue Delisse-Engrand. !
En sortant de l’institut médico-légal Jean Hubert, prend un taxi pour se rendre sur les lieux. Il demande au chauffeur de l’attendre. L’endroit est désert, il ne reste de l’ancien édifice religieux que des murs, voisinant avec une belle maison bourgeoise. Après avoir bravé le cordon de sécurité, il passe sous une arche de style gothique pour atteindre la nef. De la Parent, finit par tomber sur un mur impacté par des taches de sang. Au même endroit, le sol caillouteux vire au brun rouge. Il en profite pour tirer quelques clichés.
Jean Hubert, comprend mieux désormais, comment le meurtrier a pu prendre tout son temps, dans ce lieu désert et non éclairé pour exécuter sa victime. Seule question, comment a-t ’il pu l’attirer dans un endroit pareil ? De retour au taxi, il retrouve le chauffeur particulièrement nerveux :
- Je n’aime pas du tout ce que vous faites !
- Ne vous inquiétez pas, je suis journaliste ! il sort au même moment quelques billets de sa poche et lui tend. Tenez attendez-moi encore, vous en aurez le double lorsque j’aurai terminé !
Le chroniqueur, se rend ensuite à la maison bourgeoise, dont il tire la sonnette de la porte d’entrée pour signaler sa présence. Une jeune bonne vient lui ouvrir.
- Bonjour, je travaille pour le journal « Détective » !
- Désolée, mais Madame et Monsieur sont sortis, je ne peux rien vous dire !
- Juste une question, étiez-vous présente dans la maison dans la nuit de mardi et mercredi dernier ?
- Si c’est pour le crime, les gendarmes m’ont déjà posé la question ! Personne n’a rien vu, ni rien entendu !
Déçu par son enquête de voisinage, Jean Hubert retourne à la voiture : « Chauffeur, direction la gare merci ! »
Vendredi 16 septembre, Frida se montre très intéressée par le voyage de Jean Hubert en Artois.
- Avez-vous pu avancer sur le crime de Béthune ?
- Je suis en train de pondre l’article ! Il n’y a pas le feu, l’édition de lundi est déjà bouclée ! Nous ferons paraître, mon papier dans une semaine ! il ouvre son cartable dont il extrait un dossier. J’ai passé la moitié de la nuit, à mon domicile à développer des photos ! Frida écarquille de grands yeux.
- Quelle horreur !
- Je voudrais que vous examiniez, plus particulièrement celleci ! la secrétaire, se penche sur le cliché représentant le cercle avec les signes cabalistiques.
- C’est curieux, on dirait que son auteur a cherché à représenter le symbole vietnamien du bonheur ?
- C’est exactement, la question que je me suis posée !
Puis Frida examine les autres photos, avant de passer un long moment sur le visage de Francine Malinowski. Son teint devient blafard, Jean Hubert s’en aperçoit :
- Quelque chose ne va pas ?
- Non rien, simplement une idée stupide, vient de me traverser l’esprit !
Dimanche 18 septembre, Pierre et Frida rentrent tranquillement par le bus, d’une visite effectuée au Musée du Louvre.
Ils sont installés sur la plate-forme arrière, le véhicule étant full capacité à l’intérieur. Rue de Vaugirard, le bus pris dans un embouteillage, Pierre décide de descendre, pour finir à pied le chemin le séparant de son domicile. Il cherche vainement à ouvrir la chaîne, donnant l’accès à l’arrière du bus. Un jeune vietnamien placé à ses côtés, s’en amuse et commence à sortir des phrases salaces en annamite sur Frida. Pierre se remémore ses souvenirs dans la langue et interpelle le jeune homme :
« Dis donc, tu veux mon poing sur le nez pour te calmer ? » Sans lui répondre, l’asiatique saute à la gorge de Pierre. Ce dernier, lui expédie une droite au menton. Un autre vietnamien, cherche à prêter main forte à son camarade, pendant que Frida essaye de le ceinturer. Dans la panique et au milieu des cris des autres passagers, le receveur se pend à la sonnette, pour demander au machiniste de stopper. Une fois le véhicule à l’arrêt, le receveur profite d’un car de police stationné à proximité, pour interpeller les hommes en uniformes.
Frida, Pierre et les deux vietnamiens, sont embarqués manu militari dans le panier à salade, direction le commissariat du 15e arrondissement. En arrivant Pierre, ne décolère pas. Il est reçu par Roger Pellerin, un inspecteur près de l’âge de la retraite :
- Vous voyez bien, que je suis commissaire à la DST ! le vieil officier de police, qui en a vu d’autres, ne se démonte pas.
- Je sais bien, mais cela ne vous donne pas tous les droits !
- Mon amie et moi avons été agressés ! Dois-je en avertir Roger Wybot ?
- Ce ne sera pas nécessaire, nous n’avons pas l’intention de vous garder !
- Très bien, je veux l’identité de ces deux individus ! Parce que je ne vais pas en rester là !
- Rien ne m’oblige à vous les communiquer ! Néanmoins, comme je sais que vous avez les moyens de vous les procurer, nous allons éviter de perdre notre temps !
- Merci, vous êtes bien aimable !
- Le premier, s’appelle Do Daï Phuoc*, étudiant ! Le second N’Guyen Minh Thuan*, élève au lycée Michelet ! Nous les interrogeons, mais à priori, ils ne font pas partie de nos clients habituels ! Une personne frappe à la porte du bureau.
- Roger, regarde les papiers que nous avons trouvés, dans la serviette de Do Daï Phuoc ! L’inspecteur écarquille de grands yeux, avant de lâcher.
- Merci Gilbert, je m’en occupe ! Commissaire, vous allez être content, nous allons pouvoir collaborer !
Pellerin tend les documents à Pierre. La liasse de feuillets dactylographiés, porte l’inscription « Ultra Secret » à l’encre rouge. Pierre en commence la lecture, pour s’apercevoir qu’il s’agit d’un rapport rédigé par le général Revers*, chef d’état-major général en Indochine. Pellerin, semble se satisfaire de se séparer d’un problème embarrassant.
- Voyez-vous commissaire, le dossier n’est plus de mon ressort ! Nous passons de « voie de fait », à une affaire d’espionnage ! Je laisse la D.S.T se débrouiller !
- Très bien inspecteur, j’embarque les documents, par contre je vous confie les suspects, au moins jusqu’à demain ! La D.S.T avisera pour la suite !
Lundi 19 septembre, 11 rue des Saussaies dans le bureau de Roger Wybot. Le directeur, prend connaissance des feuillets que vient de lui communiquer Pierre Malet.
- Dites-moi « Grenelle », connaissez-vous le général Revers ? en principe, lorsque Wybot interpelle Pierre, par son nom de guerre, c’est qu’il prend l’affaire très au sérieux.
- Pas du tout ! Je suis parti d’Indochine en mars 1947, il a été promu dans son poste actuel en avril 47 ! De plus je n’ai jamais eu l’occasion de le croiser, dans la résistance pendant la guerre ! Wybot se frotte le menton.
- Nous sommes devant un cas d’école ! Soit ce texte est authentique, soit il s’agit d’un trucage ? J’attends que Do Daï me soit présenté !
- Vous pencheriez pour quelle solution ?
- Je n’en privilégie aucune ! l’idéal serait de se procurer l’original du rapport Revers ! Sauf qu’aujourd’hui, ni vous, ni moi, n’avons accès au « Secret Défense » de l’armée ! Je vais donc faire une demande officielle, à la Sécurité Militaire ! Je vous tiens au courant, en comptant sur votre connaissance de l’Indochine pour la suite !
Pour toute réponse, Wybot reçoit 48 heures plus tard la visite de deux officiers, le commandant Romer* et le capitaine Graff*, chargés d’expertiser le texte.
- Monsieur le directeur, nous allons être obligés d’emporter les documents ! Wybot fronce les sourcils.
- Vous auriez très bien pu apporter un exemplaire du rapport, pour vérifier sur place ! les deux officiers insistent.
- Vous devez savoir que le rapport Revers, est un document ultra secret, que nous ne sommes pas autorisés à vous le montrer ! Et puis, nous ne sortons pas des papiers aussi sensibles par mesure de sécurité ! Rassurez-vous, nous vous les restituons dans le courant de l’après-midi !
Wybot finit par céder à contre cœur. Il décroche simplement son téléphone, pour prévenir Pierre Malet. La journée se passe sans nouvelle des deux officiers. Il finit par les appeler. Rommer confirme qu’il a bien remis les documents à son supérieur le Colonel Roncin* et que désormais il n’a plus accès au dossier. Ce n’est certainement pas le genre de réponse, à faire à Roger Wybot. Furieux, il décroche une nouvelle fois son téléphone pour appeler Roncin.
- Nous ne pouvons pas nous permettre, de laisser traîner des papiers de cette importance ! Wybot hausse le ton.
- Alors vraie, ou fausse cette copie du rapport ?
- Je ne suis pas habilité à vous répondre !
- Néanmoins, vous gardez le document ?
- Parfaitement !
Mardi 20 septembre, Pierre Malet à son bureau reçoit la visite de son directeur.
- Grenelle, vous vous bougez pour aller faire le siège du chef de la sécurité militaire, le colonel Bonnefous* ! Je veux récupérer notre exemplaire du rapport Revers !
- Très bien, je m’en occupe sur le champ !
Aussi dit aussitôt fait, Pierre se rend dans un endroit qu’il connaît parfaitement, la caserne du boulevard Mortier. Les quelques relations qu’il a pues garder, lui permettent d’accéder au colonel Bonnefous, sans trop de problèmes. Bien que Malet ne soit plus militaire, il joue le rôle d’un parfait officier subalterne, s’adressant à son supérieur.
- Mon colonel, je pense que vous me connaissez de réputation ?
- Tout à fait, je sais qu’il y’a trois ans vous étiez encore capitaine dans l’armée !
- Non seulement capitaine dans l’armée, mais également accrédité au « Secret Défense » ! D’autre part, comme vous le savez, cette accréditation m’impose un devoir de confidentialité de cinq ans minimum, après avoir quitté l’armée !
- Oui, je ne vois pas où vous voulez en venir ?
- Mon patron Roger Wybot, considère que le rapport Revers, peut représenter un danger pour la sécurité intérieure de la France ! le colonel marque un temps mort et se demande, comment va-t-il pouvoir se sortir de cette situation.
- Nous avons reçu des consignes, émanant de l’état-major du général Revers !
- Je comprends parfaitement, que le général Revers ne supporte pas une divulgation inquiétante de son rapport !
- Mais, je sens que vous allez me rétorquer, que le directeur de la D.S.T, ne va pas me lâcher ! Pierre, continue de dérouler son argumentaire, en s’efforçant de ne pas froisser Bonnefous.
- Mon colonel, nous sommes contraints de faire la lumière sur des fuites très graves ! Si l’affaire éclate au grand jour, plus d’une personne sera éclaboussée !
L’officier, finit par prendre une décision et décroche son téléphone :
- Sergent, veuillez demander au colonel Ronchin de vous confier le rapport Revers et merci de me l’apporter immédiatement !
Le sous-officier s’exécute rapidement. Solennellement, le colonel s’adresse à Malet :
- Voici le document, il s’agit uniquement d’un prêt ! Vous devez me le rapporter, sans faute demain à 15 heures au plus tard !
Le feuilleton, ne va pas tarder de continuer…
Mercredi 21 septembre, Frida fait une dernière lecture de la prochaine édition de « Qui ? Détective », dont la parution doit sortir en kiosque lundi prochain. De la Parent, a confié la couverture du magazine au jeune dessinateur Angelo Di Marco*, sous le titre « Le bourreau de Béthune ». La secrétaire, demande confirmation pour les derniers réglages :
- Jean Hubert, vous êtes sûr de préférer le dessin « pour la Une », plutôt qu’une de vos photos ?
- J’ai promis au légiste de ne pas divulguer les clichés tirés à l’institut ! Nous devons nous contenter de la photo, prise dans la nef de l’ancienne église, à placer au cœur de l’article !
- Bon très bien, je porte la maquette au boss, pour validation !
Dans le même temps rue des Saussaies, Roger Wybot procède à l’interrogatoire de Do Daï. Le patron de la DST, a demandé à Pierre Malet de rester à l’abri derrière une glace sans tain, pour éviter un nouveau pugilat avec le jeune asiatique.
Pierre profite en même temps, pour s’informer sur la mission du général Revers en Indochine. À Paris, le gouvernement Queuille*, angoissé par l’évolution des combats et un climat politique défavorable à la France, a missionné Revers pour faire un état des lieux de la situation.
De cette mission de cinq semaines, en découle son fameux rapport ultra-secret décrivant la situation politique et militaire du moment. Un luxe de précautions, est pris pour l’éditer. Cinquante exemplaires, tous numérotés sont tirés, à destination des plus hauts personnages de l’état. « Les rushes », sont systématiquement détruits. Les documents, sont ensuite distribués sous double enveloppe et acheminés par des officiers de sécurité, pour être remis en main propre à leurs destinataires.
Do Daï fait face à Wybot. Son visage fermé, énigmatique, ne trahit aucun sentiment. Toutefois, il ne fait aucune difficulté à reconnaître qu’il est sur Paris, un des représentants les plus actifs d’Hô Chi Minh. Deux fois arrêté par l’armée française en Indochine, sans condamnation, ce révolutionnaire de 26 ans a beaucoup bourlingué. Après un passage par Londres, il s’inscrit à la Sorbonne. Il se spécialise dans la pénétration des milieux étudiants. Dans ses activités diversifiées, il fut délégué au congrès des Jeunesses communistes à Budapest. En France, il devient président de l’Association des étudiants vietnamiens.
Do Daï, se montre plutôt vantard sur ses activités, mais refuse systématiquement d’indiquer les circonstances, qui lui ont permis de récupérer le rapport. Avec un petit sourire narquois, rappelant Tran à Pierre Malet (Voir les méandres du Mékong), il fait comprendre à Wybot, que c’est à lui de le découvrir et ne dévoile rien sur la personne qui lui a transmis le document. Le directeur abat sa dernière carte, en mettant sous le nez de l’étudiant, son agenda bourré d’annotations en code.
- Tu peux me donner leurs significations ? Do Daï reste figé et dit simplement.
- Notre entretien est terminé ! Loin de satisfaire Wybot, ce denier fronce les sourcils et martèle.
- Tu vois derrière cette vitre, j’ai un expert du décodage ! Une épée, une lame ! Tu viens de perdre la dernière occasion, de te donner des circonstances atténuantes !
Wybot interrompt l’interrogatoire, avant de rejoindre Malet, pour lui tendre le carnet.
- Qu’en pensez-vous Pierre ?
- À première vue, il s’agit d’un « Vigenère » ! Laissez-moi quarante-cinq minutes, le temps de casser la clef !
Trente minutes plus tard, « le Champollion » de la D.S.T, a effectué le travail et peut rendre sa copie à son directeur. Wybot, chose rare, affiche un grand sourire en découvrant les noms et adresses.
- Il s’agit de « la petite bande » de l’avenue du Parc, à Vanves ! Cela fait plus de deux ans, que je traque ce nid de Viêt ! Voyez ce nom Mai Trung Thu*, ce type tire les ficelles de toute cette vermine ! Vous avez l’air songeur ?
- Non, je me remémore simplement tout le cirque qu’a pu nous faire la sécurité militaire, alors que ce rapport devient véritablement un secret de polichinelle !
- Bon, il faut avancer ! Je vais demander une commission rogatoire, afin de perquisitionner tout dans ce petit milieu, sans rien laisser au hasard !
Le soir rue du docteur Roux, Frida pour une fois, se montre curieuse vis-à-vis de Pierre :
- Mon chéri, où en es-tu sur l’affaire du bus ?